Château de Mortagne, centre de vacances, actuellement maison

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Site stratégique sur les bords de l´estuaire de la Gironde et pour la Saintonge, Mortagne et son château ont été assiégés à maintes reprises au cours du Moyen Age. En 1037, Guy-Geoffroy, comte de Poitou, poursuivant Foulques 1er, comte d´Angoulème, fait le siège de Mortagne. En 1338-1339, Goeffroy de Beaumont, vicomte d´Aunay et seigneur de Mortagne, soutient victorieusement un long siège face aux Anglais. En 1346, ceux-ci, menés par Henri de Lancastre, comte de Derby, débarquent à Bayonne après la bataille de Crécy, constituent une armée à Bordeaux, et prennent le château de Mortagne. Derby y laisse une garnison, puis continue vers le nord, pille Poitiers, et revient à Bordeaux. Pendant un siècle, Mortagne reste sous domination anglaise. Les cadets de la Maison de Pons continuent à recevoir le titre de seigneur de Mortagne, sans pouvoir en bénéficier réellement. A la tête de dix-sept forteresses en Saintonge, les seigneurs de Mortagne n´en affirment pas moins leur puissance.

En 1374, les Français s´emparent du Poitou et de la Saintonge, mais la place de Mortagne est reprise par les Anglais dès 1375. En 1377-1378, le roi de France envoie Owen ou Yvain de Galles, cadet d´Angleterre acquis à sa cause, assiéger le château. Selon les chroniques de Froissart, Yvain de Galles établit quatre bastilles autour du château, dont une sur les barbacanes et une autre sur le bout d´une roche au bord de la Gironde. A l´été 1378, Yvain de Galles est assassiné par son valet, Jacques Lambe. Il est inhumé dans la chapelle d´une de ses bastilles, dite de Saint-Léger. En 1407, les Anglais sont chassés par le connétable d´Albret et par Renaud, sire de Pons. Les habitants de Saint-Jean-d´Angély, sur lesquels les Anglais faisaient peser un subside ou "patis" pour l´entretien du château de Mortagne, viennent démolir ce qui reste de la forteresse. Malgré tout, le seigneur de Mortagne, François de Montbron, époux de Louise de Clermont, est fait prince de Mortagne.

Le château subit un nouvel assaut en 1580, pendant les guerres de Religion. Les troupes protestantes, dirigées entre autres par Agrippa d´Aubigné, s´en emparent "à l´aide d´échelles qu´ils placèrent le long du rocher, du côté de la rivière, durant une nuit des plus obscures et à la faveur du bruit extraordinaire occasionné par les flots très fortement agités sur ce point de la côte". Le 16 mai 1622, Louis XIII couche au château de Mortagne, chez le maréchal Charles de Matignon, revenant de reprendre Royan aux protestants, et avant d´aller assiéger Mirambeau. Inoccupé par les princes de Mortagne depuis des décennies, le château n´est plus qu´un lieu de garnison, une forteresse en ruines qui suit la succession des princes de Mortagne jusqu´à la Révolution.

Il ne reste presque rien de la période médiévale du site, si ce n'est, peut-être, les salles souterraines situées à l'est, débouchant au-dessus de la rue du Port. De la chapelle, située à l'emplacement actuel de la piscine, seuls quelques chapiteaux sculptés ont pu être conservés. La toponymie témoigne peut-être aussi de certains aménagements anciens, comme "les Palissières", qui peuvent rappeller d´anciennes palissades surplombant les douves. Il faut noter aussi qu´en juin 1909, la terre des barbacanes, au nord-est du château, fut descendue pour combler et élever la rive gauche du port nouvellement élargi. On trouva alors un canon enfoui dans la terre, ainsi que trois pierres tombales brisées.

