Présentation de la commune de Saint-Fort-sur-Gironde

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Art roman et prospérité commerciale

Les premières traces d´occupation humaine à Saint-Fort-sur-Gironde remonte à la préhistoire : différents silex, dont une pointe taillée, ainsi qu´une hache polie y ont été mis au jour au 19e siècle. À cette époque, puis sous l´ère gallo-romaine et jusqu´au début du Moyen Âge, les flots battaient encore les coteaux et il est probable que des ports s´égrenaient le long de ce qui constituait alors le rivage (Beaumont, la Crèche, Camailleau). Peut-être qu´au sommet du tertre de Beaumont, un fanal indiquait déjà la côte aux navigateurs (cette hyppothèse logique sur le plan géographique, n´a pu être étayée par des recherches archivistiques ou archéologiques). Une plaque-boucle articulée, de forme triangulaire, a été retrouvée avec une dizaine de sarcophages dans une nécropole au lieu-dit "les Tombeaux". Conservée au Musée de Royan, elle est datée du 7e siècle.

La qualité architecturale des parties romanes de l´église de Saint-Fort témoigne de l´importance du lieu dès l´époque de leur construction, c´est-à-dire le 11e siècle. L´église et Saint-Fort avec elle sont mentionnés pour la première fois en 1136 dans une bulle du pape Innocent II, confirmant la donation de l´église par Guillaume, évêque de Saintes, à l´abbaye de Sainte-Gemme, dépendance de l´abbaye de La Chaise-Dieu, en Auvergne. Saint-Fort est de nouveau cité en 1327 et 1402. Parfois appelé Saint-Fort-de-Cônac, le lieu et sa seigneurie font un temps partie de la baronnie de Mirambeau. La seigneurie est vendue au début du 16e siècle pour moitié à Pierre de Ciret, conseiller du roi au parlement de Bordeaux, et pour l´autre moitié à Jacques de Beaulon, propriétaire du château du même nom, à Saint-Dizant-du-Gua (ces deux parties de la seigneurie seront réunies dans la seconde moitié du 17e siècle par René de Bonnefoy, époux de Renée de Ciret). D´autres petits fiefs gravitent autour de la seigneurie de Saint-Fort : la Vigerie, Usson et les Salles.

À la fin du 15e siècle et dans la première moitié du 16e siècle, Saint-Fort bénéficie sur le plan économique et commercial de sa position en bord d´estuaire. Malgré l´envasement du rivage et la formation des marais, le chenal de Maubert constitue un des points de transition entre l´estuaire et l´arrière-pays saintongeais. Un autre port devait se trouver un peu plus au nord, comme en témoigne le toponyme "Port-Neuf". En juin 1528, une ordonnance royale autorise la tenue d´un marché chaque vendredi au bourg de Saint-Fort. La prospérité de la paroisse, traduite notamment par la construction du clocher vers 1520, est fortement remise en cause par les guerres de Religion, d´autant que parmi les deux co-seigneurs de Saint-Fort, Denis de Beaulon est resté catholique tandis que Jean de Ciret est passé dans le camp protestant. En 1562, l´église est mise à sac par un capitaine et sa troupe.

Saint-Fort jusqu´au début du 19e siècle : une terre prospère

Aux 17e et 18e siècles, Saint-Fort prospère de nouveau grâce à la production et au commerce de blé et de vin. Les cartes de Claude Masse, en 1718, puis de Cassini, au milieu du 18e siècle, établissent la présence d´un peu de vigne (surtout autour du bourg), d´une lande ou garenne (à la place de l´actuelle forêt de la Lande) et de nombreux moulins à vent sur les hauteurs. La plupart des hameaux actuels existent déjà. La paroisse compte environ 1 800 habitants (450 feux) en 1713, 2 000 en 1790. Les marécages en bord d´estuaire restent difficilement accessibles. Ils ne sont réellement exploités que par les bergers et les bouviers des environs qui y envoient leurs troupeaux, selon la pratique médiévale de la vaine pâture toujours autorisée par le seigneur. Au milieu, le chenal de Maubert, près de l´embouchure duquel se trouve un moulin à eau, constitue plus que jamais la tête de pont de l´activité économique et commerciale qui bénéficie aux mariniers, paysans, artisans et notables de la paroisse.

