Le choix de lancer une opération d´inventaire du patrimoine sur la commune de Collonges-la-Rouge partait de l'opportunité du projet d'Opération Grand Site et s´appuyait sur un constat : la grande notoriété de Collonges-la-Rouge repose plus sur le pittoresque que sur la connaissance scientifique de son patrimoine qui reste fragmentaire. Par conséquent, il semble utile d´engager une opération d´Inventaire sur ce bourg prieural. Cette opération s'inscrit dans la continuité de celle qui a été conduite précédemment sur Brive-la-Gaillarde et, plus particulièrement, pour ce qui concerne les relations entre les formes de la demeure en milieu urbain et en milieu rural.
Cette étude générale et systématique de l'ensemble du patrimoine fournira, aux différents acteurs de la politique territoriale, un diagnostic patrimonial susceptible d´accompagner la stratégie d´aménagement, de développement et de valorisation du patrimoine de la commune. Il s´agira également de contribuer à valoriser et à garder la mémoire d´un patrimoine, notamment rural, qui n´a, jusqu´à présent, que peu retenu l´attention des historiens et dont certains éléments apparaissent comme fragilisées voire menacés.
Les résultats de cette opération permettront de renouveler le discours à l´attention de la population locale et des visiteurs (actuels et futurs).
L´histoire de Collonges-la-Rouge s´inscrit dans l´histoire de la Vicomté de Turenne. Cette dernière a bénéficié, du Moyen Âge au XVIIIe siècle, d'une autonomie complète. En effet, jusqu'en 1738, les vicomtes, tenus à un simple hommage d'honneur envers le roi et exempts d'impôts à son égard, agissent en véritables souverains : ils réunissent des états généraux, lèvent les impôts, battent monnaie, anoblissent... Dans ce contexte, la Vicomté forme véritablement un État dans l'État et devient l´un des plus grands fiefs de France. Aux XIVe et XVIe siècles, les vicomtes de Turenne étendaient d´ailleurs leur autorité sur cent onze paroisses dans les trois provinces du Limousin, du Périgord et du Quercy, soit sur environ cent mille personnes.
Au cours des guerres de religion (1562-1598) et de la Fronde (1658-1652), la Vicomté accueille des Huguenots et devient un des foyers de la rébellion. Elle est finalement vendue à Louis XV en 1738, lequel, se souvenant des événements précédents, ordonne le démantèlement de la forteresse.
Collonges-la-Rouge (qui doit son surnom à la couleur du grès dont le village est bâti) est connue dès l´époque gallo-romaine. Mais c´est en 785, sous le règne de Charlemagne, que le comte de Limoges fait don à l´Abbaye de Charroux en Poitou, de ses possessions de Collonges (une mense et peut-être déjà une église primitive). Très vite un prieuré y est fondé, autour de l´église actuelle. Dès le IXe siècle, le bourg prieural appartient à la Vicomté de Turenne - ce qui permet aux habitants d´obtenir des libertés, des franchises et des exemptions. Aux XVe et XVIe siècles des familles aristocratiques de Turenne font ériger des castels et des manoirs - ce qui contribuent à faire la richesse patrimoniale du bourg.
La Corrèze est un département essentiellement agricole. Les cultures et les prairies occupent la moitié de la superficie totale. Le Plateau où se situent les deux communes à étudier est un pays de châtaigneraies et de forêts. Ce territoire se caractérise par la richesse et la diversité de son sous-sol et par les spécificités du paysage résultantes de l´érosion. Cette région morphologique est directement affectée par la grande faille est-ouest de Meyssac qui divise le bassin de Brive en deux parties :
- au nord, le bassin permien avec ses grès blanc et rouge ;
- au sud, un plateau karstique.
Enserrées entre le causse calcaire de Martel et le massif gréseux de Lagleygeolle, la commune de Collonges-la-Rouge se situe dans le bassin de Meyssac, qui est une subdivision du bassin de Brive. Le paysage, à dominante bocagère à l´ouest, se caractérise principalement par l´élevage bovin de race limousine. L´Est est plus nettement boisé avec ses forêts et ses noyers qui y occupent une place non négligeable. Ce paysage présente un bâti rural spécifique où l´habitat groupé est plutôt structuré en hameaux.
Collonges-la-Rouge est située à 20 km au sud de Brive-la-Gaillarde et appartient à la Communauté des Villages du Midi Corrézien. La petite cité est accrochée au flanc d´une colline couverte de châtaigniers, à 200 m d'altitude. A l'origine, Collonges-la-Rouge disposait de nombreuses ressources : les noyers qui apportaient du bois et de l'huile, mais également la vigne et les terres ensemencées de blé et de maïs.
