Patrimoine et inventaire de Nouvelle-Aquitaine

Mention : 12 janvier 1940

Lieu de conservation : Archives municipales, Saint-Junien

Côte : non coté

ISBD/Commentaire :

Service de l'urbanisme de Saint-Junien, Registre de déclaration des constructions nouvelles, 1939-1953.

Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Vienne, Limoges

Côte : 1203 W 121

ISBD/Commentaire :

Cadastre rénové de Saint-Junien, dressé en 1969 par Bonnin géomètre-expert.

Mention : p 341

Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Vienne, Limoges

Côte : L216

ISBD/Commentaire :

PERRIER Antoine. "Saint-Junien. Étude de géographie urbaine". Norois. N°47, 1965.

Mention : p 11-14

Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Vienne, Limoges

Côte : I/L56

ISBD/Commentaire :

C V A. "Les industries limousines : la mégisserie Dumas et Raymond à Saint-Junien". Revue scientifique du Limousin, tome 1-2, Impr.-libr. H. Ducourtieux, n°3, 15 mars 1893.

Lieu de conservation : Bibliothèque francophone multimédia, Limoges

Côte : MAG.P LIM G402/8

ISBD/Commentaire :

BERNARD, Frank. "L’usine du Goth à Saint-Junien (1874-2002)". Cahier d’IMPACT n°8, décembre 2002

Mention : p 11

Lieu de conservation : Archives municipales, Saint-Junien

Côte : fonds Aicarpa

ISBD/Commentaire :

LAMY Yvon. L'artiste et la gantière : gens du cuir à Saint-Junien à la fin des années 1980. Aicarpa, 1987, 124 pages.

Mention : p 293-294

Lieu de conservation : Bibliothèque nationale de France, Paris

Côte : 8-R-7312

ISBD/Commentaire :

MAILLARD L. de. Teinturiers de ganterie et gantières de Saint-Junien. Ouvriers des deux mondes. Fascicule 104. 1906. 40 pages.

Mention : p 19

Lieu de conservation : Archives municipales, Saint-Junien

Côte : fonds Annette Bigaud

ISBD/Commentaire :

BIGAUD, Annette. Les industries à Saint-Junien. Mémoire de géographie. Université de Poitiers, 1963, 98 pages.

Mention : p 102-105

Lieu de conservation : Bibliothèque francophone multimédia, Limoges

Côte : MAG.P LIM 16517/28

ISBD/Commentaire :

ARDOUIN-DUMAZET Victor-Eugène. Voyage en France. Limousin, Basse-Marche, Haut-Limousin et Xaintrie, avec 25 cartes et croquis. 28e série, Paris, Berger-Levrault, 1903, 345 pages.

Mention : p 1

Lieu de conservation : Bibliothèque francophone multimédia, Limoges

Côte : MAG.P LIM 58191/S

ISBD/Commentaire :

BERNARD Frank. "Rorice Rigaud, le (bon) génie de la ganterie saint-juniaude", le Chercheur d'or n° 52, 2013.

Ardouin-Dumazet visite l'usine du Goth

M. Raymond, un des chefs de la plus grande mégisserie, occupant 450 ouvriers sur les 700 que compte la ville, m'a fait parcourir ses ateliers. L'usine, d'origine récente — la grande fabrication remontant seulement à 1875 pour Saint-Junien, — est une merveille de propreté. J'y pénétrais avec le souvenir de ma visite aux mégisseries d'Annonay où l'odeur est infâme. Ici, l'air et l'eau répandus à profusion ont fait disparaître les causes d'infection. Le sol, revêtu de ciment, est incessamment lavé par des jets fournis par la Vienne ; la lumière électrique évite les émanations et la chaleur du gaz.

Je ne reviendrai pas sur la description que j'ai faite d'un atelier de mégisserie en parlant d'Annonay. Peaux de chevreaux ou peaux d'agneaux subissent la même préparation. A l'arrivée, les dépouilles, sortes de fourreaux raides, car l'animal a été écorché comme un lapin, sont fendues puis mises à tremper dans des grandes cuves en ciment remplies d'eau pure qui restitue la souplesse et la fraîcheur.

