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Auberges et hôtels de voyageurs, dits cabanes ou baraques des Eaux-Chaudes
France > Nouvelle-Aquitaine > Pyrénées-Atlantiques > Laruns
Historique
Les cabanes de la cour de Navarre : la naissance d'un village thermal
A l'époque où la cour de Navarre fréquente assidument les Eaux-Chaudes, le site est dépourvu de constructions pérennes. Il est donc nécessaire d'édifier des bâtiments provisoires à chaque nouveau séjour des souverains navarrais et des élites qui les suivent ou les imitent. Cependant, le 17 novembre 1540, Jacques de Foix, évêque de Lescar, obtient d'Henri II de Navarre l'autorisation de bâtir le premier "hostau" (maison) près des sources. Cette construction, également nommée "Maison du Roi", "Cabane du Roi" ou "Maison de M. Lescar dite du Roi", était implantée tout près de la source du Rey (en contrebas de la future église). Le souverain défend à quiconque d'édifier une autre habitation à la distance "d'un jet de boule" de cette maison. Ces édifices, bâtis tantôt en pierre et en bois tantôt en planches, sont toutefois assez précaires, ce pourquoi ils sont nommés "cabanes" ou "baraques". Il s'agit du premier type de construction à proximité des sources thermales pyrénéennes des Eaux-Bonnes, des Eaux-Chaudes ou de Cauterets par exemple.
En 1560, une seconde cabane est mentionnée sous le nom d'Agnetine à l'occasion d'un procès mettant en cause son propriétaire nommé Perroton (Peyronton) d'Agnetine (Aynetine), qui possède deux cabanes et une étable. La sentence, signée par Jeanne d'Albret en présence de l’évêque d'Oloron et de Barthélémy Frexo de Casa (président conseiller de la souveraine), stipule qu'il "jouira paisiblement de profit et utilité" de ses lettres patentes de 1554 et qu'il est autorisé à exploiter sa cabane et recevoir les hôtes selon la taxe et l'ordonnance fixées par les jurats de Laruns.
Le règlement des sources des Eaux-Chaudes émis en 1576 pose notamment le cadre d'exploitation des cabanes, visant à garantir aux baigneurs le confort et les tarifs abordables et à les protéger des escroqueries. Ce texte règlementaire impose que les cabanes soient dotées de cheminées, d'un plancher haut, de latrines et de galeries couvertes servant pour deux édifices. Le service doit être effectué en plats d'étain et avec des assiettes, c'est-à-dire des prestations relativement haut de gamme. Ce document propose un inventaire de 14 cabanes existantes, parmi lesquelles Agnetine (ou Capdevielle), Comte et la maison dite de M. Lescar et à présent du Roi, et leurs descriptifs incluant leur nombre d'étages, de pièces et leurs équipements.
La normalisation des cabanes (17e-18e siècles)
A partir du 17e siècle, l'administration provinciale établit un suivi régulier de l'exploitation des cabanes d'Eaux-Chaudes qui, malgré la précarité des équipements, est une station renommée conservant la mémoire des illustres souverains de Navarre. Huit registres répertoriant les loueurs de cabanes, leurs nombres d'entrées et leurs livres de recettes sont édités entre 1671 et 1765 en vue de récolter une taxe spécifique baptisée "lime de la saison". L'évolution des noms des exploitants ou des cabanes ainsi que leur nombre fluctuant d'un registre à l'autre rend difficile un historique et une localisation précises pour chacune d'entre elles. Ainsi, les cabanes sont-elles comptabilisées en croissance constante durant cette période : 7 en 1671, 11 en 1717, 9 en 1745, 12 en 1747, 15 entre 1750 et 1765, montrant que l'activité d'hébergement s'accroît parallèlement au développement thermal. Quelques noms de cabanes sont récurrents entre le 17e et le 18e siècle, tels Agnetine, Comte (Compte, Conte), Caillou (Cailhau), Lasgrabetes (les gravettes), Cantou, Rey, Esquerette (Esquirette) et Lespitalet, qui figurent pour la plupart sur le plan du hameau des Eaux-Chaudes dressé en 1780 en vue de la construction d'un établissement thermal (Vieil établissement). La cabane de l'Empereur, qui se trouve également sur ce plan et n'apparaît dans les archives qu'à partir de 1761, compte parmi les plus tardives. De même, le corps de caserne, commandé par le roi Louis XV en 1732, figure probablement parmi cet ensemble de constructions.
