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Station thermale des Eaux-Chaudes
France > Nouvelle-Aquitaine > Pyrénées-Atlantiques > Laruns
Historique
Le site des Eaux-Chaudes est vraisemblablement fréquenté depuis le Moyen Age par les souverains de Navarre et d'Aragon, notamment Sanche Ier d'Aragon qui y aurait guéri de sa goutte, puis Gaston IV de Béarn et son épouse Talèse d'Aragon qui y aurait séjourné au 12e siècle. C'est surtout à compter de la Renaissance que les sources se forgent un nom, grâce aux séjours de la cour de Navarre, en particulier ceux de Marguerite de Navarre, puis Jeanne d'Albret et de ses enfants, le futur Henri IV et sa sœur Catherine de Bourbon, princesse de Navarre. En 1540, Henri II de Navarre autorise Jacques de Foix, évêque de Lescar, à construire le premier édifice en pierre, nommé Maison de Lescar puis Maison du Roi (voir Cabanes des Eaux-Chaudes). En 1654, Jean de Gassion, président de Parlement de Navarre, accède à la requête de la communauté de laruns, propriétaire des sources, d'édifier une chapelle qui remplace probablement un petit bâtiment précaire ayant accueilli jusqu'alors les cultes catholiques et protestants.
Dans ce contexte, la station acquiert une forte notoriété et une reconnaissance officielle lui valant de figurer sur la plupart des cartographies du 16e au 18e siècle, ce qui, après le règne d'Henri IV, ne l'empêche pas de tomber en déshérence jusqu'à la Révolution de 1789. Sous l'Ancien Régime, la communauté de Laruns procède en 1746 à un grand chantier de réparation des cabanes qui sont cependant dévastées par de violentes inondations à peine une vingtaine d'années plus tard, en 1768. La fin du 18e siècle est toutefois marquée par la volonté de redynamiser le site thermal sous l'égide du chevalier de Maucor, alors en charge du commandement militaire de la vallée d'Ossau, et du célèbre médecin Théophile de Bordeu. Ainsi, en 1776, l'intendant d'Étigny engage la construction d'une route plus carrossable dans la gorge du Hourat afin de faciliter l'accès de la station. Suivant cette dynamique, la communauté de Laruns commande la construction d'un véritable établissement de bains (Vieil établissement) au sujet duquel l'ingénieur Desfirmins conçoit des plans à partir de 1780, mis en œuvre en 1782.
Entre la Révolution et le Premier Empire, la communauté connaît d'importantes difficultés financières dues à la gestion des cabanes accueillant les hébergements des baigneurs, qui lui appartiennent, et à l'exploitation de l'établissement thermal. Aussi en 1809 est-elle contrainte de vendre l'ensemble de ce patrimoine, hormis les bains qui restent en adjudication. A compter de cette date, les propriétaires privés entament la reconstruction du bourg thermal qui atteint sa morphologie urbaine définitive au milieu du 19e siècle. En parallèle, et face à la fréquentation grandissante dû à l'essor progressif puis généralisé de la villégiature thermale à l'échelle internationale, l'ingénieur Cailloux reconstruit l'église devenu trop exigüe en 1827. C'est ensuite un nouvel établissement thermal alliant toutes les commodités nécessaires au séjour qui est édifié par Jean Latapie en 1841.
La station atteint son apogée au milieu des années 1880, moment d'une terrible épidémie de choléra en Europe et paroxysme de la Grande Dépression, qui amorce le déclin progressif de l'activité thermale dans les Pyrénées, en particulier aux Eaux-Chaudes et à Eaux-Bonnes. Le site connaît cependant un renouveau avec l'attribution de l'adjudication des sources à l'Entraide sociale des Pyrénées-Atlantiques, après la Seconde Guerre mondiale et dans le contexte de l'émergence du tourisme sanitaire et social. Dès lors, les têtes couronnées et les élites sociales des siècles précédents laissent place à une fréquentation d'enfants et de personnes âgées. Cette période est marquée par la modernisation des installations médicales et le remaniement de certaines édifices (thermes, anciennes pensions de voyageurs) à l'initiative de l'Entraide sociale et selon les principes contemporains de l'hygiénisme hospitalier. De nos jours, la quasi-totalité des hôtels ou pensions de voyageurs a été reconvertie en habitations privées (quatre édifices conservent leurs fonctions touristiques originelles) tandis que l'établissement thermal est exploité dans le cadre d'une régie communale depuis 1997.
Détail de l'historique
Périodes |
Principale : Moyen Age (détruit) Principale : 16e siècle (détruit) Principale : 17e siècle (détruit) Principale : 18e siècle Principale : 19e siècle Principale : 20e siècle |
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Auteurs |
Personnalite :
Albret Jeanne d', personnage célèbre (attribution par source) Personnalite : Bourbon Catherine de, personnage célèbre (attribution par source) Personnalite : Gassion Jean II de, commanditaire (attribution par source) Personnalite : Foix Jacques de, commanditaire (attribution par source) Auteur : Desfirmins, ingénieur des Ponts et Chaussées (attribution par source) Personnalite : Bourbon Henri de, personnage célèbre (attribution par source) |
Description
Le village thermal est établi entre la rive droite du gave d'Ossau (à l'ouest) et les contreforts du Mont Gourzy (à l'est) sur une emprise foncière très restreinte, imposant son étalement en longueur. L'urbanisation s'étend par conséquent autour de trois voies parallèles : la principale, au centre, est la route nationale qui mène de Laruns à la frontière espagnole ; les deux autres sont, d'une part, la rue de l'École située en hauteur et menant au plateau Minvielle et, d'autre part, l'ancienne rue principale (place Henri IV) plus proche du gave, passant entre l'église et l'établissement thermal et longeant les anciennes pensions de voyageurs.
Les constructions sont généralement dotées de façades en gouttereau obéissant au modèle urbain du 19e siècle, mais le mode constructif demeure fortement empreint de la tradition vernaculaire, qui se manifeste notamment dans le choix des matériaux et certains partis esthétiques : pierre d'Arudy, ardoises pyrénéennes, façades couvertes d'enduit, quelques galeries sur les élévations postérieures. Certains bâtiments se distinguent cependant de la rigidité urbaine et de la rusticité vernaculaire, tels l'établissement thermal, par ses références néoclassiques, qui influent sur la physionomie de quelques autres édifices comme l'église, le pavillon de la source Baudot, l'hôtel Baudot et la maison Mounaix. D'autres éléments mettent en lumière la quête de romantisme du 19e siècle avec des partis pris plus pittoresques mettant en valeur le paysage spectaculaire, ce qu'illustrent une partie de l'hôtel La Caverne, le pavillon de la source Minvielle et, surtout, les aménagements de promenades (Argout, la Poste, la grotte des Eaux-Chaudes).
La plupart des édifices résultent de programmes à vocation originellement touristique, destinés à héberger les curistes et les villégiateurs. De même que les équipements utilitaires (poste, douane, écuries, halle-école etc.), la plupart sont désormais reconvertis en habitations privées. Il convient enfin de signaler les interventions du génie civil, qui donnent lieu aux intéressants ouvrages d'art que sont le Pont d'Enfer et le château d'eau ou réserve d'eau potable, tous deux en amont de la station.
Détail de la description
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Informations complémentaires
Synthèse de l'étude architecturale et urbaine consacrée à la station thermale des Eaux-Chaudes
Composée de trois voies principales et d'une cinquantaine de constructions, la station thermale des Eaux-Chaudes, de par ses dimensions restreintes, ne laisse pas présager, au premier abord, de la richesse de son histoire, notamment à partir de la Renaissance, et de l'intérêt de son patrimoine, significatif au regard de l'histoire du thermalisme moderne et à l'échelle de son territoire d'implantation à dominance rurale. Cette étude s'appuie sur l'analyse morphologique du bâti, des - rares - décors et de l'organisation urbaine et paysagère de cette agglomération ainsi que sur les fonds d'archives conservés à la commune et aux Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques, mais aussi sur ceux de la Bibliothèque municipale de Toulouse, de la Bibliothèque municipale de Bordeaux, de la Bibliothèque nationale de France et sur des fonds privés. L'ensemble de ces archives représente près de 4 000 documents manuscrits et iconographiques, sans compter les publications anciennes (récits de voyageurs et guides, entre autres), la presse locale et les publications récentes produites par des érudits et des chercheurs. La confrontation de ces sources textuelles et iconographiques avec l'étude matérielle du bâti permet de retracer l'histoire des Eaux-Chaudes aussi bien que ses mutations urbaines plus récentes associant un habitat sédentaire à vocation initialement touristique et l'unique établissement de bains subsistant, qui constitue intemporellement le cœur de son activité humaine et économique.
Historique et construction d’une station thermale
Localisé sur le troisième chemin vicomtal de Gaston IV de Béarn dit le Croisé, le site des Eaux-Chaudes se trouve sur la route menant vers la frontière espagnole et Sallent-de-Gallego, ainsi que sur le chemin jacquaire de l’Ossau. Les récits de voyageurs et les guides du 19e siècle mettent toujours l’accent sur l’histoire illustre de cette station thermale séculaire et font traditionnellement remonter sa fréquentation au règne de Sanche Ier d’Aragon, qui y aurait guéri de sa goutte, puis à celui de Gaston IV de Béarn dont l’épouse, Talèse d’Aragon, aurait séjourné sur le site dès le 12e siècle et aurait ordonné la construction de l’hospice de Gabas. Le premier aurait perduré dans la mémoire à travers la source dite du Rey (Houn du Rey) ; la seconde aurait donné son nom à la seconde source dite alors de Talèse, devenue rapidement de l’Esquirette. A la fin du Moyen Age, les vertus curatives de ces deux sources historiques sont à ce point reconnues et nécessaires que leur accès par la route, au centre des préoccupations, fait l’objet de délibérations dans les registres de la communauté de Laruns, qui est en propriétaire, et du syndicat d’Ossau.
Les illustres "Aigues Cautes" de la cour de Navarre
Si les archives ne renseignent pas – ou peu - sur les périodes antérieures au 15e siècle, elles sont en revanche prolixes au sujet de la première modernité et des séjours de la cour de Navarre au 16e siècle. Mis en perspective avec la culture des villes d’eaux où l’on aime se glorifier d’une histoire légendaire, ces témoignages permettent de confirmer la véracité de la fondation royale des Eaux-Chaudes. Ainsi le 16e siècle est sans nul doute la période la plus prestigieuse qu’est connue la station, son âge d’or, quand bien même les constructions y sont encore précaires, non pérennes et loin de leur aspect actuel.