Redevenues semblables à ce qu'elles étaient à la mort de l'animal, les peaux sont nettoyées de toutes les matières qui peuvent souiller la laine, puis mises pendant huit jours dans des récipients pleins d'eau de chaux, où des moulins à ailettes entretiennent une constante agitation. Après un lavage pour les débarrasser de leur chaux, elles sont aspergées par une solution d'orpin.

Alors seulement on peut donner aux peaux une première façon manuelle dite façon de fleur, qui détache la laine. De là, elles vont dans une machine singulière, semblant atteinte de danse de Saint-Guy et appelée du nom pittoresque de turbulent, où elles subissent une série de chocs et de secousses qui leur donnent la souplesse.

Dans une autre machine, non moins expressivement baptisée : le gabouillon, elles éprouvent un lavage à l'aide d'un puissant jet d'eau. Cette opération est d'autant plus nécessaire que la crotte de chien, comme à Annonay, entre dans les ingrédients destinés à donner de la souplesse à la peau. On tire cette singulière matière première de toute la région du Centre, surtout de la Nièvre, où les équipages de chasse sont nombreux.

Viennent ensuite le bain de son qui élimine les matières grasses, puis le passage dans de nouveaux turbulents où les peaux sont énergiquement secouées dans un mélange de sel, d'alun et de jaunes d'oeuf. Ces jaunes sont tirés de Paris et de Bordeaux. Après un séchage dans des étuves, les peaux sont de nouveaux mouillées, soumises au foulage et, enfin livrées aux palissonneurs qui procèdent à l’ouverture de la peau, en les étirant sur une selle à l'aide d'un outil spécial qui enlève les dernières traces de la chair, fait ressortir la fleur et donne cet aspect souple, imperceptiblement granulé que nous admirons dans la peau de gant.

L'usine se distingue de tant d'autres mégisseries par son extrême propreté, sa ventilation énergique et l'emploi de l'électricité pour de nombreuses opérations de contrôle autrefois très compliquées. Dans l'atelier des palissonneurs, par exemple, chaque ouvrier possède, au-dessus de son installation, un bouton électrique. Dès qu'une peau est achevée, le contremaître l'examine, la vérifie et, si elle est sans défaut, presse le bouton. Le courant électrique va alors enregistrer automatiquement le travail accompli pour permettre le décompte du salaire.

Visite de l'usine Dumas et Raymond en 1893.

Nous avons annoncé que nous voulions faire successivement connaître les établissements industriels si nombreux et si intéressants qui existent en Limousin. Fidèle à notre promesse, nous débutons aujourd'hui par la description d'une usine de premier ordre où, à l'heure où nous écrivons, on procède à de considérables agrandissements.

Ceux qui connaissent la mégisserie de MM. Dumas et Raymond, à Saint-Junien, savent que nous n'exagérons pas en disant qu'il est difficile d'imprimer à un établissement de cette nature une direction plus intelligente. Ces messieurs, appréciant sainement les exigences de notre époque de progrès incessants, savent qu'il ne faut pas s'attarder sur les positions conquises, qu'on doit se tenir au courant de tous les perfectionnements, ne reculer devant aucune des dépenses que nécessitent les puissantes forces mises par la science à la disposition de l'industrie.

Dans de vastes bâtiments construits sur les bords de la Vienne, trois cents ouvriers travaillent à la préparation pour la ganterie de peaux d'agneaux provenant de France ou de l'étranger (Brésil, Arabie, Tunisie, Espagne, Italie, Russie, etc.) Ils ont pour auxiliaires trois moteurs ayant une force totale de 210 chevaux et mis en action par la vapeur que leur fournissent deux générateurs produisant aussi l'eau chaude et la vapeur spécialement réservées aux besoins de la fabrication. Une dynamo produit l'électricité et on s'occupe en ce moment de l'installation d'accumulateurs d'un nouveau système. Deux ventilateurs permettent d'obtenir les courants nécessaires à la dessication des peaux et renouvellent l'air dans les ateliers où il est indispensable d'enlever les poussières en suspension qui pourraient compromettre la santé des ouvriers. Du reste, démontrant par le fait qu'il n'y a pas incompatibilité entre l'humanité et les procédés industriels, MM. Dumas et Raymond, ne négligent aucune des mesures propres à assurer à leur nombreux personnel des conditions d'hygiène aussi satisfaisantes que possible.

