Taugon, les bords de Sèvre : présentation

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Taugon avant Taugon

On ne connaît que peu de choses sur l’histoire de Taugon et de son territoire avant le XVIe siècle. Ancienne île calcaire devenue terre haute entourée de marécages au Moyen Âge, Taugon fait partie des biens dépendant de l’abbaye de Maillezais, donnés vers l’an Mil par le comte de Poitou à cette abbaye, ensuite érigée en siège d’évêché en 1317. L’évêque de Maillezais puis de La Rochelle en est donc le seigneur jusqu’à la Révolution. En 1146, le roi de France Louis VII, duc d’Aquitaine, confirme des exemptions accordées par le comte de Poitou à l’abbaye de Maillezais au sujet de l’église de Taugon. Vers février 1270, Geoffroy de Puy-Chabot et Brice, son épouse, font don à Raoul, abbé, et aux religieux de l'abbaye de Maillezais, de tout ce qui leur appartient à Taugon et au "Vieux-Maillezais" (sans doute le Vieux-Maillé, à La Ronde). En 1301, le lieu de « Toguont » est mentionné dans un échange effectué de la terre et seigneurie de Rochefort contre des domaines en Aunis par le roi Philippe IV le Bel.

Il faut ensuite attendre le XVIe siècle pour relever quelques mentions de Taugon et de ses habitants, notamment dans des actes notariés. La principale a trait à un premier projet d’aménagement de marais lorsque, le 28 novembre 1558, l’évêque de Maillezais cède à treize habitants de Taugon quelques arpents de marais appelés les Combrands, au bord de la Sèvre Niortaise. Ces "marais, lieux et places vagues inutiles" devront être "augmentés et mis en valeur".

Les grands dessèchements du XVIIe siècle

Cette tentative isolée précède la grande œuvre de dessèchements qui bouleverse fondamentalement le territoire de Taugon, comme tous les marais du Nord-Aunis, dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Tout commence lorsqu’en 1653, l’évêque de Maillezais-La Rochelle, Jacques Raoult de la Guibourgère, décide de faire dessécher les marais qu’il possède à Taugon et La Ronde, prenant en cela modèle sur l’évêque de Luçon qui vient de céder ses marais de Choupeau à René Sochet de Gontry. Mgr Raoult a besoin d’argent pour financer le transfert de son évêché à La Rochelle, et il fait appel au meilleur enchérisseur. Après avoir rejeté plusieurs candidats, ce n’est qu’en 1657 qu’il accorde ses marais à Pierre Perrien, marquis de Crenan, gestionnaire du comté de Marans, puissant personnage investi dans les dessèchements de marais.

Le 30 mai 1657 est signée entre eux la baillette des "marais, palus, canaux, levées et terres inondées es paroisses de Taugon et La Ronde". Elle prévoit la cession de la propriété de ces marais à Perrien de Crenan et à ses associés ; en échange, l’évêque de La Rochelle percevra un quinzième des récoltes produites dans les marais nouvellement desséchés, en plus de la perception d’un cens pour lods et ventes. Il bénéficiera en outre de deux fermes ou cabanes de marais desséchés, exempts de toute contribution au financement des travaux et à l’entretien des canaux : ce seront la cabane l’Evêque à La Ronde, et la moitié est de la cabane de l’Enchère, à Taugon. Enfin, l’évêque, qui conservera son autorité seigneuriale sur Taugon et La Ronde, recevra 15000 livres pour l’aider à financer la construction de son nouveau palais épiscopal à La Rochelle.

De son côté, Perrien de Crenan s’adjoint au cours des années suivantes plusieurs associés pour l’aider dans sa coûteuse entreprise, et se rapproche des dessiccateurs des marais de Choupeau, d’une part, de ceux de Benon d’autre part. Ils fusionnent le 26 juillet 1657 pour former la Société des marais desséchés de Taugon-La Ronde-Choupeau-Benon qui va diriger les opérations et gérer, jusqu’à nos jours, les nouveaux marais desséchés. Le 17 octobre 1665, les membres de la Société se partagent les terres conquises sur les eaux, à proportion de leur apport financier respectif ; un partage renouvelé en 1675 à la suite d’erreurs de comptes et de litiges. Chacun reçoit alors une ou plusieurs cabanes dont les canaux et fossés rectilignes structurent désormais le territoire et le paysage. Au sud, la paroisse de Taugon est délimitée par le canal de la Banche qui achemine toute l’eau du dessèchement vers la mer. A l’ouest et au nord, elle est ceinturée par la digue de Taugon qui empêche désormais l’eau de la Sèvre Niortaise d’envahir les marais desséchés. Au-delà, les marais mouillés restent sous la menace de l’inondation.

