Présentation de la commune d'Arces-sur-Gironde

France > Nouvelle-Aquitaine > Charente-Maritime > Arces

1- Un territoire convoité de longue date

Balcon sur l'estuaire, entre l'arrière-pays saintongeais et la côte, le territoire d'Arces est très tôt habité, utilisé et convoité. Ce rôle éminemment stratégique semble se traduire dans le nom même de la commune, qui serait dérivé du latin arx, terme désignant à la fois une hauteur, une colline, et un lieu fortifié.

De nombreux éléments archéologiques ont été repérés à Arces, sur les hauteurs, en bordure de marais et le long de la vallée du Désir. Le territoire a été occupé dès l'ère néolithique, dont on a décelé des traces entre Liboulas et la Grosse Pierre, à Prezelle (enceinte à trois fossés et portes, Bussas (enclos), vers le Chant de l'Alouette (éperon barré), Combe, Huchepitard, Chez-Gaillot, Thomeil et Théon où silex taillés ont été retrouvés. D'autres vestiges, de l'âge du bronze ou de l'âge du fer, puis de l'époque gallo-romaine, ont aussi été repérés Chez-Filleux, près de la Nicauderie, au Laurier, au Grand Theuillac, à Faubert, etc.. Par ailleurs, Arces était situé sur la route romaine de Talmont à Saintes, à peu de distance de la ville antique du Fâ dont des vestiges ont été remployés ici et là (par exemple un puits creusé dans le fût d'une colonne, à Puyveil).

Peu après l'an Mil, Arces est fortement convoité par les différentes autorités seigneuriales mais aussi ecclésiastiques qui se constituent dans la région. Vers 1075, Arnaud Gamon, membre de la maison seigneuriale de Mortagne, participe avec son frère, Pierre, à la fondation de l'abbaye de Vaux et lui donne l'église d'Arces et ses revenus. Jusqu'à la Révolution, le prieuré dépendra de l'abbé de Vaux auquel il devra le droit de gîte, pour lui et sa suite. Plusieurs chartes de l'abbaye de Vaux donnent des précisions sur l'étendue de ces droits et privilèges. L'abbé afferme les dîmes du prieuré au curé-prieur, lequel les sous-afferme, d'où des revenus substantiels. Un autre établissement religieux aurait été fondé à Lorivaux, au 11e siècle, par un ermite, Guillaume. Ce prieuré voué à Notre Dame aurait été détruit à la Révolution.

L'autorité de l'abbé de Vaux sur Arces est remise en cause à plusieurs reprises par d'autres pouvoirs locaux. Dès 1151, Benoît de Mortagne envahit Arces et en interdit l'accès à l'abbé de Vaux. Menacé d'excommunication, il se retire et promet de respecter les droits de l'abbé. Vers 1183, les moines de Saint-Jean-d´Angély émettent à leur tour des prétentions sur les revenus de l'église d'Arces. Au 14e siècle, Arces passe de l'archiprêtré de Mortagne à celui d'Arvert. Dès le 13e siècle, il semble que des travaux soient entrepris pour aménager les marais, soit sous la houlette de l'abbaye de Vaux, soit sous celle du roi d'Angleterre Édouard 1er qui à la même époque fonde Talmont et s'intéresse aux marais de Guyenne.

2- De puissants seigneurs, plusieurs fiefs

Du point de vue administratif et seigneurial, les deux tiers du territoire d'Arces dépendent jusqu'à la Révolution de la baronnie de Cozes, l'autre tiers (vers l'est et le sud-est) de la châtellenie de Talmont. En 1309, les villages de Brézillas et de Puyveil sont mentionnés dans le compte des cens et rentes dus au comté de Talmont. Peu après, un puissant fief apparaît au nord-est du territoire, autour du château de Théon. Mentionnée à partir de 1360 environ, la seigneurie est déjà détenue par la famille de Breuil et le restera jusqu'au début du 19e siècle. À partir du 16e siècle au moins, une autre forte autorité se développe autour du château de Conteneuil, dont la seigneurie est mentionnée à partir de 1580.

