Maison, dite Palais Cardinal

France > Nouvelle-Aquitaine > Gironde > Saint-Émilion

De cet imposant bâtiment appelé "Palais Cardinal", il ne reste que la façade nord formant l'enceinte de la ville. Le riche décor conservé témoigne d'une édification entre la fin du 12e siècle et le début du siècle suivant. Cette façade ostentatoire et son bon état de conservation en ont fait l'un des bâtiments majeurs de Saint-Emilion et le modèle de toutes les autres maisons romanes de la ville. Mais loin d'être un cas isolé, cet édifice devait faire partie d'une série de riches maisons, au programme architectural commun, qui formaient tout le front nord de la ville comme semblent l'attester de récentes découvertes sur les parcelles voisines. La tradition, dont on ignore le fondement, a forgé l'idée que l'édifice a appartenu à Gaillard de La Mothe, neveu de Clément V, créé cardinal en 1316 ; l'appellation de "palais Cardinal" étant attestée dans les textes dès la fin du Moyen Age. En tout état de cause, la totalité du bâti conservé appartient au style de l'époque romane.

Périodes

Principale : limite 12e siècle 13e siècle

La façade est construite en pierre de taille de moyen appareil, d'un module plutôt allongé, à joints fins. Son épaisseur est d'environ 1,40 mètres. Les reprises des parements extérieurs ont été considérables au cours de plusieurs campagnes de restauration, documentées par les clichés anciens. Au total, le bilan établi en 2002 par le cabinet Boyé est éloquent : la plus grande partie des parements du rez-de-chaussée sont repris, surtout dans la moitié orientale. Cette façade se développe sur une quinzaine de mètres selon un parti architectural et une recherche de symétrie que l'on retrouvera sur les unités voisines 449 2 et 3. L'emprise de l'édifice est difficile à déterminer. Déjà du temps de Léo Drouyn le bâtiment était en ruine et l'archéologue ne s'est attardé que sur la façade nord. Maintenant que les agrandissements de l'hôtel contigu sont venus occuper l'emplacement du bâtiment, les observations sont devenues impossibles. Tout au plus peut-on, en se fondant sur le témoignage de Drouyn qui vit une porte romane sur l'impasse, estimer que le plan de masse de l'édifice était barlong et d'axe nord-sud, occupant la totalité d'une parcelle traversante entre l'enceinte et l'impasse Cardinal.

Le profil à pans coupés de la façade nord indique l'existence d'une contrainte, probablement le tracé du fossé, à laquelle s'est adapté le constructeur. Cela tendrait à prouver que le creusement du fossé est antérieur, contrairement à une tradition qui voulait que ce fossé soit venu englober ce bâtiment.

La façade est délimitée par deux larges pilastres et recoupée par trois autres, plus étroits, qui forment ainsi quatre travées régulières. Le pilastre occidental présente côté ouest un pan coupé au niveau du rez-de-chaussée contre lequel est venu se plaquer le mur d'enceinte du 14e siècle contrairement à l'étage où l'on observe une véritable suture. A l'autre extrémité de la façade, le pilastre oriental semble également se prolonger par un chainage d'attente sur lequel s'est greffée peu après la maison 449-2 qui présente les mêmes caractéristiques romanes que le "Palais Cardinal". La façade compte deux niveaux au-dessus du socle rocheux dégagé par le creusement du fossé. Au droit des deux travées orientales, la roche est entaillée de deux petites fentes de jour, qui signalent la présence d'une cave creusée dans le calcaire selon un parti proche de celui observé sur la maison 3-1 située à l'angle nord-est de ce même front. Le rez-de-chaussée est quant à lui éclairé par trois larges fentes de jour très ébrasées et couvertes d'arc en plein cintre. La travée la plus occidentale dispose d'une large porte (1m68 entre les piédroits), également couverte en plein cintre, qui présente les mêmes caractéristiques que celle récemment mise au jour sur la maison 449-3. Au-dessus de l'arc de la porte, une petite fente de jour désaxée éclairait probablement un escalier qui donnait un accès privatif au fossé. Étonnamment, cette porte et sa petite fente de jour cassent la régularité de la composition de cette façade; pourtant, il est certain que cette porte appartient à la construction d'origine.

