Manoir dit le Château Saint-Denis

France > Nouvelle-Aquitaine > Charente-Maritime > Chenac-Saint-Seurin-d'Uzet

La seigneurie de Saint-Denis, une de celles qui se partageaient les environs de Chenac et de Saint-Seurin-d'Uzet, est mentionnée pour la première fois en 1568. Elle appartient alors à Jean Jolly, seigneur de Saint-Denis et de Chadignac, greffier en l'élection de Saintonge. Sur ce site aurait par ailleurs existé un petit établissement religieux et un lieu de culte, détruits pendant les guerres de Religion : le lieu-dit "la Chapelle", mentionné par le cadastre de 1833, pourrait être une réminiscence de ce passé.

En 1631, la seigneurie est toujours détenue par la famille Jolly, alors représentée par Jacques Jolly, sieur de Saint-Denis et de Besne, autre domaine situé sur la paroisse de Chenac. C'est à cette époque que remonterait la construction de l'ancien logis de Saint-Denis. Selon une inscription au crayon apposée en 1878 sur une porte aujourd'hui conservée dans le grand chai, cette construction aurait eu lieu "353 ans" plus tôt, soit en 1625. L'ancien logis tel qu'on peut l'observer aujourd'hui semble plutôt remonter à la seconde moitié du 17e siècle ou à la première moitié du 18e siècle. Une des cheminées qui s'y trouvent, avec décor mouluré, semble être de cette période, tout comme l'escalier en pierre et les ouvertures. L'autre cheminée, avec décor sculpté, paraît plus récente (fin du 18e siècle). Quant à la cloche aujourd'hui placée près du portail, elle porte la date 1703 (avec l'inscription "St Hubert").

En 1710, la seigneurie de Saint-Denis est encore détenue par Charles Jolly, sieur de Saint-Denis et d'Esneau. En 1720, elle appartient à Henry de Brétinauld, chevalier, seigneur, baron de Saint-Seurin, par ailleurs propriétaire du château du même nom. En 1723, sa fillle Céleste de Brétinauld, épouse de Henri-François d'Asnière, capitaine au régiment d'Anjou, en hérite avec la métairie des Houmes et le moulin à eau de Chauvignac. A la veille de la Révolution, le domaine appartient à son petit-fils, Léon d'Asnières, chevalier, seigneur de la Chapelle et de Chauvignac. Il semble toutefois qu'une partie du domaine de Saint-Denis appartienne aux 17e et 18e siècles à la famille de Beaupoil, seigneurs de Saint-Rémi : ces derniers passent en effet plusieurs actes notariés, en 1689 et 1735 par exemple, par lesquels ils mettent en ferme la métairie de Saint-Denis. Cette dernière est même saisie à la Révolution contre l'émigré Charles Beaupoil, et estimée en tant que telle en octobre 1793.

Célibataire, Léon Dasnières décède à Saint-Denis le 5 mars 1806. L'année suivante, sa fille adoptive, Elisabeth épouse Jean Thimotée Barthélémy de La Croix du Repaire et lui apporte Saint-Denis. C'est à elle que le domaine appartient encore, dans son ensemble, lorsque le cadastre de Chenac est établi en 1833. Le logis compte alors 21 ouvertures et la propriété deux portes cochères. Sur le plan cadastral, on reconnaît le logis, de plan en L, sur les côtés nord et ouest d'une grande cour fermée au sud et à l'est par d'autres bâtiments (l'aile est a depuis disparu, l'aile sud a fait place au chai). Une allée traversait le parc (là où s'élève le château) et aboutissait à l'ouest à la route menant à Font Garnier. La route qui conduit au bourg de Chenac passait plus au sud qu'aujourd'hui : marquant deux coudes, elle avançait le long de l'aile nord du logis. Elle était longée par une pièce d'eau rectangulaire. De l'autre côté de la route, là où s'étend aujourd'hui le jardin et l'ancienne porcherie, le plan de 1833 indique la présence de la ferme appelée la Chapelle.

En 1855, Saint-Denis est cédé par Elisabeth d'Asnières à son cousin, Amédée Brétinauld, baron de Saint-Seurin, déjà propriétaire du château de Saint-Seurin-d'Uzet. Qualifié de simple maison d'habitation, l'ancien logis est vendu en 1873 à Charles-François Riamé. Selon la tradition orale, fils d'une mulâtre originaire de la région, il aurait fait fortune dans la quête de l'or en Guyane, puis aurait investi son argent dans son domaine de Saint-Denis et les fêtes qu'il y donnait en compagnie de son ami, le député de Guyane Louis Marck (décédé à Boutenanc en 1891). Ruiné, Riamé serait ensuite reparti en Guyane.

