Maison

France > Nouvelle-Aquitaine > Gironde > Saint-Émilion

Cette maison, que le module de moyen appareil de sa maçonnerie et la forme de ses ouvertures permettent de dater de la deuxième moitié du 13e siècle, appartient à une suite cohérente de façades de demeures bourgeoises. Cet ensemble, intégré au 14e siècle dans le mur d'enceinte du couvent des Cordeliers, témoigne de la nature de l’occupation du lieu antérieure à l'implantation intra-muros de ce couvent d'ordre mendiant. Le mur sud de la demeure est aussi en place sur toute sa hauteur ; mur mitoyen, il présente l'intérêt de conserver deux placards jumeaux, chacun tourné vers une des demeures voisines, preuve du caractère concerté de la conception de ces édifices.

Au 15e siècle, la construction de la nouvelle église et de sa façade a fait disparaitre toute trace des constructions qui l'ont précédé à cet emplacement, et mutilé la partie nord de la façade de la maison concernée ici.

C'est à l'intérieur de celle-ci qu'a été aménagé un premier sanctuaire, très certainement dès le début de la guerre de Cent Ans, puisque la démolition du couvent hors les murs au nord-est de la ville (Villemaurine), ainsi que celui des Jacobins au nord-ouest, fut ordonnée dès 1338-1341, comme en atteste une série d'ordres royaux.

La fondation officielle du couvent intra-muros est bien plus tardive : le roi Richard II accorde aux moines le 17 mars 1383 une place à bâtir "près du Pont du Branet", "mesurant deux brassées de large et autant en longueur pour y bâtir une église et leurs manse, avec un cloître, des officines et autres maisons".

Périodes

Principale : 2e moitié 13e siècle

Bien que tronquée, cette maison est celle qui conserve le plus d'éléments en élévation. Grâce au pignon oriental de la chapelle, conservé en parti et qui devait à l’origine s’appuyer, au nord comme au sud, sur le prolongement du mur de la maison-, il est possible de restituer approximativement l’emprise de cette demeure, d’environ 7 m de large. Elle a par conséquent perdu à peu près la moitié de sa façade lors de la construction de celle de l’église du couvent, immédiatement au nord.

En rez-de-chaussée, ce mur comportait à l’origine deux baies, actuellement bouchées. Du côté sud, il s’agissait d’une porte piétonne à encadrement chanfreiné, couvert d’un arc brisé assez soigneusement extradossé. Son montant de droite est commun avec la porte qui l’accoste au sud et qui appartient à la façade de la maison voisine cad. AP035-2. Au revers, l’embrasure était couverte d’une arrière-voussure en arc segmentaire. Du côté nord, le piédroit de cette porte est associé à celui d’une baie occultée par la reprise liée à la construction de la façade de la nouvelle église au 15e siècle. Son ouverture est couverte d’un arc segmentaire qui a conservé deux claveaux en surplus de son sommier. Sous ce dernier, le montant n’est composé que de trois assises, posées sur quatre autres formant le bas du mur actuel, sous l’ancienne baie ; l’absence de trace de montant sous ces assises indique probablement que cette ouverture était en réalité une arcade d’ouvroir ; ces baies non passantes, fermées en bas par un mur bahut dont ces quatre assises seraient ici le vestige, existent encore sur plusieurs façades de demeures médiévales de la ville affrontant les principales rues commerçantes, des années 1200 (façade ouest de maison cad. AP0248, dite "Salle gothique") au 14e siècle (baie de la façade sur la rue Guadet de la maison cad. AP025, dite "Maison gothique"). A l’intérieur, l’embrasure était couverte d’un arc segmentaire bombé.

A plus de 6 m de la chaussée, le rez-de-chaussée est séparé de l’étage par un cordon régnant profilé en quart-de-rond souligné par un bandeau. L’encoche d’une quinzaine de centimètres de large que comporte ce cordon sur sa face supérieure suggère qu’il servait à y encastrer une pièce de bois, qui se devait d’être abritée, sans quoi elle était vouée à un pourrissement rapide. Il est donc probable que ce bandeau supportait la charpente d’un auvent dont la forme exacte reste néanmoins difficile à restituer en l’état.

La baie du 1er étage actuel, creusée dans la masse du mur et couverte par le cordon régnant, entaillé pour prolonger par un évasement en arc de cercle les larges chanfreins de ses montants, est une création postérieure, liée à la chapelle que les Cordeliers aménagèrent dans la demeure (postérieure donc au 13e siècle).