Les ruines du château figurent sur le plan de Mortagne établi au début du 18e siècle par l'ingénieur Claude Masse. Au nord et à l'est (le long des actuelles rue du Port et route de l'Estuaire), ce plan mentionne des fortifications (remparts, tours), complétant la défense naturelle du promontoire au sud et à l'ouest. Le plan indique aussi que l'accès principal du château s'effectuait non pas par le nord comme aujourd'hui (où se trouvaient des fossés, le long des remparts), mais par une porte à l'est, au niveau de l'actuelle rue du Port (repère I sur le plan). La descente voûtée en pierre de taille, les salles souterraines auxquelles elle donne accès, et les restes de maçonnerie visibles un peu plus loin, à flanc de falaise, sont probablement les vestiges de cette ancienne porte et de ses annexes.

Au-pied de cette porte, un chemin sinueux reliait le bourg et le port (repère X). La rue du Port en a repris en partie l'itinéraire à la fin du 18e siècle pour améliorer cette liaison. Au-delà de ce chemin (repère D, là où se trouvent la place Bel Air et le camping), un poste avancé ou "barbacanes" occupait le promontoire qui domine le port et l'ancien château, de manière à mieux protéger ce dernier. Cet avant-poste était délimité à l'est et au nord (repère E) par un chemin creux ou "douves " (le nom d'une rue à proximité en garde le souvenir). Ce chemin très abrupte constituait, tant bien que mal, la liaison principale entre le bourg et le port, jussqu'à la construction de la rue du Port à la fin du 18e siècle.

A l'intérieur du périmètre du château, Claude Masse mentionne plusieurs bâtiments sur son plan. Au centre (repère G), le logis était un bâtiment de plan en L. L'aile sud, là où s'élève l'essentiel de la maison actuelle, était alors en ruines. L'aile nord se prolongeait plus vers l'est qu'aujourd'hui. Tout près de là, vers l'est, se trouvaient la chapelle (repère H) et un petit édifice de plan carré, sans doute un pigeonnier devenu belvédère par la suite. D'autres bâtiments s'étendent à l'ouest du logis (repère F).

En 1794, l'ancien château, saisi comme bien national, est vendu aux enchères à Etienne Goy, maçon à Mortagne, pour 12500 livres. La vente, qui concerne aussi les douves et les barbacances, mentionne le logis (avec plusieurs pièces, cuisines, cabinets, vestibule, cave, greniers), des dépendances (écuries, chais, cuviers, treuils et pressoirs, toits, granges, distillerie), une maison de bordier et une prison. Lorsque le plan cadastral de Mortagne est établi en 1832, il ne reste que peu de choses du château. Le logis a perdu une grande partie de son aile nord, les ruines de la chapelle ne sont même pas mentionnées, tandis que le petit pigeonnier apparaît à côté.

Au début du 19e siècle, l'ancien château appartient à Jean Lalande, meunier à Boutenac. Il le vend en 1814 à François Moreau époux Seguinaud, d'Epargnes, et à Jean Romain Garnier, de Brie-sous-Mortagne. En 1823, Jean Joseph Moreau époux Raque, marchand de bétail, demeurant sur le site de l'ancien château, héritier de François Moreau, cède sa part au brigadier de gendarmerie Baptiste Lantelme, en poste à la Rive. Garnier l'imite en 1827. En 1843, Lantelme, désormais en retraite, propose sa propriété au Département pour y installer la brigade de gendarmerie. La création d'une brigade à pied rend en effet insuffisante la maison occupée par la gendarmerie dans le bourg. La gendarmerie intègre donc l'ancien château, loué auprès de Lantelme. Brièvement supprimée, la brigade est rétablie en 1867 et s'installe alors dans la maison de M. Cormier, près de l'église (12-14 rue de l'Eglise). Elle revient cependant dans l'ancien château dès 1872. Le site appartient alors au fils et héritier de Baptiste Lantelme, Théodore, négociant à Saintes, qui, selon le cadastre, procède à une augmentation de construction en 1876. En 1895, la gendarmerie quitte définitivement les lieux, trop isolés, pour s'installer dans le bourg (14 Grande Rue, actuel magasin d'alimentation).

