Présentation de la commune du Vanneau-Irleau (bords de Sèvre)

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Deux seigneuries parallèles

Comme beaucoup de promontoires calcaires dominant les marais de la Sèvre Niortaise, les terres hautes du Vanneau-Irleau ont dû être occupées dès les époques préhistoriques, gauloises et romaines. Rares sont toutefois les traces archéologiques qui permettent d’évoquer ce phénomène. Des repérages ont émis l’hypothèse de l’existence d’une enceinte de l’Age du bronze ou de l’Age du fer à Caillolet, au nord-ouest du bourg du Vanneau, ou encore d’une nécropole de la même époque au moulin de la Paloube, mais sans davantage de certitudes.

Il faut attendre le Bas Moyen Age pour que le Vanneau et Irleau apparaissent dans les documents. Une première mention de Vonenellum est faite en 1237, une autre de Vanellum en 1402. Les archives parlent aussi du lieu Insula Raaudi en 1260, devenu l’Isleroyau en 1522, Irelau en 1599, et encore l’île Réau en 1616. La paroisse du Vanneau, vouée à saint Eutrope, évangélisateur de la Saintonge, fait partie du diocèse de Saintes, archiprêtré de Mauzé. L’église est probablement déjà située à l’emplacement de l’actuelle salle des fêtes, et le cimetière là où il se trouve toujours. Dans les années 1850, la plate-tombe d’un chevalier est transportée de ce cimetière dans l’église. Disparue depuis lors, elle présentait dans toute sa longueur une croix aux bras courts, dotée d’un socle et flanquée, à droite, d’une massive épée. La tradition orale parle d’une chapelle à Sainte-Sabine, métairie qui dépendait de la seigneurie d’Irleau.

Le territoire communal actuel est en effet partagé à l’époque médiévale en deux seigneuries, l’une à Irleau, l’autre au Vanneau. A la fin du 14e siècle, Jean de Béchillon, qui meurt en 1393, est seigneur d’Irleau. Le siège de sa seigneurie devait se trouver à l’emplacement de l’ancien logis seigneurial du 18e siècle (3 et 5 rue du Péré), ou bien dans l’îlot qui émerge au nord du hameau (lieu-dit l’Ile). L’autre seigneurie, celle du Vanneau (siégeant probablement vers les actuels 2 à 8 rue de la Mairie), est détenue en 1405 par Jean de Vouhé qui lègue ses biens à Pierre de Béchillon, seigneur d’Epannes et d’Irleau, lequel réunifie ainsi les deux seigneuries. En 1450, Guillaume de Béchillon, fils de Pierre et de Jeanne de Vivonne, est seigneur du Vanneau et d’Irleau.

Si la famille de Béchillon reste à la tête de la seigneurie d’Irleau jusqu’à la veille de la Révolution, il semble que dès le 16e siècle, elle ne soit que co-seigneur du Vanneau, partageant ce titre avec d’autres lignées. Le 29 mai 1561, René Poussard, écuyer, seigneur de Vendré, et Antoinette de Coulonges, son épouse, vendent ainsi à Jean Bousland, seigneur de Bonnevil et procureur au siège de Niort, les trois quarts de leurs terres du Vanneau. A la même époque, Louis de Lezay, décédé après 1599, est seigneur du Vanneau. En 1711, Louis de Liniers, seigneur de Saint-Pompain et du Vanneau, se marie au Vanneau avec Renée Martin.

Quant aux Béchillon, le dernier du nom, Pierre-Charles meurt, célibataire et sans enfants, en 1781. La seigneurie d’Irleau et la co-seigneurie du Vanneau passent à son cousin et héritier, le marquis Henri Charles de Senectère (1714-1785). Dès 1783, celui-ci se défait cependant de son domaine d’Irleau au profit d’un négociant niortais, Jean Michel Martin. La terre du Vanneau est aussi en partie démantelée. Le Logis du Vanneau et la métairie de la Grange en dépendant (6 route de Niort) seront vendus par les héritiers Senectère au début du 19e siècle, une partie devenant ensuite presbytère et servant plus tard à la construction de la mairie-école. En 1787, les de Liniers se défont de la Grande métairie du Vanneau (4 route de Niort) au profit de Jean Baptiste Henri Thibault d’Allery, autre co-seigneur du Vanneau.

