Moulins, minoteries et tanneries de la vallée de la Gartempe

France > Nouvelle-Aquitaine

Moyen-Âge et Ancien Régime

De rares moulins médiévaux sont mentionnés dans les archives.

Les moulins sont cités à Montmorillon dès le 12e siècle. Des réparations sont mentionnées en 1294. Au 14e et 15e siècles, des moulins sont mis en fermage perpétuel par le sénéchal de Montmorillon à la Maison-Dieu, d'autres semblent relever d'autres propriétaires. Les Grands Moulins prennent ce nom en 1420.

Les moulins sont documentés dans les biens des domaines civils (châteaux) ou religieux (abbayes) dont ils dépendent, à l’occasion de travaux, de mise en fermage, de conflits. Si les productions sont principalement tournées sur la mouture du blé, sont cités à Montmorillon un moulin à drap en 1390 et un moulin à tan en 1528. Le moulin des Roches ou du Roche, paroisse de Leignes aujourd’hui sur les communes d’Antigny, Leignes-sur-Fontaine et Jouhet, est cité comme forge à fer dans un acte de l’abbaye de Saint-Savin daté de 1566. Partagé entre les communes de Leignes-sur-Fontaine, Jouhet, Pindray et Antigny, ce moulin est cité parmi les propriétés de la Maison-Dieu de Montmorillon au 15e siècle puis parmi les biens de l'abbaye de Saint-Savin au 16e siècle. Au 17e siècle, il est signalé comme dépendant du château de Boismorand, situé un peu en aval, sur la commune d'Antigny.

En 1605, un conflit est arbitré à Montmorillon entre les Grands moulins et le moulin à papier du moulin des Dames qui lui fait fasse sur l'autre rive.

Plusieurs rapports détaillent les travaux à réaliser au milieu du 18e siècle pour les biens de l’abbaye de Saint-Savin, avec description de plusieurs moulins, maisons de meunier et barrages et les travaux à réaliser comme dans le très détaillé rapport de Jean-Baptiste Parent, ingénieur de la province de Poitou, chargé en 1761 et 1762 par le sénéchal de Montmorillon d’évaluer les travaux réalisés récemment et ceux à faire urgemment.

L’écluse d’Antigny est endommagée par les glaces et les crues et réparée en 1754. En juillet 1757, une brèche de 70 pieds causée à l'écluse du moulin de Saint-Savin par les glaces l'hiver précédent est réparée. En 1761 et 1762, Jean-Baptiste Parent, ingénieur de la province de Poitou, est chargé par le sénéchal de Montmorillon d’évaluer les travaux réalisés récemment et ceux à faire urgemment sur les biens de l'abbaye de Saint-Savin.

Le grand hiver 1788-1789 provoque des dégâts à la plupart des moulins de la vallée et a failli emporter le moulin de Jouhet, ainsi qu’en témoigne Jean de Moussy. Le gel avait commencé fin novembre, il «  dura jusqu’au 8 janvier suivant, fut si excessif qu’il glaça, ou pour mieux dire, pétrifia la Gartempe, fit fendre le tronc des plus gros chênes, gela les vignes, et les plantes, fit périr les oiseaux, le gibier et même quelques hommes […] Tandis que cette terrible débâcle se faisait à Montmorillon, l’effroi était au comble sur toute la partie de la rivière qui coule de cette ville vers ma maison de la Contour ; deux moulins que j’y possède et qui n’ont que des écluses en bois courraient les plus grands risques » (Archives départementales de la Vienne, 2E Suppl. 24, Transcription B. Poussard et B. Joyeux). Le dernier grand épisode de gel remonte à l’hiver 1984-1985 Son débit peut également être insuffisant en été.

La carte de Cassini signale un certain nombre de moulins.

Les productions : de l’artisanat à l’industrialisation au 19e siècle

La Gartempe est une rivière non flottable et non navigable mais elle est néanmoins administrée par les Ponts-et-Chaussées à partir du début du 19e siècle.

De nombreux moulins sont cédés comme biens nationaux à la Révolution, reconstruits ou agrandis avant d’être abandonnés ou industrialisés en minoteries au la deuxième moitié du 19e siècle. La gestion du niveau de l’eau est une préoccupation constante tant pour l’alimentation du moulin que pour les ouvrages situés en amont ou en aval, notamment les risques d’accentuation des crues. Les moulins qui n’ont pas passé la phase d’industrialisation avec une production exportée au-delà de la limite du canton sont restés modestes, parfois en ruine ou détruits. Il ne subsiste parfois que le barrage.