Dès le début de cette période, Marguerite de Navarre, férue de séjours aux eaux, y aurait composé quelques nouvelles de son Heptaméron, dont la majeure partie est rédigée à Cauterets. Parmi les actes conservés les plus anciens, les archives de la cour de Navarre évoquent la mort du frère bâtard d’Henri II de Navarre, prénommé Antoine, aux Eaux-Chaudes le 22 mai 1542, dont la dépouille fut transférée à l’église de Bielle puis à la cathédrale de Lescar. Plusieurs actes officiels sont ensuite édictés depuis la localité, montrant la régularité et la longueur des séjours des souverains béarnais. Ainsi, dans une ordonnance édictée aux Eaux-Chaudes à l’aube des années 1560 – c’est-à-dire au début des tensions religieuses entre catholiques et protestants -, Jeanne d’Albret défend à ses sujets de Béarn de quitter leur pays. Dans son Histoire du Béarn et de la Navarre commandée par cette dernière et achevée en 1591, Nicolas de Bordenave raconte que, dans ce contexte conflictuel, la reine échappa à une tentative d’enlèvement et que, de retour d’un voyage aux Eaux-Chaudes en 1571, elle réunit les États à Pau pour abolir "toutes les choses passées pour raison des troubles".
Des évènements plus anecdotiques mais témoignant déjà du dynamisme du site thermal et de sa fréquentation assidue par l’élite sociale figurent également dans les archives, comme un vol d’argenterie et de vêtements survenu lors du séjour de Louis Guillemin, un homme d’armes, ou encore la vente de redevances seigneuriales effectuée par la baronne de Monein dans les années 1550. Plus tard, en 1588, Catherine de Bourbon, princesse de Navarre et sœur d’Henri IV, émet une lettre de sauf-conduit à l’attention d’une certaine Mme de Lau pour l’autoriser à séjourner aux Eaux-Chaudes.
Maintes dépenses relatives aux voyages vers ces eaux curatives sont consignées dans les cahiers de comptes concernant Jeanne d’Albret, sa garde et ses enfants entre 1547 et 1576, mais concernant aussi le procureur général François Mieulh visitant le lieutenant général du royaume béarnais Saint-Geniez, ou encore un dénommé Ranques, colonel des Suisses, qui doit y soigner ses blessures en 1580. Nombreuses encore sont les dépenses prises en charge par la cour de Navarre comme les déplacements des messagers et des personnalités officielles, les travaux de captation des sources et les réparations de cabanes faisant office de logements.
En 1591, le menuisier Jérôme Vize reçoit une gratification pour avoir placé une inscription gravée en l’honneur de Catherine de Bourbon sur un rocher, près de la source Larressec ou, selon les versions, de la chapelle à la Vierge. Cette inscription fut restaurée sur plaque de marbre en 1646 à l’initiative de Jean de Gassion, alors président du Parlement de Navarre, mais elle fut déposée – puis perdue - lors des travaux de la route un siècle plus tard. Grâce à une transcription de M. de Sudre, elle fut traduite et extrapolée par Théophile de Bordeu comme suit : "Admire ce que tu ne vois pas et regarde des choses que tu dois admirer ; nous ne sommes que des rochers, et cependant nous parlons ; la nature nous a donné l’être, et la princesse Catherine nous a fait parler ; nous l’avons vue lisant ce que tu lis ; nous avons ouï ce qu’elle disait ; nous l’avons soutenue. Ne sommes-nous pas heureux, Passant, de l’avoir vue, quoique nous n’ayons point d’yeux ? Heureux toi-même de ne l’avoir pas vue ! Nous étions morts et nous avons été animés. Toi, Voyageur, tu serais devenu pierre. Les Muses ont érigé ce monument à Catherine, Princesse des Français navarrais, qui passait ici, l’an 1591 ".
Durant ces séjours, la vie de cour semble suivre son train habituel malgré l’environnement inhospitalier de ces gorges, ce qu’illustrent les dépenses en victuailles comme les achats de vin ou, ponctuellement, une commande de cent tortues expédiées à Catherine de Bourbon depuis Bayonne.
Quoique profitant des eaux, la cour continue de se divertir et part en outre à l’assaut de la montagne, à l’instar de M. de Foix-Candale, évêque d’Aire, qui tenta vainement l’ascension du Pic du Midi d’Ossau en 1552, ou de la maison d’Henri III de Navarre (futur Henri IV) qui règle les frais d’une excursion où elle pratiqua sans doute la chasse en 1581. Les voyages d’Henri IV aux Eaux-Chaudes, présentées comme un lieu privilégié de ses aventures galantes, sont souvent évoqués dans les rétrospectives historiques bien que la station doive sans doute davantage aux figures féminines de la famille (sa grand-mère Marguerite de Navarre, sa mère Jeanne d’Albret, sa sœur Catherine de Bourbon). Dans ses Mémoires, la Reine Margot (Marguerite de Valois) rapporte une âpre conversation où son royal époux insistait afin que, par souci des convenances, elle l’accompagnât aux Eaux-Chaudes où il escortait sa maîtresse Françoise de Montmorency-Fosseux, surnommée la "Belle Fosseuse".
Dans les premières décennies du 17e siècle, entre 1612 et 1620, peu de temps après l’assassinat d’Henri IV, la fréquentation toujours accrue de la station est attestée par les dépenses régulières liées aux frais de prédication des ministres protestants. Autrement dit, le culte réformé, sécurisé par l’Édit de Nantes promulgué en 1598, y est prêché voire pratiqué couramment, ce qui démontre encore l’influence incontestable et naturelle de la cour de Navarre sur ce territoire.
Dans la première moitié du 16e siècle, le site est dépourvu de constructions, ce qui implique probablement, pour la cour, de faire ériger des abris temporaires en planches ou en toile, d’organiser des aménagements précaires ou de trouver le gîte chez les habitants des environs. La composition de cette assemblée en déplacement, incluant des gardes, des suites, des dignitaires ou encore des serviteurs et pouvant atteindre aisément entre une cinquantaine et une centaine d’individus, laisse imaginer l’ampleur de ces installations provisoires.
Dans ce contexte, la première construction pérenne, faite d’un soubassement de pierre et de pans de bois, est édifiée pour Jacques de Foix, évêque de Lescar, en 1540 avec l’autorisation d’Henri II de Navarre. Elle est plus tard citée comme "maison vieille du roi dite de M. de Lescar", laissant supposer que la fameuse maison du Roi récurrente dans les archives et celle de l’évêque ne font qu’un. Autour de cette construction à l'aspect sans doute précaire, émerge une série de cabanes ou baraques, parfois en planches, destinées à loger les malades et à abriter les cabines de bains. Ces constructions, propriétés de la communauté de Laruns, étaient exploitées par des habitants de la localité, comme celles de Peyroton d’Agnetine, autorisé à en tirer profit à condition de régler sa taxe aux États de Béarn. La station prend ainsi progressivement forme au bénéfice d’un succès grandissant si bien qu’apparaît la nécessité d’en formaliser les conditions d’accueil, ce qui constitue l’objectif du premier Règlement pour la saison thermale des Eaux-Chaudes édité en 1576. Cette ordonnance d’Henri II d’Albret, grand-père du futur Henri IV, mentionne déjà la présence d’une chapelle et, avant tout, instaure un cadre règlementaire officiel régissant la pratique des bains, les tarifs, la vente de denrées alimentaires ainsi que les dispositions architecturales des treize cabanes qui composent alors l’offre d’hébergement.
A partir du 16e siècle, la localité des Eaux-Chaudes figure sur l’ensemble des cartes produites, démontrant sa réelle renommée voire son caractère prestigieux. Par comparaison, le site d'Eaux-Bonnes, qui lui fait considérablement ombrage après le Premier Empire, n’apparaît dans la documentation cartographique qu’au début du 19e siècle. Ainsi, dès la Renaissance, les vertus curatives des Eaux-Chaudes sont reconnues et promues de manière officielle par les géographes et les autorités du royaume. Dans sa Nouvelle description de la souveraineté de Béarn en 1642, Sollon de La Fitte, connu pour ses légendes originalement commentées, les nomme "Aigues Chaudes très salutaires à boire". En 1646, la carte de la Principauté de Béarn mentionne "Aigues Chaudes". En 1730, la Carte générale des Monts Pyrénées établie par Roussel indique "Les Eaux Chaudes Font[aine] Minérales" mais aussi le Pont d’Enfer et, à l’entrée de la gorge du Hourat près de Laruns, la plaque rendant hommage à Catherine de Bourbon, mentionnée comme "Inscription de Catherine Sœur d’Henri IV en 1641" (date correspondant à la période de sa restauration) qui ne subsiste qu’à l’état de transcription. En 1753, Gilles Robert de Vaugondy indique encore "Bains d’Eaux-Chaudes" dans sa Carte du Gouvernement de Guyenne. Et la station figure aussi sur les célèbres cartes de Cassini dans la seconde moitié du 18e siècle.
Ralentissement de la monarchie absolue au Premier Empire
La localité des Eaux-Chaudes s'est, en somme, fait un nom sur l’impulsion de la cour de Navarre qui, avec son absorption dans le royaume de France, les élève néanmoins à un niveau difficile à maintenir dans les décennies voire les siècles ultérieurs. Les rois Bourbon suivants se désintéressent de la station qui n’est plus guère fréquentée que par la population locale pendant près de deux siècles et dont l’activité continue bon an mal an jusqu’à la veille de la Révolution de 1789. Jean de Gassion, toujours en tant que président du Parlement de Navarre, fait cependant entretenir la route, restaurer l’inscription de Catherine de Bourbon en 1646 et autorise la construction d’une chapelle en 1654. Une source, non confirmée par ailleurs, mentionne en outre que Louis XV aurait ordonné l’édification d’un corps de caserne et d’une chapelle pour accueillir les soldats blessés en 1732. Les registres d’entrée des cabanes rédigés entre 1671 et 1765 illustrent, à défaut de la prospérité, du moins la régularité de la fréquentation.
Face au délabrement général du village thermal dans le second quart du 18e siècle, la communauté de Laruns finit par engager une importante campagne de réfection des cabanes, de la chapelle et des ponts en 1746, mais les constructions sont anéanties presque en totalité lors des inondations de 1768. Le problème de l’entretien des cabanes, appartenant à la communauté de Laruns et non à des particuliers, est récurrent dans l’histoire du bourg thermal et représente une charge si considérable qu’il est plusieurs fois envisagé de les vendre.
