La plus grosse cloche pèse avec son armature, environ 850 kilogr. Elle mesure 3’’40 de circonférence et donne le ton sol [rayé] mi. Elle porte répartie en 5 lignes sur deux fasces, séparée du cerveau par un gracieux rinceau, une inscription historique parfaitement moulée, dont voici le texte français : « L’an de grâce 1877. En la 31e année du règne de Pie IX, la 27e du pontificat de Mgr Louis-Edouard Pie, Évêque Poitiers, la 23e depuis le rétablissement du monastère, 12 ans après l’institution du R Dom Léon Bastide, 1er Abbé, le R Dom Joseph Bourigaud, ayant pris nouvellement possession. Les saints Martin et Benoît m’ont été donnés pour insignes patrons par Mr Emile Gaborit de Montjou, Président de la fabrique et par l’honorable dame Marie, épouse de Mr Emile Véron, maire de Ligugé. J’ai été consacrée au culte divin durant les jours du Temps pascal par Mgr l’Évêque de Poitiers, assisté du chœur des moines, et entouré d’une foule empressée. »
Sur une seconde ligne séparée par un large cordon, la cloche dit au nom de ses 2 sœurs, qu’elles ont été fondues par les soins du R. P. Dom René Bouleau, curé, du maire et du Président susmentionné moyennant la collecte fournie par les principaux et religieux paroissiens de Ligugé, jointe aux ressources de la fabrique.
Sur la faussure se présentent les armes de Ligugé qui sont : d’azur au St-Martin à cheval d’or, sur terrasse de même semée de sable. Il porte en exergue l’invocation du dévot St-Odon de Cluny à son second père St-Martin personnifié dans la cloche : « Auge decus Ecclesia Fraudes religia sathana ».
Sur la face opposée on voit la Croix de St-Benoît avec ses lettres conjuratives surmontée des trois lettres dédicatoires : D. O. M.
En-dessous, elle est désignée par ce texte qui prophétise la Croix dans les Saintes Écritures : Erit in signum.
Il convient parfaitement à la cloche, et amène, inscrit sur la grande circonférence, ce texte de St-benoît en la Règle : Nox ut audium fuerit signum … curratur ; et nihil operi Dei preponatur.
La Ste Trinité doit recevoir l’hommage de la triple harmonie des cloches et la grosse porte à la suite du texte précédent : Te Deum laudamus Te patrim ingenitum confitemur.
Un St-Martin vêtu en apôtre et un St-Georges terrassant le dragon, figure de l’église militante, complètent l’ornementation de cette cloche.
La seconde cloche pèse, avec son armature, environ 600 kilogr. Elle rend la note fa#, et offre, comme la 1ère une inscription dont voici la traduction française : « Je m’appelle Marie Pia, en remplacement de Maria, précédemment fondue par les soins de M. Joseph Ogéron de Ligron. J’ai été rétablie dans des proportions plus grandes pour une sonnerie plus complète sous le régime pastoral du R. P. Dom René Bouleau. J’ai été présentée par M. Joseph Piet-Lestrade, et Madame Alexandrine, épouse de M. Louis Hambis et consacrée par les cérémonies saintes pour augmenter la joie et la religion dans le peuple de Ligugé. L’an du Seigneur 1877. »
Le nom de Pia explique la présence des armes du souverain Pontife ; elles se composent de son blason de famille, et des insignes de la dignité papale, la tiare à la triple couronne, et les clefs armées en sautoir. Vicaire du Christ sur la terre, comme lui d’être né en butte aux persécutions, et comme lui assuré du triomphe, son espérance se traduit dans cette épigraphe, vieille acclamation du peuple chrétien, reproduite au-dessus de la tiare : [Chrisme] vincit. XPS REGNAT, XPS imperat.
Destinée à sonner l’angélus cette cloche porte l’image de la Ste-Vierge avec cette inscription empruntée à la liturgie gallicane : Pulsa, psalle nisu toto ave gratia plena.
D’ailleurs, le nom de l’immortel Pie IX est inséparable de celui de la Vierge conçue sans péché. Le plus grand des poètes lyriques du moyen-âge, Adom, abbé de St-Victor de Marseille, a fourni dans une de ses strophes le trait d’union qui relie l’effigie de la Vierge Immaculée aux armoiries de Pie IX, sous lesquelles on lit ce 1er vers : Tu clavum tene rege novem.
La strophe se continue en exergue autour de l’image de la Ste Vierge surmontée d’une étoile et foulant le serpent : Tu procellam sedans gravem Portium nobis da suavem.
Cette cloche ornée également des armes du monastère et de la croix de St-Benoît, nous avertit par un texte de la règle du saint Patriarche, de rien absolument préférer au Christ, qu’elles ontmission de glorifier : « christo canamus gloriam … omnino nihil praeponant ».
Enfin une parole de St-Jean Chrysotome prise de l’office du jour auquel devant se faire la bénédiction nous dit que : sanctifiées pour rendre honneur à Dieu, elles ont le secret de la joie pour les vivants et aussi pour les défunt : In honorem Dei sancta gaudium in se continem iventium et defunctorum.
La plus petite cloche comporte dans les mêmes conditions que les deux autres un poids d’environ 450 kilog. Elle donne la tierce majeure exacte de la plus grosse. Voici son inscription, contenue en trois lignes encadrées entre deux frises élégants : « Mr Edmond Lecousturier de Courcy et Mlle Elisabeth-Hilairette Paulze d’Ivoy de la Poype, m’ont appelée Hilaria Paula en l’honneur du glorieux évêque de Poitiers, Hilaire, le héraut de la vraie foi, et en mémoire de St Paul, apôtre, que nos ancêtres avaient choisi pour Titulaire de l’église paroissiale de Ligugé. Ainsi, j’ai été consacrée par l’eau sainte, l’encens et le saint Chrème. L’an de N. S. 1877 ».
Un médaillon porte les armoiries de Mgr l’Evêque consécrateur, en qui les enfants de Martin reconnaissent, avec tant de bonheur et de fierté le digne successeur d’Hilaire. La devise en tête du médaillon : Tuus sum ego.
Au bas se lit le texte de la sagesse appliquée par l’Église à ses docteurs, de tous temps symbolisés par la cloche : In ecclessiis Altissimi aperiet us suum.
De l’autre côté, le Crucifix apparaît avec invocation paraphrasée de l’abbé Rupert : IHS XPE qui pendens in Cruce tympanisabas. Veni cum pace.
Dans l’inscription qui se déroule sur la faussure, la cloche invite le fidèle à prêter l’oreille à la voix de l’Esprit saint, dont elle est l’organe : Venez, ô mes fils, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur… accourez pendant que vous avez la lumière de la vie…
Il était juste de ne pas oublier sur cette cloche les deux patrons de la ville et du diocèse de Poitiers : St-Hilaire et Ste-Radegonde y ont leur effigie sur deux fasces opposées.