Après le départ de la gendarmerie, le logis connait d'importants remaniements au cours du 20e siècle. Le cadastre mentionne d'ailleurs une augmentation de construction en 1930. Une tourelle polygonale est ajoutée au logis à l'ouest, ainsi qu'un avant-corps à trois pans, supportant une terrasse, au sud. L'ancien pigeonnier est transformé en belvédère (il figure encore avec son toit à longs pans sur une carte postale des années 1910-1920), et des balustres sont installées sur le côté sud du site, surplombant le port et l'estuaire de la Gironde. Dans la seconde moitié du 20e siècle et jusque dans les années 2000, le site accueille un centre de vacances, d'où la construction de nouveaux bâtiments autour de l'ancien logis et le creusement d'une piscine à l'emplacement de l'ancienne chapelle.

Périodes

Principale : Moyen Age (incertitude)

Principale : 19e siècle

Principale : 20e siècle

Auteurs Auteur : auteur inconnu,

Le site de l'ancien château est accessible au nord-est par une allée sur laquelle ouvre un portail à piliers maçonnés, avec porte piétonne à côté. Un second portail à piliers maçonnés délimite une cour enherbée qui s'étend vers l'est du logis. Ce dernier, situé au centre du promontoire, comprend un corps principal, à un étage, couvert d'un toit à croupes. Son extrémité nord se prolonge par une ancienne dépendance, le tout formant un L. La façade est du logis présente quatre travées d'ouvertures (dont deux portes-fenêtres à l'étage donnant sur un balcon), ainsi que des traces d'anciennes ouvertures murées ou de reprises d'ouvertures. Cette façade est construite en moellon et, par endroits, en pierre de taille, notamment autour des ouvertures. Le mur pignon sud, contre lequel est flanqué l'avant-corps à trois pans, est couronné par une génoise. Le mur gouttereau ouest, qui reçoit la tour polygonale, ainsi que le mur nord du bâtiment présentent les mêmes caractéristiques que la façade est (aspect, répartition des ouvertures en travées, traces de reprises, mélange de moellon et de pierre de taille). A l'intérieur, le logis comprend une petite cave, un escalier tournant en bois, un escalier de service, un couloir et plusieurs pièces au rez-de-chaussée. Dans l'une d'entre elles se trouve une cheminée du 18e siècle, engagée dans l'épaisseur du mur, mais dont le décor en boiserie a été repris à la fin du 19e siècle.

Le site de l'ancien château comprend en outre, à l'est du logis, un ancien pigeonnier de plan carré, transformé en belvédère puis remanié, avec une balustre au sommet. Une balustre identique marque l'accès à un escalier en pierre de taille, tout près du belvédère. Sous une voûte en berceau, également en pierre de taille, cet escalier descend vers des salles creusées dans la roche. Plus loin, dans l'angle sud-est du site, on observe d'autres balustres du même type que précédemment, ainsi que des aménagements en terrasse, les vestiges de maçonnerie, et d'anciens boulets en pierre incorporés dans ces aménagements. Enfin, au sud-ouest du logis, à flanc de falaise, se trouvent des cavités troglodytiques qui ont pu servir de carrière de pierre, sinon d'habitat.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

  2. Revêtement : enduit

  3. Mise en oeuvre : moellon

  4. Mise en oeuvre : pierre de taille

Toits
  1. tuile creuse
État de conservation
  1. vestiges
Décors/Technique
  1. sculpture
Décors/Représentation
  1. Representations : volute

  2. Representations : feuillage

  3. Representations : fleur


Précision sur la représentation :

La cheminée en bois à l'intérieur du logis possède un manteau sculpté, orné de feuillages et de fleurs, et encadré par deux colonnettes à chapiteaux feuillagés. Au sommet de la hotte, deux poutrelles soutenues par des aisseliers se terminent par des têtes de diables cornus et barbus.

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Charente-Maritime , Mortagne-sur-Gironde , 12 rue du Port

Milieu d'implantation: en écart

Cadastre: 1832 E 1763, 1764, 1765, 2009 AD 184

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