Conscients du potentiel et des qualités de ces eaux, le chevalier de Maucor et le médecin Théophile de Bordeu leur rendent progressivement leurs lettres de noblesse dans la seconde moitié du 18e siècle. Considéré comme "le restaurateur et le bienfaiteur des Eaux-Chaudes", le premier, qui assure le commandement militaire de la vallée d’Ossau, en particulier durant la saison thermale, se rend régulièrement sur place. Il impulse la rénovation des cabanes abritant les sources et, sous l’autorité de l’Intendant d’Étigny, le nouvel aménagement des voies d’accès conduisant aux sources et à la forêt de Gabas, plus spécifiquement dans le défilé très escarpé du Hourat, à partir de 1765. Il sécurise ainsi à la fois les routes et le site de bains d’où, racontaient les historiens romantiques, s’échappaient durant la nuit de nombreux feux follets provoqués par le soufre. Le second, remet les eaux ossaloises sur le devant de la scène grâce à ses études médicales. Il en livre une description complète dans ses Lettres sur les eaux minérales du Béarn adressées à Madame de Sorbério. Trois sources sont alors connues : le Rey, l’Esquirette et Larressec, laquelle avait auparavant été surnommée Fontaine du Salut par son père Antoine de Bordeu et le confrère de celui-ci, le docteur de Bergerou. Outre les analyses médicales et hydrologiques et le rapport sur les eaux remis aux États de Béarn, Théophile de Bordeu constate singulièrement que ce sont surtout les femmes, décrites comme belles et robustes, qui transportent les malades depuis Laruns jusqu’aux sources. Cette observation annonce le rôle prépondérant progressivement occupé par la figure féminine dans la prise en charge directe des curistes, où, à compter du 19e siècle, elle endosse habituellement les fonctions de baigneuse, de donneuse d’eau et d’infirmière - ce qu’illustrent par exemple les cartes postales de la source Baudot ou de l’établissement thermal - voire, comme c’est le cas aux Bains du Broca de Gan, de fermière des eaux.
Au début des années 1780, la situation demeure si inquiétante que la redynamisation de la cité thermale autrefois si réputée est envisagée concrètement sous l’influence de Bordeu, du chevalier de Maucor et du docteur Minvielle, médecin affecté à la station. Cette ambition se traduit par la construction, à grands frais, d’un nouvel établissement thermal (vieil établissement) en 1781 et d’habitations plus confortables telle, entre autres, la cabane dite Le Château considérée comme "un formidable progrès" au regard des édifices "chétifs et délabrés" composant l’agglomération. Pour s’assurer le succès de son investissement, la communauté de Laruns interdit d’ériger tout bâtiment privé sur le site afin de ne pas porter préjudice à l’établissement de bains. C’est à la même époque, en 1784, qu’est découverte la source du Clot dans une sorte de grotte pouvant contenir "une douzaine de personnes" et qui ne sera mise en exploitation qu’une vingtaine d’années plus tard.
Ces constructions assurant le renouvellement de la station n’en garantissent pas pour autant le succès. A peine achevé, à la veille de la Révolution de 1789, l’établissement thermal est déjà en piteux état et fort incommode. Il accueille dans ces piètres conditions les soldats blessés de la guerre contre l’Espagne royaliste de Carlos IV en 1793 (Guerre de la Convention). Puis l’agitation géopolitique sous le Directoire (1795-1799), marqué par la campagne d’Italie de Napoléon Bonaparte, offre une motivation supplémentaire de procéder à des améliorations afin d’anticiper la fin du conflit militaire et, de nouveau, l’accueil des troupes blessées.
Péripéties et renaissance au 19e siècle
Malgré le retour à un contexte géopolitique pacifique et les efforts souvent trop tardifs des autorités locales, la gestion de cet établissement et des cabanes ne trouve jamais de stabilité, les concessionnaires y demeurant rarement plus de trois ans. Suite à un décret de l’an XIII (1804), la communauté de Laruns est même sommée de le vendre aux enchères. A cette époque, la plupart des anciennes cabanes et les réserves foncières du site sont acquises par des particuliers qui commencent dès lors à rebâtir le village thermal.
En 1823, alors que l’architecte Jean Latapie vient d’achever une nouvelle campagne de travaux à l’établissement et que le décret de 1808 sur la confiscation des revenus des sources est annulé, la duchesse d’Angoulême fait une visite aux Eaux-Chaudes à la demande de la population ossaloise qui compte sur cette grande figure de la mode des bains pour attirer la lumière sur la station. En 1828, c’est la duchesse de Berry qui s’y rend en séjour mais l’effet escompté n’est pas atteint, la duchesse n’y trouvant, en lieu et place du raffinement et de l’ambiance romantique qu’elle affectionne, que tristesse et désolation à la vue des malades majoritairement modestes ou indigents. La station commence cependant à attirer les élites aristocratiques, initiant la grande vogue des eaux, et les voyageurs romantiques en quête de paysages spectaculaires. Eugénie de Montijo, en séjour à Eaux-Bonnes, honore les Eaux-Chaudes d’une visite en 1840 alors qu’elle est encore toute jeune fille. Sur l’impulsion et les efforts des médecins Samonzet et Bayle, et dans la lignée des travaux de Bordeu, les eaux retrouvent progressivement de leur popularité d’antan. Durant cette période, les auteurs vont jusqu’à signaler les cures quasiment annuelles des étalons du haras de Pau.
Symptomatique de l’essor des villégiatures thermales partout en Europe, la fréquentation grandissante et, en parallèle, l’insalubrité des édifices, dont se plaignent les voyageurs, entraînent irrémédiablement la nécessité de penser un nouvel établissement thermal, plus confortable et adapté au progrès médical. L’architecte départemental Jean Latapie est ainsi chargé de concevoir un édifice "modèle", inspiré des établissements centralisant l’ensemble des activités périphériques du séjour curatif – bains, logements et divertissements – en 1841. Alors que le chantier inachevé prend forme et que la fréquentation s’accroît notablement, la communauté émet un nouveau Règlement d’entretien des espaces urbains le 25 mai 1848, consistant en mesures de sécurité et d’hygiène visant au confort et à la santé des "étrangers". Entre autres impératifs, il est désormais interdit de jeter les ordures sur la voie publique (elles doivent être évacuées dans le gave), d’exposer le linge à sécher, d'importuner les curistes en les suivant, mais aussi de chanter, de faire de la musique et de traverser la station de nuit sans ôter les cloches des bestiaux. De fait, les coutumes et le mode de vie local sont désormais bousculés dans cet espace où les "étrangers" ont toute priorité. A la même époque, la communauté incite fortement les propriétaires d’hébergement à améliorer leur décoration, leur "ignoble" mobilier et leurs conditions d’accueil afin de maintenir la fréquentation du site et d’élever son image de marque. Dans les années 1850, la station a donc considérablement évolué avec, pour figure de proue, son nouvel établissement thermal – auquel ne résista pas le Vieil établissement, démoli en 1863 -, et dans son sillage, les autres sources nouvellement exploitées (Baudot, Larressec, Minvielle) et des hôtels modernes dotés d’écuries.
A partir de cette époque et jusqu’aux saisons 1884 et 1885, la station connaît une période d’intense activité, profitant du succès général du thermalisme mais n’atteignant pas le faste des temps de la cour de Navarre. Avec ses promenades pittoresques, vers la grotte des Eaux-Chaudes – mise en adjudication – ou le Pont d’Enfer – reconstruit à la fin du siècle -, elle est très appréciée des villégiateurs britanniques. L’impératrice Eugénie gratifie la station de sa visite en 1855 lors de son séjour remarqué à Eaux-Bonnes. Les décors et collections de l’église sont enrichis grâce à des mécènes habitués de la station comme la baronne de Brienen, connue pour sa proximité avec l’ordre des Réparatrices de Pau, et Pierre Coudurat, notable de Laruns établi à Saint-Pétersbourg. Les listes d’étrangers publiées dans la presse locale, notamment la Gazette d’Eaux-Chaudes, illustrent cependant une fréquentation hétéroclite, provenant du grand Sud-Ouest français mais aussi d’Espagne, de Russie ou du Royaume-Uni, une clientèle souvent moins fortunée qu’au village thermal voisin d'Eaux-Bonnes. La station propose néanmoins l’ensemble des prestations nécessaires dans les villes d’eaux, alliant le fondamental service médical aux logements et au divertissement. Outre les promenades, essentielles face à l’émergence de l’hygiénisme et de l’urbanisme moderne, elle propose au sein de son établissement un casino, des salles de concert et de conversation, mais aussi des animations, des bals, des fêtes et des feux d’artifices sur la voie publique. Ces équipements et ces animations destinés à la haute société usent de l’image du folklore local avec les courses à la montagne, les courses aux œufs et même les chants et danses ossaloises – qui paradoxalement sont interdits lorsqu’ils sont spontanés... La station est de surcroît dotée de son propre orchestre, dirigé par M. Gleyze, en 1882, lequel joue quotidiennement lors de la saison estivale. Ainsi l’activité bat son plein durant une trentaine d’années.
Déclin à partir de la Belle Époque
Connaissant son apogée au début des années 1880, la fréquentation commence à décliner à compter des saisons thermales de 1884 et 1885, années du paroxysme de la Grande Dépression et d’une terrible épidémie de choléra, notamment en Espagne. Comme à Eaux-Bonnes, la station résiste mal également à la concurrence bigourdane (Bagnères-de-Bigorre, Cauterets, entre autres), aux difficultés douanières et aux importants taux de change. Dans ce contexte défavorable, les pensions de voyageurs ferment progressivement et la situation est si alarmante que la commune de Laruns procède à la révision des propriétés bâties des Eaux-Chaudes et de Gabas en 1894. A cette occasion, une délibération du conseil municipal rappelle les conditions sociales modestes des propriétaires de la station "autrefois si renommée [et] aujourd’hui bien déchue". Elle ne peut donc échapper ni à l’affermage de l’établissement thermal pour un montant dérisoire (11.000 F contre 20.100 F dix ans plus tôt), ni à la vente judiciaire de plusieurs hôtels et pensions pour des prix fortement dévalués : l’hôtel de France estimé à 80.000 F est vendu 37.000 F ; la maison Souques (non localisée) estimée à 13.000 F vendue 6.000 F ; la maison Pourtau-Lanne (non localisée) estimée 40.000 F vendue 22.000 F.