Le traitement de l'étage est des plus recherché. Les quatre fenêtres géminées s'insèrent en creux entre les pilastres sur lesquels retombent les archivoltes qui les enserrent, mais en fait les baies sont percées au nu du mur des travées ; dans le cas des deux fenêtres centrales, le retrait paraît double, illusion crée par la saillie du pilastre médian. Cette observation met en lumière la vigoureuse composition de la façade, quadrillée par une trame où deux fines horizontales, dessinées par les cordons d'appui et d'imposte, offrent un contrepoint léger aux puissantes verticales des pilastres. Les archivoltes sont profilées à l'intrados d'une moulure torique et leur extrados est souligné par une moulure saillante portant des pointes de diamant, des zigzags ou des motifs végétaux (entrelacs avec palmettes). Les cordons d'imposte se retournent sur les tableaux. Le profil du cordon d'appui est recherché : un bandeau, dont l'arête inférieure est soulignée par un grain d'orge, surmonte une gorge profonde, elle-même bordée par un petit bandeau marqué par un rang de trous de trépan. Les colonnettes ont des fûts cylindriques sur des bases à trois registres (tore mince, gorge et large tore étalé en soucoupe jusqu'au bord de la plinthe). Les chapiteaux portent un décor végétal simple, à grandes feuilles issant de l'astragale qui se retournent en volutes sous les angles très saillant de tailloirs profilés de même que les cordons d'imposte (de haut en bas, bandeau, quart-de-rond et cavet). Les abaques sont bien dessinés, avec des dés d'angle et au milieu des faces. Les arrière-voussures de ces baies géminées sont en arc segmentaire très tendus. Dans les embrasures, les appuis sont traversants : il n'y a ni allège, ni coussièges, ce qui est une marque d'archaïsme ou d'ancienneté. En revanche, des feuillures latérales permettaient la bonne fermeture de volets (dont subsistent les gonds implantés dans les joints) qui prenaient également appui contre le revers des tailloirs et des bases des colonnettes, mais non contre les fûts et les chapiteaux, dépourvus de dos plats. Concernant le nombre des fenêtres, il ne faut pas accorder de crédit à l'affirmation de Jouannet qui écrivait en 1823 que quelques années plus tôt, la façade comptait six fenêtres. Les deux fenêtres les plus à l'est (aujourd'hui disparues) appartenaient en effet à la maison suivante 449-2.

Le pilastre axial, dédoublé pour accentuer le relief de la façade, ainsi que les deux larges pilastres des angles se poursuivent au niveau supérieur arasé. Il ne subsiste ici aucune trace d'un éventuel chemin de ronde. Par contre, on notera la présence de deux rangs de trous de boulin encadrant les fenêtres de l'étage, qui devaient permettre d'obstruer ces dernières en cas de danger, et même probablement d'y implanter temporairement des hourds. Ces trous de boulin traversant sont incontestablement contemporains de la construction.

Côté sud, le revers de la façade compte, au niveau de l'étage, trois logettes de latrines implantées à l'arrière des larges pilastres d'angles et dans celui du milieu. Ces logettes sont équipées d'un siège en pierre avec conduit maçonné de section carrée ou légèrement rectangulaire, dont l'orifice biais est ménagé au bas de la façade ; celles du centre sont à deux sièges. Elles sont dotées de fentes assurant l'éclairage et l'aération, visibles en façade. Aucun indice ne permet de restituer le niveau du sol de l'étage. Par contre, la limite avec la maison mitoyenne est très nettement perceptible grâce au collage qui précède la porte des latrines de cette seconde unité. Il n'y a ici aucune trace d'arrachement ce qui indique que le mur de refend était juste plaqué contre la façade et non lié à cette dernière.

Dans son Guide du voyageur à Saint-Emilion, Léo Drouyn décrit la porte d'entrée (aujourd'hui disparue) qui donnait sur l'impasse Cardinal comme étant "en plein cintre reposant sur un simple piédroit ; son arcade était surmontée d'une archivolte couverte d'étoiles à quatre rayons". Le lierre qui recouvre aujourd'hui ce mur ne permet pas de voir s'il conserve des éléments anciens.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : moellon

  2. Mise en oeuvre : moyen appareil

Toits
État de conservation
  1. vestiges

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Gironde , Saint-Émilion , impasse Cardinal

Milieu d'implantation: en ville

Lieu-dit/quartier: Ville haute

Cadastre: 1845 C 265, 2010 AP 448, 449 ([1])

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