Taugon au XVIIIe siècle et sous la Révolution

Ainsi réorganisée, la paroisse de Taugon, dont La Ronde est une annexe, se développe économiquement et démographiquement au XVIIIe siècle. Les grandes cabanes de marais desséchés sont la locomotive de cet essor qui ne profite toutefois avant tout qu’à leurs propriétaires, riches rentiers établis en particulier à La Rochelle. Les Pugnet de Boisvert (propriétaires de la Boisverterie), Fleuriau de Bellevue, Macault et Prou de Monroy, par exemple, dominent la structure foncière du territoire. En 1709, on compte 280 feux (soit environ 1100 habitants) à Taugon et La Ronde, 648 (soit environ 2600 habitants) en 1763, 513 (ou 2130 habitants) en 1790. En 1714, l'ingénieur Claude Masse témoigne de la croissance démographique du territoire, favorisée par les dessèchements : Taugon et La Ronde "se peuplent actuellement. Il y en a [des habitants] trois quarts de plus qu'il n'y en avait il y a 50 ans devant le dessèchement des marais". Parmi les habitants de Taugon, les plus chanceux sont les cabaniers auxquels les riches propriétaires afferment leurs cabanes.

Le reste de la population est constituée de journaliers, ouvriers agricoles dans les cabanes ou qui exploitent leurs marais mouillés et leurs terres hautes, ainsi que d’artisans. Le bourg présente aussi plusieurs moulins : il n’en reste qu’un, aux Grèves, d’autres existaient aux Rentes, au Bois et à la Cosse. Toutes ces activités sont contrôlées par l’autorité seigneuriale de l’évêque de La Rochelle qui, régulièrement, afferme la terre et seigneurie de Taugon-La Ronde à des notables locaux. Les paysans de Taugon bénéficient enfin du marais communal que la baillette de 1657 leur a attribué et que le partage de 1665 a placé à l’ouest du bourg.

Dans les marais, l’activité est encore fréquemment contrariée par les inondations et les ruptures de digues qui dévastent non seulement les marais mouillés mais aussi les marais desséchés pendant une grande partie du XVIIIe siècle. Régulièrement, les autorités et les habitants dénoncent l’effet de goulet d’étranglement provoqué par les digues de Taugon et de Vix au niveau des marais du Sablon, et aussi par les écluses ou pêcheries disséminées sur la Sèvre (le Fossé du Loup, Pain Perdu, le Rouleau, le Sablon…) Pour y remédier, outre l’entretien et la surveillance réguliers des digues et des canaux, la Société des marais de Taugon poste sur sa digue, à partir du début du XVIIIe siècle, et à intervalle régulier, des gardes ou huttiers qui, en échange de la surveillance constante de l’ouvrage, sont autorisés à habiter sur la digue, dans des « huttes », avec leurs familles. Si la plupart ont disparu au XXe siècle, plusieurs de ces huttes sont encore observées aujourd’hui.

La situation évolue peu après la Révolution. Le principal changement réside dans la disparition de l’autorité seigneuriale de l’évêque de La Rochelle, dont les biens (cabane, four banal) sont vendus comme biens nationaux. Quelques cabanes sont aussi saisies à l’encontre de nobles émigrés, mais la plupart les récupèreront sous ou après l’Empire. Tout au long du XIXe siècle, les grandes familles de propriétaires (notamment Jacques Christophe Prou de Monroy et les Fleuriau de Bellevue) continueront à jouer les bienfaiteurs pour la commune et la paroisse. Au début de la Révolution, l’agitation gagne la paroisse, devenue commune, au sujet, déjà, de la question religieuse. Très pieuse (la richesse du décor du chœur de l’église en témoigne, et la paroisse a reçu à plusieurs reprises, au XVIIIe siècle, des missions montfortaines, comme le rappelle la croix de la Rabatière), Taugon s’insurge lorsqu’on lui impose, en 1791, un curé constitutionnel, l’abbé Crespeau, en lieu et place de l’abbé Logeais, réfractaire comme son collègue de La Ronde. En octobre, le curé Crespeau doit fuir Taugon, assailli par la foule à la sortie de la messe, et sans que le maire, Mathieu-Alexis Hurtaud n’ait réagi.