Aujourd'hui, un des sites les plus visités du Limousin, Collonges-la-Rouge est une petite commune de 413 habitants. Sa superficie est de 14,31km2 et sa densité de 29 habitants au km2.
De la fin du XIe siècle au début du XIIIe siècle, c´est le temps de la floraison romane dans l´architecture et la sculpture religieuse en Limousin. Les églises romanes corréziennes ont quasiment toutes été édifiées dans le courant du XIIe siècle. En outre, on constate que dans le piémont occidental, soit près du quart de la surface du département, s´est mis en place un réseau de bourgs abbatiaux isolés dont Collonges-la-Rouge est un exemple. Le bassin de Brive et ses marges avec la Vicomté de Turenne, constituent d´ailleurs un territoire sur lequel de nombreux bourgs conservent encore des traces de demeures médiévales et renaissances - ce qui confirme la richesse patrimoniale de ce piémont.
Le cadre architectural de la commune est fortement marqué par les XVIe et XVIIe siècles. Toutefois, on ne peut le réduire ni à cette époque ni à l'époque médiévale, dont les vestiges encore visibles restent lacunaires. En fait c´est plutôt la diversité des époques de construction qui caractérise l´architecture à Collonges-la-Rouge. Les quelques maisons des XVe et XVIe siècles munies d´escaliers intérieurs qui nous sont signalés par les tours rondes et carrées restent minoritaires du fait de la reconstruction qui a touché l'ensemble du bâti au XIXe siècle avec, dans bien des cas, réutilisation des matériaux anciens. On trouve également sur des linteaux des coquilles « Saint-Jacques » qui rappellent la fonction d´étape en direction de Compostelle.
D´un point de vue général, on remarque une certaine mixité de l´habitat à Collonges-la-Rouge où l´architecture vernaculaire côtoie une architecture noble. Les toits recouverts de lauzes, de tuiles plates ou d´ardoises, avec leurs cheminées, massives pour certaines, participent à la qualité architecturale de l´ensemble. Le bourg et ses abords sont d´ailleurs classés au titre des sites depuis 1er juillet 1996 et la commune est labellisée «Plus beaux villages de France » depuis 1981.
A ce jour, aucune étude exhaustive du patrimoine n´a été menée sur le site. Des études ont été conduites sur une partie du canton de Meyssac, des repérages ont été réalisés, mais l´Inventaire du patrimoine bâti en tant que tel reste à faire. L'opération d'inventaire couvre l´ensemble du patrimoine bâti et des objets mobiliers publics de la commune.
Le périmètre choisi constitue un terrain d´expérience à la fois riche du point de vue patrimonial et significatif d´un point de vue scientifique. En effet, l´inventaire du patrimoine de Collonges-la-Rouge est appréhendé non pas comme un bourg représentatifs de la Vicomté de Turenne, ce qui exigerait d'appréhender la totalité de son territoire, mais plutôt comme un "spécimen" de cette Vicomté. On s'est également attaché à l'étude des mutations de cet item et à la manière dont il s´inscrit dans le territoire. Ainsi, les caractéristiques architecturales des maisons, leurs variantes et leur chronologie ont pu être mis en évidence.
Cette étude porte sur l'ensemble du territoire communal tant rural qu'urbain, et permet d'appréhender les différentes catégories de patrimoine (manoirs, maisons, fermes ; fontaines, croix, séchoirs et granges, etc.)
Le mode opératoire retenu se décompose en trois phases :
Phase 1 : Etat, analyse et synthèse des ressources documentaires disponibles (études, bases de données, articles...) ;
Phase 2 : Recensement de l´ensemble du patrimoine bâti et des objets mobiliers publics ; repérage de la demeure urbaine
Phase 3 : Etude plus approfondie (sous forme de monographie) des édifices qui auront été sélectionnées (pour leur caractère exceptionnel ou à titre d´exemples) en tant qu´élément significatif et répondant à la problématique.
La documentation qui résulte de ces trois phases contribue à l'appropriation du patrimoine par la population locale. Elle permet d'établir un diagnostic patrimonial utile à la gestion du patrimoine et à l'aménagement touristique.
Afin d´être accessible au public, les données produites au cours de cette opération sont mises en forme selon les normes de l´Inventaire général du patrimoine culturel et enregistrées dans la base de données Gertrude-Limousin. Elles sont accessibles au public via Internet sur le site de diffusion de la Région Limousin : "Inventaire du patrimoine du Limousin".