Les cabanes, propriétés de la communauté de Laruns, sont construites à son initiative, à partir de ses ressources et "à ses propres dépens", ce qui implique d'importantes charges d'entretien. Elles font l'objet d'un contrat d'affermage avec leurs exploitants depuis au moins 1758, particulièrement lorsqu'elles sont associées à l'exploitation des sources. Le fermier perçoit un loyer pour les cabanes et il est taxé deux sols par nuit et par personne. La cabane du Roy, qui abrite la source éponyme, est exploitée dans ce cadre par un dénommé Lacasanabe en 1746, puis par Pierre Laporte, originaire de Goust, en 1756 ou encore par Jean Pourtau en 1758 et 1761. Jusqu'à cette date, les chambres ont une capacité d'accueil de quatre hôtes, ce qui permet d'accueillir 36 personnes dans des lits, sans compter "celles qui couchaient sur le plancher avec des matelas". Mais, en 1772, l'Intendant de Gascogne impose un nouveau règlement divisant par deux le nombre d'hôtes par chambre et commande la construction de nouveaux chalets à la capacité d'accueil limitée, ce dont se plaint le fermier Figué. A cette date, seules cinq cabanes sur 12 sont exploitables, qui plus est de façon partielle, ce qui a entraîné le départ de nombreux curistes avant la fin de leur traitement. Le revenu de l'exploitation des cabanes pour la communauté de Laruns est largement amputé dès lors que le transport des eaux est autorisé (le curiste ne séjourne plus sur place), à quoi s'ajoutent les charges d'entretien et le non versement de loyer par leurs loueurs.
En raison de leur statut de propriété publique, la communauté de Laruns prend en charge l'entretien et les réparations, notamment pour les travaux de charpente, de peinture et de maçonnerie, ce qui fut le cas en 1758 (travaux effectués par Jean de Seile) et en 1768. En 1789, d'importants travaux exécutés par l'entrepreneur Pradal et le jurat Pécarrère, qui ont traités avec les fermiers Danglade et consorts, sont commandés par la communauté de Laruns sous le contrôle de l'ingénieur des Ponts et Chaussées Malagnacq. L'entrepreneur se fournit sur les lieux mêmes de la station thermale en ce qui concerne les briques, les carreaux, les planches et autres bois.
Le déclin des cabanes face aux nouveaux usages et à l'urbanisation
Selon le règlement des Eaux-Chaudes de 1576 et les registres des loueurs établis entre 1671 et 1765, les cabanes comportaient souvent deux à trois étages et, plus rarement, un seul niveau. Elles étaient obligatoirement dotées de cheminées, de planchers hauts et de galeries servant de déambulatoires qui pouvaient être communes entre cabanes mitoyennes. En 1772, le fermier Figué indique que les lits étaient composés d'une paillasse, d'une couette, d'un matelas, d'un traversin, d'une couverte et de draps de lin.
Le caractère rudimentaire et l'implantation de ces constructions, fortement exposées aux risques environnementaux, leur vaut souvent d'être victimes des vents violents et de la fonte des neiges, ce que signale déjà un document de 1732. En 1768, une inondation particulièrement désastreuse anéantit un grand nombre de cabanes, "ayant renversé et emporté les unes, accablé et enseveli les autres sous des montagnes de gravier et de sable sans qu'il soit possible [...] de conserver le moindre meuble". En 1773, le dénommé Figué, également gérant de la cabane de Lespitalet proche du gave, déplore de nouveau d'importants dégâts en raison des inondations. A cette époque, bien que les cabanes soient globalement délabrées, les travaux sont prioritairement effectués pour construire des canaux évitant le mélange des eaux thermales et pluviales et pour consolider les routes, les ponts et les "remparts" afin de sécuriser les chemins d'accès au site.