Dès leur introduction dans l'usine, les peaux sont examinées et classées d'après leur qualité. Toutes, du reste, ne comportent pas absolument les mêmes manipulations, leur épaisseur ou leur consistance pouvant entraîner quelques façons supplémentaires.

Ces considérations générales exposées, nous allons suivre une peau dans ses transformations successives, depuis le magasin où elle est déballée jusqu'au moment où elle est en état d'être teinte et employée par le gantier. La place dont nous disposons nous oblige nécessairement à faire une description rapide et à ne pas nous arrêter aux détails.

Afin de lui rendre de la souplesse et d'enlever ensuite les matières étrangères, on commence par tremper la peau sèche dans une cuve en ciment renfermant de l'eau pure et par la faire passer sous une machine spéciale.

De là on la jette dans le pelin, autre cuve renfermant de la chaux et de l'eau continuellement agitées par un cylindre à ailes appelé moulin, puis dans une troisième cuve pleine d'eau pure pour extraire l'eau de chaux. Elle est alors en état d'être placée sur une sorte de banc ou chevalet demi-cylindrique où elle adhère par sa face intérieure afin que l'ouvrier, muni d'un couteau à lame obtuse, puisse enlever la laine; c'est l’épilage.

Un autre ouvrier la reprend et procède avec un couteau tranchant à la façon de chair; adhérant cette fois au chevalet par sa face extérieure, la peau présente sa face intérieure, ce qui permet de la débarrasser des parties de chair et des autres matières qui y adhèrent; on coupe aussi à ce moment la peau qui enveloppait la queue et les pattes. Sous la pression d'un couteau arrondi, on lui donne la façon de fleur qui a pour but de faire sortir les matières grasses et autres l'ayant pénétrée.

Cela fait, on la transporte dans une grande boite cubique en bois, appelée turbulent qui, mobile sur un axe dans la direction d'une des diagonales, a les parois intérieures garnies de barres de bois parallèles; cette caisse prend, sous l'action d'une courroie de transmission, un mouvement de rotation durant lequel les peaux s'entrechoquent contre les barres de bois et acquièrent ainsi une grande souplesse.

Le gabouillon est une cuve où la peau sortant du turbulent est de nouveau lavée par un vigoureux jet d'eau pure pour passer de là dans une cuve en bois pleine d'eau chaude tenant en suspension du son ; ses pores s'ouvrent par suite d'un commencement de fermentation, ce qui la prépare à recevoir la matière tannante, opération qui se fait dans un autre turbulent semblable au premier, contenant du sel de cuisine, de l'alun, des jaunes d'œufs ; c'est le nourrissage du cuir. Les jaunes d'œufs, dont l'emploi est considérable dans l'usine, sont à leur arrivée battus mécaniquement, salés et placés dans des tonneaux où on les conserve jusqu'au moment de leur utilisation.

La peau, tannée comme nous venons de le dire, est portée au séchoir; on l'accroche dans une cage métallique traversée par un courant d'air répondant à l'appel du ventilateur et s'échauffant avant son arrivée dans le séchoir entre les tubes de cuivre de l’aéro-condenseur, chauffés eux-mêmes par la vapeur venant des chaudières. Ce parcheminage exige qu'on rende à la peau sa souplesse. On l'humecte donc légèrement et au bout de vingt-quatre heures on la place dans une machine à fouler.

Enfin la dernière façon, qui est la quatorzième si nous avons bien compté, consiste dans l’ouverture ou palissonnage; les ouvriers qui procèdent à ce travail opèrent à la force des bras et du genou nus l'étirage sur des lames métalliques.

