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Chapelle Saint-Jean, anciennement église Saint-Jean-de-la-Cour
Historique
L'ancienne église Saint-Jean-de-la-Cour apparaît, dans les premiers textes qui relatent son existence, sous le vocable de Sainte-Marie. En 1141, l'évêque de Limoges, Monseigneur Gérard, confirma ce que le Moutier d'Ahun possédait dans plusieurs églises de son diocèse, sous son prédécesseur Eustorge (1106-1137). Parmi ces possessions se trouve nommée "Sancte Marie de Curte". En 1182, une bulle du pape Lucius III, confirmant la totalité des possessions ecclésiastiques du dit monastère, mentionne à nouveau "l'ecclesiam Sancte Marie de Curte". L'existence d'une paroisse indépendante au bourg de La Cour, dont l'église fut le chef-lieu, est attestée à l'époque moderne, mais on ignore ses origines. Selon Cyprien Pérathon y étaient associés un prieuré simple et une paroisse-cure séculière, de médiocre étendue, placée sous le patronage du Moutier d'Ahun, qui en nommait le titulaire. On ne sait si le vocable de Saint-Jean était attribué à l'église dès l'origine, en plus de celui de Sainte-Marie. D'après le pouillé du diocèse de Limoges, les deux vocables auraient pu coexister puisque les fêtes patronales de Saint-Jean-de-la-Cour étaient la nativité de saint Jean et celle de la Vierge. Cette dédicace, assez courante, laisse penser à une église baptismale. Jean-Michel Desbordes y voit une hypothèse tout à fait plausible car le vocable de Saint-Jean n'est pas ici attribuable à une fondation tardive par les Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. Il associe cet indice au toponyme "Cour" : il pourrait s'agir d'une curtis carolingienne, siège local de l'administration impériale, pourvu d'un lieu de culte et d'un domaine agricole, et situé à proximité d'une voie de communication ou d'un point de passage. Le lieu aurait par la suite évolué en une paroisse-mère, chef-lieu d'un archiprêtré, concurrencé par le développement de la ville médiévale d'Aubusson, sur la rive droite de la Creuse, autour du château des vicomtes. Cette haute ancienneté de la paroisse de Saint-Jean-de-la-Cour tendrait à être confirmée par sa situation géographique, sur un replat en contrebas du camp fortifié des Châtres, occupé dès l'époque préromaine. Les dates de 1435 et 1527, gravées sur un écu de pierre inséré au revers de la façade occidentale, correspondraient à celles de campagnes de réfection de l'église. La date de 1527 est donnée par le pouillé historique du diocèse de Limoges comme celle à laquelle "fut ordonné de rebâtir Saint-Jean-de-la-Cour", en même temps que sept autres églises, dont celle d'Aubusson, sous l'épiscopat de Charles de Villiers de l'Isle-Adam. On pourrait rapporter à cette campagne la reconstruction du chœur, dont le dessin des ogives et les piliers d'angle sans chapiteau paraissent dater du XVIe siècle. Aucun témoignage n'existe sur la démolition de la plus grande partie de l'église, qui lui a conféré ses volumes actuels tronqués. A-t-elle eu lieu avant 1527 ? Dans ce cas, la réfection partielle de l'édifice à cette date s'expliquerait aussi par le mauvais état de la nef, déjà vétuste. Serait-elle la conséquence des guerres de religion ? Quelque soit l'hypothèse retenue, Pérathon signale qu'en 1586, La Cour n'était plus qualifiée que de "village de la paroisse d'Aubusson" - ce qui permet de supposer une perte d'importance de la paroisse dès cette époque, avec pour résultat la conservation d'un lieu de culte modeste, réduit aux proportions d'une simple chapelle.
Ce déclin de la paroisse de Saint-Jean-la-Cour fut entériné à la fin du 18e siècle : elle devint un faubourg d'Aubusson, dénommé sous la Révolution "le faubourg Saint-Jean", puis sous la Terreur "le faubourg Egalité". Elle fut invitée à comparaître devant la Sénéchaussée de la Haute-Marche lors de la convocation aux Etats Généraux de 1789, mais ses deux députés ne furent pas admis à y siéger parce que la paroisse qu'ils représentaient n'avait pas de rôle d'imposition distinct de celui d'Aubusson. Aussi ne devint-elle pas une municipalité à part entière : dès lors, elle se fondit dans l'administration de la ville.