L’étage de la maison était éclairé par au moins deux fenêtres. Au sud, il s’agit d’une petite baie de 30 cm de large et 1 m de haut dont le linteau est échancré d'un arc subtrilobé très émoussé : seul le lobe central en lancette a gardé intact son contour, les lobes latéraux ayant été bûchés, et les montants rognés, afin d’élargir l’ouverture qui semble avoir servi à un moment de simple monte-charge pour un grenier.

Du côté nord, subsistent les vestiges d'une baie beaucoup plus grande, mais amputée lors de la construction de la façade de la nouvelle église au 15e siècle. Son montant droit permet de restituer une hauteur de 2,40 m. La partie de linteau en place, de seulement 40 cm d’emprise, suggère une forme en simple lancette, mais plus large que la baie côté sud, d’environ 60 cm. Cette pierre semble avoir été cassée lors de la construction du mur qui a bouché l’ouverture : on ignore donc si le linteau était monolithe ou constitué de deux pierres affrontées. De même, la forme exacte de la découpe du linteau est difficile à restituer avec certitude ; toutefois, on distingue nettement un évasement en arc brisé, similaire à celui observé autour de la baie sud, mais qui ici est souligné par un grain d’orge. Des traces ténues suggèrent en outre une découpe subtrilobée semblable à celle de la baie sud, entaillés ensuite pour faciliter le logement des pierres du bouchage.

La limite sud de la maison est marquée par une sorte de pilastre de 7,60 m de haut couronné par une imposte en biseau. Il s’agit en réalité de la tête du mur séparant les deux unités d’habitation cad. AP035-1 et AP035-2. Le biseau se retourne sur les deux faces du mur pour former la corniche de ce qui ne pouvait être que le mur gouttereau commun de maisons jointives à pignon sur rue. En bas, le mur est posé directement sur les sommiers du couvrement de portes jointives appartenant aux deux habitations mitoyennes, prouvant combien ces édifices ont donc été construits de concert.

Cette réalité est confirmée à l’intérieur par plusieurs aménagements conservés sur le mur mitoyen. Au rez-de-chaussée, un renfoncement d’environ 5 cm est ménagé dans son parement dès sa construction, au droit du tableau d’embrasure de la porte de la façade. De la dimension d’un battant de la porte, cette feuillure permettait de dégager tout à fait le passage quand l’huis de la porte était ouvert, selon un procédé courant dans l’architecture domestique de cette période, et repéré sur plusieurs sites à Saint-Emilion même (pour le 13e siècle, à l’étage de l’Unité 2 du 2bis rue de l’Abbé Bergey).

A l’étage, et sur les deux parements du mur, deux placards jumeaux, chacun tourné vers l’une des demeures mitoyennes, indiquent que le mur séparait bien deux unités d’habitation construites en même temps. Ces rangements étaient de forme identique, assez raffinée et sans équivalent à Saint-Emilion. Pour disposer d’une profondeur accrue, ils sont ménagés dans une sorte de cadre qui sur épaissit le mur de 15 cm, et dont le sommet est couronné par une corniche en biseau. En dépit de la faible épaisseur du mur, de 50 cm, ce subterfuge permet ainsi de disposer de niches de 40 cm de profondeur, fermées à l’arrière par un des parements opposé du mur. Elles sont toutes deux couvertes par un arc brisé clavé, extradossé. Les sommiers reposent sur une assise dotée d’un appui en biseau destiné à recevoir une étagère en bois. Une feuillure continue de 5 cm de côté borde l’ouverture, témoin du battant de l’huis qui fermait ces placards. Ces aménagements jumeaux procèdent d’une logique constructive semblable à celle appliquée aux portes du rez-de-chaussée de la façade, chacun d’eux prouvant la contemporanéité de ces constructions voisines et de leur conception nécessairement concertée, rappelant le processus observé aussi pour les maisons formant enceinte.

Le pignon à rampant mouluré et son clocheton ont été ajoutés au 15e siècle, pour signaler de loin la vocation religieuse du lieu.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : moyen appareil

Toits
Étages

rez-de-chaussée, 2 étages carrés

État de conservation
  1. vestiges

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Gironde , Saint-Émilion , 2 bis rue de la Porte-Brunet

Milieu d'implantation: en ville

Lieu-dit/quartier: Ville haute

Cadastre: 1845 C 210, 214, 2010 AP 35 ([1])

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