Filature de laine Croc père et fils, puis Richen frères, puis tissage (usine de tapisserie et usine de tapis) dit manufacture Danton

France > Nouvelle-Aquitaine > Creuse > Aubusson

La date de création de la filature de laine Croc père et fils n'est pas connue ; elle n'apparaît pas sur le cadastre napoléonien de 1812, sur lequel son emplacement est encore vierge de toute construction. Elle figure, en revanche, sur un plan de la ville d'Aubusson, postérieur à 1848 et conservé aux Archives Nationales et sur un plan du quartier des Tanneurs, dressé à la fin des années 1850 par l'ingénieur voyer Chénault.

L'usine est établie en amont du pont des Récollets, sur un bief de dérivation doublant la Creuse sur sa rive droite et longeant le côté sud de la rue des Tanneurs. Elle comprend alors trois bâtiments : la filature et l'écurie, situées à cheval sur le bief et alignées sur la rue, et la teinturerie, formant une aile en retour vers la rivière. Les machines sont actionnées par les roues de deux petits moulins à eau, alimentés par la même dérivation que celle du moulin à blé des Récollets (voir notice IA23000569). En 1855, un arrêté du préfet de la Creuse donne une existence officielle à ces deux établissements industriels et réglemente leur régime d'eau de manière globale, les considérant comme une seule et même usine car les Richen, propriétaires du moulin des Récollets, sont apparentés aux Croc.

En 1890, par suite du décès de Rose Richen, l'épouse d'Antoine Croc, la filature passe définitivement dans la famille Richen. Régulièrement mise en cause par les habitants de la rue pour ses émanations incommodes résultant de la préparation des laines, la filature Richen frères traite, à la fin du 19e siècle, 32000 kilos de laine par an et fait travailler un homme, 18 femmes et 12 enfants.

Les sources ne permettent pas de déterminer avec précision à quelle date la filature fut transformée en manufacture de tapisseries et de tapis. Sans doute les deux activités coexistèrent-elles pendant un temps, car la filature Croc-Richen continua à approvisionner en matières premières la manufacture de tapis Croc-Jorrand fondée en 1852 de l'autre côté du pont des Récollets (voir notice IA23000535), avant d'accueillir elle-même des ateliers de tissage.

A l'aube du vingtième siècle, l'usine passa sous la direction d'un personnage-clef de la vie aubussonnaise : Frédéric Danton (1874-1929). Sa famille était originaire de Saint-Alpinien, à quelques kilomètres d'Aubusson, mais il avait fait ses études au collège de Bône, en Algérie. Son frère, Louis, avait épousé Marie Jorrand, héritière de la manufacture Croc-Jorrand et était le propriétaire du château de La Seiglière (voir notice IA23000756). Frédéric Danton fut un grand industriel et un notable de la cité - créateur de la Société d'Horticulture d'Aubusson en 1911 et fondateur du journal Le Républicain creusois en 1912 - doublé d'un homme politique de premier plan : conseiller général d'Aubusson (1910), il fut candidat socialiste à plusieurs reprises à la députation, lors des élections de 1912, 1914 et 1919. Doté d'une curiosité intellectuelle débordante et féru d'aviation, il se passionna pour les expériences de François Denhaut et finança ses essais et la construction du troisième prototype d'hydravion de l'inventeur champagnatois. Entrepreneur dans l'âme, il s'essaya aussi à la céramique : ses faïences étaient produites à la tuilerie du Got-Barbat.

En 1923, pour sceller l'alliance des deux familles, la manufacture de tapis et tapisseries Danton fusionna avec la manufacture Croc-Jorrand au sein d'une nouvelle société anonyme baptisée "Aux Fabriques d'Aubusson".

Cette dernière eut une courte existence, puisque le krach boursier de 1929 entraîna sa faillite.

Les bâtiments de la manufacture Danton, passés aux mains des héritiers Jorrand, restèrent alors en déshérence pendant plus de dix ans. Le 11 avril 1941, l'administration des Postes, Télégraphes et Téléphones (PTT) donna son agrément pour y installer le nouveau bureau de poste de la ville d'Aubusson. Paul Jorrand accepta alors de céder à la commune les deux immeubles des numéros 2 et 2 bis de la rue des Tanneurs, au prix de 450 000 francs. L'expropriation publique fut prononcée et la promesse de vente signée le 28 janvier 1943. La municipalité fit alors détruire l'ancienne manufacture et édifier à son emplacement, entre 1946 et 1954, un bureau de poste, sur les projets de l'architecte Jaloux (voir notice IA23000476).

Périodes

Principale : 2e moitié 19e siècle

Secondaire : 1er quart 20e siècle

La filature Croc-Richen est représentée sur l'en-tête d'une lettre de la manufacture Croc-Jorrand, datée d'après 1900. Située en amont du Pont Neuf, elle y apparaît bâtie sur un plan en T, avec deux ailes percées de nombreuses baies et un avant-corps central formant saillie, sous un haut comble brisé recouvert de tuiles.

Cette illustration, quoique idéalisée, est assez conforme aux cartes postales de la manufacture Danton, parues dans le 1er quart du 20e siècle. D'après ces documents, plus fiables, elle se composait de deux bâtiments distincts. Le premier, situé à l'entrée de la rue des Tanneurs et en alignement de cette voie, était de plan rectangulaire régulier ; il comportait quatre travées régulières et trois étages carrés, avec des chaînages d'angle en pierre de taille, sous un toit à croupe couvert de tuiles. Tous ses niveaux étaient ajourés de très nombreuses baies, vraisemblablement destinées à éclairer des ateliers de tissage. Quant au second bâtiment, édifié perpendiculairement au premier, il n'offrait que trois travées en façade, mais se développait vers l'arrière, en direction de la rivière. Il abritait probablement la teinturerie, en raison des écheveaux de laine que les cartes postales y présentent en train de sécher aux fenêtres.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : granite

  2. Revêtement : enduit

  3. Mise en oeuvre : moellon

Toits
  1. tuile
Plans

plan rectangulaire régulier

Étages

3 étages carrés

Élévations extérieures

élévation à travées

Couvertures
  1. Partie de toit : croupe

État de conservation
  1. détruit

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Creuse , Aubusson , 2 rue Jean-Jaurès

Milieu d'implantation: en ville

Cadastre: 2007 AL 251

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