La précision mathématique avec laquelle toutes ces opérations sont conduites, l’appréciation exacte de la valeur et le classement méthodique des peaux mégissées, font que les produits de la fabrication de MM. Dumas et Raymond sont très appréciés et que plusieurs grandes maisons de vente leur confient des peaux sèches à préparer, peaux dans lesquelles vous emprisonnez peut-être vos jolis doigts, aimable lectrice, vous figurant porter des gants de chevreau. Mais que vous importe l'animal si la peau est fine, souple et résistante ?

MM. Dumas et Raymond préparent aussi les laines provenant de l'épilage. On les trie d'après leur couleur naturelle, on les lave dans un appareil spécial, on les passe à l'essoreuse, puis enfin, pour activer leur dessication, on les place sur des toiles métalliques, dans des séchoirs traversés par un courant d'air chaud.

Ajoutons en terminant que la mégisserie est à Saint-Junien une industrie très florissante et qu'il existe dans cette petite ville, la seconde du département de la Haute- Vienne, une quinzaine d'établissements où on s'occupe spécialement du tannage des peaux d'agneau.

C. V. A., dans La revue scientifique du Limousin, tome 1, 1893, 2e partie, p 11-14.

Vingt années d'existence c'est, sans doute, pour une maison industrielle, un chiffre très respectable ; mais on a droit de s'étonner qu'une maison de mégisserie comme celle que nous venons de visiter à Saint-Junien, et que l'on peut, sans hésiter, placer à la tête de toutes les mégisseries de la France et même de l'Europe entière, ait été fondée en 1871, et qu'elle ait pris, en moins d'un quart de siècle, un si étrange développement.

L'installation admirable de cette usine L. Dumas et Raymond, sur les bords de la Vienne, de ces vastes magasins situés en ville et où l'on concentre tous les produits de l'usine, nous a inspiré un intérêt bien facile à comprendre.La maison, qui travaille d'une façon exclusive les peaux d'agneaux, c'est-à-dire les plus délicates que l'on puisse soumettre au travail de la mégisserie, exécute ce travail soit a façon, sur les peaux sèches que lui confient de grandes maisons de vente, soit pour son propre compte, sur les meilleures peaux Kazan que lui fournit la Russie, sur les excellentes peaux d'Espagne, de l'Arabie, de la Tunisie, du Brésil, sur les peaux incomparables de la Toscane, etc., etc.Les soins donnés au mégissage sont les mêmes dans les deux cas; mais il est certain que la qualité des peaux mégissées dépend au moins autant de la nature de la matière que des soins donnés à la préparation, et que, par conséquent, les peaux que MM. L. Dumas et Raymond préparent pour leur propre compte, avec des matières premières sévèrement choisies, sont toujours des produits d'une excellente qualité.

Les peaux sèches qui lui sont livrées par les centres de production que nous avons cités sont d'abord classées, suivant leur nature et leur qualité, dans de vastes magasins installés aux divers étages de la maison.La première opération qu'elles subissent ensuite est le trempage, c'est-à-dire l'immersion suffisamment prolongée dans des cuves en ciment contenant de l'eau pure qui, en pénétrant les peaux, leur donne le degré de souplesse réclamé par les opérations ultérieures.

Le résultat obtenu dans ces cuves de trempage est donc purement mécanique. Il n'en est pas de même de celui que va fournir cette longue rangée de pelins, c'est-à-dire d'autres cuves qui contiennent non plus de l'eau pure, mais de l'eau chargée de chaux, et dans chacune desquelles fonctionne un moulin, comme on appelle un instrument rappelant un peu, en effet, l'organe moteur d'un moulin, par la disposition de ses ailes montées autour d'un axe. Avant d'être soumises à l'action énergique de l'eau de chaux agitée par ces moulins, les peaux passent sous une machine qui les débarrasse des laines, des pailles et des autres matières étrangères qu'elles peuvent contenir.

