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Présentation de l'enquête thématique sur l'architecture civile médiévale de la ville de Saint-Emilion
France > Nouvelle-Aquitaine > Gironde > Saint-Émilion
Présentation de l'opération
Le contexte
La réalisation de l’enquête sur l'architecture domestique et civile de Saint-Emilion au Moyen Âge s'est déroulée dans le cadre plus large d’un projet collectif de recherche piloté par l'institut Ausonius de l'Université Bordeaux-Montaigne, dont l’intitulé – Saint-Emilion et sa juridiction ; genèse, architectures et formes d’un territoire – exprime bien l’ambition d’appréhender la globalité de l’espace d’une agglomération de formation ancienne dans ses relations avec le terroir dont elle est issue et qu’elle a contribué à façonner.
Sur la base d’une importante documentation préliminaire, constituée notamment par le spécialiste de l’architecture civile médiévale Pierre Garrigou Grandchamp, le bilan d’une première approche permettait de dénombrer une cinquantaine d’unités d’habitation pouvant être attribuées à la période des 12e-14e siècles. Sur les presque 400 unités parcellaires que compte l’agglomération intra-muros, cette première moisson suggérait l’existence d’un potentiel archéologique exceptionnel en Aquitaine.
L'enquête sur la ville de Saint-Emilion a été engagée en 2011 dans le cadre de deux conventions successives entre la communauté de communes de Saint-Emilion et la Région Aquitaine, par lesquelles a été confié au service du patrimoine et de l’Inventaire d'assurer la conduite d’un inventaire thématique et d'assurer son suivi scientifique et technique. Cette recherche a donc été menée selon les normes de l’Inventaire général du patrimoine culturel afin de répondre aux exigences d’harmonisation et de mise à disposition de la documentation. A cet effet, le service de la connaissance du patrimoine de la Région Midi-Pyrénées a été sollicité comme partenaire technique pour mettre à disposition son outil de production de dossiers électroniques Renabl-MP et assurer l'administration des données (suivi technique assuré par Maurice Scellès).
Le service régional de l’Archéologie de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC Aquitaine/ministère de la culture), a été également associé au programme : en fonction des potentiels archéologiques repérés au sein des unités d’habitation visitées, des conditions d’accès, des moyens logistiques disponibles et des capacités de valorisation des divers éléments de bâti, une sélection argumentée d’édifices devait être proposée en vue d’en réaliser l’étude archéologique exhaustive selon les méthodes de l’archéologie du bâti.
L'enquête a été engagée en 2011 par Agnès Marin, archéologue du bâti, rejointe en 2012 par David Souny, historien du patrimoine, pour mener à bien ce programme. A l'issue de l'enquête de terrain et des investigations archéologiques, près de 120 dossiers correspondant à des unités d'habitation médiévales ont été créés. La réalisation d'un ouvrage de synthèse dans la collection des Cahiers du Patrimoine a été programmée en 2014, ouvrage collectif coordonné par le service du patrimoine et de l'Inventaire, paru en 2016.
La reprise des données de l'opération de la base Renabl-MP dans l'outil de production et de diffusion de dossiers électronique Gertrude est intervenu en 2020. Une mission ponctuelle a été confiée à David Souny pour assurer la complétude des données et assurer leur actualisation, avant leur diffusion en ligne sur la plateforme de diffusion de dossiers numériques de la Région Nouvelle-Aquitaine.
Un patrimoine bâti médiéval reconnu et valorisé de manière inégale
La densité remarquable de monuments d’époque médiévale participe du prestige touristique de la ville de Saint-Emilion et plus ponctuellement, du territoire de la juridiction. Mais force est de constater qu'au commencement de la mission, la valorisation de ce patrimoine auprès du grand public se limitait aux seuls édifices religieux et militaires, reconnus depuis le 19e siècle. Les vestiges plus ténus et bien souvent totalement méconnus que forment la trame urbaine et les nombreuses unités d’habitation remontant au Moyen Âge que conserve encore le bourg constituent pourtant un ensemble d’une exceptionnelle densité dans le département de la Gironde, où, au moment du lancement de l'enquête, la connaissance de l’habitat civil médiéval restait fondée sur des exemplaires épars, difficiles à contextualiser, et encore peu étudiés de manière approfondie.