Toujours est-il que, selon le cadastre, il remanie profondément le domaine dans les années 1870-1880. Il commence par faire démolir l'ancienne ferme de la Chapelle, en 1870. Tout en conservant le vieux logis du 18e siècle, il fait construire le grand chai à la place de l'aile sud de communs en 1877 (la date du 5 avril 1877 est inscrite sur le plafond du chai). En 1882, selon le cadastre, il fait édifier un nouveau petit château dans le jardin à l'ouest de l'ancien logis. Le déplacement de la route vers le nord, la construction de la porcherie le long de la nouvelle voie, des autres dépendances et du logement de métayer, ainsi que la transformation de l'ancienne pièce d'eau en citerne ont probablement été réalisés à la même époque.

Après la mort de Charles-François Riamé, survenue avant 1898, Saint-Denis est vendu en 1902 à Charles Quintrie-Lamothe. Sa sœur, mariée à Marie-Luc-Antoine Darredeau, habite également Saint-Denis. En 1911, selon le cadastre, le domaine est acquis par Alcide Théodore Baillier, négociant en bijouterie à Saint-Mandé, près de Paris, puis en 1915 par la veuve Joubert de Paloméra. En 1924, la propriété est divisée en deux : la partie est passe à Armand Cochain, tandis que la partie ouest (le nouveau château, l'ancien logis et le grand chai) est acquise par Marcel Louis Lemasson. En 1926, la partie ouest est achetée par Lucie Rozemberg-Durand dite Madeleine Soria (1891-1972), actrice, demeurant 175 rue de Courcelles à Paris. En 1933, le château Saint-Denis est acquis par Henry Ernest Edward, industriel anglais qui laisse son initiale "E" sur le portail principal, avant de mourir prématurément à Paris en 1934 (son tombeau se trouve encore dans le cimetière de Chenac).

Pendant la Seconde Guerre mondiale et jusqu'en 1973, le château Saint-Denis appartient au comte de Christen. Du 14 au 19 juin 1940, il sert de refuge à la chanteuse Anna Marly (1917-2002), compositrice du "Chant des Partisans". Son beau-frère, le baron Jean Cassel de Wrinzel, est ami du comte de Christen. En 1973, la partie ouest du domaine est vendue à Me Barde, notaire à Royan, qui le cède en 1976 à la famille Vilsange, toujours propriétaire aujourd'hui.

Périodes

Principale : 17e siècle

Principale : 1ère moitié 18e siècle

Principale : 4e quart 19e siècle

Dates

1882, daté par source

Auteurs Auteur : auteur inconnu,

La propriété comprend cinq entités : l'ancien logis des 17e-18e siècles ; deux logements secondaires ; le logis de la fin du 19e siècle ; les communs et dépendances ; et enfin, le parc. Un jardin clos de murs s'étend au nord, de l'autre côté de la route.

L'ancien logis et une partie des dépendances et des communs sont répartis sur trois côtés de l'ancienne cour. L'ancien logis se trouve à l'ouest. Il s'agit d'un long bâtiment de plan rectangulaire, couvert d'un toit à croupes. La façade principale se trouve à l'est, du côté de l'ancienne cour. Couronnée par une génoise double, elle présente quatre travées d'ouvertures. Il s'agit de larges fenêtres avec appui mouluré, et d'une porte à encadrement saillant et mouluré, surmontée d'une corniche et d'un oculus également mouluré. La façade postérieure du bâtiment, à l'ouest, présente aussi une génoise et de larges ouvertures avec appui mouluré, dont certaines murées. Une porte basse descend par un escalier en pierre à une cave où se trouverait le départ d'un souterrain. A côté de cette descente de cave se trouve une autre porte basse avec corniche. A l'intérieur, dans un couloir principal traversant, un escalier en pierre rampe-sur-rampe et à mur noyau dessert deux grandes pièces à l'étage, au-dessus de deux autres au rez-de-chaussée. Les cheminées des 17e-18e siècles se trouvent dans ces pièces.

Deux logements secondaires prolongent l'ancien logis : l'un au nord, l'autre en retour d'équerre à l'est, sur le côté nord de la cour. Le premier, construit à la fin du 19e siècle, se distingue par sa génoise, les encadrements saillants de ses ouvertures et le bandeau qui marque sa façade. Le second logement, plus ancien (peut-être des 17e et 18e siècles), présente en façade neuf travées d'ouvertures et une génoise. Une partie du bâtiment a servi d'écurie ; on observe dans cette partie, autrefois habitable, les traces d'une cheminée. Un puits est incorporé dans l'épaisseur du mur de façade.

