Église paroissiale Saint-Martin

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Au milieu du XIXe siècle, face à la forte augmentation de la population paloise et à la vétusté des bâtiments, le besoin de reconstruire les deux principales églises de la ville, Saint-Martin, l’église paroissiale historique de la ville, et Saint-Jacques, l’ancienne chapelle des cordeliers devenue église paroissiale au moment du rétablissement du culte en 1802, se fait de plus en plus pressant. C’est le constat établi par Léon Ohnet, inspecteur des monuments diocésains dans une lettre au maire de Pau datée du 3 novembre 1851 ; constat qu’il réitère deux ans plus tard dans une lettre au ministre des Cultes, affirmant que "le rapport sur l’état des églises de la ville de Pau ne sera ni long ni difficile, il se résume en ces quelques mots : la ville de Pau n’a pas d’églises." Ohnet propose deux solutions pour la reconstruction de Saint-Martin : l’agrandissement de l’église paroissiale grâce à la démolition du palais du parlement de Navarre voisin ou l’achèvement de l’église Saint-Louis, place Royale, dont les travaux ont été interrompus au XVIIe siècle. Très tôt, la lutte pour l’obtention des subsides municipales est âpre entre les deux paroisses, Saint-Jacques, la plus peuplée avec 9.500 paroissiens et Saint-Martin, la paroisse historique mais dotée de seulement 7.000 âmes. La municipalité ne peut cependant prendre à sa seule charge les deux chantiers, comme l’annonce le maire de Pau au conseil de Fabrique de l’église Saint-Martin lors de sa séance du dimanche de Quasimodo 1853 (10 avril). Un rapport est commandé aux architectes Tétaz, Lévy et Dumoulou sur les différentes possibilités. Daté du 9 avril 1855, il analyse les différentes options aussi bien pour la reconstruction de l’église Saint-Louis que pour la construction des nouvelles églises Saint-Jacques et Saint-Martin. Pour cette dernière, les architectes écartent à cette occasion les deux solutions proposées par Léon Ohnet au profit de l’achat du terrain de l’hôtel de Gontaut-Biron. Celui-ci présente en effet l'avantage d'être à mi-chemin entre le château et la place Royale, en bordure du futur boulevard, en plein cœur du quartier touristique de Pau.

Le choix des édiles se porte finalement sur Saint-Martin. Après avis du Comité consultatif des travaux communaux, rendu par lettre en date du 22 février 1856, le maire arrête le budget des travaux à 400.000 francs, qui n’incluent cependant pas l’ameublement de l’église, laissé à la responsabilité de la Fabrique. Il lance par la même occasion un concours pour la construction du nouvel édifice. Le 22 août 1857, le conseil municipal fixe par délibération l’emplacement de la future église sur le terrain Gontaut-Biron, suivant ainsi l’avis de Tétaz, Lévy et Dumoulou.

Un premier projet dans un style roman, orienté est-ouest, est présenté par Tétaz. Conformément à la loi, il est soumis pour avis au Conseil départemental des bâtiments civils qui, dans sa délibération du 19 février 1858, recommande une orientation nord-sud, dans l’axe de la rue Jeanne-d’Albret. Il pose également la question des dimensions du bâtiment projeté, quatre fois plus grand que l’ancienne église (80 x 30 m), et suggère un édifice plus modeste. Le 13 juin suivant, le Conseil renouvelle son avis, persistant "à recommander pour le tracé des rues latérales à l’église Saint-Martin de Pau les dispositions du croquis du 18 février dernier en appelant l’attention du conseil municipal sur les dangers qui paraissent inhérents à tous les projets et qui résultent de la position du chevet par rapport à l’escarpement du terrain."

Suite au désaccord de Tétaz et de la municipalité avec l’avis du Conseil, le préfet des Basses-Pyrénées soumet, à leur demande, le projet de l'architecte à l’avis du Conseil général des bâtiments civils. Il se compose, selon le rapporteur Paccard, d’un plan, de deux élévations de la façade ainsi que de deux coupes et est accompagné d’un extrait du registre des délibérations du Conseil départemental des bâtiments civils, du métré général des travaux et du devis estimatif qui évalue le coût des travaux à 444.438,25 francs. Si le Conseil général approuve le choix du style roman du XIIe siècle de Tétaz, moins coûteux que le gothique souhaité par le Conseil départemental, il demande une nouvelle étude pour la façade, qui inclurait un nouveau clocher-porche et la suppression des "absides" prévues, ainsi que de nouvelles proportions pour la nef et ses bas-côtés et la suppression des œils-de-bœuf de la nef au profit de baies en plein cintre.

