Maison
France > Nouvelle-Aquitaine > Gironde > Saint-Émilion
Historique
Cette maison qui borde la rue de la Grande Fontaine se présente depuis l'extérieur comme un édifice imposant de la fin du 15e siècle ou du début du siècle suivant. Plusieurs ouvertures du rez-de-chaussée sont plus récentes et correspondent au changement d'affectation de l'édifice qui a servi de forge durant une partie du 20e siècle. A l'intérieur, les restes de trois cheminées monumentales datant de la fin du 16e siècle ou de la première moitié du 17e siècle attestent d'une nouvelle phase de travaux dans ce qui devait alors être une riche maison. Mais les intérieurs conservent surtout des éléments de plusieurs édifices antérieurs avec un pan de mur du 14e siècle reliant deux unités romanes bien distinctes.
Notice scientifique présentée en préambule du Rapport final d'opération consécutif à l'étude archéologique réalisée sur le bâtiment (analyse du bâti et sondages sédimentaires) en 2017 par David Souny et Agnès Marin :
Cet édifice, dit « maison Boidron » du nom de son propriétaire actuel, est situé à l’intérieur de l’enceinte de la ville de Saint-Émilion, dans un îlot de la ville basse compris entre le cours des deux ruisseaux dits de la Grande et de la Petite Fontaine. En amont du projet de réhabilitation qu’il souhaite lancer, son propriétaire actuel en a financé l’étude globale. L’opération, réalisée dans le cadre du PCR « Saint-Émilion et sa juridiction. Genèse, architectures et formes d’un territoire », s’inscrit dans la continuité des recherches menées depuis 2011 sur les formes de l’habitat médiéval de la ville.
Il s’agit ici d’une construction à pignon sur rue de plan barlong, dont l’aspect extérieur, relativement homogène, est celui d’une demeure des années 1500. Son état, exempt de rénovation depuis le 18e siècle, avec un sol resté en terre battue, offrait l’occasion, trop rarement mise à profit, de coupler une approche d’archéologie du bâti avec des investigations en sous-sol.
La chronologie relative obtenue par l’analyse stratigraphique des maçonneries a permis d’identifier 11 phases d’aménagements, dont 5 d’époque médiévale. Un des apports majeurs a été d’identifier en sous-sol la substruction d’un mur en moellon dont la position stratigraphique le désigne sans conteste comme le vestige le plus ancien du site ; soit avant les années 1200, période à laquelle deux murs en grand appareil de pierre de taille indiquent l’implantation de nouvelles unités d’habitation. L’une, le long de la rue, se développait sur la parcelle contiguë au nord de la maison actuelle (unité 2) et l’autre (unité 4), sur celle située à l’est, tournée vers la rue de la Petite Fontaine. Un dénivelé de plus de un mètre de haut les séparait, ainsi qu’un espace vacant, cour ou jardin, de près de 7 m de large. Du 13e au 15e siècle, ce dernier a été investi en trois étapes par la construction d’une cinquième unité, où deux étages ont pu être insérés, à un moment où la densité de construction semble avoir atteint son apogée. L’édifice actuel, d’abord partagé en deux unités vers 1500 (unités 7 et 5), a été unifié à la phase suivante au 17e siècle. Il reçut enfin ses derniers aménagements domestiques au 18e siècle, après quoi l’édifice, qualifié en 1852 de bâtiment rural, a perdu toute fonction d’habitation.
L’étude a ainsi permis d’ouvrir une fenêtre sur neuf à dix siècles d’évolution du tissu bâti dans le secteur de la ville basse, où la proximité de la nappe phréatique et la rareté des vestiges médiévaux repérés, suggéraient une occupation beaucoup plus lâche. Après ceux du diagnostic mené rue Vergnaud en 2013, ces résultats tendent à prouver au contraire que la vitalité constructive de ce secteur semble avoir été comparable à celle de la ville haute et ce, avant même la phase du plein épanouissement urbain des années 1200. De cette dynamique découle aussi un remaniement incessant des limites cadastrales ; celles-ci ne se figent que tardivement, au 16e siècle, forçant à relativiser leur capacité à renseigner les périodes antérieures.
Détail de l'historique
Périodes |
Principale : limite 12e siècle 13e siècle Principale : 14e siècle Principale : limite 14e siècle 15e siècle Secondaire : limite 16e siècle 17e siècle |
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Description
Occupant une parcelle en lanière d'axe est-ouest logée entre la rue de la Grande Fontaine et celle de la Petite Fontaine, cette maison fait face à un lavoir dont l'évacuation était encore récemment aérienne et longeait la façade sud de cette maison 437. De l'extérieur, cette longue bâtisse barlongue à un étage apparait relativement homogène avec son pignon occidental et son gouttereau sud bâtis en moellons. La grande baie à croisée avec moulures prismatiques percée dans la façade sur rue atteste d'une construction de la fin du 15e siècle ou du début du siècle suivant ; la majorité des nombreuses ouvertures chanfreinées, de tailles et de hauteurs d'implantation diverses, qui ajourent le mur sud sont également rattachables à cette phase. L'intérieur est bien moins homogène puisque les murs nord et est de la maison appartiennent à des édifices autrement plus anciens.
