Château de Taillebourg

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Une histoire agitée

Depuis son rocher dominant le fleuve Charente, le château de Taillebourg ainsi que les nombreux seigneurs qui s’y succédèrent jouèrent un rôle important dans l’histoire.

C’est en 770 que Taillebourg, qui existe depuis des temps bien plus reculés, prend toute son importance avec la construction de sa première forteresse, mais les premiers seigneurs connus remontent au 11e siècle. Mentionné en 1007, lorsqu’il est aux mains d’Ostende 1er, il revient ensuite à Aiméri de Rançon. Ce dernier, s’étant révolté contre son suzerain le comte d’Angoulême, est tué en 1024 lors d’une attaque, où Taillebourg est pris et rasé. Le domaine passe alors à Aimeri de Rançon, le troisième du nom de la dynastie, qui fait reconstruire la forteresse, faisant ainsi de Taillebourg une place forte capable de contenir de nouvelles invasions.

Geoffroy III de Rançon a aussi joué un rôle important dans l'histoire grâce à ses relations avec le Duc d'Aquitaine, Guillaume IX et sa célèbre fille Aliénor d'Aquitaine. Louis VI le Gros, qui souhaitait amener l’Aquitaine dans le domaine royal, décide en 1137 du mariage de son fils Louis VII, futur roi de France, et d’Aliénor. La légende dit que les deux époux passèrent leur nuit de noce au château de Taillebourg.

De retour de croisade, Louis VI fait annuler son mariage en 1152. L'ex-reine, qui ne pardonne pas cette humiliation, épouse en seconde noce le comte d’Anjou, Henri Plantagenêt, futur roi d’Angleterre. Cet événement eut pour conséquence la première guerre de Cent Ans.

Le château de Taillebourg devient alors le théâtre de nombreuses batailles, passant des mains de Geoffroy IV à celles des représentants de la cour d'Angleterre dont Richard Coeur de Lion, fils d'Aliénor d'Aquitaine. Il est maintes fois assiégé, détruit, puis reconstruit.

Après la bataille de Taillebourg en 1242, qui opposa Louis IX (futur Saint-Louis) contre les troupes anglaises d’Henri III, le château revient à Hugues II de Parthenay, petit-fils de Geoffroy de Rancon, cinquième du nom. Par la suite, en 1269, la place est attribuée à Hugues Larchevêque, seigneur de Parthenay. Après une transaction passée en 1407, elle est cédée à Jean Harpedanne de Belleville qui se voit alors dans l’obligation de remettre cette place à Charles VI, car son fils avait épousé Marguerite de Valois (fille naturelle de Charles VI). C’est en 1413 que la forteresse de Taillebourg est de nouveau prise, puis détruite.

Cédé en 1423 à Henri de Plusquallec, celui-ci fait rebâtir le château détruit dix ans auparavant. Sans enfant, il lègue la terre à ses neveux qui en font un repère de brigands jusqu’en 1441. Charles VII récupère Taillebourg avant de donner le château, en 1442, à son ami Prégent de Coëtivy, en considération des services que ce dernier avait rendu à l’Etat, notamment pendant les guerres contre les Anglais.

D’un esprit très cultivé, Prégent de Coëtivy réunit dans son château une considérable bibliothèque (qui brûlera lors de l’incendie de 1822), mais il meurt lors d’une bataille contre les Anglais en 1450. Avec la famille Coëtivy, le château vit une belle page de l’histoire, surtout lorsqu’il revient à Olivier, frère de Prégent, qui épouse Marie de Valois, fille naturelle de Charles VII et d’Agnès Sorel. La terre, qui était une baronnie, est érigée en comté en 1486 en faveur de Charles de Coëtivy, fils d’Olivier. Marié à Jeannes d’Orléans, il a une fille unique qui apporte un héritage considérable à Charles de La Trémoille, qu’elle épouse en 1501.

Le château, qui avait traversé tous les sièges durant la guerre de Cent Ans et les guerres de Religion, est de nouveau pris pendant la Fronde en 1652. Les dégâts sont considérables, le donjon a été abattu, les titres, les archives et la grande bibliothèque réunis auparavant par Prégent de Coëtivy sont sérieusement endommagés. Louis XIV, alors roi de France, ordonne la destruction de la forteresse et la démolition partielle des remparts et du pont sur la Charente. Ce dernier était devenu célèbre pour la bataille gagnée par saint Louis en juillet 1242 sur Henri III d'Angleterre. D’ailleurs, un tableau peint par Eugène Delacroix en 1837, commémore cette victoire.

À partir du 18e siècle, le château vit de nouvelles pages prestigieuses de son histoire, lorsqu’il est attribué, en 1713, à Frédéric-Guillaume de La Trémoille. C’est lui qui entreprend une grande campagne de construction et d’embellissement du site. Les ruines du vieux château sont abattues, le terrain est doté d’une vaste terrasse à balustres et d’un monumental escalier, les ponts-levis sont remplacés par des ponts en pierres, la somptueuse demeure qui avait été érigée contre la tour circulaire pour les Coëtivy est réparée et les grands bâtiments de servitudes terminés par des pavillons sont construits à l’entrée du château, entre les deux ponts.