Les règlements

Les autorisations administratives, règlements d’eau ou autorisation de travaux, doivent limiter les conflits d’usage. C’est pourquoi, au cours du 19e siècle, elles font l’objet d’enquêtes publiques et de visites des ingénieurs des Ponts-et-Chaussées. À chaque modification de hauteur de chute d’un barrage, autorisée ou non, ils réalisent des notes de calculs et régulièrement des relevés des moulins situés en amont et en aval pour voir l’influence de la modification envisagée. Les conflits sont encore plus vifs lorsque deux moulins partagent un même barrage sur les rives opposées ou même sur la même rive.

Les règlements d'eau et les conflits avec les riverains et autres usagers nous renseignent sur l'évolution de l'utilisation de la force hydraulique pour la production de farine (transformation de moulins en minoteries), de tan, de papier ; on compte également une brasserie-malterie. Les propriétaires possèdent parfois plusieurs moulins. Les propriétaires de moulins obtiennent aussi parfois le fermage des passages d'eau (bacs). Ainsi, 1844, le passage d'eau public de Busserais à La Bussière est affermé à Auguste Fruchon, déjà détenteur du passage d'eau de Nalliers. En 1883, Églantine Fruchon, propriétaire du moulin de Nalliers, est autorisée à maintenir son activité au moulin de la Gassotte à Saint-Savin.

Certains propriétaires choisissent des techniques anciennes par la hausse de leur barrage par des fagots et fascines de bois, en période d’étiage. Des conflits peuvent alors survenir avec d’autres usagers : protestations des usagers du gué voisin du moulin à Saint-Pierre-de-Maillé en 1825 ou du passeur du bac de Nalliers en 1865, d’un voisin dont le champ a été inondé en raison de la mise en place de fascines en 1892 au moulin de l’Epine à Antigny, plainte du propriétaire de la minoterie des Grands-Moulins à Montmorillon à cause de la pose de hausses en bois encore en 1944 à la brasserie de Saulgé ou, pour la même usine, des habitants du hameau des Mâts pour l’alimentation de leur fontaine et de leur lavoir notamment en 1929, 1931 et de 1945 à 1947. Cette pratique est encore attestée par l’autorisation de mise en place de hausses en bois en période d’étiage sur le barrage du moulin de Guillerand à Saulgé en 1957. D’autres usines choisissent de palier au manque d’eau en été en mettant en place des machines à vapeur, en 1902 pour la scierie de Fosse-Blanche ou dans les années 1920 à la brasserie de Montmorillon à Saulgé.

Les nouvelles implantations

Les rares nouvelles implantations du 19e siècle sont souvent contestées. En 1843, un projet de moulin est présenté par M. Demay sur ce terrain dit du Pré de la Croix-Ronde, sur la rive droite de la Gartempe, commune de Saint-Germain. Une première enquête publique menée en mars 1845 soulève l'opposition de l'usinier situé en amont (moulin de la Promenade à Saint-Savin), de notables et de riverains qui craignent des inondations des bourgs de Saint-Savin et Saint-Germain en amont. En 1847, il est préconisé de construire un barrage est " à rehausses mobiles lors des crues, sur cinquante centimètres de hauteur et sur toute l'étendue de son couronnement. Ces rehausses mobiles seront construites comme le sont celles des barrages de la partie canalisée de la rivière de l'Isle entre Périgueux et la Dordogne ". Le même système est encore utilisé pour les barrages à aiguilles que l’on peut encore voir sur le Cher. M. Demay renonce à son projet le 30 juillet 1848, avant le lancement d'une nouvelle enquête d'utilité publique.

Quelques années plus tard, entre 1855 et 1859, le projet de moulin à la Gassotte, commune de Saint-Savin, provoque des pétitions pour et contre ce moulin. Le barrage s’implante en diagonale, et aboutit sur la rive droite presque au même endroit que le projet abandonné à la Croix-Ronde. Les habitants qui sont favorables soulignent la baisse du prix pour la farine avec une mise en concurrence avec le moulin du bourg. Les opposants sont menés par les meuniers de ce dernier et les habitants les plus proches du vieux pont qui craignent des inondations. Cette question est à nouveau soulevées lorsque le moulin, transformé en minoterie, est reconstruit en 1878.