Malgré les protestations, le conseil municipal envisage de surcroît la suppression du bureau électoral des Eaux-Chaudes, "qui n’est qu’une occasion périodique de désordres et d’intrigues" en 1888. Durant cette période, les initiatives ne manquent pas, cependant, pour promouvoir et redynamiser la station. Le fermier des eaux Cazaux en édite des publicités dans la presse spécialisée, notamment Le Monde Thermal ; l’établissement thermal est modernisé et remanié par les architectes départementaux Émile Doyère et Philippe Leidenfrost ; une maquette de la station, réalisée à des fins tant scientifiques que publicitaires par Philippe Sanchette fils, est présentée à l’exposition du Congrès des sociétés géographiques de France entre 1885 et 1887 ; après une première édition en 1878, le conseil municipal vote la participation à l’Exposition universelle de Paris en 1889, notamment en finançant une campagne photographique assurée par le dénommé Lamazou ; et les fêtes du centenaire de la Révolution française sont célébrées avec faste en 1890.
L’activité continue tant bien que mal, comme l’illustre la production de cartes postales jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. La halle communale-école accueille alors non seulement les enfants de la localité mais aussi ceux des curistes. Un nouveau règlement d’urbanisme est voté en 1904 afin de "conserver la tranquillité et la santé publique". Sont désormais proscrits les sols en terre battue, les couvertures en paille, les constructions en pisé ou les chambres dans les caves, sans compter l’habitude de jeter les cadavres d’animaux dans les canaux et rivières. Les hébergeurs, tenus de signaler le moindre cas de maladie épidémique, sont étroitement impliqués dans la politique sanitaire de la commune. Mais, en dépit de la situation financière fragile, toute demande de construction nouvelle est refusée au prétexte de préserver l’intégrité économique de la localité, ce qui arriva au médecin thermal Peytureau en 1906, avec son projet immobilier de villas sur le plateau Minvielle.
En parallèle, et par souci de promouvoir sa station thermale, la commune de Laruns se lance vainement dans un bras de fer de plusieurs années avec la Compagnie des Chemins de fer du Midi afin de rebaptiser la gare "Laruns-Eaux-Bonnes" en "Eaux-Bonnes – Eaux-Chaudes" en 1903, mais elle n’obtiendra jamais gain de cause.
La fréquentation est de nouveau ralentie durant les deux conflits mondiaux du 20e siècle, où l’établissement thermal, dépourvu de son casino depuis l’entre-deux-guerres, est réquisitionné pour accueillir les blessés.
Mutation du tourisme thermal à partir des Trente Glorieuses
Après avoir été exploité entre 1930 et la fin de la Seconde Guerre mondiale par la Société mutuelle de retraite des médecins du Front, puis par un dénommé Gaspard, la concession de l’établissement revient en 1947 à l’Entraide sociale des Pyrénées-Atlantiques, qui oriente la politique thermale vers une nouvelle forme de tourisme sanitaire et social, accessible aux plus nécessiteux, en plein essor du tourisme de masse. Les têtes couronnées et les élites bourgeoises font donc place à un afflux d’enfants et de personnes âgées qui modifient la sociologie de la fréquentation de la station et impliquent aussi le remaniement de l’établissement thermal et de nombreuses pensions où ils séjournent, en fonction des grands principes de l’hygiène hospitalière des Trente Glorieuses.
Ces actions témoignent pleinement des évolutions du tourisme et du thermalisme à l’échelle nationale, le premier se démocratisant, le second se médicalisant et donc se désolidarisant d’une certaine logique économique plus rentable. De par son environnement sain, la vallée d’Ossau, toujours propice aux séjours de convalescence, est alors très prisée par les organismes caritatifs. L’Entraide Sociale, qui marque fortement l’histoire des Eaux-Chaudes jusqu’au retour de la régie municipale en 1997, est également présente à Eaux-Bonnes, tandis que l’Association familiale de Bayonne construit à Laruns une moderniste Maison Familiale de Vacances. La vie de la station à cette époque est particulièrement dynamique quoique sa composition sociale ait considérablement changé et associe désormais les malades modestes et une population locale résidant à l’année dans le village thermal, ce qui se traduit par la vivacité de l’école ayant accueilli jusqu’à une cinquantaine d’élèves. La destination des édifices est marquée par ces évolutions, la plupart des anciennes pensions se convertissant dès lors en résidences privées. Depuis les années 2000, seules les trois sources captées par l’établissement thermal (Clot, Rey et Esquirette) continuent d’être en activité alors que les trois établissements subsidiaires (Minvielle, Baudot, Larressec), propriétés de la commune, sont inexploités mais marquent de leur histoire et de leurs silhouettes esseulées les promenades subsistantes et le paysage de la station.
Évolution urbaine : des cabanes précaires à l’urbanisme moderne
Une urbanisation sous contraintes environnementales et économiques
Une zone d'implantation mouvante du 16e siècle à la Révolution de 1789
L’organisation interne de l’agglomération des Eaux-Chaudes a régulièrement évolué depuis les premiers temps de sa fréquentation, bien que le noyau urbain demeure localisé au même endroit, immuable, au-dessus des sources du Rey et de l’Esquirette. Son environnement naturel se caractérise en effet par de fortes contraintes topographiques, associant l’escarpement et l’instabilité de parois montagneuses à la présence d’un torrent rendant le terrain dangereusement inondable jusqu’à la création d’une retenue en amont au 20e siècle. Outre la prépondérante problématique de la gestion des risques environnementaux, bâtir dans ce secteur est de plus conditionné par les contraintes relatives aux sources curatives dont l’eau, pour conserver l’ensemble de ses vertus, doit être extraite au plus près des résurgences. Les constructions pérennes autant que l’aménagement d’une route sécurisée suivant la gorge du Hourat pour relier Laruns à la station constituent, dans ce délicat contexte, des défis majeurs tant sur le plan technique qu’économique durant plusieurs siècles. Si la station bénéficie d’aménagements routiers réguliers facilitant ses accès entre le 16e et le 18e siècles, son milieu s'avère trop pentu pour obtenir une liaison ferroviaire directe, ce qui, après avoir bénéficié de l’adaptabilité du cheval, la pénalise considérablement au 19e siècle lors de la généralisation du train – desservant dans le même temps de nombreuses stations concurrentes.
Dans cet environnement inhospitalier, au fond d’une gorge, emprisonné entre la rive droite du gave d’Ossau et quelques éparses promontoires escarpés, le site est d’abord doté de constructions temporaires, probablement des baraques en planches montées et démontées au gré des séjours de la cour royale. Ces constructions sont localisées dans le dénivelé à proximité des sources du Rey et de l’Esquirette, entre les implantations actuelles de l’église et de l’établissement thermal. Le premier logement en pierre, édifié pour l’évêque Jacques de Foix au-dessus de la source du Rey, devient en 1540 le centre névralgique environné de quelques cabanes en pierre et en planches bâties dans la seconde moitié du 16e siècle. La documentation iconographique et cartographique renseigne précisément sur la zone d’habitat, qui s’étend initialement du bord du gave jusque dans le prolongement de l’église. Mais à l’intérieur de ce périmètre convergeant autour des sources du Rey et de l’Esquirette, les édifices font l’objet de nombreuses constructions et reconstructions désordonnées jusqu’au début du 19e siècle. L’implantation du bâti, particulièrement mouvante, résulte de plusieurs facteurs, notamment des contraintes environnementales comme les catastrophes naturelles, ou l’usure du temps et le facteur humain, tel le défaut d’entretien des édifices. Les inondations de 1768 ravagent ainsi une grande partie des cabanes et, outre les pertes économiques, elles imposent leur reconstruction au sein de la même zone d’habitat ancienne, mais selon une logique spontanée et non régie d’après un plan urbain préétabli.
Transition vers un modèle urbain stabilisé
A la fin du 18e siècle, les maisons constituant cet embryon de bourg thermal se trouvent entre l’église et une avancée de terre plongeant vers le gave. Elles sont implantées individuellement en fonction de la topographie et sans recherche de cohérence urbaine ou d’alignement quelconque, mis à part dans le prolongement ponctuel de l’église - ne concernant que deux édifices. La construction du Vieil établissement en 1782 annonce la fixation progressive de l’implantation urbaine, laquelle s’opère véritablement au milieu du 19e siècle. Ainsi, dans les temps révolutionnaires, se développe une première rangée d’édifices à peu près alignés et surplombant le gave, allant de l’église jusqu’à la cabane dite Le Château (depuis divisée et reconstruite en quatre édifices particuliers). Entre cet ensemble bâti et la montagne, émergent alors quelques granges et des constructions utilitaires en planches. En-dessous des édifices du prolongement de l’église, une seconde rangée de constructions en pierre, plus proches du gave, comprend le Vieil établissement et les cabanes de la veuve Jumères (emplacement des futurs hôtels Baudot et du Midi). Un troisième ensemble de maisons, implantées de façon désordonnée, se situe sur l’avancée de terre plongeant vers le cours d’eau, où fut implanté l’établissement de Latapie en 1841. La seule route traversant le village s’étend à l’époque entre l’église et le Vieil établissement. Dans le village dépourvu d’autres voies de communication, la circulation est donc organisée anarchiquement autour des constructions. Un sentier de montagne démarre près du Château pour se déployer vers les hauteurs en direction, notamment, de la grotte des Eaux-Chaudes.
Fixation de l'implantation urbaine au 19e siècle
Vers le milieu du 19e siècle, les granges et constructions précaires en planches situées du côté de la montagne, en face de l’église, sont remplacées par des bâtiments en pierre dans le respect d’un plan d’alignement inédit et d’une réglementation urbaine encore perceptibles sur les façades sur rue, dont la plupart sont peu – ou pas – remaniées. Ce phénomène s’inscrit dans la dynamique nationale de l’urbanisme moderne dicté par le modèle des grandes métropoles européennes suite aux premières servitudes d’alignement créées sous le Premier Empire puis aux restructurations urbaines du Second Empire, qui permettent entre autres de réguler le réseau routier public. Aux Eaux-Chaudes, le caractère raisonné nouveau régissant l’organisation des constructions, en particulier à l’appui du règlement approuvé par le conseil municipal en 1848, permet ainsi de dégager l’espace suffisant pour accueillir une route plus confortable – entre l’église et la nouvelle rangée d’édifices du côté de la montagne - que l’originelle voie traversant le village entre l’église et le Vieil établissement. Dans le même temps, et dans une logique similaire, les cabanes traditionnelles sises près du gave sont remplacées par deux hôtels (Baudot et Midi) - dans la continuité du Vieil établissement -, mais aussi, sur l’avancée de terre plongeant vers le cours d'eau, par les nouveaux thermes. Dans cette configuration, le bourg thermal est agrémenté de trois promenades (d'Argout, de la Poste, grotte des Eaux-Chaudes) valorisant à la fois son cadre naturel et son aspect de petite agglomération, visible comme un objet de curiosité depuis les hauteurs ou la rive gauche du gave d’Ossau. Les prérogatives de l’urbanisme moderne sont de fait déclinées en ce territoire montagnard, obéissant non seulement à la nouvelle réglementation nationale mais permettant en outre de composer un cadre sain et confortable, tant sur le plan médical que social, en adéquation avec les attentes de la haute société et les théories hygiénistes en vogue tout au long du siècle.
