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Repaire noble de La Bermondie, puis ferme, puis villa
Historique
Si les "Bermond" (ou Vermond, Bermondie, Vermondie) sont attestés à partir de la fin du XIIe siècle ("Helia Bermon, miles" assiste à une donation du vicomte de Castillon en faveur de l'abbaye de Chancelade vers 1175-1187), la plus ancienne mention de cette famille à Montignac ou dans ses environs remonte à l'année 1304 : le moulin de Jean Bermond ("molendino Johannis Bermon"), qui est situé près de la "via publica itur de dicto molendino versus Montinhiaci", ne peut être que le moulin qui se trouvait autrefois sur le ruisseau Thonac, à faible distance du site de La Bermondie. En 1339, Arnald Bermond, notaire public, exerce alors ses fonctions dans le territoire de la châtellenie de Montignac. En 1361, Bernard "Bermondi" rend hommage au comte de Périgord pour ses biens situés dans le ressort de la châtellenie, mais leur détail n'est pas indiqué. Le 15 juin 1391, Jean "de La Bermondie" se rend complice des actes de félonie de son suzerain, le comte de Périgord Archambaud, et se rend coupable d'actions de brigandages en compagnie d'autres colistiers. Peu après, il doit faire amende honorable devant le parlement de Paris et est condamné "en certaines amendes civiles".
Ce n'est qu'en 1395 que sont mentionnées pour la première fois la seigneurie de La Bermondie et la "turrem de La Bermondia" : Aymeric Bermond rend pour elles un hommage lige au comte de Périgord. Cinq ans plus tard, son fils, Bertrand Bermond, rend à son tour hommage au comte pour son "hospitium" de La Bermondie. Toutefois, la "turrem de La Bermondia" citée en 1395, le vestige le plus ancien du domaine, avec sa porte en plein-cintre à longs claveaux, sa maçonnerie en moyen appareil de pierre de taille et son hourd en bois (disparu), pourrait remonter à la seconde moitié du siècle précédent. Elle doit être rapprochée de la tour du Breuil, située dans la même commune, et des tours de Deffeix et de Jailleix à Auriac-du-Périgord. La Bermondie fait certainement partie du grand mouvement d'implantation des XIIIe et XIVe siècles de points d'appui dans l'organisation castrale châtelaine de Montignac visant à protéger le territoire ; pour ce faire, le seigneur-châtelain concéda en fiefs des portions de territoire à des membres de la chevalerie de son entourage, domicelli ou milites castri. Ce fut également le cas pour la création de La Dauradie (alias Féletz), de Peyretaillade (alias Losse), de Sauveboeuf ou de Coulonges, parmi tant d'autres.
La mitoyenneté des sites de La Rebeyrolie, de La Vergne, de La Badie et du moulin de Saint-Chabran avec les terres de la maison noble de La Bermondie suggère que ces exploitations étaient d'anciennes dépendances, les métairies et le moulin banal du domaine. Deux arguments plaident en faveur de cette hypothèse : un seigneur de La Bermondie rend aveu pour l' "houstel" de "La Vernhe" en 1541 ; le moulin de Saint-Chabran est attesté comme l'ancien moulin de La Bermondie dès le tout début du XIVe siècle et encore au cours de l'époque moderne.
Des troubles ont dû intervenir dans la suite, au cours de la première moitié du XVe siècle, c'est-à-dire lors de la reprise des hostilités de la guerre de Cent Ans, troubles ayant peut-être entraîné la destruction partielle des bâtiments (la haute tour présente de nombreuses pierres rubéfiées, signes d'un incendie violent) et la division de la seigneurie. En effet, en 1459-1462, la seigneurie est déjà partagée : Jean de Casnac (ou Cazenac, Cazerac), du lieu de Beynac, est "dominus de l'hospicium de la Bermondia" en même temps que Héliot Bermond, damoiseau, fils de Bertrand et de Sybille Joubert, qui se déclare lui aussi seigneur de "La Bermondia". Cette partition se retrouve encore au XVIe siècle. Parmi les gentilshommes présents dans la paroisse de Thonac en 1502 figurent en effet un Casnac et plusieurs membres de la famille Bermond, Jean, Antoine et Ramonet, chacun possédant "sa metayrie franche et beaux domaines, chacun 50 livres de rente [par an]".