Les productions

La grande variété des productions et des usages passés et actuels des moulins et usines installées en bord de Gartempe se reflète en partie dans les formes et l’architecture de ces édifices : moulins à froment, à blé, à trèfle, à tan, à huile, minoteries, scieries, brasserie, malterie, forge, usine de construction de machines agricoles, usine de décolletage et de chromage, papeterie – moulins à foulon, usine de pâte à «  papier de paille ». En 1912, le moulin des Dames à Saulgé est autorisé à produire des papiers d'emballage à partir de « pâte de bois mécanique broyée, pâte de paille macérée à froid ou à chaud en vases clos, vieux papiers d'administration refondus en vases clos »

Les usines hydro-électriques au 20e siècle

Plusieurs moulins sont transformés en usine de production hydro-électrique. L'éclairage public électrique est assuré dans la commune dès 1892 grâce au baron Demarçay, député-maire de la commune, et Léon Édoux, ingénieur, copropriétaires du moulin de la Promenade à Saint-Savin. La production est concédée le 16 novembre 1892 pour 15 ans à la compagnie Wells et Cie à Poitiers, qui installe la centrale hydroélectrique dans le moulin et doit fournir gratuitement l'électricité nécessaire à l'éclairage public de la commune.

En 1910, Monsieur Fernand Tribot, banquier à Montmorillon, obtient un règlement d'eau pour la construction d'un barrage hydroélectrique au lieu-dit le Châtelard, commune de Lathus. La société est transmise en 1912 à Monsieur Marc Chauvaud et Compagnie, constructeur demeurant 23 quai des Queyries à Bordeaux, qui demande à remplacer la maçonnerie de moellons granitiques par du béton de chaux hydraulique et cailloux de roches granitiques avec parements en moellons. Les travaux sont interrompus par la Première Guerre mondiale, le concessionnaire et mis en demeure d'achever les travaux en octobre 1921, mais le barrage reste inachevé.

La minoterie de la Roche-à-Gué à Saint-Pierre-de-Maillé est transformée en usine hydro-électrique en centrale hydroélectrique en 1922 et celle de Nalliers en 1932. Entre 1965 et 1975, deux plus petites turbines sont ajoutées dans cette usine hydroélectrique qui est toujours en fonctionnement.

En mars 1961, un nouveau projet est déposé pour la Gartempe, comprenant la construction de trois barrages pour une production annuelle de 26 millions de Kwh :

- le premier en Haute-Vienne, au Breuil, entre la Brame et Massugeon, avec une chute de 8,8 m ;

- le deuxième au Chambon avec une chute de 18 m ;

- le troisième au moulin du Pont, avec une chute de 3,1 m, pour créer un bassin de régularisation de l'étiage de la rivière.

Le projet est abandonné, comme une nouvelle relance en 1982. Dans les années 1980, plusieurs projets d'installations de centrales micro-électriques émergent mais ils sont rejetés par l'administration en raison de la protection des espèces de poissons migrateurs.

Etude

Ces édifices ont fait l'objet :

- d'une étude dans le cadre d'un inventaire des sites hydrauliques de l'ancien arrondissement de Montmorillon (1985), illustré par une campagne de photographies aériennes de Christian Richard sur une zone plus large, dans les années 1980-1990,

- d'une campagne de photographies par le club photo de Saulgé avec l'Ecomusée du Montmorillonais ;

- du pré-inventaire de l'arrondissement de Montmorillon.

Les unités qui exportaient leur production au-delà du canton ont fait l'objet d'une étude dans le cadre de l'inventaire thématique du patrimoine industriel.

Périodes

Principale : Moyen Age, Temps modernes, Epoque contemporaine

Ce dossier rassemble les moulins, minoteries et tanneries situées sur la vallée de la Gartempe, sur ses affluents et sur les cours d'eau d'autres bassins versants situés sur le même territoire. Ils sont présentés du sud vers le nord. Les documents iconographiques de détail, les profils de la Gartempe et les règlements des moulins, lorsqu'ils sont conservés, sont présentés dans chaque dossier individuel.

Utiliser la force hydraulique d’une rivière au cours capricieux

Longue de 200 km, la Gartempe traverse les départements de la Creuse, de la Haute-Vienne et de la Vienne. La Gartempe prend sa source à Peyrabout, dans le département de la Creuse, à une dizaine de kilomètres au sud de Guéret. Après avoir parcouru une centaine de kilomètres d'est en ouest à travers les terres granitiques de la Creuse et de la Haute-Vienne, elle infléchit son cours vers le nord à Peyrat-de-Bellac. Elle entre dans le département de la Vienne par les "Portes d'Enfer" ou "Roc d'Enfer", sur la commune de Lathus-Saint-Rémy. En aval de cette zone, sur la zone granitique, les barrages sont composés d’amoncellements de blocs de granite ; ceux de la zone calcaire, au-delà des Portes d’enfer, sont composés d’une base en maçonnerie, de terre stabilisée avec des pièces de bois et de fagots de bois.

