École primaire Jean Macé

France > Nouvelle-Aquitaine > Creuse > Aubusson

Le 27 février 1821, décédait à Aubusson l'un des habitants de la ville les plus renommés : Pierre Augustin Laboreys de Chateaufavier, né le 24 octobre 1748, successeur de son père et de son grand-père dans la charge d'inspecteur des manufactures d'Aubusson et de Felletin, député du Tiers Etat en 1789. Le 18 novembre 1819, il avait rédigé son testament et avait fait de sa nièce, Marie Gabrielle Furgaud, épouse du maire François Lombard, sa légataire universelle. Il laissa cependant à la cité la somme de 20 000 francs pour l'établissement d'une école de l'Institut des Frères des écoles chrétiennes à Aubusson.

Cette congrégation avait été fondée en 1680 par Jean-Baptiste de La Salle et avait connu un vif essor sous la Restauration à cause de sa vocation pour l'enseignement. Parfois surnommés les "ignorantins", les frères ignoraient le latin et apprenaient à leurs élèves à lire directement le français, grâce à une méthode de travail simultanée (plusieurs classes d'un même niveau pratiquant ensemble des exercices). Leur statut les obligeait à dispenser cette instruction gratuitement - raison pour laquelle leurs établissements devinrent très en vogue sous Louis XVIII et Charles X. Pour constituer une école, les frères devaient être au moins trois : ils ne pouvaient donc ouvrir un lieu d'enseignement que dans un centre de population conséquent. Au 19e siècle, en Creuse, ils s'établirent à Ahun, Auzances, Bourganeuf, Felletin, Guéret, La Souterraine et Aubusson.

Dans cette dernière, l'arrivée des frères rencontra une violente opposition. Pourtant, une ordonnance royale du 21 août 1821 avait autorisé la commune à accepter le legs de 20 000 francs concédé par Pierre Augustin Laboreys de Chateaufavier - ce qu'elle fit par délibération du 30 décembre. Mais tous les fonds n'étaient pas réunis pour créer une institution. Le 7 février 1822, le conseil municipal se déclara prêt à accepter le geste charitable de Marie Boffinet, la veuve de Chateaufavier, qui pour que la volonté de son défunt mari soit respectée, offrit de faire une donation de 20 000 francs complémentaires en rente, en promettant d'abandonner, à l'arrivée des frères, l'usufruit d'une partie de la maison qu'elle occupait, qui pourrait ainsi servir de local pour abriter l'établissement projeté.

Cette maison, qui fut aménagée pour accueillir l'école, était sise dans la rue du Château (plus tard rebaptisée rue Chateaufavier). Elle est connue grâce à une description de l'érudit Cyprien Pérathon (1895) : "l'hôtel des Laboreys, l'un des plus remarquables d'Aubusson, est un bel édifice du plus pur style Louis XIII, construit en pierres de granit de grand appareil. Il porte la date, en relief, de 1630 et le numéro 20 de la rue. A l'une de ses extrémités est une élégante tourelle en poivrière. On remarque, à l'angle opposé et à l'intérieur de la cour, une haute tour carrée de style plus ancien, qui paraît avoir appartenu à un système de fortifications qui défendait, du côté du couchant, les approches du château d'Aubusson". Sur la matrice du cadastre napoléonien de 1812, la maison "quoique vieille" est déclarée "très solide, construite en pierre et couverte en tuile". L'acte de vente de 1824 (voir ci-après) précise qu'il s'agissait d'une "maison à deux étages, avec une cour, une boulangerie, une petite cour séparée de la précédente par un mur, une remise, une écurie sur laquelle est un bûcher, contenant une superficie de cinq ares soixante centiares".

En plus de la rente de Mme de Chateaufavier et de l'apport substantiel de l'usufruit de sa propriété de la rue du Château, le Conseil Général était prêt à allouer la somme de 2000 francs pour permettre l'installation de l'école - mais à condition que la municipalité apportât aussi sa contribution financière. La donation de Mme de Chateaufavier fut effective le 23 septembre 1823 : elle servit finalement à acheter la maison, afin de régler les éventuels problèmes juridiques qui auraient pu naître de l'usufruit. L'acte de vente fut signé le 24 mars 1824.