La relance de l'économie après les guerres de Cent ans et de Religion se traduit probablement par la création des nombreux logis nobles, domaines et métairies qui essaiment sur tout le territoire d'Arces, comme Chapitre, la Grosse Pierre, Grand Theuillac ou le Breuil. Un autre fief, dépendant du comté de Talmont, se situe à Brézillas. Mentionnée à partir de 1363, cette petite seigneurie se perpétue jusqu'à la Révolution, mais dès 1764, la demeure est en état de ruines. Par ailleurs, à Thomeil, au sud d'Arces, s'étend un autre fief, connu depuis le début du 16e siècle et demeuré au 19e siècle à l'état d'une métairie avec son pigeonnier.

Dans ce cadre seigneurial, la pression fiscale est forte, sans compter l'obligation de loger les soldats du roi et les devoirs dus à l'abbé de Vaux. En 1661, les habitants obtiennent gain de cause devant le Parlement contre la Grande Mademoiselle, cousine du roi et baronne de Cozes, qui leur réclamait de nouveaux droits. À la même époque, ils obtiennent le droit de payer leurs impôts seigneuriaux par abonnement (forfait). En 1699 pourtant, l'intendant Michel Bégon souligne que "la paroisse d'Arces rapporte du blé et du vin" et que "les habitants sont fatigués à cause de plusieurs métairies qui appartiennent à des gentilshommes qui les font valoir par leurs mains".

3- Une vie très liée aux conditions naturelles

La vie économique à Arces jusqu'à la Révolution, et même pendant le 19e siècle et une grande partie du 20e, est étroitement liée à l'exploitation des ressources naturelles. Aux 17e et 18e siècles, la paroisse comprend des meuniers, exploitant les nombreux moulins à vent qui s´égrènent en particulier sur la ligne de collines entre Brézillas et le bourg. Au début du 19e siècle, on ne compte pas moins de quatorze moulins à vent à Arces. Cinq subsistent de nos jours, dont deux ont retrouvé leur toit et, pour celui de la Croix, les ailes.

Les habitants exploitent par ailleurs la ressource en eau, présente dans les cours d'eau et les nombreux puits et sources. Un tanneur et son moulin à tanner sont mentionnés dans le bourg à partir de 1773 et jusqu'au début du 19e siècle, aux côtés de nombreux autres artisans (cloutier, chapelier...). Une autre tannerie existe à la même époque à Lorivaux. L'eau utilisée, c'est aussi celle de l'estuaire, dans laquelle on pêche et sur laquelle on navigue. Des charpentiers de navire (Antoine Careil et François Curandeau, cités en 1668), des capitaines, des pilotes, des mariniers (Nicolas Groux, en 1668) et des matelots habitent à Arces, non loin de l'estuaire.

Ces professions, notamment parmi les artisans, fournissent des membres à une importante communauté protestante. Plusieurs actes d'abjuration sont enregistrés après la révocation de l'édit de Nantes. Quelques années avant la Révolution, on compte 24 familles protestantes à Arces. En 1821, Jean Joseph Louis Buisson, époux d´Elisabeth Chauvet, ancien pasteur du culte protestant, demeure dans le bourg d´Arces. On dénombrera encore une dizaine de protestants au début du 20e siècle. Le souvenir de cimetières privés protestants est resté, notamment rue des Basses coutures.