Selon Pérathon, des travaux effectués à la fin du 19e siècle près du chevet de l'église, au nord, auraient mis au jour des fondations de "murailles et de tourelles". L'érudit local les interprète comme les vestiges d'un ancien château ou de l'habitation des premiers prieurs. Ce qui est certain, c'est qu'un château, ou tout au moins une maison à tourelles, existait à cet emplacement au 17e siècle. Il appartenait à la famille Garreau. Au 18e siècle, il devint la propriété de la famille Lentilhac de Gimel, qui le fit reconstruire en 1770. Jacques-Charles de Lentilhac, mort en 1789, aurait été inhumé dans l'église Saint-Jean. Sur le plan cadastral de 1812, l'église apparaît isolée par des espaces publics. Elle est précédée d'une parcelle allongée devant sa façade ouest. Quant au château des Lentilhac de Gimel, au nord-est, il y figure comme un bâtiment à avant-corps à trois pans, bordé d'une terrasse du côté de la Creuse.
Eglise et château changèrent de propriétaires à la Révolution, l'une comme bien national et l'autre comme bien d'émigré. Un sieur Meyron, marchand-tanneur, se rendit acquéreur de l'église, qu'il revendit à son beau-frère Etienne Martinon, devenu propriétaire du château. En 1818, l'ensemble devint la propriété commune de Guillaume Rogier, ancien avocat au Parlement, fabricant de tapisseries et maire d'Aubusson, et de ses associés, la famille Sallandrouze de Lamornaix, dynastie réputée de tapissiers originaire de Felletin.
De la branche Sallandrouze de La Mornaix, la propriété passa à celle des Sallandrouze Le Moullec, dont plusieurs sépultures à pierre tombale et quelques bustes subsistent dans le chœur de l'église. Les Sallandrouze Le Moullec firent en effet de Saint-Jean leur chapelle funéraire. Ils achetèrent en 1911 la place sise devant l'édifice, afin de créer un dégagement pour qu'il soit visible. La plus récente inhumation d'un membre de la famille remonte à 1956, avec Suzanne Debard, épouse de Paul Sallandrouze Le Moullec.
Le château du 18e fut, quant à lui, remplacé au début du 20e siècle (1902) par un imposant logement patronal (voir notice IA23000540), qui commandait la manufacture de tapis Sallandrouze Frères (voir notice IA23000545). Ce logement patronal a été converti dans les années 1960 en maison de retraite.
La chapelle Saint-Jean a été aménagée en musée de tapisserie dédié à l'œuvre de Dom Robert (1907-1997).
Détail de l'historique
Périodes |
Principale : 2e quart 12e siècle Secondaire : 2e quart 15e siècle Secondaire : 2e quart 16e siècle Secondaire : 4e quart 19e siècle |
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Dates |
1435, porte la date 1527, daté par source, porte la date |
Description
L'église est située sur la bordure orientale du plateau qui, sur la rive gauche de la Creuse, domine la rivière d'une trentaine de mètres. Elle est précédée à l'ouest par un grand terrain plat, planté et séparé de la rue par un muret. Des trois autres côtés, elle est entourée par des parcelles privées. A l'est, le chevet, en partie caché par un petit bâtiment en appentis, domine un jardin enclos.
L'édifice actuel, bien qu'amputé et très remanié, conserve des éléments archéologiques intéressants. Il se réduit à une construction de plan rectangulaire à deux travées. L'une constitue le chœur de l'église, à chevet plat. L'autre, à l'ouest, actuelle "nef", semble correspondre à la croisée d'un transept, dont les bras ont disparu. On remarque en effet, dans les parements extérieurs des murs gouttereaux, les traces de trois arcs doubleaux murés, témoignant que l'édifice se prolongeait très certainement dans ces trois directions. La façade actuelle, à l'ouest, résulte sans doute du remontage de maçonneries de moellons sous un arc doubleau, pour fermer l'espace des deux travées préservées. Elle possède deux portes d'entrée symétriques en plein-cintre, à arête chanfreinée. Celles-ci encadrent une petite niche centrale allongée (aujourd'hui vide, mais qui devait probablement accueillir une sculpture), que surmonte une haute fenêtre centrale divisée en deux lancettes. Aux angles de la façade, des demi-colonnes adossées suggèrent la présence ancienne de collatéraux.