Lorsque la Révolution éclate, le château alors livré aux pilleurs, est saisi et divisé en plusieurs lots qui sont vendus à des particuliers. La première esplanade est partagée entre quatre acquéreurs divisant ainsi les dépendances et, la deuxième, où se situe la demeure du château, est acquise en 1793-1794 par Jean Bergier, notaire à Taillebourg.

Finalement, le coup de grâce arrive en 1822, lorsqu’un incendie ravage la somptueuse demeure édifiée pour les Coëtivy. De l’ensemble, il ne restait plus que des pans de murs éventrés qu’il a fallu abattre peu après, à l’exception de la tour nord-ouest et deux niveaux de soubassement voûtés qui renfermaient les cuisines et des annexes. Par la suite, le château est acheté par monsieur Cador, qui fait construire, vers 1840, le corps de logis de style néo-classique établi au sud de l’esplanade et occupé un temps par un orphelinat, puis par la mairie.

L’heure de l’embellissement

Faute de documents, il est difficile d’avoir une idée précise du château, avant les grands travaux de constructions entrepris par Frédéric-Guillaume de La Trémoille. C’est sous son impulsion que le château devient, au cours du 18e siècle, un ensemble de grande ampleur.

Extrait de l’ouvrage Château, manoirs et logis de la Charente-Maritime, éditions Patrimoines et médias.

« De 1714 à 1739, Frédéric-Guillaume de La Trémoille lance une grande campagne de construction, pour faire de Taillebourg la « maison d’un très grand seigneur ». Il fait alors niveler l’éperon barré (promontoire rocheux) et créer en avant une vaste esplanade protégée par deux fossés, qui est annoncée par deux pavillons carrés de garde, coiffés par un étonnant dôme en pierres de taille, et délimitée par deux somptueuses ailes de dépendances. Accolées chacune à un pavillon qui servait à loger les officiers du comté, elles déclinent une façade en pierres de taille rigoureusement ordonnée à partir d’un fronton triangulaire. Ces deux bâtiments monumentaux, inscrits à l’I.S.M.H. (Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques) depuis 1991, appelaient une composition magistrales sur l’éperon barré.

Un plan non daté montre que Frédéric-Guillaume de La Trémoille envisageait d’y faire élever une majestueuse demeure à cinq corps de bâtiment, accompagnés par deux ailes en retour d’équerre délimitant la cour d’honneur. À l’aplomb du fossé, un autre corps de bâtiment englobant la tour en fer à cheval devait se greffer en retour d’équerre sur l’aile latérale nord. Faute de moyens, seule l’aile latérale nord et celle qui englobait la tour ont été achevées. Posées sur deux niveaux de soubassement qui existent toujours, elles réutilisaient des maçonneries plus anciennes et avaient été pourvues, en 1720, de combles brisés couverts d’ardoises, sous la conduite d’Aubin Turpaud. Il résultait de cet étonnant repentir un édifice disproportionné, blotti dans un coin de l’éperon et totalement désaxé par rapport aux dépendances.

Les appartements, du nom des terres de la famille de La Trémoille, ne suffisant plus pour accueillir les invités de marque, on décide avant 1739, d’élever un pavillon à l’extrémité libre de chacune des deux ailes de dépendances, pour y aménager les chambres de la princesse de Rohan, du duc de Bouillon, de la princesse de Turenne, ou encore du comte de la comtesse de Grammont ».

Périodes

Principale : Moyen Age, 1er quart 18e siècle, 2e quart 19e siècle

Secondaire : 2e moitié 20e siècle

Dates

1713, daté par source

1843, daté par source

Venant de la place publique de l’ancienne ville haute ceinte de murs, et après avoir enjambé un premier pont au-dessus d’un large fossé, s’amorce l’entrée du château. Cette entrée est cantonnée d'un pavillon de conciergerie de plan carré (à l'origine il y en avait deux). Celui de gauche est resté intact avec sa toiture en pierre sommée d’un pot à feu et dont l’une des fenêtres possède encore des vitres anciennes.

Les dépendances se développent de part et d’autre de cette première terrasse, derrière des grilles, des murets et des jardins. Il s’agit de longs bâtiments à deux niveaux sous une toiture à croupes en ardoises, éclairée de lucarnes à fronton triangulaire. Chacune de leurs extrémités est terminée par un pavillon de plan carré, sur deux niveaux et surmonté d’une haute toiture en pavillon couvert d’ardoise. Les lucarnes de l’étage de comble sont parées de frontons triangulaires. De hautes cheminées en pierres et briques percent les toitures. Le bâtiment à l’est est pourvu d’une aile en retour d’équerre, couverte en tuiles creuses, signalée au 18e siècle.

Les pavillons sont éclairés par deux travées de baies sur chaque face, inscrites dans un chambranle de chaînage harpé et surmontées d’un linteau en arc segmentaire. L’ordonnance des deux corps principaux répond au rythme des arcades dotées d’agrafes saillantes et dont les voussures reposent sur de larges pilastres. Deux étages de fenêtres, celles du haut sont en plein cintre et celles du bas en arc segmentaire, sont inscrits à l’intérieur des arcades. Les toitures s’interrompent en leur centre par un fronton triangulaire à base brisée.