Beaucoup d´entre eux font partie d´une importante communauté protestante qui parvient à se maintenir malgré les persécutions consécutives à la révocation de l´édit de Nantes en 1685. Parmi les notables, les familles Raboteau, Brard, de Longueville, Guichard et Rainguet donnent des marchands, bourgeois, notaires et propriétaires fonciers. Certains exercent des fonctions seigneuriales au service du seigneur de Saint-Fort. À partir de 1697, la seigneurie est détenue par Isaac-Michel de La Motte puis par ses descendants, dont Claude Marguerite François Renart de Fuschamberg, comte d´Amblimont, proche du roi Louis XV et de la marquise de Pompadour, et qui fait reconstruire le château peu avant la Révolution.

À la Révolution, Saint-Fort est brièvement rebaptisé "Fort-Maubert" puis devient, de manière tout aussi éphémère, le chef-lieu d´un canton regroupant Lorignac, Saint-Dizant, Saint-Thomas, Saint-Sorlin, Saint-Ciers-du-Taillon et Sainte-Ramée. Des prêtres réfractaires officient dans des granges, en particulier à la Gorce. En 1800, les propriétaires des marais lancent une première initiative pour les aménager et les mettre en valeur, sans résultat. Durant la première moitié du 19e siècle, la commune, dont le nombre d´habitants stagne entre 1 950 et 2 000, continue à vivre de la production et de la commercialisation des blés. La viticulture est encore minoritaire : selon le cadastre de 1834, elle ne représente qu´un peu plus d´un dixième de la superficie communale, contre près d´un quart pour les prés et les pacages et près des deux tiers pour les terres labourables. À la même époque, au nord, une forêt est plantée à la place de l´ancienne lande et prend son nom. La domination de la céréaliculture se traduit par la construction de nouveaux moulins à vent : on en compte 18 en 1834, notamment à Civrac. La vie économique, sociale et institutionnelle de la commune est concentrée dans les mains de quelques familles notables, héritières de celles d´Ancien Régime : celles du maire, Jean Pierre André Guichard, du chirurgien Augustin (dit Couette) Emery Desbrousses, et de son frère, Joseph, percepteur.

La croissance viticole puis commerciale des années 1850 aux années 1930

À partir des années 1840-1850, Saint-Fort connaît un développement économique considérable, dû à deux facteurs : l´essor fulgurant de la viticulture saintongeaise et l´aménagement de Port-Maubert dont le rôle commercial est démultiplié. Comme toutes les communes en bord d´estuaire, Saint-Fort se couvre de vignes qui font la prospérité de quelques grands domaines, Fief-Doré et le Carillon par exemple, et surtout d´une foule de petites et moyennes exploitations agricoles et viticoles. Dans les années 1850 à 1880, la presque totalité des fermes et des maisons sont reconstruites de manière à inscrire dans la pierre la réussite économique et sociale de leurs propriétaires. Par ailleurs, les ailes de la plupart des moulins à vent cessent de tourner car beaucoup de meuniers se reconvertissent dans la viticulture. Enfin, Saint-Fort attire de nouveaux notables, négociants en vins ou financiers, comme la famille Galibert (dont un membre fait construire en 1883 la maison dite de Pierre-Henri Simon). Dans les marais, la vaine pâture se pratique toujours en été. Des troupeaux de moutons venus du Médoc par bateau, débarquent même à Port-Maubert pour profiter de l´herbe grasse de ces espaces.

L´expansion viticole est aussi brève que spectaculaire : comme dans toute la région, elle est brisée entre 1881 et 1884 par le phylloxéra. La plupart des vignes sont arrachées, de nombreuses familles se retrouvent ruinées. L´évolution démographique de la commune en souffre pourtant assez peu, tout comme, du reste, le nombre d´habitants n´avait pas augmenté pendant la période de prospérité : on comptait en effet 1 955 habitants en 1866, et autour de 1 930 en 1881 et 1896. Il faut attendre les premières années du 20e siècle pour enregistrer les prémices d´un recul démographique, avec 1 815 habitants en 1901, 1 611 en 1911.