Durant la seconde moitié du 19e siècle, la station, qui nécessite encore de croître pour satisfaire ses villégiateurs, n’a d’autre choix que de s’étendre vers la montagne et le plateau Minvielle la dominant. Les nouveaux édifices – parmi lesquels le temple protestant, la halle-école et la source Minvielle - sont implantés ex-nihilo le long d’une voie neuve, sous le chemin de la grotte et sur un espace relativement horizontal épousant la courbe du relief naturel. Pour finir, quelques constructions isolées, respectant l’alignement de la route impériale, viennent compléter l’implantation au nord (hôtel de France) et au sud (hôtel Abbadie), tandis que la communauté investit dans des infrastructures de génie civil, avec la construction du château d’eau potable et la reconstruction du Pont d’Enfer. Le pittoresque pont en bois, dont le caractère précaire permettait de couper la liaison avec l’Espagne en cas de conflit militaire, laisse place à un majestueux ouvrage d’art en pierre pour conserver la connexion stratégique avec Gabas et la frontière. Malgré les remaniements de plusieurs édifices, la zone d’habitat, dont le plan est désormais figé, ne fait l’objet d’aucune modification majeure à compter de cette période, la commune refusant dès lors tout projet de construction afin de préserver le cadre naturel de sa station.
Principales étapes de l’urbanisation
1. Jusqu’en 1540. Constructions en planches provisoires. Ces habitats précaires sont montés pour la durée du séjour, puis démontés. Le site demeure un espace vierge.
2. 1540-1782. Construction des cabanes ou baraques. Zone d’habitat mouvante constituée de deux rangées non stabilisées, l’une dans la continuité de la chapelle, l’autre schématiquement en-dessous vers le gave. Construction de la maison de Lescar. Le bourg est complété par des constructions spontanées implantées de façon désordonnée.
3. 1782-1841. Transition entre la construction précaire traditionnelle et le modèle urbain du 19e siècle. Stabilisation de la zone d’habitat. Construction du Vieil établissement entre les deux rangées d’édifices. Les anciennes cabanes sont progressivement remaniées ou reconstruites.
4. 1841-1860. Extension de l’agglomération du côté de la montagne, création de la route impériale et maturation de l’implantation urbaine. Construction de la rangée d’édifices sur le côté est de la route impériale en fonction des nouvelles directives des plans d’alignement. Aménagement des promenades partant du bourg, dans les hauteurs et sur les bords du gave.
5. 1860-1900. Extension vers le plateau Minvielle et construction d’habitats isolés. Construction du temple protestant et des édifices le long de la future rue de l’École. Construction de l’hôtel Abbadie et du Pont d’Enfer. Démolition du vieil établissement thermal.
Des programmes urbains au cœur d’un territoire traditionnellement agro-pastoral
Le village des Eaux-Chaudes, tout comme celui d'Eaux-Bonnes, doit exclusivement son existence et sa composition à l’activité thermale, ce qui le distingue fondamentalement de nombreuses stations historiques telles Bagnères-de-Bigorre ou Cambo-les-Bains où se mêlent indifféremment habitat sédentaire et constructions destinées à un usage saisonnier.
En dépit de ses proportions exiguës, la localité des Eaux-Chaudes constitue une application du modèle type de la station thermale pyrénéenne du 19e siècle, centralisant une majorité d’hébergements de voyageurs, quelques équipements utilitaires complétant les prestations d’accueil ainsi que des installations sanitaires et médicales déployées au niveau des sources. Le tout est traversé et structuré par une voie routière et, surtout, quelques promenades magnifiant, selon l’esprit romantique et les valeurs hygiénistes du siècle, la grandeur des éléments naturels que sont la montagne et le cours agité du gave. Tout comme sa voisine et concurrente d'Eaux-Bonnes, la petite station organisée autour de trois rues se démarque des villages environnants, émergeant de programmes vernaculaires essentiellement agropastoraux, par le parti urbain de ses constructions destinées à une activité périodique drainant une affluence temporaire de population. Toutefois, à la différence de maintes stations plus vastes, celle des Eaux-Chaudes est originellement dénuée d’habitats individuels de type villas de villégiature, ce qui s’explique par la faible réserve foncière du site mais aussi par les refus systématiques de la communauté de Laruns d’édifier de tels programmes, que ce soit à la fin du 18e siècle – pour ne pas nuire au fermier et aux hébergeurs en adjudication - ou au début du 20e siècle, moment pourtant propice à ces résidences élitistes comme en témoigne l’extension urbaine des villes d’eaux concurrentes, notamment en Bigorre.
Type d'équipement | Édifices | Nombre en 1813 (cadastre napoléonien) | Nombre vers 1880 (apogée du thermalisme en France) | Part en pourcentage en 1880 | Nombre en 2018 | Part en pourcentage en 2018 |
Équipements sanitaires | Établissements de bains Buvettes | 1 Un établissement thermal | 4 2 établissements de bains 2 buvettes | 7% | 1 (un seul exploité) | 2% |
Équipements de loisirs et de tourisme | Promenades Aménagements paysagers Casinos, théâtres Passerelles Ponts | 3 Une grotte Une passerelle Un pont | 9 3 promenades Une grotte aménagée Un parc Un casino et un théâtre dans l'établissement thermal Une passerelle 2 ponts | 15% | 6 3 promenades 2 ponts Une passerelle (Grotte restante mais inexploitée) | 12% |
Hébergements et restauration | Hôtels Pensions de voyageurs Restaurants (souvent inclus dans lieux d'hébergement) | 10 10 cabanes | 32 4 hôtels 28 pensions de voyageurs | 54% | 4 Un hôtel-restaurant Une résidence hôtelière 2 immeubles de chambres d'hôtes | 8% |
Demeures de villégiature | Villas et chalets | 0 | 0 | 0 | 1 Une villa | 2% |
Résidences privées | Habitations sans accueil touristique | 0 | 0 | 0 | 34 | 70% |
Équipements utilitaires | Écuries Granges Château d'eau Lavoir | 4 3 granges Un lavoir | 7 5 écuries Un château d'eau Un lavoir | 12% | 1 Un château d'eau (Lavoir inexploité) | 2% |
Équipements administratifs et religieux | Lieux de culte Poste et Télégraphe Halles École Douane | 1 Une chapelle | 7 Une église Un temple protestant Une poste et télégraphe Une halle et école Une école de filles Une douane (installée après 1910) | 12% | 2 Une église Une maison communale | 4% |
De la prédominance des programmes d’hôtellerie à la reconversion massive en résidence privée
Compte tenu de la raison d’être de cette agglomération, la majeure partie des édifices est conçue initialement pour remplir des fonctions hôtelières. La dimension urbaine des constructions fait l’originalité de cette station nichée au cœur d’un territoire spectaculaire confinant à l’austérité qui voit habituellement se développer un habitat privé traditionnel relevant du mode de vie agro-pastoral. Malgré leur intégration dans un territoire montagnard, les bâtiments consistent généralement en maisons de ville ou de village à plusieurs niveaux, dont le soubassement tourné vers le gave accueille la porte d’entrée. Du fait de l’absence de route à l’origine, les maisons de la rangée de l’église, qui présentent leurs façades principales du côté du gave, offrent, du côté de la montagne et de l’actuelle route nationale, des élévations postérieures moins soignées, dont l’organisation est à la fois plus désordonnée et rationnelle. La rangée d’édifices à l’est de la route nationale et celle de la rue de l’école sont construites sur un modèle équivalent, mais en raison de leur promiscuité avec les flancs de montagne rendant impossible toute extension urbaine supplémentaire, l’élévation arrière, souvent originellement dotée de galeries en bois, ouvre généralement sur un jardin étriqué ceint et sécurisé par un mur de soutènement situé au fond de la propriété.
En ce qui concerne la distribution, l’habitation type des Eaux-Chaudes, relevant de la typologie des hébergements hôteliers et des immeubles à logement urbains, se compose d’un premier niveau en soubassement, dont la porte d’entrée ouvre sur un couloir axial distribuant de part et d’autre vers de grandes salles initialement destinées à des espaces collectifs (salles de restaurant, salons, voire locaux commerciaux). Au cœur de ce vestibule faisant aussi office de galerie, trône un escalier en charpente avec première marche en pierre conduisant aux espaces d’intimité, c’est-à-dire à un ou deux - plus rarement trois - étages de suites, plus ou moins vastes en fonction des édifices et réparties autour des paliers centraux. Les façades en gouttereau, souvent étroites et caractérisant la quasi-totalité des édifices, ne laissent pas présager de l’ampleur réelle des volumes et de la superficie de ces bâtiments, à la fois profonds et déployés sur plusieurs niveaux jusqu’aux combles presque toujours exploités. La majorité de ces habitations ont été reconverties en vastes résidences privées au 20e siècle, abritant soit des appartements soit des maisons aux grandes proportions. De nos jours, seuls quatre bâtiments (hôtel Abbadie, hôtel Baudot, hôtel du Midi et maison de la Douane) conservent leur fonction hôtelière originelle.
Des équipements utilitaires et collectifs pour parfaire les prestations touristiques
Ces constructions sont complétées par des équipements utilitaires améliorant le confort de la clientèle en villégiature et transposant la vie urbaine au sein de l’espace éphémère de la station thermale qui crée ainsi un microcosme spécifique entre commodités de la ville et contemplation de la nature grandiose. Tout au long du siècle, la station s’équipe ainsi de nombreuses écuries – également reconverties en habitations privées de nos jours -, d’une poste-télégraphe, d’un château d’eau potable, d’une halle-école communale et de deux lieux de culte, l’un catholique, l’autre protestant, embrassant les principales confessions de la clientèle thermale nationale et internationale. Les infrastructures routières, les ponts et passerelles ainsi que les aménagements de promenades parachèvent l’organisation de la vie thermale matérialisée dans l’architecture de la station et autrefois fondée sur le logement (hôtels et pensions de voyageurs), les soins (établissements thermaux et buvettes) et le divertissement (promenades, salons et animations en tous genres).