L'exploitation des ressources de l'estuaire se traduit par ailleurs par l'aménagement des marais. Dès le 13e siècle, semble-t-il, des travaux sont menés soit sous la houlette de l'abbaye de Vaux, soit sous celle du roi d'Angleterre Édouard 1er qui à la même époque fonde Talmont et s'intéresse aux marais de Guyenne. Au 17e siècle et au début du 18e, une des variantes d'un projet de canal reliant la Seudre et l'estuaire de la Gironde, finalement abandonné, tangente Arces en passant par le vallon de Bardécille et Dau. Il faut toutefois attendre 1785 pour que les marais d'Arces soient desséchés avec ceux de Talmont. Le dessèchement prévoit qu'une partie des marais concernés soit dévolue aux habitants de Talmont, Barzan, Arces et Semussac. C'est ainsi que sur le cadastre de 1833, une partie des marais des Barrails appartient à divers habitants des environs. L'autre partie est détenue par le comte de Talon et par sa soeur, Zoé Talon, comtesse du Cayla, autrefois favorite du défunt roi Louis XVIII. Cette même année 1833, ils vendent leurs marais à Pierre Philippe Barbotin, notaire à Meschers, et à Jean Jacques Pepin d'Escurat, lesquels les revendront en 1855 au baron Bretinault de Saint-Seurin.

4- Agriculture, artisanat, commerce et tourisme

Exploités par les habitants principalement pour l'élevage, les marais ne constituent toutefois qu'une partie minoritaire de l'activité économique d'Arces au 19e siècle. Le cadastre de 1833 indique que les deux tiers du territoire communal, soit pour l'essentiel la champagne et les collines de l'arrière-pays, sont consacrés aux céréales. Le troisième tiers est formé principalement de prés et de vignes. La viticulture se développe fortement dans les années 1850-1870, comme dans toute la région, mais sans atteindre les proportions observées plus au sud. Arces apparaît ainsi placé sur une frontière historique, économique et paysagère, entre les rives viticoles de l'estuaire de la Gironde et les plaines céréalières de l'arrière-pays royannais. Ici, la vigne partage davantage l'espace avec les prés et les champs labourés. Son expansion est de toute façon arrêtée net par la crise du phylloxéra. Seuls les plus grands domaines parviendront à reconstituer leur activité, en particulier à Chapitre où oeuvre Abel Morin à partir de 1912, et à Conteneuil où Albert Verneuil contribue à la reconstitution partielle du vignoble régional par l'import de plants américains.

Dès lors, à la fin du 19e siècle et pendant toute la première moitié du 20e, la plupart des exploitations agricoles d'Arces vivent de polyculture, associant un peu de vignes et un peu d'élevage. Dans les marais et sur la rive de l'estuaire, la lutte contre les éléments se poursuit. Déjà en 1869 et 1886, le cadastre indique que des prés qui séparaient le hameau de Port-Maran du fleuve sont emportés par ce dernier. Au même endroit, trois premiers carrelets font leur apparition dans les années 1950 ; on en dénombre seize en 1976, comme aujourd'hui. Dans le bourg, l'activité se développe autour de nombreux commerces et ateliers d'artisans (forgerons, boulangers, buralistes, maçons, menuisiers, etc.). Chaque année, la commune s'anime particulièrement au moment d'une fête, les "frairies". Rebaptisée Arces-sur-Gironde en 1912 pour éviter la confusion avec d'autres, la commune voit arriver de nouveaux équipements publics : dès 1890, la municipalité décide d'acheter cinq réverbères pour le bourg et la Croix ; en 1924, une cabine téléphonique est installée chez Mme Belluteau, veuve de guerre, qui possède un petit magasin de chaussures dans le bourg ; en 1930-1931, les bâtiments communaux reçoivent l´électricité. Des bains douches et un lavoir sont mêmes construits sur une ancienne fontaine publique, dans le bourg, en 1951.

Pourtant, le déclin démographique est continu tout au long du 20e siècle, comme il l'a été pendant la seconde moitié du 19e : de plus de 1000 habitants avant 1850, la commune est passée à moins de 600 en 1914 et à moins de 500 en 1968. Toutefois, depuis un demi-siècle, Arces continue à bénéficier de la proximité de l'estuaire, et tire parti de son voisinage avec Royan. Avec l'agriculture, cette double proximité et le tourisme favorisent le développement de la commune qui, à partir des années 1980, voit sa courbe démographique enfin s'inverser. Dès 1969-1970, un projet de lotissement, sans suites, se fait jour sur la pointe de Dau, à l'image de Barzan-Plage, un peu plus au sud. Tout récemment, des lotissements sont venus grossir le bourg. Aujourd'hui, la commune compte 622 habitants (recensement de 2007), soit davantage qu'en 1914.