Malgré tout, si la viticulture est en chute libre, l´activité commerciale et même industrielle fait encore les beaux jours d´une partie de la commune, devenue officiellement Saint-Fort-sur-Gironde en 1889. Dans les années 1880 à 1900, les commerces se multiplient dans le bourg, en particulier rue du Commerce où de nouvelles halles sont construites. En 1919, on ne compte pas moins de 2 boulangers, 6 épiciers, 7 cafetiers, 4 tailleurs, 2 marchands de chaussures, 4 forgerons et maréchaux-ferrants, 4 cordonniers, etc. Le chemin de fer fait son arrivée dans la commune dès 1896 et dessert Port-Maubert. Là, une minoterie fait la fortune de l´ancien meunier Ferdinand Petit en captant une grande partie de la production céréalière de l´arrondissement de Jonzac. Sur les quais, des entrepôts appartenant au négociant Edouard Chastang, abritent les marchandises avant leur expédition vers Bordeaux, Libourne, etc.

À partir des années 1920, Port-Maubert prospère grâce à la pêche à l´esturgeon. Le confort des habitations s´améliore avec l´installation de l´électricité autour de 1930. Dès 1925, un service de bus relie à la belle saison Saint-Fort à Royan en longeant la côte. Il concurrence le trafic ferroviaire qui décline (la ligne de train est fermée en 1947). Tout ceci n´empêche pas la diminution, lente et régulière, du nombre d´habitants : Saint-Fort ne compte plus que 1 390 habitants en 1926, 1 232 en 1946. Sous l´Occupation, l´événement marquant est l´arrestation par la Gestapo, le 23 septembre 1942, du maire Maurice Chastang, en raison de ses activités de résistance. Il meurt en déportation en avril 1945. Parmi les autres personnalités de Saint-Fort au 20e siècle, figurent le professeur Pierre Sebileau (1860-1953), promoteur de la chirurgie réparatrice, et l´écrivain et académicien Pierre-Henri Simon (1903-1972).

Pêche, marais, vigne et tourisme : Saint-Fort depuis 1945

Après la Libération, l´effort entrepris dans l´Entre-deux-guerres pour améliorer les conditions de vie des habitants, reprend : l´électrification des écarts commence en 1950, et les travaux d´adduction d´eau sont réalisés en 1954 et 1956. En 1976, un lotissement est construit à Bel-Air, au sud du bourg, afin notamment de loger les employés d´une entreprise créée au sud du bourg par le charcutier-traiteur Meyzi. D´importants travaux sont réalisés autour de 1980 à Port-Maubert qui, après l´interdiction de la pêche à l´esturgeon, se réoriente vers la pêche à la crevette et à la "pibale" (petite anguille) et vers la plaisance. Les regards se tournent par ailleurs vers les marais, toujours restés à l´état de prairies et de marécages. Un projet de remembrement et d´assainissement est lancé en 1973, mais il n´est mis en application qu´entre 1983 et 1988. Un ensemble de fossés et de vannes vient remplacer les joncs. Une digue de protection commence à être édifiée le long de l´estuaire. Au-delà, les "conches" continuent à être louées par la commune à des propriétaires de chevaux et de bovins. La digue n´est véritablement achevée qu´à la suite de la tempête de décembre 1999, qui a provoqué d´importants dégâts. Parmi ces derniers figure par ailleurs la chute définitive du "gros chêne", un arbre pluricentenaire qui se trouvait au carrefour près du château des Salles.

Après avoir perdu 300 habitants depuis 1945, suivant une diminution lente mais régulière, la population se stabilise, depuis la fin des années 1990, légèrement au-dessus de 900 habitants. Aujourd´hui, la commune de Saint-Fort-sur-Gironde se partage entre : d´une part, la production agricole et viticole, pratiquée par quelques exploitations, y compris, pour la céréaliculture et l´élevage, dans les marais ; d´autre part, ses atouts paysagers et touristiques qui attirent les visiteurs, en particulier autour de Port-Maubert.

