Maison, dite Logis Malet
France > Nouvelle-Aquitaine > Gironde > Saint-Émilion
Historique
Bien que l'édifice ait été très remanié à diverses périodes, l'analyse détaillée des parements a permis de clairement mettre en évidence les parties qui remontent à l'origine de la construction, au moment où la ville se hisse au deuxième rang, après Bordeaux, dans l'échelle des centres urbains du bordelais, quand le roi-duc accorde à ses bourgeois le droit de Commune, consigné dans la Charte de Falaise en 1199.
Par les sutures que comportent les parements, associées à plusieurs autres indices, il est possible non seulement de définir au moins cinq portions apparentant à ces propriétaires différents, mais aussi d'être assuré qu'au moins deux d'entre elles étaient des demeures formant enceinte, à l'instar d'autres portions de la clôture de ville où les vestiges sont beaucoup mieux conservés. Des reprises de parement peuvent être identifiées à la période de la guerre de Cent Ans par des caractéristiques propres aux maçonneries de cette époque.
A l'emplacement de l'une des unités médiévales, dont rien ne semble avoir été conservé, est construit un corps de logis au moment du renouveau de l'architecture urbaine après la guerre de Cent Ans. Sa couverture à haut comble dit "à la guise de France" a conservé sa charpente presque intacte, dont l'étude par dendrochronologie a permis de dater la construction de l'ensemble de 1520. Sans qu'aucun élément tangible ne permette de le certifier, il est probable que ce nouvel édifice soit contemporain d'une refonte complète du parcellaire de cette partie de la ville qui a amené à former un véritable domaine enclavé intra-muros. Les raisons qui ont conduit à reconstruire en sous-œuvre la partie nord du mur oriental du logis, de fond en comble, ne sont pas connues, mais ce remaniement va probablement de pair avec l'aménagement de la cage d'escalier de l'extrémité nord du corps de logis,dont un pallier a gardé son garde-corps à balustres datable du 17e siècle. Les sources ne renseignent l'édifice qu'à partir de 1689, au détour d'une reconnaissance au roi par Hélies de Bonneau, écuyer, sieur de Fonroque. La description succincte qui est faite alors du domaine ne permet pas de savoir si les modifications du corps de logis principal avaient déjà été effectuées ou si elles ont été réalisées après cet achat. Dans les deux années qui suivent, les registres de la jurade ne font état que du projet d'Hélies de Bonneau d'agrandir la cave creusée dans le rocher sous la muraille "de sorte qu'elle puisse contenir tout son dit vin". Cet aménagement nécessite l'ouverture d'un passage afin d'évacuer les déblais par les fossés. L'autorisation a été accordée et les travaux effectués, puisque les jurats réclamèrent en 1691 de faire murer ce percement, conformément aux termes des conditions requises dans l'autorisation. Le domaine de la famille de Bonneau s'accroît en 1707 des fossés longeant l'ensemble lui appartenant, par une concession datée du 23 mars. En 1735, le fils d'Hélies, Jean-Louis de Bonneau, affirme n'avoir fait percer aucune fenêtre dans le mur de ville, ces dernières existant déjà selon lui quand son père Hélie a acquis la demeure en 1689. Il n'est toutefois pas exclu que cette déclaration ait eu surtout pour fonction de tenter de mettre fin à des récriminations légitimes de la part de la jurade, car la plupart des ouvertures qui existent aujourd'hui semble pourtant bien dater du 18e siècle.
Durant la seconde moitié du 18e siècle, l'ancien corps de logis est intégré dans une ambitieux projet architectural consistant en une longue bâtisse de style classique, à deux ailes disposées de part et d'autre d'un pavillon central, ouvert à l'est d'une élégante galerie voûtée. Ce chantier important était probablement encore inachevé à la Révolution quand la propriété fut saisie et vendue : c'est ce qu'indique un des plans de l'architecte Lenoir en 1879 pour l'extrémité sud du bâtiment, et ce que confirment certaines irrégularités et évolution du style de cette partie du bâtiment, dont la construction a dû se prolonger dans la première moitié du 19e siècle. Dès l'an 9 Jean-Louis de Bonneau rachète le domaine, et c'est par sa fille unique, Marie-Adèle, épouse d'Alexandre-Jean, baron de Malet-Roquefort, que l'ensemble revient à ce dernier, à la mort de Jean-Louis de Bonneau en 1827.