Une commune rurale qui évolue entre 1800 et 1950

La commune connaît quelques évolutions dans la première moitié du XIXe siècle, à commencer par la séparation de La Ronde, érigée en commune distincte par ordonnance royale du 17 octobre 1847. Après cette séparation, la seule commune de Taugon compte en 1851 1159 habitants, 1361 en 1866. Les marais mouillés de Taugon, comme pour tous ceux du bassin de la Sèvre Niortaise, sont mieux drainés grâce au creusement de deux des canaux de redressement du fleuve : le canal du Sablon, certes situé à Vix mais qui améliore l’évacuation des marais mouillés du Sablon ; et surtout le canal du Fossé du Loup qui, à partir de 1834, permet à l’eau et aux bateaux de ne plus avoir à suivre le long contour de Maillé, créant par la même occasion une nouvelle île, l’île de la Chatte, conservée sur le territoire de Taugon. Plus localement, la route d’eau qui, sans doute depuis avant les dessèchements, longe le bourg à l’ouest en desservant ses nombreux petits ports, est régulièrement curée par la municipalité. Les efforts portent aussi sur l’amélioration de la circulation terrestre. Dès 1826, le chemin du Pont Bastard est aménagé le long d’un nouveau canal creusé parallèlement, le canal des Enfers, pour mieux desservir la commune par le sud. Au nord, parallèle au canal du Frêne, une route relie à partir de 1858 le bourg au nouveau passage par bac du Rouleau.

A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, alors que l’activité commerciale et artisanale se développe dans le bourg, de nouvelles actions sont menées pour améliorer le quotidien des habitants et les communications. Le passage du Rouleau est remplacé en 1900 par le pont du Sablon (reconstruit et élargi en 1972). En 1910-1912, le chemin de halage qui longe la Sèvre Niortaise depuis un siècle, est terrassé au niveau des Sauveurs et reconnu comme voie communale au Fossé du Loup. En 1928, l’île de la Chatte est enfin reliée par un pont, via Maillé. Divers équipements font entrer Taugon dans la modernité : ouverture d’un bureau de poste en 1911 ; mise en place en 1912 de l’éclairage public au gaz dans le bourg, lequel est électrifié à partir de 1922-1923, avant les écarts en 1937 ; ouverture en 1921 de la ligne de bus La Rochelle-Maillé, avec arrêt à Taugon, etc. En 1926, la mairie s’installe dans les anciens locaux de la laiterie coopérative qui, créée en 1893, s’est établie route de La Ronde et continue à exploiter la production laitière des cultivateurs des environs. Malgré tout, victime de l’exode rural, la commune perd déjà régulièrement des habitants : 1268 en 1881, 1098 en 1911, 783 en 1936. Les finances de la commune sont limitées, au point qu’il faudra attendre 1946 pour qu’un monument aux morts soit construit.

Et puis le développement des équipements est marqué par les querelles politico-religieuses qui, déjà prégnantes sous la Révolution, agitent vivement la commune à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. C’est que le camp paroissial est particulièrement nombreux et puissant à Taugon à cette époque, comme en témoigne le pèlerinage à Notre-Dame des Sept douleurs, organisé en particulier à partir de 1873 ; ou encore la reconstruction de l’église, en 1913, après son effondrement partiel, reconstruction vivement encouragée par toutes les autorités, municipales comprises. Le débat entre celles-ci et l’Etat de la troisième République est vif notamment autour de la question scolaire. Si, dès 1837, Taugon s’est doté d’une école publique de garçons pour laquelle on a construit en 1860 de nouveaux locaux, rue de la Cosse, la création d’une école publique et laïque de filles, rendue obligatoire par la loi de 1886, suscite un bras de fer entre l’Etat et les autorités taugonnaises. Le camp paroissial et la majorité du conseil municipal s’opposent longtemps à cette création, estimant suffisante l’école privée pour filles (3 rue de la Vinette), tenue depuis 1867 par les religieuses de l’Immaculée Conception de Bordeaux. C’est contrainte et forcée que la municipalité crée une école publique de filles en 1892, mais il faut attendre 1929 pour que des locaux lui soient véritablement affectés dans l’enceinte de l’école des garçons, rue de la Cosse. La loi de séparation des églises et de l’Etat en 1905 ravive les tensions autour de l’école privée mais aussi du presbytère pour lequel la commune refuse un temps de percevoir un loyer auprès du curé.

Les nouveaux défis de la seconde moitié du XXe siècle

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, Taugon fait partie du territoire évacué autour de la Poche de La Rochelle. Après-guerre, la commune continue à perdre des habitants : 719 en 1946, 667 en 1962, 610 en 1990. L’agriculture, frappée par cette perte de main-d’œuvre, se modernise et des opérations de remembrement et de drainage bouleversent, comme au XVIIe siècle, les paysages des marais desséchés (les marais mouillés restant en grande partie à l’écart du processus) : des canaux et fossés secondaires disparaissent, de même que les nombreuses haies bocagères qui, comme le montrent des vues aériennes des années 1950-1960, entouraient les parcelles. Celles-ci sont regroupées en de vastes étendues désormais vouées à la grande céréaliculture, tandis que l’élevage s’éteint quasiment.