Des marais exploités tant bien que mal (jusqu'à la Révolution)

Pendant ce temps, la vie économique, modeste, se développe sur les terres hautes d’une part, dans les marais, plus difficilement à cause des inondations, d’autre part. Sur les premières, agricoles, existent plusieurs métairies dépendant des deux seigneuries (Sainte-Sabine, le Défens avec l’îlot et enclos de Bois Bérond, etc.) ainsi que des moulins à vent (5 en 1804), dépendant notamment de la seigneurie d’Irleau, en particulier celui de la Paloube et ceux qui l’environnent. Dans les marais, se pratique la pêche, évoquée par exemple en 1535 dans un procès mettant aux prises Guillaume de Béchillon, seigneur du Vanneau, "pour ses pêcheries de Piget". Les marais sont, à cette époque, déjà traversés par des canaux ou biefs, comme le "betz du Vaneau", mentionné en 1473 dans le terrier de la seigneurie de Benet. Les habitants bénéficient de droits d’usage octroyés par les seigneurs (par exemple par celui d’Irleau, en 1610), à l’origine des marais communaux des Essarts, de la Ruelle et des Grandes Mottines, pour les plus importants. Ces droits sont cependant régulièrement contestés par les autorités seigneuriales, par exemple en 1757 par Pierre Charles de Béchillon qui en fait clore, diviser et attribuer une partie.

Les marais font aussi l’objet de projets d’aménagements au 17e siècle, ceux de la Garette étant compris dans le programme initial de dessèchement du Marais poitevin par la Société des marais de Vix-Maillezais dans les années 1650. Ces travaux commencent même à être mis en œuvre sur la rive droite, au Mazeau et à Arçais, comme en témoignent en 1657 les habitants du Vanneau-Irleau. Le 29 mars, leur assemblée proteste en effet contre les chaussées, ceintures et levées qui ont été édifiées et qui renvoient sur leurs marais les eaux de la Sèvre, ce qui noient leurs troupeaux et les ont obligés à les déplacer dans les marais du Bourdet, de Saint-Martin-de-Villeneuve et Boire. L’eau, retenue par le bois "planté de temps immémoriel" dans ces marais, monte tellement qu’elle menace les maisons d’Irleau, inonde les mottes et jardins, emporte les fruits.

A la Révolution, et grâce à ces transmissions déjà engagées, peu de biens seigneuriaux ou ecclésiastiques sont saisis et vendus comme biens nationaux, si ce n’est ceux les terres de la cure du Vanneau ou encore de la chapelle Sainte-Catherine, desservie en l’église. Dernier curé du Vanneau, Jean-Baptiste Garraud démissionne et se marie en 1793 avec une des héritières de la famille de Liniers. Les anciennes seigneuries du Vanneau et d’Irleau sont réunies en une seule commune, ce qui ne va pas sans heurts entre les habitants des deux entités, notamment autour de la question de la propriété et de l’exploitation des marais communaux. Un procès s’engage entre eux à partir de 1791, au sujet du marais de la Ruelle, revendiqué par les uns et les autres. Un plan en est établi le 10 avril 1792. Ledit marais est finalement reconnu en 1793 commun aux habitants des deux entités, réunies de toute façon, bon gré mal gré, en une seule et même commune, appelée toutefois simplement Le Vanneau jusqu’à la fin du 20e siècle.

Le développement d'une commune de marais mouillés au 19e siècle

Cette même année, la commune compte 732 habitants, un chiffre qui ne va pas cesser d’augmenter pendant un siècle et demi : 954 habitants en 1851, 1100 en 1901. Si les héritiers de Liniers et Thibault d’Allery possèdent encore quelques biens dans la première moitié du 19e siècle, avant de s’en défaire, la vie communale est animée par la notabilité locale, notamment les Audebert père et fils, instituteurs et maires. Les dossiers municipaux tournent surtout, dans les années 1850-1880, autour de la construction d’écoles, pour les garçons puis pour les filles, avec de nouveau la vive dualité entre Le Vanneau et Irleau : on commence par construire en 1860 une mairie-école de garçons au Vanneau et une école de filles à Irleau, avant d’ajouter en 1885 une école de garçons à Irleau et une école de filles au Vanneau. La construction de l’église ex-nihilo, en 1877, est aussi l’occasion de vives discussions. Les finances communales sont aussi sollicitées, notamment, pour l’aménagement et la modernisation des ports d’Irleau (1855) et du Vanneau (1859 et 1876).