C'est sans doute à Jean Bermond "le vieux" que l'on doit la reconstruction de la maison noble au tournant du XVIe siècle : la porte à moulure torique et à listel sur bases prismatiques, les fenêtres à chanfrein droit ou concave, et à accolade marquent la période des années 1490-1510 dans la Vézère. L'écu sculpté sur le linteau de la porte de la tour d'escalier le suggère également : on reconnait encore les meubles (une bordure et une tour) des armes de la famille La Bermondie, qui sont De gueules à la tour d'argent maçonnée de sable, et une bordure d'azur chargée de huit besants d'or. Le bâtiment principal était alors composé d'un grand corps de logis de plan rectangulaire orienté est-ouest, et flanqué d'une tour d'escalier de plan carré logeant un escalier en vis en pierre.
En 1526, Jean et Raymond (Ramonet ?) "de Bermondie", sieurs de La Bermondie, sont tous deux taxés de 30 livres tournois au titre du rôle de l'arrière-ban de la noblesse du comté de Périgord et vicomté de Limoges. Ces deux gentilshommes, Jean Bermond dit "le vieulx" et Raymond Bermond, rendent chacun hommage à leur suzerain le 26 septembre 1541, le premier comme conseigneur de La Bermondie et pour son "houstel" de "la Vernhe" (la métairie située au nord-est de La Bermondie) à Thonac, ainsi que pour sa "maison dite d'Auberoche", repaire noble situé paroisse de Fanlac, et pour partie de La Jaubertie et de La Raymondie, deux domaines également situés à Fanlac ; le second pour la seigneurie de La Chapelle située paroisse de Fanlac (AD Pyrénées-Atlantiques, B 1807 et B 1813, hommages de Périgord rendus devant Rollet, bâtard d'Albret en sept. 1541). Deux jours plus tard, c'est au tour de Raymond de Casnac, écuyer, de rendre hommage au comte pour sa partie "de La Bermondie et de la Tour, parroisse de Tonnac" (Ibid.).
Le 28 janvier 1583, Jean II (?) "Bermondie" rend aveu au roi de Navarre pour ce qu'il tient par succession des maisons nobles de La Bermondie, Jaubertie et Auberoche. Toutefois, une mention ajoutée à la suite précise qu'il tient La Bermondie aussi "pour le regard des acquisitions faictes du sieur de Clerans par led. Bermondie d'une partye de lad. maison noble de La Bermondye" : il faut croire que Jean II a fait l'acquisition de l'autre partie de la seigneurie peu avant, parvenant ainsi à réunifier définitivement le domaine ancestral. Par la suite, il n'est plus question que d'un seul seigneur de La Bermondie.
Le 14 août 1609, Jean III de Losse, baron du lieu, rend foi et hommage "pour raison du château de Losse, de Bermondie, Saint-Lyons [Saint-Léon-sur-Vézère], maisons, moulins, rentes de Montignac, rentes d’Asserac, des maisons de Pervignac et de Mellet, mouvant du roi à cause du comté de Perigord et vicomté de Limoges". Le domaine dut repasser entre les mains de la famille de La Bermondie, du moins pour quelque temps puisqu'à la fin du XVIIe siècle, le domaine repasse par mariage dans les mains des Losse : "dame Marie-Suzanne de Labermondie" est l'épouse de "messire Jean-Cyrus de Losse, seigneur marquis dudit lieu, Thounac, Saint-Léonons [Saint-Léon-sur-Vézère], Auboroche [Auberoche, à Fanlac], Calamane, Labermondie et autres places" (1690 ; AD Dordogne, B 1338).