À partir de 1861 les travaux sont confiés à l’architecte diocésain Émile Boeswillwald. Dans une lettre adressée au maire de Pau le 29 avril 1861, celui-ci examine à nouveau les mérites des deux terrains potentiels : l’emplacement de l’église historique et le terrain Gontaut-Biron, faisant remarquer dans les deux cas les problèmes de stabilité du sol. Reconnaissant les avantages du terrain Gontaut-Biron, il recommande néanmoins une orientation est-ouest du bâtiment, s’éloignant ainsi de l’avis du Conseil départemental. La municipalité lui impose cependant une orientation nord-sud, choix qu’il regrette dans une lettre adressée au maire le 23 décembre 1861, où il expose son programme pour l’église. Le 8 janvier 1862, un devis estime le coût des travaux à 449.897,73 francs. Celui-ci est accompagné du plan général, du plan de l’église, de l’élévation de la façade nord, de l’élévation de la façade ouest, d’une vue de l’abside, d’une coupe longitudinale, d’une coupe du transept "donnant vue sur le chœur", d’une "coupe transversale sur la nef avec vue sur la tribune", le tout à l’échelle 1/1000e. Toutes ces pièces ont aujourd’hui disparu. Est également jointe une lettre explicative où il préconise "que l’on adopte plutôt un style simple comme celui des monuments de la fin du XIIe siècle ou du commencement du XIIIe siècle que celui fleuri de l’époque de Saint-Louis lequel entraînerait à des dépenses de tailles, de moulures et de sculptures trop dispendieuses […]", fixant ainsi le programme stylistique qui sera suivi tout au long du chantier. Le programme a été donné par l’abbé Saint-Guily, curé de Saint-Martin. Le plan se compose, déjà, d’une nef à 5 travées avec bas-côtés, d’un transept flanqué de 4 chapelles, d’un chœur avec abside, de 2 sacristies à étages et d’un clocher formant porche. Selon ce projet, "Les murs seront de caillous [sic] apparents sur le parement extérieur reliés par des bandeaux de briques". Boeswillwald choisit pour les chaînages la pierre de Louvie, très chère mais très dure et n’autorisant donc pas une sculpture trop développée, permettant ainsi des économies tout en respectant le style épuré souhaité par l’architecte et le prêtre. Le conseil municipal approuve ce nouveau projet, sous condition que les dimensions de l’édifice soient fixées à 63 mètres sur 28 mètres. Boeswillwald, dans une lettre en date du 19 février 1862, attire l’attention du maire et du conseil sur le fait que de telles dimensions entraineraient une augmentation du budget de 200.000 francs. Nouvelles dimensions et nouveau budget sont néanmoins acceptés par le conseil, comme l’atteste une lettre de Boeswillwald en date du 10 août 1862.

Le 6 janvier 1863, Boeswillwald accède aux demandes de l’évêque de Bayonne et modifie son projet en supprimant la crypte, en perçant un accès direct du chœur dans les sacristies, en ajoutant deux chapelles de catéchisme et en ouvrant des portes dans la première travée des bas-côtés. Le 15 février 1863, Boeswillwald fait parvenir le projet modifié au maire de Pau. La nef est élargie d’un mètre et rehaussée de deux mètres, les bas-côtés de 0,80 m et 0,80 m. Le chœur et les sacristies sont modifiés en conséquence. Ces changements entraînent un surcoût estimé à 60.000 francs, pris en charge par la Fabrique, comme l’assure son président dans une lettre qu’il adresse au maire le 16 février, après décision du conseil en sa séance du 9 janvier précédent. On peut noter également que le projet prévoit des autels aux extrémités du transept. Dès cette époque, la municipalité fait savoir au conseil de Fabrique que sa participation se limitera à 450.000 francs et que tout dépassement devra être à sa charge. Le 7 mai de la même année, Boeswillwald envoie au maire le projet modifié, accompagné d’un nouveau devis se montant à 580.000 francs. Il divise les lots d’adjudication en maçonnerie, couverture, plomberie et serrurerie. L’architecte précise que peinture et vitrerie pourront être fournies ultérieurement et se réserve le choix du sculpteur "lorsque le moment sera venu".

C'est à cette époque, seulement, que le terrain Gontaut-Biron est acheté par la ville pour 234.500 francs. Le 22 mai, la première pierre est posée bien que l’appel d’offre n’ait donné aucun résultat, hormis pour le lot de serrurerie, adjugé à un certain Laborit (ou Labory selon les sources).