Après le bain de chaux, elles sont posées sur des plateaux qu'une chaîne sans fin soulève au premier étage, et là elles retombent automatiquement dans une cuve pleine d'eau, où elles vont subir un simple lavage chargé d'éliminer l'eau de chaux.Nous voici maintenant dans un immense atelier, en présence d'une véritable armée d'ouvriers, dont chacun, installé devant un chevalet portant une peau lavée, est chargé de procéder à son épilage, au moyen d'un couteau à lame obtuse. Voilà donc un premier travail, dit la façon de fleur, qui a pour but de mettre la peau à nu, en la débarrassant de la laine dont elle est naturellement couverte; mais d'autres ouvriers sont chargés d'une autre opération, celle de la façon de chair, qui consiste à râcler, avec un couteau tranchant cette fois, la surface de la peau opposée à celle du poil, pour enlever les fragments de chair et les autres impuretés qui lui étaient adhérentes. Le même couteau sert à trancher la peau de la queue et celle des pattes, qui sont de simples déchets.

Les peaux ainsi épurées vont maintenant être introduites dans le turbulent, grande caisse en bois de forme cubique, dont le nom pittoresque exprime bien les dispositions et le genre de travail. Dans ce récipient, eu effet, supporté par un axe qui le traverse en diagonale, sont disposées dans divers sens des barres de bois contre lesquelles les peaux s'entrechoquent énergiquement, quand l'appareil est mis en mouvement de rotation par une courroie de transmission. Ce curieux travail donne aux peaux une souplesse très remarquable, et quand le travail du turbulent est achevé, on arrête l'appareil, on ouvre une trappe dont il est muni, les peaux tombent dans une cuve d'où on les transporte dans le gabouillon, pour y subir un nouveau lavage sous un jet d'eau d'une extrême énergie.Le travail combiné du turbulent et du gabouilIon donne sans doute des résultats bien remarquables; mais il a besoin d'être recommencé une ou plusieurs fois, pour certaines peaux dont l'épaisseur ou la consistance constituent, pour le nettoyage et l'assouplissement, des difficultés exceptionnelles.

En pénétrant maintenant dans un autre atelier, nous allons voir les peaux être soumises, dans de vastes cuves de bois, à l'action, non plus de l'eau froide, mais d'une eau plus ou moins chaude, suivant la nature de la matière sur laquelle il s'agit d'opérer, et tenant en suspension, dans tous les cas, une certaine quantité de son chargée d'éliminer les matières grasses que la peau a retenues, matières qui seraient un élément désastreux pour l'opération de la mise en couleur. Nous allons voir recommencer maintenant le curieux travail des turbulentes, mais cette fois dans de nouveaux appareils dont le fonctionnement, il est vrai, rappelle celui des premiers, mais qui contiennent du sel de cuisine, de l'alun, des jaunes d'œufs chargés d'opérer le nourrissage du cuir.Les jaunes d'œufs utilisés dans cette opération ont dù subir, avant d'y être employés, le battage dans un appareil mécanique spécial, où la maison L. Dumas et Raymond bat chaque jour pour 300 francs de jaunes d'œufs, chiffre accessoire qui doit donner une idée du chiffre de sa production !Mais n'oublions pas que si les cuirs sont le produit principal de cette maison, les laines qu'elle est appelée à en séparer ont aussi une importance qui est loin d'être négligeable.Ces laines, qui seront utilisées plus tard dans les filatures ou dans d'autres établissements industriels, sont d'abord lavées à l'eau courante dans un appareil très ingénieux, puis sont séchées incomplètement dans une essoreuse, enfin transportées dans le vrai séchoir par des godets que manœuvre une chaîne sans fin. Ici la matière à sécher est étalée sur le plancher d'une vaste chambre, c'est-à-dire sur une forte toile métallique que traverse un courant d'air chaud vivement appelé par un puissant aspirateur.

Les magnifiques laines ainsi préparées par cette maison sont assez abondantes pour que ces laines de toutes couleurs naturelles, blanches, noires, grises, gris clair, soient amoncelées et soigneusement classées dans un très vaste magasin de dépôt. Mais les laines, qui ne sont, après tout, qu'un accessoire de la production d'une mégisserie, ne doivent pas nous faire oublier les cuirs.