L’allée qui traverse cette première terrasse, ancienne avant-cour de service, passe par un deuxième pont enjambant un fossé et conduisant à la deuxième terrasse, plate-forme sur laquelle est construit le château.

Sur la gauche se trouvent divers bâtiments modernes (actuellement l’école communale) avec au fond du parc paysager une villa des années 1840, de style néo-classique. Elle dispose d’une double orientation nord-est-sud-ouest et de doubles façades identiques. Elle comprend un corps central à trois travées de baies en arc segmentaire. La travée centrale est devancée d’un balcon à garde-corps en pierre soutenu par deux piles cylindriques. Sa toiture à longs pans en tuiles creuses est dotée d’un fronton triangulaire percé d’un oculus rond et souligné d’une corniche moulurée. De part et d’autre de ce fronton se situent des mur d’attiques qui se prolongent sur les côté latéraux par des balustrades en pierre. L’extension accolée à gauche dispose d’une porte en plein cintre, au-dessus d’une haute ouverture en arc segmentaire et de fenêtres à appuis saillants. Sa toiture à longs pans à croupes est dissimulée derrière une balustrade en pierre. L’extension accolée à droite, en rez-de-chaussée, est percée d’une porte en plein cintre et dotée d’un toit terrasse à balustre en pierre.

Les seules vestiges du château restaurés à partir de 1714 se trouvent à droite en entrant sur la deuxième terrasse. Il s’agit d’un long bâtiment de six travées de baies en arc segmentaire inscrites dans un chambranle harpé et séparées des anciennes fenêtres de l’étage par une table. Ce bâtiment recouvert d’une toiture en tuiles creuses a été arasé et n’a plus qu’un seul niveau.

Cette aile, seul et unique témoin du château des De la Trémoille, est divisée en trois salles voûtées en berceau au rez-de-chaussée, deux petites et une grande salle centrale. La pièce nord conduit aux salles perpendiculaires qui mènent au sous-sol, aux salles basses et à la tour.

Les deux premières salles du rez-de-chaussée ont des cheminées engagées, celle de la grande salle, dont le manteau et la hotte sont en pierre ocre, est monumentale. Au-dessous de ce bâtiment sont trois salles souterraines voûtées d’un berceau en plein cintre. Deux autres salles souterraines conduisent au soubassement de la tour médiévale.

Cette tour circulaire, autrefois adossée à un bâtiment, s’élève de quatre niveaux au-dessus d’un terre-plein qui se trouve au droit du bâtiment du 18e siècle. Elle est nantie d’une tourelle latérale ronde et en son sommet d’un chemin de ronde sur mâchicoulis. Elle n’est recouverte que partiellement d’une toiture et représente le seul vestige médiéval du 14e siècle (1345) du site.

Les murs de soutènement des fossés sont en blocs de pierre de taille et glacis, terminés par un boudin au-dessus du parapet. Ils sont entrecoupés par des chaînages harpés posés régulièrement.

L’enceinte qui entoure l’esplanade du château se dégage du rocher et elle est ornée d’une balustrade en pierre du 18e siècle. À l’est de cette esplanade, le mur a révélé un escalier à double révolution avec une niche monumentale à moitié ruinée. Une deuxième terrasse étroite se trouve en contrebas, elle-même soutenue par un mur d’enceinte. À cet emplacement se trouvaient des jardins précédés par une pièce d’eau.

Le château de Taillebourg qui vit se faire et se défaire l’histoire de France est en monument qui présente un intérêt fondamental. Venant de Saint-Savinien, la vue que l’on a du bourg est remarquable avec les grands bâtiments allongés posés sur le puissant socle rocheux, au bas duquel s’appuient les maisons particulières, ainsi que la tour médiévale s’élevant sur les fondations qui couvrent la terrasse de l’ancien château, jusqu’à l’à-pic de la Charente.

Vus du nord-est, les longs bâtiments et leurs toitures poursuivent les maisons du bourg qui ont pris la place de la ville ancienne encore ceinte de murs de défense, avant l’immense soutènement de la terrasse du château. Si ce dernier n’existe plus, hormis ses dépendances, il reste le parc qui attire toujours de nombreux visiteurs. Ce site a malheureusement été bien changé, par la percée de la voie de chemin de fer et le tracé de la route départementale qui passe au pied des terrasses.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : moellon

    Revêtement : enduit

  2. Mise en oeuvre : pierre de taille

Toits
  1. ardoise
Étages

rez-de-chaussée, 1 étage carré, étage de comble

Couvertures
  1. Forme de la couverture : toit à longs pans

  2. Forme de la couverture : toit en pavillon

  3. Partie de toit : croupe

Escaliers

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Charente-Maritime , Taillebourg , place du Château

Milieu d'implantation: en village

Cadastre: 1984 C 214 217 223 221 260 261, 2016 C 216 217 220 à 223 264 266 489 543 514 542 à 544, 1828 D2 414 417 420 à 441

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