Les autorités locales lancent des initiatives pour maintenir la population sur le territoire, notamment les jeunes. Dès 1947, la municipalité décide de mettre à la disposition de la Société sportive de Taugon, ainsi que des élèves des écoles, un terrain communal pour la pratique du sport, terrain pris sur l’antique marais communal qui, à l’ouest du bourg, vit ses derniers feux. Un véritable terrain de sport est aménagé en 1966, et un stade de football est inauguré en 1970. Toujours sur le même site, un terrain de camping est ouvert en 1978, et une salle du Foyer rural est mise en service en 1981, rénovée en 1995. Des cours de tennis voient le jour en 1988. Plus tard, en 2006, un Pôle Nature du Marais poitevin sera aménagé à quelques mètres de là, reconnaissant la situation privilégiée de Taugon au cœur d’un environnement si riche et particulier. Entre temps, la commune a, pour la première fois depuis les années 1860, gagné des habitants, au nombre de 823 en 2012 ; un chiffre cependant en baisse (791) en 2020.

La commune de Taugon s'étend sur la rive gauche de la Sèvre Niortaise. Elle est délimitée au nord-ouest et au nord par le fleuve lui-même, qui marque la frontière avec les communes de Vix et Maillé, en Vendée. A l'est, le canal de la Rabatière la sépare de la commune de La Ronde. Au sud, tout aussi rectiligne, le canal de la Banche assure la limite avec Saint-Cyr-du-Doret et Saint-Jean-de-Liversay, frontière prolongée à l'ouest par d'autres canaux et fossés secondaires tout aussi droits. La commune couvre 15,7 kilomètres carrés. Elle présente plus de 10 kilomètres de rives le long de la Sèvre Niortaise, en épousant ses nombreux méandres. Au plus long (du Marais du Sablon à la Vermillière), le territoire communal s'étire sur près de 6 kilomètres, pour 3 kilomètres au plus large (entre les Combrands et le pont de la Rabatière). A l'intérieur de ce territoire, on retrouve les trois grandes strates paysagères qui composent le Marais poitevin.

Les terres hautes, ancienne île calcaire, prennent place au centre du territoire communal. C'est ici que se concentre l'essentiel de l'habitat (le bourg). De faible altitude, le terrain s'élève vers le sud, culminant à l'église. L'ancienne île affecte la forme d'un triangle dont l'un des côtés, à l'ouest, est longé par une route d'eau. La pointe sud s'étire en une langue de terre sablonneuse, jusqu'au Logis des Grèves. Le coteau se prolonge au nord-est jusqu'au Grand Air et, à l'est, au pont de la Rabatière. Outre le bourg et ses extensions urbaines (à l'est notamment), ces terres hautes sont occupées en terres agricoles (quelques prés, champs céréaliers).

Près de 95 % du territoire communal sont en marais desséchés, tout autour des terres hautes. Ce paysage extrêmement ouvert (surtout depuis les réaménagements de la fin du XXe siècle) est transpercé par les canaux principaux (canal du Frêne, canal de la Rabatière) qui, du nord au sud, acheminent l'eau vers le canal de la Banche, principal évacuateur. Un réseau de canaux et fossés secondaires (lui aussi moins dense depuis quelques décennies, remplacé par le drainage) concourt à faire de ce paysage le royaume de la ligne droite, ponctué ici ou là des sièges d'exploitation des grandes fermes ou cabanes. Le tout est protégé par la digue de Taugon qui file au nord-ouest et au nord, en épousant les courbes de la Sèvre Niortaise.

Au-delà de cette digue, les marais mouillés, inondables, forment une bande de territoire plus ou moins large, selon que la digue se rapproche plus ou moins de la Sèvre (pas plus de quelques dizaines de mètres au Marais des Bourbons, au pont du Sablon ou encore près du Logis du Sablon). Les marais des Sauveurs, du Sablon, de la Chaudière et des Bourbons forment les espaces les plus larges, sans compter l'île de la Chatte, constituée d'une part par la Vieille Sèvre ou contour de Maillé, d'autre part par le canal du Fossé du Loup. Plus relâché dans cette île et dans les marais des Bourbons et du Sablon où s'étendent des prés, le parcellaire se resserre en lanières dans les marais des Sauveurs, et la végétation y est plus dense.

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