Les bâtisses groupées au nord étaient constituées de trois éléments : une construction de plan presque carré inscrite dans le prolongement du corps de logis. Le mur de refend qui le séparait en deux espaces suggère, par son implantation irrégulière, que le bâtiment a été construit en deux étapes : dans un premier temps, peut-être au 17e siècle, au moment de l'aménagement de la cage d'escalier à l'extrémité nord du logis, une première annexe a été construite le long de l'enceinte : elle renfermait à la fin du 19e siècle des lieux d'aisance et un chai. Probablement en même temps que la construction de l'immeuble classique du milieu du 18e siècle, un second espace a régularisé l'extension, équipé d'une cheminée sur son mur est. Le bâtiment a été prolongé vers l'est par deux pièces qui constituaient une aile en retour d'équerre par rapport à la façade principale de l'immeuble. Sur un des dessins d’Émilien Piganeau, on devine l'ordonnance classique d'une façade rythmée par des pilastres et organisée en travées. Côté sud, le bâtiment abritait une orangerie, et au nord, un chai. La fonction de la tour polygonale accolée au mur nord du chai du 18e siècle reste difficile à déterminer, mais il est certain qu'elle n'a rien à voir avec le logis du début du 16e siècle, bien qu'interprétée hâtivement comme sa tour d'escalier hors-œuvre : les plans comme les dessins de Piganeau montrent sans ambiguïté que cette tour était accolée à un bâtiment rapporté contre l'ancien corps de logis, et dont il ne peut avoir assuré la distribution. Aucune caractéristique stylistique ne permet de la dater précisément sur les quelques dessins qui la montrent, mais l'organisation en plan de l'ensemble laisse supposer qu'elle ne peut guère être antérieure à la seconde moitié du 18e siècle, sauf si elle avait été conservée d'un bâtiment antérieur, ce dont il n'est pas possible de juger sur la foi de ces trop rares représentations. Le plan de 1879 indique que son rez-de-chaussée servait de chai, et la distribution des fenêtres qui l'ajouraient n'incite pas non plus à l'interpréter comme une tour d'escalier. Il est fort probable que la bâtisse qui enveloppait sa base côté est jusqu'à hauteur de l'étage, et qui avait vocation de chai, ait été ajoutée plus tard, au 19e siècle, formant un appentis appuyé sur le mur nord de l'aile de l'orangerie.
Enfin, face à l'aile sud de l'immeuble du 18e siècle, existait un autre groupe de bâtisses à usage d'écurie, de remise et de buanderie : leur silhouette est esquissée sur un dessin de Piganeau. Il n'est pas exclu que la petite construction accolée à l'édifice couvert d'une toiture en pavillon soit d'origine médiévale, ce que suggère une petite porte de la façade ouest, couverte d'un linteau sur coussinets.
Sur le plan cadastral de 1845, ce vaste domaine de 2500 m2, qui s'étend sur neuf parcelles cadastrales en 1845, est vendu à la commune de Saint-Émilion le 7 août 1879 "pour l'établissement des écoles laïques". Le projet d'aménagement confié à l'architecte libournais Lenoir a suscité un plan d'état des lieux. C'est aussi la période où Émilien Piganeau réalise la série de dessins qui est la seule à documenter le mur de clôture qui isolait le domaine du reste de la ville, et les communs agrégés autour du bâtiment principal. L'immeuble principal est alors remanié afin de servir de logement de fonction à l'institutrice dans l'aile sud et à l'instituteur au nord, le pavillon central gardant sa fonction distributive. De part et d'autre de l'ancien corps de logis, deux ailes en retour d'équerre ont été construites au nord et au sud afin d'abriter respectivement les classes des garçons et des filles. Les travaux sont adjugés le 1er août 1880 à l'entrepreneur Gabriel Duret et achevés avant le 1er mai 1881. Des constructions de cette époque, ne subsistent plus que la "salle de gymnastique", établie dans un second temps, dans l'hiver 1882, au droit de l'extrémité nord de l'immeuble principal. Durant la même campagne de travaux, tous les anciens bâtiments situés face à l'aile sud sont rasés entre 1879 et 1886, ainsi que le mur crénelé qui fermait la propriété. En 1882, une partie du mur séparant les parcelles C 764 et C 765 (actuelle parcelle AP 452, Tonnellerie Demptos) a été également démolie et reconstruite, parce que jugé insuffisamment solide pour supporter les constructions en projet. Afin de donner davantage "d'espace et de régularité à la cour des garçons", le tracé en coude de la rue des Écoles a été rectifié, en coupant la parcelle C 715. La destruction de cet ensemble est signalée dans un rapport de la Commission des Monuments Historiques de 1886.