Le mur nord présente trois phases biens distinctes. Son tiers occidental est un remontage lié à la construction de la grande demeure de la fin du Moyen Age. Toute la partie centrale de ce mur, avec ses assises de pierres de taille en grand appareil, appartient par contre à une maison romane de la fin du 12e siècle ou du début du siècle suivant. Enfin, le tiers oriental, légèrement en retrait du reste du mur, présente quant à lui un parement de pierres de taille en moyen appareil qui suggère une datation entre le fin du 13e siècle et le 14e siècle. Il semble conserver à sa base un chainage d'angle appuyé contre le mur roman précédemment décrit, ce qui indiquerait le départ d'un mur en retour vers le sud. A son autre extrémité, ce mur paraît se poursuivre au-delà de la limite orientale actuelle du bâtiment en direction de l'unité voisine 477. Une ligne de corbeaux en quart-de-rond, présente sur cette portion de mur uniquement, témoigne d'un niveau de plancher plus bas que l'actuel d'environ un mètre ; cela suggère également que le sol primitif était bien plus bas qu'aujourd'hui. Enfin, plusieurs trous soigneusement taillés dans la partie inférieure de ce mur laissent apparaître un autre parement qui pourrait être celui de la maison voisine selon un principe rencontré également sur l'unité 385-3 ("garage Vauthier").
Le mur oriental est formé de deux phases distinctes. Sa moitié nord est du même type que la section de mur précédemment décrite et peut donc être rattachée à la même période. Ici, la présence d'une ancienne ouverture (actuellement murée) couverte d'un arc segmentaire formé de longs et minces claveaux incite à proposer une datation assez avancée dans le 14e siècle. Il s'agit probablement là de l'arrière-voussure d'une porte. Dans l'angle nord-est, ce mur n'est pas chaîné avec son voisin mais il vient seulement s'appuyer contre ce dernier qui apparaît donc comme antérieur. Côté sud, ce même mur présente un collage très net contre un mur en grand appareil, datant indéniablement de la fin du 12e siècle ou des premières années du siècle suivant, qui forme l'autre moitié de l'actuel pignon oriental de la bâtisse. Au niveau du collage, ce mur roman conserve l'arrachement du chainage d'un mur en retour vers l'ouest. Il s'agit ici d'une seconde unité romane bien distincte de la précédente décrite sur la partie centrale du mur nord. Cette pièce devait cependant être de dimensions très modestes puisque l'angle sud-est de l'actuelle maison semble conserver à sa base une ou deux assises en grand appareil bien en place, ce qui donnerait à cette unité romane une largeur inférieure à 5 mètres. En son milieu, ce mur, présente une ancienne ouverture de petites dimensions (environ 80 centimètres de large) et couverte en plein cintre, qui pourrait correspondre à une armoire murale ou à la gueule d'un four à pain. Son encadrement est entaillé d'une profonde feuillure rectangulaire qui devait accueillir un dispositif de fermeture. Dans un second temps, cette ouverture fut murée pour laisser place au foyer d'une cheminée comme en atteste le creux dans le bouchage, marque caractéristique de l'action répétée du feu contre le calcaire au niveau de l'âtre. A son pied, un trou creusé dans le sol de terre battu il y a quelques années pour identifier le niveau des remontées d'eau, révèle plusieurs strates archéologiques dont un niveau rubéfié et une couche de cendres (à une trentaine de centimètres sous le sol actuel) qui correspondent probablement à l'ancien foyer de la cheminée. Le mur ne conserve cependant aucune trace de manteau ou de montant mais cette phase d'occupation est à resituer entre la phase romane primitive et la reconstruction de la fin du Moyen Age qui a définitivement fossilisé les états antérieurs.