L'inventaire du patrimoine de la commune a donné lieu à la réalisation de 209 dossiers documentaires (183 sur le bâti et 26 sur les objets mobiliers et le décor porté de l'église). Parmi les éléments étudiés, 16 ont été sélectionnés pour leur intérêt historique et/ou architectural, 165 ont été repérés. Un dossier de synthèse a été réalisé sur l'habitat (maisons et fermes).

La commune d'Arces-sur-Gironde, d'une superficie de 2174 hectares, se situe sur la rive droite de l'estuaire de la Gironde dont elle est largement séparée par les communes de Barzan et de Talmont-sur-Gironde. Elle présente toutefois une petite façade sur l'estuaire, large d'un kilomètre. La commune s'étend jusqu'à environ 6 kilomètres à l'intérieur des terres.

La commune d'Arces-sur-Gironde semble occuper un balcon qui domine l'estuaire de la Gironde, à la frontière entre les rives viticoles de l'estuaire et la plaine saintongeaise, et à quelques encablures de l'agglomération de Royan. Entre ces différents paysages, l'histoire de ce territoire est marquée par les rapports avec un environnement spécifique (le vent, l'eau...) et par la présence forte de plusieurs gros domaines et même de châteaux.

D'est en ouest, à mesure que l'on se rapproche de l'estuaire de la Gironde, on traverse à Arces plusieurs strates paysagères. Au nord et à l'est, la champagne de Saintonge, venant de Cozes, présente un paysage très ouvert, au relief peu accentué, couvert de champs céréaliers et de quelques vignes. Cette champagne est ponctuée traversée par des routes et des chemins d'exploitation, autrefois plus nombreux. Le plateau culmine à Conteneuil et à Théon (52 et 53 mètres d'altitude).

Ce paysage s'achève sur une ligne d'axe nord-ouest/sud-est constituée de bois (notamment entre Chassagne et le Maine-Moutard, et près du Breuil) et de vallons. Ces derniers servent de réceptacle à des sources, comme à Fontdouce, et surtout à de petits cours d'eau comme celui qui tangente le bourg, et surtout comme les rivières du Désir et de Bardécille qui marquent les limites ouest et sud-est de la commune. Le vallon irrigué par le Désir et par le ruisseau descendant du bourg, est dominé par la route d'Arces à Épargnes.

À cette première ligne succède une autre, toujours d'orientation nord-ouest/sud-est. Il s'agit ici d'une ligne de collines qui relient Brézillas, Liboulas et le bourg, culminant à 41 mètres d'altitude. C'est sur cette ligne battue par les vents d'ouest que se sont implantés plusieurs moulins. Depuis cette hauteur, le regard embrasse l'estuaire de la Gironde, depuis les collines de Barzan jusqu'à la pointe de Meschers, en passant par Talmont-sur-Gironde, avec le Médoc en arrière-plan.

Une seconde champagne prend naissance du haut de cette ligne de collines, et s'abaisse en pente douce en direction de l'estuaire. À l'ouest et au sud, elle vient mourir dans des marais côtiers. Au sud, c'est là que prend fin le territoire d'Arces, en bordure des marais de Talmont. À l'ouest, s'étendent les marais des Barrails, quadrillés de fossés, couverts de champs et de prairies, et ponctués de quelques tonnes de chasse. Un bras de terre avance toutefois vers l'ouest autour de la ferme de Palus. Il se prolonge par un îlot, celui de Dau, terminé par une petite pointe rocheuse où ont pris place des carrelets.

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