Boeswillwald propose alors, dans une lettre datée du 22 juin 1863, de réunir les lots restants en un seul et de réviser les prix devenus obsolètes car basés sur les tarifs de 1861. Il prévoit, pour compenser cette hausse, de supprimer une travée à l’église. Boeswillwald revient néanmoins sur cette idée dans une lettre datée du jour suivant. Il y suggère, pour diminuer les coûts, d’utiliser la pierre d’Angoulême en remplacement de la pierre de Louvie. Lors de sa séance du 29 juin, le conseil de Fabrique vote un budget supplémentaire de 172.187,59 francs correspondant à la somme nécessaire au financement des travaux. On trouve, le 22 juillet 1863, pour la première fois mention d’Escarraguel, entrepreneur à Bordeaux qui a remporté l’adjudication des travaux. Le contrat liant la ville et l’entrepreneur ne sera néanmoins signé qu’en novembre. Le 19 août, Boeswillwald adresse au maire un nouveau devis de 639.642,54 francs. Une lettre de Boeswillwald au maire, en date du 31 janvier 1864, indique que les travaux ne sont toujours pas lancés à cette époque. Le 22 juin 1864, un premier acompte est versé à Escarraguel. En juillet, la Fabrique verse le premier tiers de sa participation qui se monte alors à 188.642,54 francs. Le 20 août, l’architecte invite le maire à demander au préfet l’autorisation de détruire une partie des anciennes prisons, voisines du chantier, afin de bâtir les fondations du bras ouest du transept. Le 22 juillet 1865, Boeswillwald soumet au maire, pour approbation, un nouveau devis incluant une modification souhaitée par la Fabrique : le revêtement intégral des façades en pierres de taille d’Angoulême. L’augmentation du coût est estimée à 50.432 francs. Les frais supplémentaires seront pris en charge par la Fabrique qui a accepté, lors de sa séance du 5 juillet, de s’en acquitter en trois annuités à partir de 1866.

L'église est consacrée par Monseigneur Lacroix le 21 décembre 1871. Au total, la réalisation de l’église et de ses abords aura coûté plus d’un million de francs, dont 4.500 francs pour la serrurerie et 37.150 pour la sculpture.

Le chantier est suffisamment avancé en 1868 pour que commencent les travaux de décoration et d’ameublement de l’église. Ceux-ci, comme initialement convenu avec la municipalité, seront intégralement pris en charge par la Fabrique. Pour l’ornementation de l’édifice, Boeswillwald s’est entouré d’une équipe d’artistes avec qui il travaille régulièrement et dont certains sont des proches. Les travaux de sculpture figurative sont ainsi confiés à Pascal et Geoffroy-Dechaume. Le 7 décembre 1869, le modèle du bas-relief représentant la Charité de saint Martin réalisé par Pascal arrive sur le chantier. L’année suivante, Geoffroy-Dechaume sculpte pour le transept quatre groupes figurant les symboles des évangélistes. La sculpture ornementale a, elle, été confiée aux sieurs Picquenot et Bouttier, qui sont payés, à compte, le 26 mars 1870, 8.000 et 4.500 francs respectivement. Le 6 juillet 1872, la ville de Pau reçoit par ailleurs un crédit de 10.000 francs accordé par le ministère des Cultes, utilisé pour le paiement de Bouttier. Les travaux de vitrerie commencent également à la même période, comme l’indique une lettre datée du 4 novembre 1868, dans laquelle l’architecte avertit le maire qu’il prépare des devis pour les vitraux. Ils seront exécutés par les ateliers d’Édouard Didron, d’après des cartons de Louis Steinheil qui a déjà travaillé avec Boeswillwald sur les chantiers, entre autres, des cathédrales de Laon et Bayonne. Supervisant l’ensemble du programme décoratif, Boeswillwald donne lui même le dessin de la chaire, des stalles et de l’ensemble du maître-autel, réalisés vers 1870. Les travaux de peinture ne commenceront en revanche qu’à partir de 1880, lorsque que Steinheil, sur la recommandation de Boeswillwald, réalise le décor de la chapelle de la Vierge, alors que celui de la chapelle du Sacré-Cœur est confié à son fils Adolphe. Le 31 juillet 1882, le conseil de Fabrique réclame dans une lettre adressée à Émile Boeswillwald les cartons et devis des travaux de décoration du chœur, que celui-ci envoie le 4 août suivant. Ils seront exécutés, en 1883-1884, par Jules Courtignon, qui a lui aussi travaillé à la cathédrale de Bayonne. Son fils sera chargé en 1891-1892 des peintures de la chapelle des fonts baptismaux, ainsi que de la chapelle des Morts. Les nouvelles grandes orgues sont reçues le 14 mars 1889. Le 1er octobre 1893, le président du conseil de Fabrique soumet le projet de Paul-Hippolyte Flandrin pour le tympan intérieur du porche qui est accepté. Le 14 juillet suivant, grâce au don d'un hivernant, commande est passée au même Flandrin d'un cycle sur la vie du Christ pour les arcades du chœur.