En 1784, le nouveau contrat d'affermage, conclu avec Abadie Anglade (ou d'Anglade), comprend notamment les boutiques, la cabane du traiteur et la boucherie. Il est contraint à des travaux d'ampleur car les anciens et nouveaux bâtiments sont en mauvais état et peu meublés. Il est convenu que la cabane Agnetine accueille le service de police et les malades de Laruns. Dans ce contexte de menace économique, la communauté de Laruns émet l'interdiction de construire d'autres édifices destinés à l'accueil des étrangers afin de "ne pas nuire au fermier". Les chambres ont été grandement améliorées, quoique les témoignages de l'époque aient plutôt tendance à encore déplorer leur manque de confort. En 1786, Abadie d'Anglade demande l'autorisation de reconstruire l'ancienne cabane du traiteur, car il s'agit d'une maison fondamentale pour le bourg, la seule qui puisse fournir des denrées alimentaires. A cette date, les cabanes en activité sont celles de l'Empereur (24 lits), du haut de l'Esquirette (7 lits), Caillou (4 lits), Lasgrabettes (4 lits), l'Esquirette (14 lits), Rey (18 lits) et le Château (30 lits). Leur capacité d'accueil indique que quatre d'entre elles adoptent des proportions conséquentes, notamment dans cet environnement montagnard. Parmi elles, les pavillons de l'Esquirette et du Rey sont partie intégrante du vieil établissement thermal construit en 1782 et marquent la transition entre les premières bâtisses sommaires et une architecture plus élaborées. La cabane nommée le Château (en grande partie reconstruite, voir : maisons Ambielle, Henri IV, Les Tilleuls et Mounaix) est édifiée au même moment que l'établissement.
Disparition progressive des cabanes (fin 18e siècle-19e siècle)
En 1786, un état des lieux évoque encore 15 cabanes qui comprennent 34 appartements. Étant donné la charge que représente ce patrimoine, la communauté de Laruns envisage cette même année leur vente aux enchères publiques, tout en conservant la propriété des eaux et des bains afin d'en tirer un maximum de profit et d'assurer sa survie économique. Pour les mêmes raisons, elle planifie dans le même temps la vente des terrains non bâtis de sa réserve foncière. Malgré le prêt de 17 199 francs autorisé par le Conseil d’État en 1789, la communauté ne met en œuvre ce projet qu'en 1805 (29 frimaire an 14) où elle procède au bornage de ses terrains par Guillaume Latapie en vue de leur vente. Le cadastre dressé en 1813 confirme que l'ensemble des bâtiments, y compris les thermes, sont devenus propriétés privées.
Les cabanes sont alors progressivement démolies par leurs nouveaux propriétaires pour laisser place à des édifices pérennes, confortables et modernes, rompant avec la rusticité qui les caractérisait. En 1823, la cabane d'Agnetine, avec ses deux cabinets de bains, fait cependant encore l'objet d'une procédure d'adjudication, où elle est confiée au fermier Camahort qui gère également l'établissement thermal.
L'iconographie illustre cette évolution. Malbos, Gélibert, Jacottet et Frossard représentent encore quelques cabanes en planches vers le gave et des édifices ruraux jusqu'en 1841, date de la construction du nouvel établissement. La cabane d'Agnetine, la dernière à subsister, est démolie au début des années 1860. L'ultime avatar de ces constructions rudimentaires - mais non moins essentielles pour le développement et le prestige de la station - demeure le Vieil établissement, avec ses deux pavillons de l'Esquirette et du Rey, qui est entièrement détruit en 1864, devenu obsolète et victime du succès des nouveaux thermes, perçus et conçus comme un modèle de modernité.
Une localisation vague et partielle
Avant 1780, les indications de localisation de chaque construction sont vagues quand bien même le site d'implantation est identifiable. De plus, les archives laissent entendre qu'une grande partie des cabanes originelles du 16e siècle a été démolie et reconstruite à diverses occasions et individuellement, notamment en raison de facteurs environnementaux, comme les catastrophes naturelles (inondations, vents violents), les accidents (incendies) ou leur vétusté. Ainsi, la persistance du nom de la cabane ne signifie pas pour autant qu'elle s'est toujours trouvée au même endroit. D'ailleurs certaines d'entre elles sont simplement mentionnées comme cabane "nave" (neuve), adjectif qui complète le nom d'autres constructions à certains moments (cabane nave d'Agnetine, par exemple).
Le plan dressé en 1780 en vue de la construction de l'établissement thermal montre que la zone d'implantation des cabanes se situait sur le flanc de la paroi rocheuse plongeant vers le gave, depuis les thermes actuels à l'église (axe est-ouest), et vers l'hôtel et la maison Baudot (axe nord-sud). Ce plan, qui constitue le document iconographique le plus ancien renseignant sur le sujet, illustre 12 cabanes ainsi que la chapelle. Il n'en nomme en revanche que huit : l'Empereur, Hournet, Esquirette, Rey (anciennement Lescar), Agnetine, Comte, Caillou et Lasgrabettes.