Des dépendances sont accolées à l'arrière de ce logement et dans le prolongement est du premier. Il s'agit d'une étable, d'une écurie et d'un chai contenant autrefois un pressoir. Au-delà du jardin qui s'étend au nord, un bâtiment s'étire le long de la route. Le corps central abritait une porcherie. Les deux pavillons latéraux, couverts d'un haut toit à croupes, à égoût retroussé et en ardoise, abritaient pour l'un, à l'ouest, une buanderie, pour l'autre, à l'est, une forge. Sous une partie du jardin se trouve une citerne voûtée, de 6 mètres de haut, 6 de large et 32 de long. Un petit édifice de plan hexagonal abrite la pompe.

Au sud de l'ancien logis et de la grande cour, s'élève un grand bâtiment couvert en ardoise, à l'architecture soignée : il a abrité un cuvier, dans lequel se trouvaient autrefois des foudres, et un pressoir où l'on observe encore les soles de deux machines à presser. Selon la technique de la gravitation utilisée dans les grands domaines viticoles, le fouloir se trouvait au-dessus de ce pressoir, à l'étage, dans une pièce qui a par la suite servi d'atelier de peinture pour la soeur du comte de Christen, propriétaire de Saint-Denis à partir des années 1940. Dans cette pièce, au sol, se trouve encore une glissière en bois autrefois garnie de zinc qui servait à écouler le résultat du foulage vers le pressoir situé au rez-de-chaussée.

Le logis construit en 1882 s'élève à l'ouest de l'ancien, au milieu d'un parc. Son architecture et son décor rappellent ceux du logis du Pinier, au nord de la commune, édifié à la même époque. Le château Saint-Denis est constitué d'un corps central et de deux ailes, le tout composant un plan en H. L'aile ouest comprend deux étages, au contraire du corps central et de l'aile est, limités à un étage. L'espace compris entre les deux ailes, devant les deux façades du corps central, est occupé par une verrière côté sud, et par une pièce en rez-de-chaussée et à toit en terrasse côté nord. Le corps central et l'aile ouest possèdent un toit à longs pans brisés et, pour l'aile ouest, à croupes. L'ensemble est couvert en ardoise. L'aile est présente deux murs pignons découverts. Les combles sont éclairés par des lucarnes à fronton triangulaire ornées de motifs trilobés et de fleurs de lys. Corniches, denticules, bandeaux moulurés, larmiers en arc segmentaire et appuis saillants complètent le décor et le jeu de couleurs créé par l'alternance entre la pierre de taille et la brique.

Cette demeure est entourée par un parc. Il est délimité par un clos de mur qu'interrompt au nord, sur la route, un portail à piliers maçonnés en pierre de taille et en brique. La partie sud du parc, arborée, est traversée par une allée principale qui relie le logis à un belvédère. Ce dernier et un second au sud-est offrent un panorama sur la campagne environnante, jusqu'à l'estuaire de la Gironde. De part et d'autre de l'allée principale, le parc est divisé en pièces de verdure. La division était opérée par des alignements d'arbres et de buis dont il reste des portions. Le parc comprenait aussi, au plus près du logis, un boulodrome, un terrain de tennis et un puits factice.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : brique

  2. Matériau du gros oeuvre : calcaire

  3. Mise en oeuvre : moellon

  4. Mise en oeuvre : pierre de taille

Toits
  1. ardoise
Étages

étage de soubassement, rez-de-chaussée surélevé, 2 étages carrés, étage de comble

Décors/Technique
  1. sculpture
Décors/Représentation
  1. Representations : animal fantastique

  2. Representations : papillon

  3. Representations : rinceau


Précision sur la représentation :

La cheminée au rez-de-chaussée de l'ancien logis, de la fin du 17e siècle ou du début du 18e, présente un décor mouluré sur ses jambages, son manteau et sa hotte. La cheminée située à l'étage, de la fin du 18e siècle, porte un décor sculpté : au sommet de la hotte, une frise représente deux animaux fantastiques qui encadrent un vase survolé par un papillon et dont le pied se prolonge en rinceaux.

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Charente-Maritime , Chenac-Saint-Seurin-d'Uzet , 148 et 156 route du Pineau

Milieu d'implantation: en village

Lieu-dit/quartier: Chenac

Cadastre: 1833 B 385 à 388, 499 et 500, 2009 OB 154, 447, 444 et 151

Localiser ce document