Le conseil de Fabrique, lors de sa séance du 27 avril 1919, fait état du don par Joseph Mauméjean, à l'occasion du mariage de sa fille dans l'église, d'une verrière sur le thème de l'éducation de la Vierge pour la chapelle de Notre-Dame-de-Lourdes (anciennement des Morts). Le conseil lui commande par la même occasion une verrière pour la chapelle des fonts baptismaux représentant le Baptême du Christ. Le 11 avril 1920, suivant la volonté du chanoine Dubarat, curé de l'église, le conseil de Fabrique commande à Gabriel Andral, pour le bras est du transept, un autel dédié à saint Martin, "en l'honneur de la Victoire et du souvenir des morts". Les travaux sont achevés en 1922, pour un coût total de 46.000 francs. Un orage de grêle endommage les verrières ouest de l'église en octobre 1928. Celles-ci sont restaurées par les ateliers Mauméjean en 1929, puis par les ateliers Arcencam en 1934.

Entre 1953 et 1958, la municipalité procède à la réfection des couvertures.

Périodes

Principale : 3e quart 19e siècle

Dates

1863, daté par source

Auteurs Auteur : Boeswillwald Émile, architecte (attribution par source)
Auteur : Escarraguel Louis Grégoire

Ingénieur civil à Bordeaux. Signe "l'architecte" sur le projet du presbytère de Saint-Christoly-Médoc en 1839.

, entrepreneur (attribution par source)
Auteur : Picquenot, sculpteur (attribution par source)
Auteur : Bouttier, sculpteur (attribution par source)
Auteur : Laborit, serrurier (attribution par source)

L'église Saint-Martin, orientée nord-sud, adopte un plan en croix latine. La nef, à 6 travées, se compose d'un vaisseau central flanqué de deux bas-côtés. Les deux dernières travées donnent, à l'est et à l'ouest, sur des chapelles de plan rectangulaire. Le transept saillant est doté à chaque bras de deux chapelles, l'une de plan rectangulaire ouvrant sur la première travée du chœur, l'autre à trois pans à 45°. Le chœur est à 2 travées et abside à 7 pans. Il est flanqué, dans sa deuxième travée, de deux sacristies.

La nef se développe sur 3 niveaux : un premier niveau de grandes arcades à arc outrepassé, un niveau d'oculi polylobés aveugles et un niveau de fenêtres hautes à arc brisé en triplets. L'ensemble de l'édifice est voûté d'ogives.La façade septentrionale se compose de la tour-porche que flanquent les demi-pignons des collatéraux : la tour-porche se développe sur quatre niveaux, chacun flanqué de contreforts en façade, à l'exception du dernier flanqué de paires de colonnettes engagées. Au premier niveau : le portail dont les bandeaux de la voussure sont laissés plats et les piédroits sont ornés de trois colonnes engagées. Un relief dans le goût des Della Robbia, représentant saint Michel tenant la balance du Jugement Dernier, est placé au centre du tympan. Au second niveau : une arcade jumelée à arc outrepassé sur colonnettes, percée de deux baies à arc brisé, sous un arc outrepassé sur colonnettes dont le tympan est ornée d'un haut-relief représentant la Charité de saint Martin. Le troisième niveau est rythmé par une arcature aveugle à arc polylobé sur colonnettes dont les tympans sont percé d’œil-de-bœufs. Le quatrième niveau est percé de trois baies à arc brisé, d'inégale hauteur, fermées par des abat-son.

L'édifice est bâti en appareil régulier calcaire (pierre d'Angoulême) et couvert en ardoise, sauf pour la flèche, couverte en pierre d'Angoulême.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : pierre de taille

Toits
  1. ardoise, calcaire en couverture
Plans

plan en croix latine

Étages

3 vaisseaux

Couvrements
  1. voûte d'ogives
Couvertures
  1. Forme de la couverture : toit à longs pans

    Partie de toit : pignon découvert

  2. Forme de la couverture : toit polygonal

    Partie de toit : croupe polygonale

  3. Type de couverture : flèche en maçonnerie

    Forme de la couverture : flèche polygonale

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Pyrénées-Atlantiques , Pau , rue Henri-IV

Milieu d'implantation: en ville

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