Les atouts du bâti civil médiéval de Saint-Emilion : problématiques renouvelées et perspectives de recherches
Bien que pourvue de tous les emblèmes d’une urbanisation précoce dès la première moitié du 13e siècle, il semble que la ville de Saint-Emilion ait eu très vite à pâtir de la concurrence de Libourne ; bastide fondée à proximité en 1268 en un lieu de carrefour fluvial stratégique, la ville nouvelle a rapidement concentré le dynamisme commercial et industriel de la basse vallée de la Dordogne au point de stopper toute extension postérieure de Saint-Emilion, comme circonscrite par les vignes qui l’enserrent toujours. Sans présenter, loin s’en faut, les attraits des villages désertés chers aux archéologues, le fait que la ville ait été ainsi maintenue à l’écart des grands bouleversements urbanistiques très destructeurs des époques moderne et contemporaine lui confère une valeur forte de témoin de l’évolution de l’architecture domestique girondine depuis ses origines médiévales. Sur la base d’un inventaire documentaire fourni et d’une investigation de terrain plus succincte, Pierre Garrigou Grandchamp avait révélé les richesses insoupçonnées de cet habitat des premiers temps de l’urbanisation du site, presque entièrement ignorées de la recherche au 20e siècle : descriptions, dessins et relevés proviennent en effet, pour l’essentiel, du travail des érudits du 19e siècle, somme documentaire qui a aujourd’hui valeur d’archives, eu égard aux transformations ou disparitions que bien des vestiges ont connu depuis.
Le bilan de cette première approche avait permis de dénombrer une cinquantaine d’unités d’habitation pouvant être attribuées à la période 12e-14e siècle. Pour moitié, il procédait de repérages pratiqués de l’extérieur seulement, complété pour une vingtaine d’entre elles par une visite plus ou moins poussée des intérieurs, l’autre moitié étant redevable à l’examen de la couverture photographique des habitations visitées dans le cadre de l’enquête menée en vue de l’élaboration du PSMV (plan de sauvegarde et de Mise en valeur pour le Secteur Sauvegardé). Sur les presque 400 unités parcellaires que compte la ville intra-muros, cette première moisson suggérait l’existence d’un potentiel qui ne pouvait être exploité qu’à la mesure d'importants moyens mobilisés.
Méthodologie : concilier enquête d’inventaire thématique et monographies archéologiques
Bien que plusieurs problématiques spécifiques aient été identifiées à partir de cet échantillonnage, seule une étude conduite à partir d’un corpus issu d’une enquête systématique devait être susceptible de répondre aux exigences scientifiques du projet collectif de recherche. Si, en toute logique, ce travail devait s’étendre à tout le territoire de la juridiction, pour des raisons de faisabilité il a été décidé par tous les partenaires qu’il ne porterait que sur la ville de Saint-Emilion intra-muros. En parallèle, les prospections de terrain qui devaient être menées pour alimenter le travail de cartographie, confié au spécialiste de l'analyse des parcellaires anciens Ezechiel Jean-Courret, en vue de l’établissement de l’Atlas historique à l’échelle du territoire de la juridiction, devait permettre un premier repérage des éléments d’architecture domestique médiévale. Il aurait été ainsi possible d’évaluer le temps nécessaire afin de traiter ce patrimoine de la même manière que celui de la ville de Saint-Emilion, et d'envisager sa réalisation en fonction des autres tâches à mener et des priorités du programme. Au final, cet objectif secondaire de la mission n'a pas été réalisé.
Étude d’Inventaire thématique
Les modalités de l'enquête thématique sur l'architecture civile médiévale de la ville ont été convenues entre le SRPI et les partenaires scientifiques, et ajustées lors de réunions du comité de suivi. Cette étude a été réalisée selon les normes nationales de l’Inventaire général du Patrimoine culturel afin de répondre aux exigences d’harmonisation de la documentation. Le suivi a été assuré au sein du service par Alain Beschi, conservateur du patrimoine. L’enquête de terrain se devait d'être prioritairement menée par secteurs, pour des raisons de commodité, les courriers de demande de visites des demeures privées devant parvenir aux propriétaires selon un délai convenable. Des fiches d’enregistrement, conçues au préalable et amendées au fur et à mesure de l’avancée de l'enquête, devaient répondre aux nécessités d'enregistrement des vestiges rencontrés. Cette première phase devant être conduite en un temps resserré, la caractérisation des vestiges se devait de rester succincte (fiche minimale normalisée), surtout en ce qui concerne le détail de leur contextualisation diachronique, qui devait relever des monographies archéologiques. En revanche, une attention particulière devait être portée au rendu planimétrique des unités d’habitation visitées et à la précision de la localisation des éléments de constructions attribuables à la période 12e-14e siècle. A partir de repères géo-référencés, ces documents graphiques devaient ainsi contribuer à préciser la cartographie de l’Atlas historique.
