Patrimoine et inventaire de Nouvelle-Aquitaine

1- Du "Deffens" à la villa des Fées

Le domaine des Fées est établi dans un bois mentionné dès le Moyen Age comme dépendance de l'abbaye de Vaux. Ce bois, appelé "Deffens", est donné en 1198 à l'abbaye avec défense (d'où son nom) faite à quiconque d'y couper du bois, d'y chasser ou d'y mener paître les troupeaux. Le 3 mars 1791, le bois "du Défand" fait partie des biens saisis et vendus comme biens nationaux sur l'ancienne abbaye. Une seconde vente a lieu le 27 mars 1793, comprenant "quatre vingt journaux de broussaille au lieu appelé le Defait". Le "bois du Defé" apparaît ensuite sur le plan cadastral de 1838. On y voit, à la pointe ouest du bois, un petit fort de plan rectangulaire, construit dans les années 1770 et reconstruit sous Napoléon. A l'est du bois, un chemin relie la conche du Conseil au chemin de Royan à Saint-Palais. Le bois appartient alors à Pierre Gautier, un des notables de la commune de Vaux.

En 1867, le bois est vendu à César Marie Augustin de La Brousse (1798-1887), marquis de Verteillac, officier d'artillerie et polytechnicien. Selon la légende, il aurait commencé à faire construire une demeure à l'emplacement de l'ancien fort, mais la construction n'aurait pas tenu et il se serait alors contenté d'améliorer les communs, situés plus au nord. Son ancienne villa, une des premières construites près de la plage de Nauzan à la fin du 19e siècle, porte en tout cas la date de 1887, qui est aussi l'année de décès du marquis.

La villa passe alors à sa fille, Herminie de La Brousse (1853-1926), d'abord princesse de Léon, par son mariage avec Alain de Rohan-CHabot en 1872, puis duchesse de Rohan en 1893. Poétesse, personnalité en vue, elle anime un salon de gens de lettres dans son hôtel particulier de Verteillac, 35 boulevard des Invalides, à Paris. En été, elle déplace son salon dans sa résidence de Vaux-sur-Mer, rebaptisée du nom plus poétique de "villa des Fées". Membre de la Société des poètes français, elle écrit trois recueils de poésie entre 1905 et 1911. Pendant la Première Guerre mondiale, elle se met au service des blessés, qu'elle accueille dans son hôtel parisien, ce qui lui vaut notamment la légion d'honneur.

2- Le lotissement des Fées : un bois en bord de mer

Dès avant sa mort, survenue à Paris le 13 avril 1926, la duchesse vend le domaine des Fées à deux investisseurs, Léopold Pouvreau et Henri Bacon. Ils projettent d'y créer le premier lotissement qui soit sur la commune de Vaux-sur-Mer, avec l'ambition d'en faire une opération immobilière comparable aux lotissements du Parc et de Pontaillac, à Royan. Le 7 janvier 1925, ils font établir un plan du lotissement du Parc des Fées par M. Andreson, architecte urbaniste à Paris, plan approuvé par la préfecture le 12 juin suivant. Le plan situe les 171 lots qui se partagent l'espace entre la conche du Conseil et la plage de Nauzan, de part et d'autres d'allées, d'un chemin de ceinture (l'avenue des Fées) et d'un chemin de corniche (le sentier des douaniers, en bord de mer).

A cette époque, la municipalité de Vaux est en pleine réflexion sur l'aménagement et l'embellissement de son territoire, et elle souhaite préserver ses paysages. Le 22 mai 1925, un accord est donc passé avec Pouvreau et Bacon pour que l'aspect boisé du domaine des Fées, en bordure de mer, ne soit pas dénaturé par la construction des futures villas. Il est ainsi décidé de conserver un passage de 8 mètres de large le long de la côte, de garder la partie boisée qui longe la conche de Nauzan, et de limiter la largeur des allées du lotissement à 8 mètres. L'abattage des arbres sera toléré sur un maximum d'un quart de la superficie de chaque lot, y compris la surface construite. Les carrières ouvertes pour les constructions ne pourront l'être que sur l’emplacement des constructions projetées, pour ne pas augmenter le déboisement. Les propriétaires seront tenus de conserver, entretenir ou replanter les essences d’arbres qui existent tels que pins, chênes verts, oliviers de Bohême, tamaris, arroches, arbousiers, etc.. Par ailleurs, on ne pourra pas élever de bâtiment à plus de 6 mètres de hauteur, et on ne pourra pas construire à moins de 3,5 mètres de la limite du lot.

Ainsi encadré par des mesures très novatrices du point de vue urbain et paysager, le lotissement des Fées voit ses premières villas sortir de terre peu après 1925. La première construite semble être "Etchola", édifiée en 1928 pour le docteur Fridel, au 3 avenue des Arbousiers. Le mouvement est cependant très timide : la crise de 1929 ruine les espoirs de Pouvreau et Bacon. Une poignée d'autres villas seulement sortent de terre avant que n'éclate la Seconde Guerre mondiale : les villas jumelles "Conchita" et "Franchita" en 1934, 15 et 17 avenue de Cordouan ; "Mélusine" en 1934 également, au 14 avenue des Fées ; "les Djinns" en 1936, au 3 avenue des Fées ; "la Filandière" peu avant 1937, au 46 avenue des Fées. Une association syndicale des propriétaires du lotissement des Fées est créée le 3 mars 1935. Ce n'est qu'après 1945, et dans les années 1950-1960, que le lotissement se développera réellement, avec la construction de villas d'architecture moderniste parmi de nombreuses constructions individuelles pavillonnaires.