Dans les marais, la gestion des niveaux d’eau est bouleversée par l’aménagement du bassin de la Sèvre voulu par l’ingénieur Mesnager en 1818-1821, entériné par l’ordonnance royale de 1833 (avec creusement de la rigole de la Garette à partir de 1838), et complété notamment par le programme de l’ingénieur Maire en 1856. Ce dernier prévoit le redressement du méandre de la Sèvre à Balanger, avec positionnement de l’écluse de la Sotterie juste en amont de Marsemille ; et le redressement en ligne droite de la Sèvre au niveau du contour d’Auzeille ou de l’Adressoir, avec création d’une passerelle en amont et une autre en aval. Si une partie seulement de ce projet est mise en œuvre avec des modifications, la création des barrages éclusés de la Sotterie et des Bourdettes, et du bief qui en résulte entre deux, a un impact sur les niveaux d’eau dans les marais de part et d’autre, engendrant particulièrement un manque d’eau en été. Huit barrages d’été, provisoires puis définitifs, sont créés dans les années 1860 dans les marais du Vanneau-Irleau et de Sansais, notamment celui du Chail. En 1862, dans le même objectif de mieux abreuver les marais en eau en été, la commune du Vanneau fait procéder au curage des principaux canaux dont elle est propriétaire : bief Foubert, du Vanneau, d’Irleau, Barrot, etc. L’opération est confiée à Mathieu Prot, entrepreneur demeurant à Irleau (34 grande rue).

Pour financer tous ces travaux et ceux énoncés plus haut, la municipalité se défait peu à peu des marais communaux, vendus d’abord par portions à partir des années 1820, objets de nouveaux litiges avec les héritiers de Jean-Michel Martin dans les années 1860, et finalement vendus aux enchères en 1873 (avec un reliquat cédé en 1876). Les marais sont divisés en 364 los adjugés par tirage au sort aux chefs de ménage de la commune. Dans la foulée, chacun creuse les fossés de délimitation de son lot, et la commune construit les chemins d’exploitation et les ponts (de la Belette, des Essarts, de la Ruelle, pont Levis…) nécessaires à la desserte des nouvelles parcelles. L’opération est supervisée par les Ponts et Chaussées, suivant le projet établi par l’ingénieur Espitallier (par ailleurs auteur de la passerelle du port du Vanneau en 1876). On fait appel à des entrepreneurs des environs : Edouard Charrier, Louis et François Texier... Ainsi naît un nouveau paysage tel qu’il existe encore de nos jours, formé de grandes parcelles rectangulaires, en prairies ou en bois, délimitées par des conches ou fossés et par des alignements d’arbres.

Grâce à ces aménagements de différente nature, l’économie des marais mouillés, y compris ceux du Vanneau-Irleau, connaissent une forte croissance, surtout dans les années 1850-1880, avec des prolongements jusqu’en 1950. L’exploitation du bois (frêne et surtout peuplier) et l’élevage en sont les deux pierres angulaires. La première alimente les scieries industrielles des environs, dont celle d’Irleau (chemin du Petit Pré), tenue par la famille Mathé, et celle du Vanneau, encore active de nos jours. Plus modestement, le bois des marais est exploité par de nombreux artisans, menuisiers, sabotiers, présents dans la commune, en particulier à Irleau. Le lait collecté auprès de la foule de cultivateurs des alentours fournit la laiterie d’Irleau (la Chaume) fondée en 1890, récompensée par plusieurs médailles d’or aux expositions nationales et internationales entre 1913 et 1932. Cet essor économique profite, on l’a vu, à la courbe démographique et se traduit par une élévation du niveau de vie, donc par un accroissement du nombre de nouvelles constructions de maisons et de fermes. Le développement de la production agricole et du commerce nécessite la création d’un nouveau point de franchissement de la Sèvre entre Irleau et Coulon, d’abord un bac en 1878, puis une passerelle piétonnière en 1891 (déplacée en 1942 au Village de la Sèvre), enfin un pont routier en 1928.

Déclin et atouts d'une commune au coeur de la Venise Verte (20e siècle)

En ce début du 20e siècle, la commune connaît pourtant déjà un déclin démographique accéléré par la guerre de 1914-1918. Le nombre d’habitants tombe à 912 en 1926, 785 en 1946. Les marais de la Venise Verte, dont ceux du Vanneau-Irleau, commencent toutefois à attirer de premiers visiteurs venus explorer la Sèvre et les biefs ou conches en bateau. Dans les années 1930, la commune, comme ses voisines, accueille des enfants d’Ivry-sur-Seine envoyés en vacances. La municipalité entend conserver sa propre jeunesse, par exemple en construisant une salle des œuvres postscolaires en 1931. La période d’occupation allemande est marquée par des faits de résistance menés à partir de 1943 par le "groupe du Marais", actif entre Irleau et Damvix, et dont l’ancienne école de garçons d’Irleau conserve le tragique souvenir.

