Maison

France > Nouvelle-Aquitaine > Gironde > Saint-Émilion

Cet édifice fait l'objet d'une notice individuelle bien qu'il fasse partie d'une parcelle occupée par un autre vestige important du Moyen Age (cad. AP003-1), en raison du fait que l'ensemble résulte de la réunion de trois parcelles encore distinctes en 1845, et que plusieurs indices suggèrent qu'il s'agit d'unités médiévales différentes.

Cette maison est située à la limite sud de la vaste parcelle formant l'angle nord-est de la ville. Jusqu'à sa réhabilitation en 2015, ses vestiges d'époque médiévale ne consistaient qu'en un sommet de mur dépassant la toiture d'un garage en appentis qui s'y était adossé au début du 20e siècle, abritant à l'arrière une petite masure en ruine du 18e siècle. L'évaluation archéologique menée avant travaux a montré que ce mur percé de baies de différentes périodes, était en réalité la façade d'une demeure, qui est la plus petite des maisons formant enceinte repérée à ce jour, mais aussi la plus récente, datable de la fin du 13e siècle. Cette datation tardive témoigne ainsi de la longue durée du chantier de construction de la clôture de ville.

Périodes

Principale : limite 18e siècle 19e siècle

Principale : 20e siècle

Secondaire : 14e siècle

Secondaire : limite 15e siècle 16e siècle

L'emprise de l'édifice n'est attestée que par deux de ses murs : celui de sa façade (M1), de 6,30 m de large et en retour, son mur nord (M2), conservé sur seulement 5,20 de long pour servir de gouttereau à la bâtisse du 18e siècle. Cette dernière est en retrait d'environ 3 m de l'escarpe du fossé, ménageant un petit jardin agrandi par la place laissée libre après la démolition du mur d'enceinte. Pour autant, il est certain qu'avant sa destruction, cette muraille faisait nécessairement partie de l'enveloppe de la maison médiévale et en constituait la limite orientale. Au sud, le mur qui ferme la maison actuelle, en moellon monté à la terre, est entièrement du 18e siècle ; il semble qu'il ait été construit à l'emplacement du mur sud d'origine, dans l'axe d'un pan de mur en grand appareil ruiné qui fait clôture à l'angle sud-est, visible depuis le petit jardin à l'arrière de la masure actuelle. En outre, un alignement de joints verticaux sur sa face ouest, et une pierre en saillie laisse suspecter l'existence d'un mur en retour à l'avant de la façade, peut-être pour clôturer une cour.

La position de la façade ouest situe l'édifice en retrait de11 m de la ruelle d'axe nord-sud qui, par l'impasse Cardinal, permettait de desservir les maisons formant enceinte du front oriental de la ville. Il n'est donc pas exclu qu'une autre maison ou un corps de bâtiment annexe ait pu la devancer, en ménageant une cour intermédiaire accessible par une issue. Enfin, entre cette demeure et celle qui subsiste en bordure nord de la parcelle (palais Cardinal, cad. AP003-1), plusieurs indices suggèrent que deux autres maisons aient pu prendre place à l'endroit de la grande cour actuelle : une grande arcade de refend transversal visible depuis la carrière exploitée en sous-sol atteste même la présence d'une cave sous celle qui était mitoyenne avec la demeure formant enceinte côté nord.

Les murs nord et ouest présentent les caractéristiques de construction propres aux édifices d'époque romane : de 55 cm de large, ils sont constitués de parements de moyen à grand appareil (entre 35 à 45 cm de hauteur d'assise), composés de blocs de pierre de taille d'une qualité de découpe parfaite, dont les joints sont parfois réduits à quelques millimètres d'épaisseur. Le tout est lié par un mortier de chaux et sable de couleur beige rosé. Une différence notable distingue néanmoins ces maçonneries : à distances assez régulières des assises de réglage constituées de parpaings traversants, de faible hauteur d'assise (environ 20 cm) renforcent la cohésion du mur. Ces deux murs sont extrêmement altérés par plusieurs incendies qui ont nécessité de les colmater, voire de remonter entièrement certaines parties, dont le chaînage qui les liait.

La façade, très remaniée et altérée par plusieurs incendies, en particulier dans sa moitié inférieure, permets néanmoins de proposer une restitution de son état initial grâce l'analyse archéologique.

Une grande porte en arc brisé (P1-02) d'environ 1,50 m de large, pour 3 m de haut, permettait d'accéder au rez-de-chaussée : seuls quatre claveaux chanfreinés sont conservés et la découpe d'un cinquième dans une pierre du parement la partie basse du mur ayant perdu toute trace de cette porte remaniée à maintes reprises.

L'étage était éclairé par une baie géminée à remplage (F1-03) dont les éléments d'encadrement conservés suffisent pour en restituer précisément la forme. Au-dessus d'une imposte limitée à l'emprise de la baie, un linteau découpé en demi-cercle était constitué de trois pierres montées en tas de charge. Un bandeau en méplat était réservé sur le pourtour de la courbe pour simuler une sorte d'archivolte. Les parties échancrées du bloc de gauche montrent que les baies jumelles formait chacune une lancette découpée en trilobe, entre lesquelles était logé un jour d'écoinçon en quadrilobe. L'absence de feuillure indique que toutes ces parties de la baie étaient dépourvues de vitrage. Il est probable que la colonnette à chapiteau gothique retrouvée dans le jardin de la propriété voisine (1c, Place du Chapitre et des Jacobins) était le support médian retiré de cette baie lors de sa transformation en demi-croisée (F1-08). Sur la face interne du mur, l'embrasure est couverte d'une arrière-voussure en arc segmentaire et elle était garnie d'au moins un coussiège du côté droit.