La cabane d'Agnetine était la première à l'entrée de la localité sur la droite, devant l'actuel établissement thermal. Au 16e siècle, à l'est, se trouvait la maison de Condou et à l'ouest celle de Soulé. Dans la rangée de la chapelle, se trouvaient, en 1780, une cabane anonyme destinée au débit de boissons, puis celle de l'Empereur et celle de Hournet qui abritait aussi le service de traiteur. Le rang inférieur comprenait les cabanes de l'Esquirette, du Rey et une troisième qui les reliait ; ces trois constructions furent détruites et remplacées par le Vieil établissement en 1782. Dans le prolongement, se trouvaient deux autres cabanes, anonymes en 1780, qui correspondent aux emplacements actuels de l'hôtel du Midi et de l'hôtel Baudot. Le rang proche du gave comptait les cabanes Agnetine, Comte, Caillou et Lasgrabettes.
En 1813, sur les 12 cabanes précédemment illustrées, celles qui sont renseignées se répartissent comme suit sur le cadastre : la cabane Comte appartient désormais au dénommé Jean Gabastou ; la cabane Caillou (Cailhau) à Gabastou de Pon ; celle de Lasgrabettes est désignée comme grange communale ; les cabanes du Rey et de l'Esquirette sont remplacées par le nouvel établissement appartenant à Mme de Choiseul ; la cabane d'Agnetine est alors propriété d'un dénommé Mesplès de Médevielle ; celle à l'emplacement du futur hôtel du Midi revient à la veuve Jumères ; celles de la rangée de la chapelle appartiennent à Dumoulin (débit de boisson) et Bourboutaa (Empereur, Lespitalet/Hournet) ; enfin, la cabane du Château, édifiée depuis seulement une trentaine d'années, appartient à l'époque au dénommé Médevielle-Tourné.
Détail de l'historique
Périodes |
Principale : 2e quart 16e siècle (détruit) Principale : 3e quart 18e siècle (détruit) Principale : 4e quart 18e siècle |
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Auteurs |
Personnalite :
Foix Jacques de, commanditaire (attribution par source) Personnalite : Albret Jeanne d', habitant célèbre (attribution par source) |
Description
Les secteurs d'implantation des anciennes cabanes sont désormais occupés par les constructions du 19e siècle, tandis que les voies publiques sont entièrement goudronnées. A l'emplacement des trois cabanes démolies au profit du Vieil établissement (également détruit), se trouvent un mur de soutènement, un escalier, une étendue gazonnée et une route. A l'emplacement de la cabane d'Agnetine, se trouve un parterre de gazon. A l'emplacement des cabanes Comte, Caillou et Lasgrabettes, se trouvent l'actuel établissement thermal. A l'emplacement des deux cabanes anonymes bordant le gave en 1780, se trouvent l'hôtel du Midi et l'hôtel Baudot.
Dans la rangée de l'église, à la place du débit de boisson, de la cabane de l'Empereur et de la cabane Hournet, se trouvent la résidence Beauséjour, l'hôtel des Thermes, la maison Latapie et la maison Burgau. A l'emplacement de la cabane dite le Château, se trouvent la maison Ambielle, la villa Henri IV, la villa Les Tilleuls et la maison Mounaix.
Détail de la description
Murs |
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Informations complémentaires
Type de dossier |
Dossier collectif, communal |
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Référence du dossier |
IA64002719 |
Dossier réalisé par |
Delpech Viviane
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Cadre d'étude |
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Date d'enquête |
2018 |
Copyrights |
(c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Université de Pau et des Pays de l'Adour |
Citer ce contenu |
Auberges et hôtels de voyageurs, dits cabanes ou baraques des Eaux-Chaudes, Dossier réalisé par Delpech Viviane, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Université de Pau et des Pays de l'Adour, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/c5605862-f716-4cc9-a105-4b52f9f6c8ed |
Titre courant |
Auberges et hôtels de voyageurs, dits cabanes ou baraques des Eaux-Chaudes |
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Dénomination |
auberge hôtel de voyageurs établissement de bains |