En 1696, le site est localisé sur la carte de la vallée de la Vézère par François Ferry comme un fief important situé à proximité du Thonac, petit affluent de la Vézère. Important, le domaine l'est assurément puisqu'un an plus tard, un dénombrement indique que la réserve seigneuriale est constituée d'une surface de trois cents quartonnées, soit environ 40 hectares (Fournioux 1988, p. 257 et note 6).
Au début du XVIIIe siècle, le domaine appartient à nouveau à la famille Bermondie : Jean-Baptiste de La Bermondie, écuyer, en est le seigneur. Mais celui-ci, mariée à Marie-Marthe-Elisabeth de Bridat, meurt sans enfant et la seigneurie passe alors au second mari de celle-ci, Jean-Baptiste (ou Joseph de) Vaurillon (ou Vaurilhon, Waurillon), qui est dit seigneur de La Bermondie en 1758 et 1764 (AD Dordogne, B 1428, B 1536 et B 1737) et l'un des 400 anciens gardes du roi et pensionnaire de sa majesté en 1779. Selon la carte de Belleyme, le domaine de La Bermondie et celui de La Vergne, plus au nord, comprenaient alors une importante partie de leurs terres dédiées à la viticulture. En 1777, les quarante hectares de La Bermondie rapportaient 2 000 livres de revenu à son propriétaire (AD Gironde, C 2696, capitations, fonds de l'Intendance, cité par ROYON 2011, p. 156).
Jean-Louis-Ignace de Vaurillon est dit écuyer et "seigneur de La Bermondie" en 1775 (AD Dordogne, B 1247). Celui-ci doit faire face à la période révolutionnaire : en 1790, il porte plainte contre des habitants de Montignac qui avaient formé le complot, le 21 août 1789, de l'enlever, de le décapiter et de porter sa tête devant un "bureau de vexations tortionnaires créé à Montignac" (Loc. cit., B 1599). Lui et son frère émigrent peu après et leurs biens sont confisqués le 8 juin 1792 (AD Dordogne, Q 771). Plusieurs inventaires des biens meubles de l'ancien château sont réalisés au cours de cette période. Marie-Marthe-Elisabeth de Bridat, qui est restée en France, réside dans sa demeure de Montignac et baille à ferme le domaine à un notaire de Thonac, Antoine Girost, le 2 vendémiaire an XIII (23 septembre 1805).
Comme un certain nombre de nobles émigrés du Périgord, la paix revenue, les Vaurillon parviennent à recouvrer en partie leurs terres et leurs domaines. Si, en 1794 (le 7 messidor an III de la République), l'inventaire qui est fait du domaine indique qu'il est pour ainsi dire abandonné, en 1813 (cadastre ancien), La Bermondie présente l'aspect d'un domaine homogène et étendu, certes avec de nombreuses parcelles encore en friche, mais où d'autres sont remises en culture, soit en terre labourable, soit plantées en vigne.
Après les Vaurillon, le domaine passe successivement entre les mains des familles de La Clergerie, Bourgès et Magnol. Il a alors connu d'importantes transformations, notamment la création d'un parc arboré. La demeure a subi en 1952 un grave incendie qui l'a en partie ravagée. Par conséquent, elle a fait l'objet de modifications assez récemment et d'une belle ampleur, de sorte que subsistent aujourd'hui seulement la tour médiévale et une toute petite partie de l'ancienne maison noble, très dénaturée.
Détail de l'historique
Périodes |
Principale : 1er quart 14e siècle (incertitude) (détruit) Principale : limite 15e siècle 16e siècle |
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Description
Isolé sur le flanc est d’une colline à près de 200 m d’altitude, le domaine de La Bermondie est situé à la limite occidentale de la commune de Thonac, limitrophe de celle de Saint-Léon-sur-Vézère. Il comprend aujourd'hui un ensemble de bâtiments construits en moellon pour les murs et en pierre de taille pour les parties vives. Au sud-ouest de l'ensemble, le bâtiment principal se compose de plusieurs corps de logis : un premier grand corps de plan rectangulaire orienté est-ouest auquel est adossé au nord, au sud et à l'est plusieurs corps secondaires. Dans l'angle rentrant, au sud, se dresse une haute tour d'escalier de plan carrée renfermant un escalier en vis et surmontée d'une chambre haute en pan-de-bois. La porte d'entrée percée au pied de cette tour, à l'est, présente des moulures à listel dans l'ébrasement et, sur le linteau, un écu incliné, encadré par deux supports aujourd'hui peu lisibles (des hommes sauvages ?) et surmonté par ce qui semble avoir été un heaume à lambrequin sculpté dans un cadre à listel. A seulement 15 mètres au nord-ouest de cet ensemble se dresse la haute tour inclinée, dite "tour de la Bermondie", bâtie en moyen appareil de pierre de taille.