Les fonctions de la plupart de ces équipements utilitaires ont cependant été modifiées progressivement au fil du 20e siècle face à l’évolution du mode de vie : d’une station exclusivement touristique, les Eaux-Chaudes muent en un village mêlant habitat sédentaire et résidences secondaires inoccupées. De ces équipements collectifs et/ou utilitaires, ne subsistent plus que le château d’eau, le lavoir, l’église et la maison communale, un phénomène symptomatique de l’exode rural des Trente Glorieuses et de la désertification des territoires ruraux.
Un programme thermal romantique : de "l’établissement-modèle" à la patrimonialisation des bains
Au plus fort de son activité, la station exploite le maximum de ses ressources en eau, aboutissant à un ensemble de quatre équipements sanitaires et médicaux composé de deux établissements de bains-buvette (établissement thermal et source Baudot) et de deux buvettes (sources Larressec et Minvielle). Ce parc immobilier renvoie à la typologie habituelle observée dans les stations thermales pyrénéennes et, plus largement, nationales. Outre l’établissement thermal, conçu comme un modèle quoique sa compilation de fonctions (bains, logements, divertissements) soit déjà dépassée à l’heure de sa conception, trois édifices de modestes dimensions sont érigés sur les résurgences des autres sources et, mêlant détente et fonction médicale, ponctuent les promenades paysagères aménagées au bord du gave (Baudot, Larressec) et vers le plateau dominant le village (Minvielle).
L’établissement thermal construit par Latapie réunit les trois sources principales et historiques que sont le Rey, l’Esquirette et le Clot et rassemble notamment une trentaine de cabines de bains et de douches, une piscine mais aussi plusieurs étages de logements, des salons de divertissement (bal, casino, théâtre) et des fontaines buvettes parsemées çà et là au sein de l’édifice. La nécessité de réunir ces fonctions multiples explique ses proportions d’autant plus spectaculaires que l’environnement naturel est peu propice aux réalisations architecturales de grande envergure. Les trois autres édifices sont toutefois de proportions beaucoup plus petites. Les pavillons de Minvielle et Larressec, en rez-de-chaussée, ne contiennent qu’une unique salle où sont captées les résurgences au sein de vasques en pierre. Le pavillon de la source Baudot, plus complexe, se développe sur deux niveaux épousant le relief escarpé au-dessus du gave et comprenant deux salles de buvettes au rez-de-chaussée et deux cabines de douches dans le soubassement.
En somme, la station des Eaux-Chaudes agit à l’instar de ses homologues, en exploitant, commercialisant et optimisant le maximum de ses résurgences, soit six sources au total, et en pariant à la fois sur les installations de masse et la diversité des prestations médicales. La baisse de la fréquentation, surtout à partir des Trente Glorieuses, ainsi que les analyses hydrologiques de plus en plus rigoureuses et pénalisantes, comme, du reste, dans les autres stations thermales, entraînent la fermeture progressive de ces petits établissements, dont le patrimoine perdure en plus ou moins bon état dans le paysage urbain en tant que témoin de son faste historique.
Partis esthétiques et constructifs : l’urbain à la montagne
De par ses dimensions modestes et des motifs historiques comme les refus de construire des habitats individuels de type villa, l’ensemble urbain des Eaux-Chaudes se caractérise par son homogénéité architecturale à quelques exemples près, comme en la station voisine d'Eaux-Bonnes. Ici, toutefois, les constructions, quoique témoignant des préoccupations similaires de l’urbanisme moderne, sont moins sophistiquées. Deux grandes tendances, souvent imbriquées l’une dans l’autre, sont perceptibles : les conventions officielles et l’influence du mode constructif vernaculaire.
Le parti officiel : architecture académique et respect des plans d’alignement
Le caractère officiel de l’activité thermale aux Eaux-Chaudes, notamment depuis les décrets et ordonnances de la période révolutionnaire et du Premier Empire, se manifeste, par la force des choses, au sein de réalisations architecturales, ce qui impose d’opter pour des partis esthétiques conventionnels dans les projets d’équipements d’utilité publique comme les établissements de bains et les buvettes. Succédant à la construction de style vernaculaire qu’était le Vieil établissement, les thermes de Latapie s’inscrivent pleinement dans la lignée des « thermes romantiques » et de leur répertoire néoclassique. A l’époque de leur édification à partir de 1841, ils constituent l’un des derniers exemples de ce style académique appliqué aux établissements de bains. Ailleurs, ce style sera supplanté rapidement par la vogue éclectique, avec, en particulier, ses influences orientalistes, dans la seconde moitié du 19e siècle, comme par exemple aux thermes d’Argelès-Gazost ou de Salies-de-Béarn. Probablement par souci de cohérence, et peut-être parce qu’elle est en ligne de mire et dans la continuité de l’établissement thermal de Latapie, la source Baudot, malgré des proportions infiniment plus modestes, est dotée en 1864 d’un pavillon relevant à son tour du style néoclassique courant sous le Premier Empire et la Restauration. C’est également ce parti qu’adoptent les deux grands hôtels de la station, l’hôtel de France et l’hôtel Baudot, se destinant explicitement à une clientèle huppée en attente de prestations haut-de-gamme, de confort et d’élégance qui sont ainsi perceptibles au premier coup d’œil. De même, l’église, reconstruite durant la période romantique en 1827, relève globalement de cette esthétique épurée et historiciste avec, entre autres, ses arcs en plein-cintre, un style toutefois rompu par le mobilier néogothique plus tardif.
Après les constructions rudimentaires et exclusivement utilitaires qui parsèment le site entre le 16e et le 18e siècles, c’est donc une architecture savante qui s’immisce de façon inédite au cœur de la vallée d’Ossau, jusqu’alors plutôt caractérisée par ses partis vernaculaires ruraux teintés de l’influence de l’urbanisme du 18e siècle au sein de ses petites agglomérations.
Dans cette même démarche, la communauté de Laruns veille à la bonne application des plans d’alignement imposés à partir de la Monarchie de Juillet. L’organisation anarchique des cabanes de l’Ancien Régime laisse place à une vision ordonnée du bourg thermal, aussi petit soit-il, ce qui constitue un phénomène généralisé aussi bien dans les stations de villégiature thermale, climatique ou balnéaire que dans les centres urbains habituels.
Les constructions bordant le côté est de l’actuelle route nationale, exactement contemporaines de ces règlements, témoignent rigoureusement de ces nouvelles dispositions. Non seulement les élévations sur rue sont scrupuleusement alignées en fonction du tracé de la voie routière, mais leurs façades, toujours en gouttereau, obéissent à une même logique d’apparat et, donc, à un ordonnancement similaire, qu’il s’agisse des édifices prédominants à vocation hôtelière ou bien des équipements utilitaires comme les écuries. Ainsi cette rangée de bâtiments déploie-t-elle une alternance régulière de baies simples, portes-fenêtres, portes-cochères et portes d’entrée, systématiquement valorisées par des encadrements en pierre épousant les mêmes modèles.
L’évolution vers cette nouvelle gestion urbaine est autrement perceptible dans l’ensemble de constructions bordant l’ouest de la route nationale et correspondant aux emprises d’édifices les plus anciennes. Du côté de la rue, les élévations montrent bien que, à l’origine, elles ne sont pas destinées à une exposition sur la voie publique mais sur des espaces techniques non destinés au regard. La plupart de ces façades, remaniées entre la seconde moitié du 19e siècle et les années 1970, se caractérisent par leur hétérogénéité mais la logique urbaine est cependant trahie par leur alignement draconien respectant obligatoirement le tracé de la route nationale.
Dans la seconde moitié du 19e siècle, toute construction nouvelle, quoique rare, à l’instar des bâtisses longeant la route nationale à l’est, sont érigées en fonction du plan d’alignement formalisant les voies de communication au sein de l’agglomération. C’est selon cette logique rigoureuse que fleurissent les quelques édifices de l’actuelle rue de l’école, s’échelonnant de la halle-école communale jusqu’au temple protestant (démoli) et à la source Minvielle.
Des constructions rustiques aux architectures "pittoresques et romantiques"
Malgré cette influence inévitable des prérogatives nationales, les constructions des Eaux-Chaudes témoignent par ailleurs de leur insertion dans une pratique rustique de l’architecture, de façon plus marquée encore qu’à Eaux-Bonnes où sont rassemblés des édifices, notamment des façades, plus élaborées. En effet, les encadrements de baie, très sobres, sont souvent réduits à leur plus simple expression, hormis dans quelques cas particuliers où le commanditaire a pris soin de faire sculpter le claveau dominant la porte d’entrée (maisons Burgau ou Labarthe par exemple). Mais seule une construction (ancienne maison Calou) est dotée de chaînages d’angle apparents et valorisés alors que le procédé est quasiment systématique dans d’autres stations.
Par ailleurs, les façades postérieures des édifices témoignent d’une des plus anciennes dispositions règlementaires des Eaux-Chaudes, émise dans le règlement de 1576. Ce texte imposait en effet la présence de galeries déambulatoires en bois sur les élévations arrière des cabanes par mesure d’hygiène et de confort – pour permettre aux baigneurs de prendre l’air à l’abri -, ce qui fait en outre référence à l’architecture traditionnelle ossaloise mise à profit, de ce fait, pour les besoins du thermalisme. Ainsi la plupart des édifices, comme l’illustre encore la maison Calou, possèdent originellement des galeries avec garde-corps en bois, bien que certaines, comme à l’ancienne douane, à l’hôtel Beauséjour ou à la maison Burgau, aient été remaniées voire obturées.
Outre ces galeries, ultimes réminiscences de la tradition architecturale locale, quelques constructions ponctuelles se caractérisent par leur aspect vernaculaire voire rustique, quand bien même elles sont remaniées dans le courant du 20e siècle. C’est par exemple le cas de l’ancienne écurie Mounaix et de la maison de la veuve Béchat, qui représentent les rares occurrences d’habitat individuel du bourg thermal.
