« Une vie, une usine » : Distillateur à la Distillerie de Gironde, à Javrezac
Afin de mieux comprendre les diverses approches de la fabrication du produit de luxe qu’est l’eau-de-vie de cognac, selon la taille de l'établissement et le métier pratiqué, une enquête a été menée auprès d'une vingtaine de personnes ayant travaillé ou travaillant encore dans des entreprises du cognac, durant le premier semestre 2015.
Ce travail s'inscrivait dans le cadre de l'inventaire des mémoires ouvrières conduite par la Région Nouvelle-Aquitaine entre 2009 et 2016.
Carnet du patrimoine
Publié le 17 mai 2018
# Charente, Javrezac
# Opération d'inventaire : Mémoires ouvrières
# Usine ; distillerie ;
# 1er quart 21e siècle
Ludovic Vagile est distillateur depuis 13 ans à la Distillerie de Gironde, à Javrezac, dont l'eau-de-vie de cognac est exclusivement destinée à la maison Hennessy. Il décrit son métier de distillateur.
« Ce qui m'a plu, c'est le côté propre, carrelé, où tout brille, et puis l'alchimie de la distillation, c'est agréable, c'est plaisant. »
Film réalisé par Réel Factory en 2016, pour la Région Poitou-Charentes, dans le cadre de l'inventaire des mémoires ouvrières. Entretien mené par Willy Paroche, de l'association ARÉAS.
Ludovic Vagile travaille à la Distillerie de Gironde, à Javrezac, depuis 2002, il parle de son métier de distillateur.
De tonnelier à distillateur
« J'aimais bien mon métier de tonnelier, l'odeur du bois, du chêne, faire des petits fûts. Je m'en suis un peu écarté, mais on a des fûts, on a des chais... La tonnellerie c'est un métier physique, là, c'est surtout un métier de surveillance, je vérifie et je revérifie. »
Ludovic Vagile est tonnelier de formation. Après un apprentissage à la Tonnellerie Taransaud, à Merpins, il travaille à la Tonnellerie Seguin-Moreau, également à Merpins. La fabrication de tonneaux et de fûts l'intéresse beaucoup, mais le passage du travail payé à la pièce à un travail posté ne lui convient pas, ce qui le conduit à chercher un autre emploi. Il entreprend alors, en 2001, une formation de distillateur d'un mois et demi à l'Institut rural d'éducation et d'orientation des Charentes (IREO), à Cherves-Richemont, couplée avec une formation dans l'entreprise de Gironde, qui le recrute en 2002.
« Bouilleurs de profession, c'est comme ici, c'est-à-dire que l'on travaille pour la maison Hennessy, c'est une profession, alors que les bouilleurs de cru ne distillent que leur cru à eux… »
Assurer la distillation 24 h sur 24
Quatre personnes se relaient pour s'occuper des chaudières qui fonctionnent sans interruption durant la campagne de distillation fixée de novembre à fin mars. Un aide-distillateur complète l'équipe pour le nettoyage des chaudières et des cuivres de la distillerie pour qu'ils restent brillants. Les deux-tiers des chaudières étant équipées d'automatismes, le travail des distillateurs consiste surtout à surveiller. L'équipement actuel - deux chaudières de 100 hl et les quinze de 25 hl - permet d'effectuer les premières chauffes de nuit et de réaliser, le jour, la seconde distillation, appelée « bonne chauffe », qui ne se fait que dans les alambics de 25 hl. Environ 800 hl de vin sont ainsi distillés par 24 h.
Distiller pour Hennessy
La société de Gironde, qui possède aussi des vignes en propre, achète du vin, le distille et revend du cognac. Elle entretient des relations commerciales, sur une base d'exclusivité, avec la société Hennessy. Cette dernière fournit toute la logistique dont elle peut avoir besoin, tant commerciale pour rencontrer les viticulteurs, que technique avec un laboratoire mis gratuitement à sa disposition pour l'analyse des vins qui arrivent.
Comme chaque grande maison de cognac, la société Hennessy a élaboré sa propre méthode de distillation que ses distillateurs doivent respecter. Cette méthode joue par exemple sur les crus traités, sur les quantités des premiers vapeurs - les têtes - conservées ou supprimées, ou encore sur le fait de distiller avec les lies ou non. Ces diverses méthodes conduisent à élaborer des eaux-de-vie aux arômes plus ou moins subtiles.
Remerciements à Ludovic Vagile et à François de Gironde.
Entretien réalisé par Willy Paroche, AREAS, 2016.
Auteure : Pascale Moisdon
Ressources documentaires
Webdocumentaire
-
Webdocumentaire : Le patrimoine industriel de Poitou-Charentes
Initialement publié en 2007, retrouvez le webdocumentaire consacré au patrimoine industriel de l'ex-région Poitou-Charentes. Mille usines identifiées en Poitou-Charentes témoignent de l’industrialisation du territoire, du 17e siècle à la fin du 20e. En partant de ces traces inscrites dans les paysages, plusieurs synthèses aident à mieux comprendre l’activité industrielle des siècles passés.