Enfin, une couverture photographique la plus complète possible devait être effectuée en fonction de l’accord des propriétaires. La documentation ainsi collectée devait intégrer les bases de données Inventaire de manière à alimenter le système documentaire régional d’une part, et, d’autre part, le système d’information géographique prévu en parallèle à l’établissement de l’Atlas historique. Le corpus constitué lors de ces investigations de terrain devait être confronté, au fur et à mesure de l’avancement, à la documentation iconographique déjà rassemblée par Pierre Garrigou Grandchamp. Un bilan des fonds d’archives non encore explorés et susceptibles de fournir des indications complémentaires a été rapidement établi. En fonction du rythme d’avancement de l’enquête de terrain, du temps a été dégagé afin d’en assurer ce dépouillement. A l’issu de cet inventaire qui se donnait pour objectif d’être le plus exhaustif possible, un temps d'analyse des informations était prévu pour la rédaction de "dossiers de synthèse" où les caractéristiques de typologie et d’évolution diachronique devait être développées. Cette phase du travail a permis d’identifier et d’élaborer des problématiques spécifiques à l’objet d’étude. En concertation avec les membres du projet collectif de recherche, il s’est agi aussi de replacer les premiers résultats de l’enquête dans le contexte plus général de l’état de la recherche historique et archéologique concernant la morphogenèse de l'agglomération au sein du territoire de la juridiction et, au-delà, dans une perspective plus vaste, à l'échelle du Sud-Ouest aquitain.
Analyse d’archéologie du bâti
En fonction des potentiels archéologiques identifiés lors de chaque visite, des conditions d’accès, des moyens logistiques et des capacités de valorisation des divers éléments de bâti, une sélection argumentée d’édifices a été proposée en vue d’en réaliser l’étude archéologique. Les choix en ont été validés par les membres du projet collectif de recherche, et soumis au service régional de l’Archéologie pour l’obtention des arrêtés de prescription, selon les méthodes de l’archéologie du bâti. Un relevé précis en plan et en élévation, devait être établi, autant que faire se peut par des méthodes topographiques appropriées pouvant nécessiter selon les cas l’intervention d’un professionnel. A partir de ces documents, il s’agissait d’appréhender une unité d’habitation dans sa globalité -contexte topographique et parcellaire compris- afin de restituer les diverses strates de son évolution. Ces dernières devaient être identifiées par tous les moyens adéquats selon les contextes : quand cela était envisageable et autorisé par les propriétaires, des sondages ponctuels ont été pratiqués afin d’éclairer la compréhension de certaines parties de l’édifice. Des relevés d’élévations ont été entrepris à chaque fois qu’ils furent jugés nécessaires à la compréhension de l’édifice et à la valorisation de l’étude. Les techniques utilisées ont été adaptées au degré de précision estimé utile et aux conditions d’accès. La réalisation de photogrammétries a aussi été jugée prioritaire au regard du gain de temps procuré (campagne réalisée par le laboratoire CNRS Archéovision). En complément, une couverture photographique de qualité devait être effectuée. En fonction de l’intérêt des vestiges et de leur possible valorisation dans le cadre d'une publication, l’intervention d'Adrienne Barroche, photographe au SRPI, a donc été sollicitée (plus de 1100 photos ont été réalisées). Des prélèvements de mortier étaient également envisagés, au moins pour les maçonneries médiévales, afin d’être en mesure de détecter à terme d’éventuelles évolutions dans les techniques et approvisionnements, données susceptibles de fournir un marqueur chronologique supplémentaire. Les revêtements muraux devaient également être pris en compte avec le plus grand soin, en ce qu’ils sont souvent essentiels à la perception du phasage des maçonneries. En cas de mise au jour de décor peint, une description précise, l'établissement de micro stratigraphies, une couverture photographique, voire des relevés étaient envisagés ; mais aucun décor peint médiéval n'a été identifié. De même, quand des éléments de charpente ou tout autre structure en bois était jugée potentiellement contemporaine de la phase de construction ou d’une étape de remaniement d’un édifice médiéval, une datation par dendrochronologie pouvait être sollicitée, sous réserve que les conditions de prélèvement présentent les critères indispensables à l’obtention d’expertises fiables. Au final, quatre édifices ont fait l'objet de prélèvement pour datation par dendrochronologie par Christelle Belingard (Dtalents ingénieurie - chercheur associé au Géolab, UMR 6042).