Comme dans l’ensemble des stations thermales pyrénéennes, l’inscription dans l’environnement s’opère de façon essentielle par le mode constructif et le choix des matériaux, issus principalement des ressources locales, que cela concerne les établissements de bains et buvettes ou les immeubles à logements. C'est ce qu'illustre notamment la pierre qui provient généralement des carrières de proximité comme le calcaire d’Arudy ou le marbre de Bigorre. De même, le bois utilisé en charpenterie et menuiserie est prélevé au sein de gisements sylvicoles locaux ; et les toitures, dont les lucarnes en chien-assis se font plus rares qu’à Eaux-Bonnes, sont presque systématiquement dotées d’une couverture en ardoises pyrénéennes. Selon une logique économique et le bon sens des sociétés antérieures au 20e siècle, les matériaux du Vieil établissement sont revendus aux entrepreneurs locaux et réemployés dans divers projets d’aménagement et de construction. Excepté dans les remaniements du 20e siècle, rare est le recours aux matériaux modernes comme le béton ou le fer, utilisés dans certaines surélévations ou fermetures de galeries d’anciennes pensions hôtelières, dans les installations nouvelles de l’établissement thermal à partir des années 1880, mais surtout, de façon plus manifeste, dans la reconstruction du pavillon de Larressec qui représente un intéressant et unique exemple d’architecture moderniste dans la localité. Cette occurrence singulière de construction d'après-guerre renvoie en ce sens à la Maison Familiale de Vacances de Laruns réalisée selon ces mêmes références avec beaucoup plus d’emphase.
Dans ce paysage urbain plutôt rudimentaire, les maîtres d’ouvrage ont produit, par ailleurs, une véritable cohérence dans le dessin et l'élaboration des escaliers, ce qui témoigne, si ce n’est d’un commanditaire unique, du moins d’un cadre règlementaire spécifique. D'un édifice à l'autre, les rampes, souvent en chêne foncé, semblent en effet reproduire un même tracé inspiré des escaliers néo-médiévaux. Tandis que l’ensemble des marches est systématiquement en bois de chêne, la première marche en pierre de taille et arrondie du côté de l’implantation du départ de rampe. Trois départs d’escalier sculptés, témoignant de l’aisance de leurs commanditaires, se distinguent ainsi particulièrement. Le départ des rampes d’appui de l’hôtel Beauséjour, de l’hôtel des Thermes et du café Ambielle se composent en effet de sculptures richement élaborées en bas-relief, en haut-relief ou ajourées, et représentant des bestiaires – en particulier la figure du serpent récurrente dans les escaliers pyrénéens qui véhicule une symbolique traditionnelle d’accueil et de protection du foyer -, des motifs végétaux et même des monogrammes. Celui du café Ambielle, anciennement cabane dite Le Château, date vraisemblablement de sa construction au début des années 1780 tandis que les deux autres, dont les rampes sont faites de barreaux de section rectangulaire réunis par une barre rampante (tel que l'on en trouve dans le Vic-Bilh par exemple ou en Chalosse pour des escaliers de Saint-Sever), sont probablement conçus dans le premier tiers du 19e siècle. L’ancrage local de ces escaliers réside donc moins dans leur travail de sculpture que dans le matériau utilisé et, vraisemblablement, les artisans qui les exécutèrent.
L’esprit "pittoresque et romantique" plébiscité à l’époque sous l’égide de la publication sérielle éditée par le baron Taylor et Charles Nodier (cf. Les Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France) se manifeste plus occasionnellement dans quelques occurrences architecturales et mobilières à travers deux mouvements artistiques emblématiques. D’une part, les références au chalet helvétique, particulièrement en vogue dans les stations de villégiature balnéaires et thermales, caractérisent les lambrequins sculptés et ajourés du pavillon de la source Minvielle et de l’hôtel Abbadie et participent ainsi, quoique ponctuellement, à la composition d’un paysage plus onirique et historiciste. D’autre part, les quelques éléments mobiliers subsistant dans certains anciens hôtels, tels que des armoires et des lits, renvoient à l’esthétique médiévale des 13e et 14e siècles largement diffusée dans les dictionnaires de l’architecture et du mobilier de Viollet-le-Duc à compter de 1854. Le style néogothique est notoirement adopté dans la majeure partie du mobilier de l’église, plus tardif que sa reconstruction par Cailloux en 1827 et datant très probablement de la campagne d’embellissement du lieu de culte menée dans les années 1870. Sous le contrôle de la commission des Édifices diocésains et l’influence de Viollet-le-Duc, ce référentiel médiéval devient en effet le style consacré de l’architecture religieuse sous le Second Empire et la première partie de la Troisième République.
Les bâtisseurs des Eaux-Chaudes, la prédominance de la communauté et de l'intérêt public
La maîtrise d’ouvrage
La communauté de Laruns et les autorités de l’État : la décisive volonté politique
Le rôle de l’État est essentiel dans la constitution et la croissance de la station, d’abord en raison de l’influence de la cour de Navarre, en particulier ses "dames", Marguerite de Navarre, Jeanne d’Albret et Catherine de Bourbon, qui en impulsent la dynamique économique dès le 16e siècle. Outre les stations connues depuis l’antiquité comme Cauterets ou Bagnères-de-Bigorre, et malgré la précarité de ses premières installations, la volonté officielle fait donc du site des Eaux-Chaudes l’un des précurseurs du thermalisme moderne. Non seulement le positionnement assumé des souverains le met en lumière et entraîne dans son sillage une partie de la haute société, mais le pouvoir politique intervient aussi matériellement très tôt par des constructions de bâtiments - comme le fit l’évêque Jacques de Foix -, des réparations de cabanes, financées notamment par la cour de Navarre, ou encore par l’émission de textes officiels comme le Règlement des Eaux-Chaudes de 1576.
Dans les siècles suivants, les représentants du royaume endossent un rôle majeur dans l’essor de cette station, qu’il s’agisse de Jean de Gassion, président du Parlement de Navarre, au 17e siècle, qui autorise l’érection d’une chapelle, ou, plus tard, du chevalier de Maucor et de l’intendant d’Étigny en charge de la généralité de Gascogne, Béarn et Navarre, qui motivent l’aménagement de routes facilitant l’accès particulièrement difficile dans cet environnement aussi spectaculaire qu’accidenté. Le développement précoce de la station au regard de ses homologues n’aurait pu avoir lieu sans ces décisives volontés politiques. A partir de la période révolutionnaire, le village thermal bénéficie, à l’instar des villes d’eaux de tout le territoire français, des nouvelles dispositions législatives encourageant peu à peu l’exploitation des bains en tant que bien commun pour la santé publique, et ce malgré la complexité et les revirements de certains textes portant notamment sur les propriétés des sources, tantôt nationalisées tantôt rétrocédées à leurs propriétaires publics (souvent des communes). Dans le contexte du progrès scientifique fulgurant et de l’évolution des libertés individuelles prises en compte par les autorités de l’État, les préoccupations médicales et hygiénistes, doublées de motivations plus romantiques comme le rapport à la nature grandiose et les voyages pittoresques aux Pyrénées, expliquent incontestablement la vitalité de la station tout au long du 19e siècle. De même, les décisions au niveau national comme le remboursement des cures par la sécurité sociale constituent un facteur conjoncturel responsable en partie de la médicalisation du thermalisme et donc, conséquence collatérale, de sa désolidarisation avec le tourisme et sa manne économique dans la seconde moitié du 20e siècle. Dans un contexte concurrentiel où les stations balnéaires se démocratisent de façon inédite, ces décisions étatiques expliquent aussi, par voie de conséquence, la baisse d’activité majeure aux Eaux-Chaudes au 20e siècle comme des stations thermales à l’échelle nationale.
Par ailleurs, une particularité des Eaux-Chaudes provient du fait que jusqu’aux toutes premières années du 19e siècle, l’ensemble du parc immobilier est propriété de la communauté de Laruns, qui met en place des contrats d’affermage – écrits ou oraux – avec les exploitants des sources et des cabanes de logements. Ces derniers sont tenus de reverser à la collectivité une taxe calculée par hôte hébergé, mais bien souvent ils n’honorent pas leurs engagements. Ce manque à gagner, additionné à la vétusté des constructions, conduit les édiles à vendre aux enchères le Vieil établissement en 1809 et, dans le même temps, à se séparer des cabanes qui, au début du Premier Empire napoléonien, deviennent pour la plupart propriétés privées, y compris les étages de logements situés au-dessus du vieux bâtiment thermal.
La communauté de Laruns a donc assumé une importante charge immobilière et, par conséquent, financière toujours plus lourde, durant plus de deux siècles. Cette configuration, caractérisée par la mainmise exclusive de l’autorité publique locale sur l’ensemble du complexe thermal, constitue, au moins à partir du 18e siècle, une exception dans le paysage thermal pyrénéen où les responsabilités sont généralement réparties entre une entité publique – souvent la commune – et des propriétaires privés qui, de leur propre chef, prennent l’initiative d’édifier ou d’aménager des hébergements pour voyageurs, voire des bains, au sein de leurs habitations.
La société locale et l’économie thermale
Dès lors que les cabanes traditionnelles entrent dans le giron privé, elles font l’objet de reconstructions systématiques durant la première moitié du 19e siècle. Si quelques personnalités issues des élites participent à ce renouveau de la station, comme Mme de Choiseuil ou la famille Bayle qui rachètent successivement le Vieil établissement ou bien les familles notables Mounaix, Baudot et Abbadie qui se distinguent dans les premières années de la Troisième République, la majorité de ces investisseurs sont issus des milieux modestes de la société locale. Une délibération du conseil municipal en 1894 les décrit d’ailleurs comme "des artisans qui ne sont parvenus à édifier leurs maisons et à les meubler qu’au prix des plus grands sacrifices". De ce fait, le profil social des acteurs du thermalisme aux Eaux-Chaudes se distingue de celui d’autres stations plus vastes attirant davantage, du point de vue matériel, les notables locaux et étrangers.
Cette implication de la population locale qui prend le relais de la communauté montre ainsi l’ancrage séculaire de l’économie thermale à l’échelle de ce territoire. Mises à part quelques exceptions telles les familles Mounaix, Baudot et Abbadie ou le pharmacien Cazaux - également actif à Eaux-Bonnes -, la majeure partie de cette société vit partiellement du thermalisme et ne s’enrichit pas grâce à cette activité, fondamentalement contingentée par la saisonnalité, et, de ce fait, elle continue souvent en parallèle la besogne agro-pastorale. L’exploitation des bains et des buvettes offre cependant un bassin d’emploi conséquent et convoité avec l’embauche des baigneurs et baigneuses exclusivement au sein de la population locale tandis que les médecins thermaux, eux, sont généralement recrutés, du fait de la rareté de leurs compétences, jusqu’au niveau national. Cette répartition des rôles est relativement courante au sein des stations pyrénéennes et même nationales.