Le débit de la Gartempe est faible en période d’étiage, mais cette rivière connaît des crues brutales et par le passé était soumise à des gels importants suivi de débâcles qui pouvaient emporter les ponts comme les barrages voire les moulins eux-mêmes.

Les moulins et barrages sur la Gartempe

Liste des moulins classée par commune, du sud vers le nord. Les illustrations sont classées dans le même ordre.

Sur la commune de Lathus-Saint-Rémy

- le moulin de Massugeon à la confluence du ruisseau de la Barre (rive gauche) ;

- le moulin (barrage) de la Pérotière à la confluence du ruisseau de la Montagne (rive droite) ;

- le moulin de la Barlotière (rive gauche), face au moulin du Cluzeau ;

- le moulin à blé de Chez Bobin, puis Chez Briez, puis minoterie (rive gauche), face au moulin de l'Age ;

- le moulin du Ris (rive droite) ;

- le moulin d'Ouzilly (rive droite) ;

- le barrage inachevé du Châtelard ;

- le barrage de Chez-Villeau

- le barrage des Brissonnières

- le moulin ruiné et le barrage de Moreau (rive droite)

Sur la commune de Saulgé

- le moulin des Roches, en ruines (rive gauche)

- le moulin de la Prade (rive gauche)

Sur la commune de Lathus-Saint-Rémy

- le moulin du Pont (rive droite)

Sur la commune de Saulgé

- le moulin à blé puis minoterie de Guillerand (rive gauche)

- le moulin de Lenest (rive droite)

- le barrage de la Macherie

- le moulin du Moulin-de-Saulgé (rive droite)

- le moulin à papier, brasserie et malterie de Montmorillon, minoterie (rive gauche)

- le moulin des Dames, moulin à blé, moulin à foulon, scierie, minoterie (rive gauche)

Sur la commune de Montmorillon

- le moulin à blé, puis minoterie des Grands-Moulins (rive droite, face au moulin des Dames)

- le moulin à blé de Fosse-Blanche, puis minoterie, puis usine de matériel agricole (rive gauche, à l'opposé de la confluence avec le ruisseau de l'Allochon)

- le moulin du Séjou(r) (rive droite), face au moulin de Gatebourse (rive gauche)

- le barrage de la Bartière dit aussi de M. Brettes

- l'ancien barrage en limite nord de Montmorillon

Sur la commune de Pindray

- le moulin de Pruniers (rive gauche)

Sur la commune de Jouhet

- le moulin détruit du bourg de Jouhet (rive droite)

- le moulin de la Roche (bâtiments et barrage sur les communes de Leignes-sur-Fontaine, Antigny, Jouhet et Pindray)

Sur la commune d'Antigny

- le moulin de l’Épine (rive droite)

Sur les communes de Saint-Savin (rive gauche) et Saint-Germain (rive droite)

- le moulin de l'abbaye

- le moulin de la Gassotte, moulin à blé puis minoterie (rive gauche)

Sur la commune de Nalliers

- le moulin puis minoterie, centrale hydroélectrique, usine de décolletage et de chromage

- barrage des Crouzats (verrier ?)

Sur la commune de La Bussière

- le moulin de la Bodetterie (rive gauche)

- le moulin à foulon, moulin à froment, moulin à trèfle, puis minoterie de Busserais (rive gauche)

- sur la commune de Saint-Pierre-de-Maillé :

Sur la commune de Vicq-sur-Gartempe

- le moulin du bourg

Sur la commune de La Roche-Posay

- le moulin de l'abbaye de la Merci-Dieu ;

Les moulins des affluents de la rive droite de la Gartempe

Sur le Chambon

Commune de Jouhet : le moulin du Chambon

Sur l'Anglin

Commune d'Angles-sur-l'Anglin :

- le moulin à blé à Remerle

- le moulin à blé, puis minoterie du bourg ;

- Le moulin du Pré ;

Les moulins des affluents de la rive gauche de la Gartempe

Affluent sans toponyme

Commune de Pindray

- le moulin dit de Pindray, affluent sans toponyme

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