Contre le chevet et dans le mur gouttereau sud, on note de larges contreforts massifs, à profil saillant et angulaire.
La construction est en moellons de granite, avec chaînages d'angle et encadrement des baies en pierre de taille. Les joints de la maçonnerie des façades ouest, sud et est ont été exécutés, probablement à une époque récente, en rubans de ciment, qui dessinent un appareil disgracieux. La façade sud présente, de part et d'autre du contrefort central, deux fenêtres à arc légèrement brisé, de facture moderne. Le chevet est percé d'une baie à arc brisé, dont le remplage, de style flamboyant, est constitué de deux lancettes trilobées. Les vitraux qui les ferment datent sans doute de la fin du XIXe siècle. Le toit forme une croupe droite à l'ouest, mais est limité par un pignon découvert à l'est. Sa couverture est en petites tuiles plates losangées. Un clocheton en charpente est posé à la rencontre du faîte et des arêtes de la croupe. De section octogonale à sa base, il passe à une courte flèche à huit pans par l'intermédiaire de deux égouts retroussés. Le volume intérieur est constitué d'un vaisseau unique de deux travées. La travée orientale, à usage de chœur, est voûtée d'une croisée d'ogives retombant sur de minces piliers d'angles dépourvus de chapiteaux. La clef de voûte comporte un écusson. La travée occidentale, à usage de nef, est un plafond sur pendentifs dessinant un losange inclus dans un carré. Cette structure s'appuie aux arcades sur l'ancienne croisée de transept, murée sur trois côtés. Les supports correspondant à cette croisée (des piédroits à demi-colonnes adossés) sont ornés de chapiteaux sculptés romans représentant des motifs végétaux réalistes (pommes de pin) ou fantaisistes. Des chapiteaux similaires se retrouvent dans les églises du Donzeil et de Saint-Médard et paraissent datables du début du 12ème siècle - ce qui tendrait à faire remonter la construction de l'édifice à cette date. A l'extrémité ouest a été bâtie une tribune desservie, dans l'angle sud-ouest, par un escalier en vis à rampe en ferronnerie. La rambarde de la tribune comporte, en son centre, un garde-corps galbé de balcon, en ferronnerie, sans doute d'époque Louis XV et de belle exécution. Le sol de la chapelle est dallé et présente, surtout dans le chœur, quelques pierres tombales des membres de la famille Sallandrouze Le Moullec.
L'écusson portant les dates gravées de 1435 et 1527 se trouve au revers du mur de façade, au-dessus d'une niche en plein cintre.
Détail de la description
Murs |
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Toits |
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Plans |
plan rectangulaire régulier |
Couvrements |
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Couvertures |
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Décors/Technique |
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Informations complémentaires
Type de dossier |
Dossier d'oeuvre architecture |
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Référence du dossier |
IA23000488 |
Dossier réalisé par |
Philippe Emmanuelle
Chercheur Inventaire, SRI Limousin de 2009-2012 |
Cadre d'étude |
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Aire d'étude |
Aubusson |
Phase |
étudié |
Date d'enquête |
2008 |
Copyrights |
(c) Région Limousin, service de l'Inventaire et du Patrimoine culturel, (c) Ville d'Aubusson |
Citer ce contenu |
Chapelle Saint-Jean, anciennement église Saint-Jean-de-la-Cour, Dossier réalisé par Philippe Emmanuelle, (c) Région Limousin, service de l'Inventaire et du Patrimoine culturel, (c) Ville d'Aubusson, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/54eab2ee-3d2f-47ef-aacd-4968aa9e80ec |
Titre courant |
Chapelle Saint-Jean, anciennement église Saint-Jean-de-la-Cour |
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Dénomination |
église |
Vocable |
Sainte-Marie Saint-Jean |
Destination |
chapelle |
Statut |
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Protection |
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Localisation
Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Creuse , Aubusson , place Saint-Jean
Milieu d'implantation: en ville
Cadastre: 1812 D 1110, 2007 AK 215