Le frère Aggée de Clermont-Ferrand se déplaça alors à Aubusson pour voir le travail à effectuer dans l'hôtel Chateaufavier en prévision de l'installation des frères. Il chiffra le montant des aménagements à 8000 francs. Mais le produit de la rente pour l'année 1826, adjoint aux sommes apportées par le conseil général et la commune, était trop faible pour faire face à la dépense. En date du 16 juillet 1826, le conseil municipal décida donc d'ajourner la création de l'école des frères jusqu'à la réception de nouveaux dons.

En 1833, le dossier n'avait enregistré aucun progrès. C'est alors que la loi Guizot du 28 juin prescrivit d'établir dans chaque commune une école primaire, dans laquelle les enfants indigents pourraient recevoir l'instruction gratuitement. Une commission fut donc nommée le 19 juillet 1833 à Aubusson pour étudier la question non résolue de l'installation des frères.

Leur arrivée imminente provoqua une véritable cabale anticléricale, nourrie par le sous-préfet Bandy de Nalèche, qui se ligua avec Hippolyte Grellet, le gérant de l'Album de la Creuse, pour critiquer ces "jésuites subalternes". Malgré ce contexte houleux, le 11 octobre 1834, le conseil municipal statua enfin sur l'installation des frères à Aubusson. Ils furent admis sous certaines conditions :

1° la ville ne ferait aucun frais d'installation

2° elle serait propriétaire, sans indemnité, non seulement de l'hôtel acheté en 1824, mais également de toutes les constructions ordonnées par les frères

3° elle aurait le droit de supprimer l'école en cas d'établissement d'un collège ou pour toute autre fin

4° elle pourrait fournir un autre local aux frères.

4° elle pourrait fournir un autre local aux frères.

Il fallut ensuite procéder à l'aménagement du bâtiment, pour lequel le Ministère de l'Instruction Publique accorda un secours de 2000 francs. Les archives communales précisent que deux salles furent construites en 1835, pour accueillir les élèves. Une troisième classe leur fut adjointe en 1838.

L'inauguration de l'école des frères eut lieu le 5 novembre 1835, en présence du maire et de l'évêque.

Le 27 février 1837, le conseil municipal, considérant que l'école des frères figurait au budget de la commune, qu'elle recevait 200 élèves et satisfaisait aux obligations légales, décida de compléter la dotation des frères et de considérer leur établissement comme école communale. Un conflit s'engagea alors entre l'institution et la mairie sur la liste des élèves : le conseil municipal avait-il le pouvoir d'en fixer le nombre d'élèves total ou seulement le nombre d'élèves admis gratuitement à y entrer ? L'année 1840 marqua un apaisement, avec l'arrivée du frère Prétextat à la tête de l'école. De nouveaux travaux furent vraisemblablement effectués dans le bâtiment de la rue Chateaufavier, en 1848, 1856 et 1876 pour des réparations ou des agrandissements, sans que les archives permettent d'en préciser la nature exacte. Toutes ces réfections tendent à prouver que l'école se trouvait alors dans un piteux état matériel, à une époque où l'inspection se faisait de plus en plus exigeante sur les conditions de travail des enfants et des maîtres.

En 1876 succéda au frère Prétextat Léonard Combralier, le frère Hilarin-Emilien. La querelle anticléricale ressurgit : des voix s'élevèrent pour dénoncer le fait que l'école des frères était la seule école publique d'Aubusson et qu'il aurait été souhaitable que s'ouvre un second établissement public et laïc, pour permettre le libre choix des familles. Les rapports se succédèrent pour dénoncer, en parallèle, la malpropreté affligeante de l'édifice, qui menaçait ruine. Le 3 novembre 1878, le conseiller municipal Alfred Roseleur, futur maire de la commune, proposa un vœu qui fut adopté à l'unanimité : celui de la construction d'un nombre indéterminé de groupes scolaires, avec un emprunt de 150 000 francs. Roseleur souhaitait le départ des Frères, tandis que plusieurs familles d'industriels aubussonnais, dont les Sallandrouze Le Moullec, étaient favorables à leur maintien. En août 1878 fut décidée la création d'une école publique laïque, destinée à proposer une alternative à celle des Frères. Elle ouvrit ses portes le 10 novembre, dans un local de la rue Vieille, au-dessus des écuries d'une auberge, sans cour de récréation, ni même cabinets d'aisance. Malpropre et peu sécurisée, très vite insuffisante, elle fut déplacée en 1882 au numéro 7 de la rue des Tanneurs.