Cette reconstruction a donné à la bâtisse son élévation et son plan barlong actuels. Un refend d'axe nord-sud fut alors implanté en lieu et place d'un mur plus ancien séparant les deux tiers occidentaux, plus étroits, du tiers oriental, plus profond. Excepté le mur de moellons percé de quelques ouvertures remaniées par la suite, le rez-de-chaussée ne présente pas d'éléments notables pour cette phase. Il en va tout autrement au niveau de l'étage. On retrouve ici les deux portions romanes (au centre du gouttereau nord et au sud du pignon oriental) dont les assises en grand appareil se poursuivent sur toute l'élévation de l'édifice. Le reste des parois étant enduit, l'analyse de leur parement n'est pas possible en l'état. Cet étage était divisé en deux grandes pièces par un refend, prolongeant celui du rez-de-chaussée, dont il ne reste que l'arrachement côté nord avec le montant d'une porte moderne couverte en plein cintre et dont l'embrasure fut par la suite réaménagée en placard comme l'indiquent les cinq rainures qui accueillaient les étagères. Immédiatement à côté de cette porte, à la jonction avec le mur roman, on observe le bouchage d'une porte elle-même implantée dans une ouverture plus ancienne. En effet, les assises en grand appareil s'interrompent pour former, semble-t-il, le montant d'une ouverture avec le départ d'un arc. Une analyse plus approfondie serait nécessaire pour s'en assurer.
Les deux tiers occidentaux de cet étage formaient une grande pièce d'environ 13 mètres par 5, éclairée par la grande croisée à moulures prismatiques décrite sur le pignon ouest ainsi qu'une ouverture plus modeste, simplement chanfreinée, dans l'angle sud-est. Cette salle était chauffée par deux cheminées monumentales implantées en vis-à-vis dont il ne reste plus que la trace des conduits. Celle implantée dans le gouttereau nord a été déposée dans les années 1980 et est aujourd'hui visible dans la "salle gothique" (unité 428). Il s'agit d'une imposante cheminée de la fin du 16e siècle ou de la première moitié du siècle suivant qui atteste donc d'une phase de remaniement supplémentaire sur cette bâtisse. La cheminée qui lui faisait face était tout aussi monumentale ; il ne subsiste que la trace de son conduit ainsi que les deux énormes pierres des montants portant le linteau, visibles depuis l'extérieur.
Le tiers oriental de l'étage formait donc une seconde pièce de plan grossièrement carré d'environ 6,5 mètres de côté. Au sud-est, se trouvait une cheminée du même type que les deux précédentes. Insérée dans le mur roman, elle a également été soigneusement démontée et là aussi, ne subsistent plus aujourd'hui que le large conduit et les deux imposantes pierres portant le linteau, sciées au droit du mur, et dont l'une (côté nord) conserve le profil des moulures qui ornaient le manteau et dont le type est presque identique à celles de la cheminée de la salle gothique. Contre ce même pignon oriental, on notera la présence de deux corbeaux implanté assez haut de dans le mur, au-dessus du niveau du plafond de l'étage dont on distingue encore les empochements des poutres. En l'état, il n'est pas possible de rattacher ces corbeaux à une phase plutôt qu'à une autre. Cette pièce était éclairée au sud par une haute demi-croisée et par une seconde petite ouverture chanfreinée percée dans l'angle sud-est de la pièce.
Ce bâtiment a conservé sa toiture à deux versants faiblement pentus avec une charpente avec fermes à poinçon et contrefiches, d'un type très proche de celle de l'unité 385-3 ("garage Vauthier"), et qui mériterait une datation par dendrochronologie.
Enfin, on notera que la vue du toit depuis la terrasse de la Tour du Roi apporte quelques informations supplémentaires ; ainsi, le mur oriental de cette unité correspond en fait au pignon occidental de la maison voisine (unité 477) dont l'emprise était auparavant bien plus importante qu'aujourd'hui comme l'indique ce pignon qui se prolonge vers le nord, bien au-delà de l'actuel gouttereau.
Détail de la description
Murs |
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Toits |
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Couvertures |
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État de conservation |
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Informations complémentaires
Notice scientifique (rapport d'opération archéologique - 2017).
Type de dossier |
Dossier d'oeuvre architecture |
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Référence du dossier |
IA33010305 |
Dossier réalisé par |
Souny David
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Cadre d'étude |
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Aire d'étude |
Saint-Emilion (commune) |
Phase |
étudié |
Date d'enquête |
2013 |
Copyrights |
(c) Communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais, (c) Université Bordeaux Montaigne, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel |
Citer ce contenu |
Maison, Dossier réalisé par Souny David, (c) Communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais, (c) Université Bordeaux Montaigne, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/da3abebd-1f0e-405e-a348-7cde02f947ba |
Titre courant |
Maison |
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Dénomination |
maison |
Statut |
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Protection |
Site, secteur ou zone de protection : secteur sauvegardé |
Localisation
Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Gironde , Saint-Émilion , 26 rue de la Grande-Fontaine
Milieu d'implantation: en ville
Lieu-dit/quartier: Ville basse
Cadastre: 1845 C 488, 2010 AP 437