L'inventaire du patrimoine de la commune a donné lieu à la réalisation de 477 dossiers documentaires (432 sur le bâti et 45 sur les objets mobiliers et le décor porté de l'église et du temple). Parmi les éléments étudiés, 30 ont été sélectionnés pour leur intérêt historique et/ou architectural, 321 ont été repérés et 79 ont été recensés. Un dossier de synthèse a été réalisé sur l'habitat (maisons et fermes).

La commune de Saint-Fort-sur-Gironde se situe sur la rive droite de l´estuaire de la Gironde. Son territoire, qui couvre 2 422 hectares, se distingue par l´étroitesse de sa façade sur l´estuaire (environ 2 kilomètres), et par sa profondeur dans l´arrière-pays (environ 11 kilomètres). Cette profondeur lui procure une assez grande diversité de paysages.

La partie de la commune la plus éloignée de l´estuaire est couverte par la forêt des Landes. Celle-ci est traversée par quelques routes et plusieurs voies forestières. Elle est parseméne de clairières, rarement ponctuées par un habitat (c´est le cas à la Pège et au Moulin de Michaud). Tout aussi rares, des mares se situent en lisière de la forêt, par exemple le Clône du Merle.

Un vaste plateau vallonné, où sont répartis de nombreux hameaux, compose ensuite l´essentiel du territoire communal. Le relief y est peu accentué. Quelques points s´élèvent plus que d´autres, par exemple aux Moulins de Poupot. Le plateau s´abaisse au niveau du bourg puis s´élève à nouveau vers le sud, vers Camailleau, et surtout vers l´ouest, jusqu´à Civrac à Chez-Dolet où se trouve le point culminant de la commune (68 mètres). Le plateau se déchire ensuite en plusieurs petites vallées ou "combes" plus ou moins encaissées, dont les coteaux constituent l´ancien rivage maritime. Parmi ces combes, l´une, au nord-ouest, tire son nom du hameau voisin, Chez-Péguin. À l´ouest, le terrier de Beaumont, qui domine les environs du haut de ses 59 mètres, s´arrête en deux petites combes abruptes, sans doute le résultat d´une ancienne falaise érodée.

Ces vallées et leurs coteaux s´abaissent vers les marais ou "prairies" qui bordent l´estuaire de la Gironde. Depuis les aménagements opérés dans les années 1980, l´essentiel de cet espace est constitué de marais desséchés, voués à la céréaliculture et, encore un peu, à l´élevage. Il s´agit d´un espace très ouvert, traversé de quelques fossés, et irrigué par l´étier de Maubert. Celui-ci vient de Saint-Dizant-du-Gua via la vallée humide qui s´étire à l´est de Fontaine et du Carillon.

Dans les marais, le regard heurte à peine une ligne de terre à l´horizon : la digue qui sépare les prairies des marécages ou "conches" situés aux abords immédiats de l´estuaire. Large d´environ un kilomètre, cette bande de vases, de joncs et de roseaux, est sous l´influence directe de la marée. Elle est traversée d´une part, par le chenal de Port-Maubert et par quelques autres ruissellements qui le rejoignent, et d´autre part, par des cheminements en bois sur pilotis qui permettent d´accéder aux tonnes de chasse qui parsèment les lieux.

Situées au-delà de la digue, les "conches" constituent une étendue marécageuse soumise au flux et au reflux des eaux de l´estuaire et aux soubresauts des tempêtes océaniques. Au contraire des marais desséchés, les "conches" ne cessent de s´élargir vers le nord, pour atteindre près d´un kilomètre de large à la limite nord-ouest de la commune de Saint-Dizant. Couvert d´une végétation de zone humide (en particulier des roseaux), cet espace est sillonné de sentiers vaseux, parfois sur pilotis, afin de relier la digue aux nombreuses cabanes ou "tonnes" de chasse qui y sont dispersées. C´est également dans cet espace plus sauvage que d´autres, que paissent les bovins laissés là en liberté, selon l´ancienne pratique de la vaine pâture.

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