A l'angle nord de la façade, quatre claveaux d'un arc brisé témoignent de la présence d'une porte d'étage (P1-04) dont le sommet de l'embrasure, en arc segmentaire, est visible au-dessus de la toiture actuelle. La proximité de la fenêtre interdit de penser que cette porte ait pu desservir l'étage d'une extension située à l'avant de la façade. Ce type d'accès en façade est fréquent aux 13e et 14e siècles, à Saint-Emilion (maison 22, rue Guadet par exemple) comme ailleurs, mais l'état lacunaire des vestiges, comme ici, soulèvent souvent plus d'interrogations qu'ils ne permettent d'en résoudre. Par une galerie longeant une cour, cette baie pouvait permettre de rejoindre un corps de bâtiment situé en bordure de rue, mais aucun indice archéologique ne permet de confirmer cette hypothèse. Il est plus probable qu'elle ait simplement servi à dégager de l'emprise d'un escalier l'espace utile de cette demeure de faible surface. Ainsi rejeté à l'extérieur, l'escalier avait en outre l'avantage de procurer une desserte autonome de l'étage, consacré au logis et libérait le rez-de-chaussée de toute servitude de passage pour les activités ou fonctions qu'il abritait. En l'absence de tout vestige, la proposition d'escalier en bois présentée sur le dessin est purement hypothétique, les deux volets permettant une représentation plus suggestive : il pouvait s'agir plus simplement d'un escalier droit, type échelle de meunier. Un corbeau, à droite de l'arc de la porte (C1-11), a été inséré après coup, mais très probablement au Moyen Âge. Sa présence ne peut se justifier qu'accompagnée d'un pendant à gauche de la porte, là où le parement s'est effondré, ces supports étant liés à la présence d'un auvent pour protéger le passage des intempéries, comme il en a été repéré plusieurs à Saint-Emilion (2bis, rue de l'Abbé Bergey, ou 22, rue Guadet).

L'intérieur de l'édifice ne comporte en l'état aucune trace d'aménagement domestique d'origine médiévale, le mur nord étant par ailleurs aveugle, probablement mitoyen.

Le type de couverture est difficile à restituer, l'édifice ne comportant aucune trace de pignon sur ses deux murs contigus nord et ouest. L'assise mince qui couronne le mur de façade, par l'absence de toute trace de mortier sur son lit d'attente, suggère qu'il s'agissait de la dernière assise où pouvait prendre place la sablière de la charpente, pour une toiture dont les pans auraient ainsi été disposés à l'est et à l'ouest. Si un pignon existait côté nord, il a pu être arasé au moment de la mise en place de la toiture actuelle en appentis, appuyée contre le mur sud de la masure du 18e siècle.

La datation des vestiges de cette demeure se fonde sur deux critères. Le premier est stylistique et touche aux formes de la baie géminée de l'étage. Son remplage assimile des éléments de vocabulaire du gothique rayonnant, mais encore pénétré des pratiques locales et de tradition romane : ainsi de ces blocs formant linteau au contour extérieur taillé en demi-cercle à l'imitation des couvrements en plein cintre. Le second relève des procédés techniques de construction. Le module des pierres de parement et le soin avec lequel elles ont été taillées et posées appartiennent bien au savoir-faire hérité du 12e siècle et qui perdure durant tout le 13e siècle. Toutefois, la présence d'assises de réglage traversantes incite à rapprocher cette maçonnerie d'un groupe d'édifices où ce procédé est appliqué, dont l'un d'eux est datable par le style de ses arcades, des années 1300 (5, rue de la Grande Fontaine). Ces traits distinctifs concordants suggèrent ainsi une datation de la fin du 13e siècle qui s'accorde aussi avec la période de généralisation du jour d'écoinçon dans le grand quart sud-ouest de la France.

Les modifications apportées à l'édifice à l'époque médiévale sont peu significatives en l'état, sinon la reprise du mur de façade, dont l'angle sud a été prolongé par un pan de mur comportant une porte d'étage retournée, soit présentant son embrasure du côté de la face extérieure de la façade. Cette porte témoigne peut-être de travaux d'agrandissement de l'édifice vers le sud, qui pourraient en ce cas expliquer la disparition du mur sud d'origine.

A la fin du Moyen Âge, vers 1500, la fenêtre de l'étage a été remplacée par une baie au goût du jour, une demi-croisée à encadrement et traverse chanfreinée couverte d'un massif linteau monolithe engravé d'un arc en accolade.

Ce n'est que plus tard dans l'époque moderne que l'édifice a été agrandi à l'avant de la façade. Une porte chanfreinée à linteau appareillé (P1-07) a ainsi été percée à l'endroit du montant de gauche de la porte d'étage primitive pour donner accès à une nouvelle pièce de l'étage, attestée par une ligne d'empochement de solives (1-17) à hauteur de son seuil.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : moellon

  2. Mise en oeuvre : moyen appareil

Toits
Étages

1 étage carré

Couvertures
  1. Forme de la couverture : appentis

Escaliers
  1. Emplacement : escalier dans-oeuvre

    Forme : escalier droit

    Structure : en charpente

État de conservation
  1. vestiges

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Gironde , Saint-Émilion , impasse Cardinal

Milieu d'implantation: en village

Lieu-dit/quartier: Ville haute

Cadastre: 1845 C 258, 2010 AP 3 ([2])

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