Quelques mécènes en villégiature au 19e siècle : du couple impérial aux élites sociales
Les archives et témoignages connus à ce jour démontrent que les grandes figures ayant contribué à la notoriété des Eaux-Chaudes – des têtes couronnées aux voyageurs romantiques étrangers - sont nombreuses mais que leur engouement se traduit rarement du point de vue matériel car elles ne sont directement commanditaires que d’une infime partie du patrimoine du village thermal. Du point de vue architectural, aucune construction ni aménagement ne sont en effet réalisés à l’initiative de grandes personnalités, hormis la promenade d’Argout (ou de l’Impératrice), exécutée par les habitants de Goust, vraisemblablement financée partiellement par un notable du même nom et probablement remaniée avec le soutien de l’Impératrice Eugénie.
Aussi le mécénat se manifeste-t-il presque exclusivement dans le domaine du patrimoine mobilier, et plus précisément encore, pour l'ameublement de l’église. Il n’est toutefois pas exclu que d’autres objets aient orné les édifices de la station dans les siècles précédents, soit dans les hébergements hôteliers soit au sein de l’établissement thermal même, mais ils ne sont pas localisables. Les dons offerts par des mécènes sont donc concentrés à l’église et au cours d’une période relativement brève s’échelonnant entre les années 1850 et 1890. Il faut compter tout d’abord le tableau de la Résurrection du fils de la veuve Naïm, réalisé par Théophile Gide sur les fonds de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie et qui arbore l’inscription "offert par Napoléon III". Un second tableau de belle facture représentant le calvaire du Christ, attribué sans doute hâtivement au célèbre peintre hollandais Lucas Van Leyden mais œuvre de l’un de ses talentueux suiveurs Maarten de Vos, provient de la générosité de Michel Coudurat, un notable de Laruns ayant fait fortune à Saint-Pétersbourg. La baronne de Brienen, d’origine belge, dont la fille fonde l’Ordre des Réparatrices à Pau et qui fréquente annuellement les Eaux-Chaudes dès les années 1860, fait de nombreux dons en faveur de l’église, aussi bien en sommes financières qu’en objets mobiliers, ce qu’illustre par exemple le confessionnal. Quant aux verrières, six vitraux exécutés par le maître-verrier Félix Gaudin résultent également de ces actions charitables et philanthropiques, ce que révèlent les monogrammes annotés dans les coins (respectivement C.M., P.L., F.B., P.B., M.B.) dont la lettre B renvoie probablement aussi à la famille de Brienen.
En somme, et malgré leur modestie au regard d’autres stations plus prospères, ces collections issues de dons privés constituent un échantillon très représentatif de la typologie sociale des mécènes au 19e siècle, notamment concernant le patrimoine sacré, allant du couple impérial aux élites locales et internationales, qu’elles soient d’anciennes lignées ou de réussite récente.
La maîtrise d’œuvre
Du contrôle de l’État à la prédominance de l’entreprenariat local
Fondamentalement conditionné par celui des maîtres d’ouvrage, le profil des maîtres d’œuvre impliqués dans la construction et l’aménagement des Eaux-Chaudes, dont le faible nombre est proportionnel aux dimensions restreintes de l’agglomération, illustre les nécessités techniques et le cadre juridique régissant les villes thermales. En l’occurrence, on y observe, d’une part, l’implication obligatoire de techniciens placés sous l’autorité de l’État, qu’il s’agisse de l’Intendance de Gascogne, de Navarre et du Béarn, ou du Conseil des Bâtiments civils et de la préfecture des Basses-Pyrénées. Dans ce contexte, régulières sont les interventions des ingénieurs des mines ou des Ponts et Chaussées comme Desfirmins – auteur du Vieil établissement -, Cailloux – responsable de la reconstruction de l’église qui intervient également à Eaux-Bonnes – ou Jules François, omniprésent dans les stations thermales aménagées au 19e siècle, dont les compétences techniques s’avèrent fondamentales compte tenu des contraintes environnementales et des procédés spécifiques de la captation des eaux. Non moins fréquentes sont les interventions des architectes départementaux, tels Jean Latapie, Gustave Lévy, Émile Doyère et Philippe Leidenfrost pour ce qui concerne les réalisations architecturales et les remaniements, principalement à l’établissement thermal.
Ces équipes composées d’architectes et d’ingénieurs conçoivent ou remanient les édifices publics commandés par la communauté de Laruns, c’est-à-dire l’ensemble des établissements exploitant les eaux thermales : Vieil établissement, établissement thermal, pavillons des sources Baudot, Larressec et Minvielle. De par leurs fonctions, tous interviennent également sous leur autorité de tutelle dans les autres stations dépendant de leurs territoires d’affectation, en particulier à Eaux-Bonnes.
En ce qui concerne les constructions privées, autrement dit la majorité des édifices constituant le village thermal, les maîtres d’œuvre sont en revanche généralement des entrepreneurs locaux, comme Abbadie de Laruns, voire les propriétaires eux-mêmes qui sont souvent des travailleurs compétents dans les activités agricoles aussi bien que liées au bâtiment. Dans un autre registre, la maquette de la station des Eaux-Chaudes est due à une figure locale, Philippe Sanchette fils, éditeur à Laruns. Mais la majeure partie de ces artisans primordiaux dans l’exécution des chantiers – tailleurs de pierre, maçons, ardoisiers, charpentiers, menuisiers – demeure dans l’anonymat inhérent à la modestie de leurs statuts sociaux.
De rares manufactures et artistes nationaux et internationaux
Considérant que les acteurs de l’architecture et de la décoration renommés au niveau national ou international sont peu représentés aux Eaux-Chaudes, les quelques exemples identifiés, postérieurs à la Restauration, témoignent fidèlement, quoique de façon forcément lacunaire, de la sociologie des chantiers à l’époque contemporaine. Ainsi en est-il des deux manufactures de Jules-Piere Mauméjean établi à Pau et Félix Gaudin installé à Paris, qui fournissent les vitraux entre les années 1870 et 1880, ou bien de la manufacture parisienne Rodolphe fils & Debain, facteur de l'harmonium. Il convient également de rappeler les auteurs des tableaux de l’église offerts sous le Second Empire, Maarten de Vos et Théophile Gide, respectivement actifs au 16e et au 19e siècle. Bien que le patrimoine mobilier de la station, en particulier celui relatif aux arts et à la production industrielle du 19e siècle, ait en grande partie disparu, il subsiste encore une théière orientaliste réalisée par la manufacture britannique Dixon & Sons qui témoigne de l’essor des arts appliqués à l’industrie sous le Second Empire et la Troisième République.
Nom | Fonction/Statut | Période d'intervention | Site d'intervention |
Architectes | |||
Jean Latapie | Architecte départemental | 1815-1850 | Établissement thermal, Vieil établissement |
Gustave Lévy | Architecte départemental | 1850-1870 | Établissement thermal, Vieil établissement, Source Baudot, mobilier et fonts baptismaux de l'église (?) |
Émile Doyère | Architecte départemental | 1887-1889 | Établissement thermal |
Philippe Leidenfrost | Architecte départemental | 1890-1892 | Établissement thermal |
Sajous et Hébrard | Architectes | 1920-1930 | Établissement thermal |
Bernard Casnin | Architecte | 1968 | Maison Familiale de Vacances (Laruns) |
J.J. Biraghi | Architecte | 1973 | Maison communale |
Ingénieurs et techniciens | |||
Desfirmins | Ingénieur | 1781 | Vieil établissement, cabane dite Le Château (?) |
Jules François | Ingénieur des Mines | 1838 | Établissement thermal |
Cailloux | Ingénieur des Ponts et Chaussées | 1827 | Église |
Bourra | Ingénieur | 1854 | Source Baudot |
Jules Turon | Conducteur de travaux | 1864-1867 | Temple protestant, Pont d'Enfer, Établissement thermal |
Loumiet | Surveillant de travaux | 1861-1884 | Église, Promenade de la Poste |
Acteurs locaux | |||
Abbadie fils | Entrepreneur de travaux | 1863-1868 | Vieil établissement (démolition), temple protestant, établissement thermal |
Jean Sajus | Carrier | 1840-1842 | Établissement thermal |
Philippe Sanchette fils | Éditeur, maquettiste | 1885-1887 | Maquette de la station des Eaux-Chaudes |
Abbé Maysonnave | Prêtre | 1950-1980 | Sculptures (église) |
Acteurs nationaux et internationaux | |||
Jules-Pierre Mauméjean | Peintre-verrier, manufacture de vitraux | 1870 | Trois verrières (église) |
Félix Gaudin | Peintre-verrier, manufacture de vitraux | 1880 | Huit verrières (église) |
Dixon & Sons | Manufacture industrielle | 1880 | Théière (maison Mounaix) |
Rodolphe fils & Debain | Facteur d'orgues et de pianos | 1890-1900 | Harmonium (église) |
Théophile Gide | Peintre | 1855 | Tableau (église) |
Maarten de Vos | Peintre | Dernier quart du 16e siècle | Tableau (église) |
G. Sacreste | Peintre-verrier, manufacture de vitraux | Début 20e siècle | Une verrière (établissement thermal) |
Type de dossier |
Dossier d'oeuvre architecture |
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Référence du dossier |
IA64002571 |
Dossier réalisé par |
Delpech Viviane
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Cadre d'étude |
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Aire d'étude |
Pyrénées-Atlantiques |
Phase |
étudié |
Date d'enquête |
2018 |
Copyrights |
(c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Université de Pau et des Pays de l'Adour |
Citer ce contenu |
Station thermale des Eaux-Chaudes, Dossier réalisé par Delpech Viviane, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Université de Pau et des Pays de l'Adour, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/679d72ba-9848-4df1-a982-4ffc4f450a06 |
Titre courant |
Station thermale des Eaux-Chaudes |
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Dénomination |
station thermale |
Statut |
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Intérêt |
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Localisation
Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Pyrénées-Atlantiques , Laruns
Milieu d'implantation: en écart
Lieu-dit/quartier: Les Eaux-Chaudes
Cadastre: 2018 BE