Après-guerre, la commune comme ses voisines tarde à sortir de la crise structurelles des marais déjà en cours avant 1939, avec le problème de l’entretien des ouvrages dans les marais, et le morcellement des exploitations. La plupart de celles-ci finiront par disparaître, au risque de ne plus entretenir le Marais. Peu à peu, celui-ci se tourne vers le tourisme et l’accueil des vacanciers. La proximité de Niort, alliée au cadre de vie, attire aussi, et la commune commence à regagner des habitants dès les années 1950-1960 (844 habitants en 1968). Malgré tout, et en dépit de la construction de lotissements et pavillons individuels, le phénomène reste irrégulier depuis les années 1970 : 767 habitants en 1990, 933 en 2007, 864 en 2020. Partagée entre plaines agricoles du sud, et marais de la Venise Verte au nord, la commune a pour atouts sa proximité avec l'agglomération niortaise, son environnement de qualité et le patrimoine qui lui est lié.

D'une superficie de 14,17 kilomètres carrés, la commune du Vanneau-Irleau se situe sur la rive gauche de la Sèvre Niortaise. Celle-ci constitue sa frontière nord, depuis la Grande Conche et la Conche des Grandes prises, aux abords de la Sotterie, à l'est, jusqu'à Naquin à l'ouest, soit 5,6 kilomètres en suivant les méandres du fleuve. La limite communale s'écarte brièvement de la Sèvre pour suivre le contour de l'Adressoir, probable ancien bras du fleuve. A l'est, la commune est séparée de celle de Sansais par le canal du Chail. La frontière communale serpente ensuite à travers les terres hautes, laissant Saint-Georges-de-Rex au sud puis rejoignant Arçais à l'ouest. Elle se termine le long du fossé des Sept pas, en aval de Naquin.

Le territoire communal se partage entre terres hautes et marais mouillés. Les premières concernent la moitié de la commune, majoritairement au sud, avec un vaste plateau agricole qui prolonge la plaine d'Aunis. Ce plateau culmine à 30 mètres d'altitude au sud-ouest, à la Paloube, puis s'abaisse rapidement vers le nord et l'est, n'atteignant plus que 5 mètres au pied de Sainte-Sabine, 11 mètres au sud du Bourg, 10 mètres à la Chaussée. Il se prolonge au nord, formant une presqu'île qu'occupe principalement le hameau d'Irleau, avec une altitude maximum de 15 mètres. Deux îlots s'en détachent : l'Ile, au nord d'Irleau, le Bois Bérond, à l'est. Entre temps, le paysage de ce plateau a changé : si son extrémité sud-ouest, là où il est le plus élevé, offre un paysage très ouvert, ailleurs, on observe un paysage bocager généralement absent des terres hautes qui surplombent le Marais poitevin. L'espace est traversé par un grand nombre de routes, chemins et sentiers qui convergent tous vers les marais, nonobstant la route D102 qui, d'ouest en est, relie Arçais, Sansais et le bourg du Vanneau.

L'autre moitié de la commune, au nord-ouest, au nord et au nord-est, fait partie des marais mouillés de la Sèvre Niortaise, autrement appelés "Venise Verte". Aménagés à la fin du 19e siècle, ces marais sont organisés en parcelles généralement de taille moyenne, délimitées par des fossés et des alignements d'arbres, et elles-mêmes occupées en prairies ou en plantation de bois (peupliers, frênes). Les marais des Essarts, des Renfermis, de la Ruelle et des Grandes Mottines, anciens marais communaux pour la plupart, sont traversés de chemins d'exploitation qui, ici ou là, franchissent les principaux canaux et fossés par des ponts et passerelles. Parmi ces principaux canaux, reliés à la Sèvre Niortaise et appelés tantôt conche, bief ou corde, figurent la conche des Renfermis, le bief Barrot, le bief d'Irleau, les fossés de Virecourt et de Marsemille, le bief du Vanneau, la corde à Foubert, la corde de la Belette, etc. Tous sont réunis par la rigole de la Garette, grand canal qui traverse les marais mouillés de la rive gauche de la Sèvre depuis Sansais jusqu'à Damvix. Le paysage d'eau et de bois ainsi formé, s'ouvre aux abords de la Sèvre Niortaise. Bordée d'arbres et de quelques habitations, elle est franchie par la passerelle du Village de la Sèvre et par le pont d'Irleau.

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