Patrimoine et inventaire de Nouvelle-Aquitaine

Prévue et demandée dès les premières lettres patentes de 1665, l'école d'art liée à la manufacture royale de tapisserie d'Aubusson ne vit réellement le jour qu'avec l'ordonnance du 18 janvier 1742, adoptée sur proposition de l'intendant de la généralité de Moulins. Elle prit alors la forme de deux écoles de dessin, comptant douze élèves chacune. Sous la direction du peintre du roi, Jean-Joseph Dumons, l'enseignement y fut confié à deux peintres locaux, François Roby et Gilbert Finet.

Supprimée à la Révolution, cette école fut rétablie en 1869, sous la forme d'une école municipale de dessin industriel de dix élèves.

Par convention du 20 mai 1884, passée entre la municipalité d'Aubusson et l'Etat (Ministère de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts), et par décret du 31 mai 1884, elle fut transformée en établissement national, qui prit le titre d'Ecole Nationale d'Art Décoratif (ENAD). Destinée à former des lissiers de basse lisse et à recevoir les peintres désireux de perfectionner leur art en vue de sa réalisation en tissage de basse ou de haute lisse, elle fut installée sur les terrains de l'ancien couvent des Récollets, à proximité du palais de justice et de la prison, dans un bâtiment à un seul niveau de facture classique, surmonté d'un fronton triangulaire.

L'enseignement s'y décomposait en trois sections : élève lissier, stagiaire lissier et peinture murale, accessibles par concours. Toutes les matinées de travail étaient réservées à la pratique assidue du tissage ; quant aux après-midis, ils comportaient des plages de disciplines artistiques plus généralistes (dessin, étude d'après nature, histoire de l'art). Dès sa première année d'ouverture, l'école compta 220 inscrits (88 filles et 122 garçons). A partir de 1885, des cours de broderie, de savonnerie et de chimie tinctoriale vinrent compléter la liste des enseignements proposés. Tous les ans, des prix venaient récompenser les meilleurs élèves.

Dans les années vingt, les directeurs de l'ENAD, Marius Martin et surtout Elie Maingonnat, œuvrèrent avec force et conviction pour la rénovation de l'art de la tapisserie. Ils prônèrent le retour au tissage à tons limités, aux battages et aux passages de tons d'après des modèles expressément conçus pour la tapisserie à gros points - voulant démarquer cet artisanat d'un simple fac-similé de la peinture de chevalet. L'ENAD remporta ainsi un large succès à l'Exposition internationale des Arts Décoratifs et Industriels modernes de Paris, en 1925, ainsi qu'à l'Exposition internationale de Barcelone, en 1928. Peu à peu, l'ENAD en vint à représenter un centre d'innovations largement reconnu pour son dynamisme. Elle joua un rôle non négligeable dans la remise au goût du jour de la tapisserie d'art, dont Jean Lurçat contribua à relancer le travail avant la Seconde Guerre Mondiale.

En 1950, l'ENAD fusionna avec l'Atelier-école de tapisserie, créé en 1946 à des fins d'apprentissage et relevant du Mobilier National. Installée à proximité de son emplacement actuel, mais dans des locaux exigus et délabrés, elle réclamait un trop coûteux entretien. Dès 1961, la mairie d'Aubusson envisagea donc la cession gratuite à l'Etat des terrains nécessaires à sa reconstruction, à condition que ce dernier prenne en charge l'opération. L'école fut ainsi réédifiée sous l'égide de l'Etat entre 1961 et 1968, sur des plans fournis par l'architecte Robert Danis. Une première tranche de travaux, comportant le bâtiment de l'externat, fut achevée en 1968. L'Ecole, provisoirement installée dans des baraquements de l'île de Juillet, prit possession de ses locaux flambants neufs en janvier 1969 - la totalité de la structure occupant 10 000 mètres carrés, avec de vastes ateliers, des salles d'exposition, un amphithéâtre, une bibliothèque. Une deuxième tranche de travaux démarra en 1974, pour la construction de l'internat, en fond de parcelle, sous la direction de l'architecte Caradec. Le chantier global s'acheva en 1979.

En 1965, le conseil municipal, conformément à sa promesse, avait cédé à l'Etat la place Villeneuve et quelques parcelles voisines, acquises auprès des familles Branle et Mournetas, pour permettre la réédification de l'école. Elle s'accompagna de la destruction du tribunal, du kiosque à musique, ainsi que de la suppression de la prison qui occupaient auparavant cet emplacement.

Le dernier changement de statut a vu la transformation de l'Ecole nationale d'art décoratif en Ecole nationale supérieure des arts de Limoges-Aubusson.