Parallèlement, Combralier commit plusieurs maladresses : il fut révoqué le 25 septembre 1883 pour avoir enseigné le catéchisme dans l'enceinte de l'école des Frères. C'est ainsi que le 22 octobre 1883, le conseil municipal vota la laïcisation de l'établissement. Les frères durent quitter immédiatement l'hôtel de la rue Chateaufavier.

La laïcisation de l'école congréganiste entraîna d'importantes charges pour la commune et la nécessité de construire une nouvelle école, plus fonctionnelle, à l'emplacement de l'hôtel Laboreys, qui fut finalement détruit. D'après une mention des archives départementales, les bâtiments actuels dateraient de 1893-1898. De nouveaux travaux d'agrandissement eurent lieu en 1904-1909 (construction de deux classes sous les préaux).

Aujourd'hui les bâtiments abritent pour partie l'école primaire communale (CE2 et CM1) et le CMPP, propriété du département.

Ils ont pris le nom de Jean Macé, en hommage au fondateur de la Ligue Française d'Enseignement.

Depuis le 20 février 2009 (arrêté de l'Inspection Académique), une réorganisation et une restructuration des écoles d'Aubusson est envisagée, avec, à terme, la désaffection probable de l'école Jean Macé, en raison de sa vétusté.

Périodes

Principale : 4e quart 19e siècle

Secondaire : 1er quart 20e siècle

Dates

1893, daté par source

1904, daté par source

L'école a été bâtie à l'emplacement de l'ancien hôtel Laboreys de Chateaufavier. De plan rectangulaire régulier, elle présente une élévation ordonnancée de cinq travées, la travée centrale formant un avant-corps en légère saillie, sous une haute toiture mansardée couverte d'ardoise. L'avant-corps se signale par un fronton cintré dont les rampants sont interrompus par une lucarne à ailerons, elle-même couronnée d'un fronton cintré. Deux forts larmiers en pierre de taille courent tout le long de la façade, sous les appuis des baies du premier et du second étages, et renforcent son horizontalité. Les ouvertures de l'avant-corps central sont des baies jumelées. Les autres fenêtres présentent un cintre surbaissé.

On note l'animation de la façade par un travail prononcé sur la polychromie, obtenue grâce au contraste de l'enduit blanc, du granite de couleur grise et de la brique rouge. Les encadrements des fenêtres sont en briques rouges, rythmées par de gros claveaux de granite. On retrouve cette alternance sur les pilastres qui encadrent l'avant-corps. Au rez-de-chaussée, en revanche, la polychromie laisse place à un jeu de textures et de matériaux, puisque les encadrements des baies font alterner des claveaux de granite gris, nus et lisses, avec un bossage rustique. Les souches de cheminée sont en brique. Le faîte du toit s'orne d'une crête continue en métal, avec des motifs géométriques. L'escalier central, auquel donne accès la porte d'entrée, permet de rattraper le niveau de cour situé à l'arrière et plus élevé. Deux bâtiment bas, aux façades simplement animées par des chaînes de pierre aux encadrements des baies et des portes, ferment le U formé par cette cour. Ils contiennent les salles de classe aménagées sous les anciens préaux.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : granite

  2. Matériau du gros oeuvre : brique

  3. Matériau du gros oeuvre : granite

    Revêtement : enduit

Toits
  1. ardoise
Plans

plan rectangulaire régulier

Étages

2 étages carrés, étage de comble

Élévations extérieures

élévation ordonnancée

Couvertures
  1. Partie de toit : croupe brisée

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Creuse , Aubusson , 20 rue Chateaufavier

Milieu d'implantation: en ville

Cadastre: 2007 AL 19

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