Détail de la description
Murs |
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Toits |
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Étages |
rez-de-chaussée, 1 étage carré |
Couvertures |
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Décors/Technique |
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Décors/Représentation |
Précision sur la représentation : L'écu incliné, bien qu'érodé, est encore meublé d'une bordure et d'une tour. Il s'agit des armes de la famille La Bermondie : De gueules à la tour d'argent maçonnée de sable, et une bordure d'azur chargée de huit besants d'or (FROIDEFOND, t. I, p. 75). Il est encadré par deux supports aujourd'hui peu lisibles (des hommes sauvages ?) surmonté par ce qui semble avoir été un heaume à lambrequin sculpté dans un cadre à listel. |
Informations complémentaires
Type de dossier |
Dossier d'oeuvre architecture |
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Référence du dossier |
IA24004330 |
Dossier réalisé par |
Pagazani Xavier
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Cadre d'étude |
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Aire d'étude |
Vallée de la Vézère |
Phase |
étudié |
Date d'enquête |
2013 |
Copyrights |
(c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel |
Citer ce contenu |
Repaire noble de La Bermondie, puis ferme, puis villa, Dossier réalisé par Pagazani Xavier, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/65b8143a-168a-4c20-baa6-30de628c31a3 |
Titre courant |
Repaire noble de La Bermondie, puis ferme, puis villa |
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Dénomination |
manoir |
Genre du destinataire |
seigneurial |
Appellation |
Repaire noble de La Bermondie Repaire noble de La Vermondie |
Destination |
ferme villa |
Parties constituantes |
Tour de La Bermondie (ou Vermondie) Moulin disparu de La Bermondie |
Parties constituantes non étudiées |
parc |
Statut |
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Intérêt |
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- Inventaire des biens meubles du château de La Bermondie, 8 juin 1792 (AD Dordogne, Q 771 [district de Montignac, séquestres des meubles, S-V], La Bermondie à Thonac).
- Inventaire (copie du précédent) des biens meubles du château de La Bermondie, 8 juin 1792 (AD Dordogne, Q 771 [district de Montignac, séquestres des meubles, S-V], La Bermondie à Thonac).
- Enchère des vins du château de La Bermondie, 2 messidor An II de la République [20 juin 1793] (AD Dordogne, Q 771 [district de Montignac, séquestres des meubles, S-V], La Bermondie à Thonac).
- Inventaire des biens meubles du château de La Bermondie, 2 messidor An II de la République [20 juin 1793] (AD Dordogne, Q 771 [district de Montignac, séquestres des meubles, S-V], La Bermondie à Thonac).
- Inventaire des biens meubles du château de La Bermondie, 7 messidor An III de la République [25 juin 1794] (AD Dordogne, Q 771 [district de Montignac, séquestres des meubles, S-V], La Bermondie à Thonac).
- Prise de possession du bail du domaine de La Bermondie par Antoine Girost, notaire public à Losse, 2 vendémiaire An XIII de la République [23 septembre 1805] (AD Dordogne, 3 E 2298).
- FOURNIOUX Bernard. "Un dispositif de protection territoriale et de défense des populations rurales en Périgord au XIIIe siècle". Archéologie médiévale, tome 20, 1990. p. 335-349.
Localisation
Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Dordogne , Thonac
Milieu d'implantation: isolé
Lieu-dit/quartier: la Vermondie (ou Bermondie)
Cadastre: 1813 C 100 484, 2011 OC 414