Nous les retrouvons, après le second travail des turbulents, dans les séchoirs, sortes, de cages métalliques traversées par des barres de fer auxquelles les peaux sont accrochées.Ces tiges, portées par des chaînes, sont soulevées par elles à travers une atmosphèré d'air chaud ; on garnit une tige, on la monte au moyen de chaînes, une autre tige se présente que l'on garnit, et ainsi de suite. Quand la cage, où fonctionnent 12 tiges, contient le nombre de peaux voulu, on la ferme, et les peaux étalées continuent à subir Faction siccative de l'air chaud fourni par des ventilateurs et un aéro-condenseur.

L'aéro-condenseur est un appareil comprenant des rangées verticales de tubes en cuivre parcourus par de la vapeur d'eau. Le ventilateur est chargé d'appeler l'air extérieur, de le chasser entre les tubes de l'aéro-condenseur, qui lui communiquent leur haute température, et de le faire passer dans la chambre de séchage. Après cette suite d'opérations qui a fait subir aux peaux une sorte de parcheminage, il est naturellement indispensable de leur rendre la souplesse qu'elles ont perdue et que réclame naturellement la ganterie, à laquelle elles sont généralement destinées, et qui les utilise dans toutes les parties de la France. C'est dans ce but qu'elles sont légèrement imprégnées d'eau et mises ensuite dans des caisses où elles subissent la pression de foulons de bois qui opèrent un premier brisement. Il ne reste plus maintenant qu'à opérer l'ouverture ou palissonnage, dans un vaste atelier où les ouvriers opèrent l'étirage sur des lames métalliques, par la force de leurs bras et de leur genou.Les peaux ont enfin toute la souplesse voulue, et elles peuvent atteindre le moment de la livraison aux maisons de ganterie, dans les vastes magasins où on les a soigneusement classées. Ces magasins (nous l'avons dit) sont situés en ville, loin des ateliers, auxquels ils sont reliés, du reste, par un important service de voitures. Tous les détails que nous venons de donner ont dû faire comprendre à nos lecteurs que la maison L. Dumas et Raymond utilise, dans ses ateliers, une sérieuse force motrice.

Nous y avons vu, en effet, deux puissantes chaudières dont l'une est exclusivement chargée de fournir de l'eau chaude, un élément qui joue,dans cette industrie, un rôle des plus importants, et la vapeur utilisée, non pas comme force motrice, mais comme agent de fabrication.L'autre chaudière fournit la vapeur réclamée par deux moteurs dont l'un, du système Compound, donne une force de 40 chevaux, et l'autre une force de 150 chevaux, sans compter qu'il fonctionne encore dans les ateliers une locomobile de 20 chevaux. Il faut y ajouter l'éclairage électrique fourni par un puissant dynamo, éclairage qui n'a pas empêché une complète organisation de l'éclairage au gaz, que l'on utiliserait en cas d'accident empêchant la production des courants électriques. Il ne faut pas non plus oublier les précautions prises pour assurer, dans l'usine, de parfaites conditions hygiéniques, notamment l'utile travail de ces deux ventilateurs qui renouvellent tous les quarts d'heure l'air du grand atelier d'épilage, etc., dans l'intérêt des 300 ouvriers qui occupe la maison. Voilà un chiffre respectable. Et cependant la production de cette immense usine, qui couvre 2 hectares de terrain, est si bien reconnue insuffisante pour satisfaire aux demandes croissantes de la clientèle, que l'on s'occupe en ce moment de la développer dans de fortes proportions.

C'est sous l'aimable conduite de M. Dumas, maire très sympathique de la commune de Saint-Junien, récemment réélu conseiller général pour la troisième fois, que nous venons de parcourir cet établissement modèle, après en avoir admiré l'aspect vraiment pittoresque. C'est dans cet établissement des plus intéressant que nous avons été mis en présence d'un personnel hors ligne, que nous avons rencontré M. Raymond, homme très compétent et de la plus grande activité, qui est chargé des voyages pour achats, et c'est là, disons-le en finissant, que nous avons avons constaté une vraie prodigalité de soins donnés à la santé des travailleurs, une distribution luxueuse d'air et d'eau que l'on devrait prodiguer de même dans toutes les usines que nous visitons.

Grant, le Panthéon de l'industrie : journal hebdomadaire illustré, septembre 1892.