L’enregistrement des données devait être effectuée par fiches d’unité stratigraphique construite (USC) ou fiches d’unité murale (UM) dans les cas les plus simples. Dans la mesure du possible, ces fiches devaient constituer à elles seules l’analyse descriptive. Le travail de rédaction devait pouvoir se limiter à la phase de synthèse à la fois de manière à gagner du temps, à s’adapter au format des dossiers d'inventaire et fournir la matière nécessaire aux diverses publications envisagées. L’ensemble des données issues de ces interventions devait être synthétisé dans un document final de synthèse déposé au service régional de l’Archéologie. Conformément à la procédure habituelle, des notices résumant les principaux résultats ont été fournies chaque année pour le Bilan scientifique régional, documents par ailleurs être diffusés afin de rendre compte au fur et à mesure de l'avancement du travail. Cette double approche d’inventaire systématique et d’analyse archéologique a contribué à produire une abondante documentation inédite et exploitable pour l’élaboration de publication de valorisation d’une part, et d’un ouvrage collectif scientifique portant sur les formes de l’architecture domestique à Saint-Emilion.
Bilan de l'opération
Au final, la connaissance de la ville et du patrimoine architectural civil du Moyen Âge a été amplement renouvelée. Ce sont 117 dossiers d'inventaire qui ont été constitué dans ce cadre, auxquels il faut ajouter plusieurs études monographiques archéologiques. Le Cahier du Patrimoine publiée à la suite de l'enquête, intitulé Saint-Emilion : une ville et son habitat médiéval, a révélé aux yeux du public, de la populations locale et des élus, toute la richesse d'un patrimoine jusqu'alors sous-estimé et méconnu. Un second ouvrage, à destination du grand public, consacré à l'histoire et à l'architecture médiévale de Saint-Emilion, est enfin à paraître en 2021 (David Souny, éditions Ausonius, collection In Situ).
La documentation constituée offre désormais une ressource scientifique à disposition des projets d'urbanisme (révision du PSMV) et de valorisation touristique de la commune et de la Juridiction de Saint-Emilion.
Informations complémentaires
Type de dossier |
Dossier d'opération |
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Référence du dossier |
IA33010329 |
Dossier réalisé par |
Souny David
Marin Agnès Beschi Alain Chercheur et conservateur du patrimoine au sein du service du patrimoine et de l'Inventaire en Aquitaine, puis Nouvelle-Aquitaine (1994-2023). |
Cadre d'étude |
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Copyrights |
(c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Université Bordeaux Montaigne, (c) Communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais |
Citer ce contenu |
Présentation de l'enquête thématique sur l'architecture civile médiévale de la ville de Saint-Emilion, Dossier réalisé par Souny David, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Université Bordeaux Montaigne, (c) Communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/34a75bfa-6f72-4267-aac8-1c80ed8ab482 |
Titre courant |
Présentation de l'enquête thématique sur l'architecture civile médiévale de la ville de Saint-Emilion |
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- Convention de partenariat entre la Région Aquitaine et la communauté de communes de Saint-Emilion pour la réalisation et la valorisation d'une étude d'inventaire thématique du patrimoine de la ville de Saint-Emilion, 2010
- Convention de partenariat entre la Région Aquitaine et la communauté de communes de Saint-Emilion pour la poursuite et la valorisation d'une étude d'inventaire thématique du patrimoine de la ville de Saint-Emilion, 2012
- Présentation de l'ouvrage "Saint-Emilion : une ville et son habitat médiéval", sur le site de l'Inventaire