Ces bâtiments scolaires ont été en usage jusqu'en 1967, année où est inauguré le nouveau groupe scolaire construit hors les murs, au nord de la ville. Désormais obsolète, ils ont été détruits vers 1970. Certaines salles du bâtiment ont alors abrité le musée archéologique de la Société historique et archéologique de Saint-Émilion, animé alors par Émile Prot.
Le domaine est finalement vendu à la municipalité en 1979 pour y aménager l'école laïque. La plupart de ses communs et la clôture qui le séparait du reste de la ville sont abattus, et de nouvelles constructions voient le jour pour les nécessités d'un complexe scolaire qui restera en service jusqu'en 1967. La fin du 20e siècle est marquée par l'occupation des lieux par les activités culturelles de la ville (musée archéologique, espaces d'exposition et locaux mis à disposition des associations).
Détail de l'historique
Périodes |
Principale : limite 12e siècle 13e siècle Principale : 1er quart 16e siècle Secondaire : 2e moitié 17e siècle Principale : 2e moitié 18e siècle Principale : 4e quart 19e siècle |
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Description
Les vestiges que comporte cette parcelle se décomposent en six grandes phases. Les vestiges les plus anciens se concentrent sur le mur formant enceinte, longeant le fossé, du côté ouest.
L'analyse des parements a permis de définir au moins cinq portions apparentant à des propriétaires différents, mais aussi d'être assuré qu'au moins deux d'entre elles étaient des demeures formant enceinte, à l'instar d'autres portions de la clôture de ville où les vestiges sont beaucoup mieux conservés. Des reprises de parement peuvent être identifiées à la période de la guerre de Cent Ans : moyen appareil, joint plus larges que la période précédente, mise en oeuvre plus médiocre, nombreux éléments de calage... Quelques consoles de mâchicoulis, à l'extrémité sud du mur, pourraient aussi remonter à cette période, et témoigneraient d'une phase de mise en défense de la muraille médiévale.
Le nouveau corps de logis construit au 16e siècle est subdivisé en deux salles par un mur de refend, et ne semble avoir été doté de tour d'escalier. Les raisons qui ont conduit à reconstruire en sous-œuvre la partie nord du mur oriental de ce logis, de fond en comble, ne sont pas connues. Ce remaniement va probablement de pair avec l'aménagement de la cage d'escalier de l'extrémité nord du corps de logis, dont le pallier du 2e étage a gardé son garde-corps à balustres du 17e siècle. Le corps de logis modifié au 18e siècle consiste en une longue bâtisse de style classique, à deux ailes disposées de part et d'autre dun pavillon central. Le mur oriental du logis a alors servi de support à une galerie voûtée.
Détail de la description
Murs |
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Toits |
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Étages |
2 étages carrés |
Couvertures |
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Informations complémentaires
Type de dossier |
Dossier d'oeuvre architecture |
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Référence du dossier |
IA33010211 |
Dossier réalisé par |
Marin Agnès
Beschi Alain Chercheur et conservateur du patrimoine au sein du service du patrimoine et de l'Inventaire en Aquitaine, puis Nouvelle-Aquitaine (1994-2023). |
Cadre d'étude |
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Aire d'étude |
Saint-Emilion (commune) |
Phase |
étudié |
Date d'enquête |
2011 |
Copyrights |
(c) Communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais, (c) Université Bordeaux Montaigne, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel |
Citer ce contenu |
Maison, dite Logis Malet, Dossier réalisé par Marin Agnès, (c) Communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais, (c) Université Bordeaux Montaigne, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/1b107584-f0ab-4acf-a9fd-d5def7ae611e |
Titre courant |
Maison, dite Logis Malet |
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Dénomination |
maison |
Appellation |
Logis Malet |
Parties constituantes non étudiées |
écurie remise |
Statut |
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Protection |
Site, secteur ou zone de protection : secteur sauvegardé |
Intérêt |
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Localisation
Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Gironde , Saint-Émilion , 3 rue des Anciennes-Ecoles
Milieu d'implantation: en village
Lieu-dit/quartier: Ville haute
Cadastre: 1845 C 420, 2010 AP 248