Maison
France > Nouvelle-Aquitaine > Charente-Maritime > Mortagne-sur-Gironde
Historique
Cette maison et sa voisine (au numéro 56, actuelle pharmacie) occupent l'emplacement d'une propriété qui, dans la seconde moitié du 18 siècle, appartenait à Jacques-Daniel Durand, bourgeois. En 1827, elle est détenue par ses petits-fils, Joseph Durand, employé de l´octroi à Rennes, et surtout Paul Gorry, avocat, futur juge de paix du canton de Cozes, demeurant à Epargnes. La maison est décrite dans des actes de 1827 et 1832 (voir annexes 1 et 2), à rapprocher du plan cadastral de 1832 sur lequel la propriété apparaît : de part et d'autre d'un passage alors découvert (là où se situe le porche actuel), se trouvent à gauche une grange (là où s'élève l'actuelle maison au numéro 58), avec un chai, une écurie, des latrines et une buanderie à côté ; et à droite du passage, une grande maison (là où se trouve la pharmacie, au numéro 56). Cette grande maison comprend trois caves, un rez-de-chaussée avec corridor, salle et cuisine, un étage avec plusieurs chambres, dont l´une comprend une alcôve, et des greniers. Derrière ces bâtiments s'étend une cour qui descend vers un jardin "avec une fontaine au milieu et un cours d'eau au bout". A côté de la propriété se trouve, entre autres, celle du chirurgien Antoine Berny (actuellement au numéro 54). Le 3 novembre 1832 (voir en annexe 2), la maison Durand-Gorry est achetée par Gustave Lemet, notaire à Mortagne. Celui-ci la loue le même jour à son beau-père, Jean-François Arnout. Né en 1763 à Doulon, tout près de Nantes, Arnout a été élève chez les Oratoriens de Nantes, puis à l´école normale sous la Révolution. Licencié en droit de l´école de droit de Paris, il a enseigné le latin au collège de Saintes, puis a été défenseur officieux près le tribunal criminel de Saintes, employé à la préfecture de Charente-Inférieure, et receveur à cheval dans l´administration des contributions directes. Destitué en 1816 (pour raisons politiques selon les uns, pour mauvais comportement selon les autres), il demeure depuis 1822 à Mortagne où, sans ressources, il a été recueilli par son gendre, Gustave Lemet. Le 1er mars 1833, Arnout ouvre dans la maison Durand-Gorry que son gendre vient d´acheter et de lui louer, un établissement privé d'enseignement secondaire pour garçons, avec pensionnat. Parmi les premiers pensionnaires, figurent le fils de Lemet et petit-fils d'Arnout, Ossian Lemet, et les deux fils de l'instituteur François Charron. L'établissement, de bonne réputation, accueille déjà 27 élèves en 1835. De son côté, Gustave Lemet, qui a pris sa retraite de notaire en juin 1833, se prépare très vite à succéder à son beau-père, âgé, à la tête de l´institution. Arnout en fait même la demande auprès du recteur d'académie. Lemet fait valoir qu'il a fait ses études au collège de Saintes, et il s'engage à passer le brevet de bachelier ès lettres. La succession est toutefois retardée par une brouille entre Arnout et Lemet, le premier accusant le second de vouloir l'évincer plus rapidement qu´il ne le voudrait. En attendant, Lemet commence des aménagements dans sa propriété et il ne cesse de l´agrandir en achetant des biens autour. En 1834 et 1835, il étend le jardin, qui descend jusqu´au ruisseau de Fontclou, en achetant une parcelle à son voisin Pierre Yon. Il acquiert également une grange auprès de Daniel Poirier et, plus loin, le long du sentier de Fontclou (actuel chemin des Roses Trémières), une écurie et une remise auprès de Pierre-Daniel Robert. Il doit aussi s´entendre avec ses voisins dont les propriétés sont imbriquées avec la sienne. C´est le cas notamment avec Adélaïde ou Adèle Gorry qui, en février 1836, achète la maison du chirurgien Berny (actuel numéro 54). En septembre (voir annexe 3), elle accepte de faire raser un chai qu´elle possède au milieu de la cour de Lemet, et de le faire reconstruire plus loin, dans son jardin, ceci afin d´agrandir la cour du pensionnat. En 1837, Lemet est enfin autorisé à prendre la direction de l'établissement, par la démission de son beau-père Arnout qui se retire à Saintes avec le bénéfice d'une rente viagère. Lemet engage aussitôt deux nouveaux enseignants : Pierre Jônain, 38 ans, né à Gemozac, professeur de latin et de grec, bachelier ès lettres de l'académie de Bordeaux ; et M. Botton, instituteur à Pons, professeur de mathématiques et de langues anciennes. Un autre professeur, Pierre-Alexandre Brunereau arrive à Mortagne peu après. Le 1er mai 1839, Lemet engage un autre jeune enseignant, James Addison. Né en 1815 à Aitken, dans le comté d'York, en Angleterre, celui-ci est venu s'installer en France en 1834, à Moncontour, près de Saint-Brieuc, avec sa mère et son père, capitaine de la Compagnie des Indes. En 1840, Addison épouse la fille de son directeur, Astérie Lemet. Dans la pension, il enseigne l'anglais, la grammaire et est aussi chargé d'une classe de latin et de grec. En 1843, le pensionnat compte 48 élèves, qui reçoivent chaque année des prix lors d´une séance publique. Ainsi étoffé, l´établissement ne cesse de prendre de l´ampleur. Rapidement, les vieux bâtiments achetés en 1832 aux Durand-Gorry s´avèrent insuffisants. Vers 1842, Gustave Lemet les fait alors reconstruire en grande partie, et leur donne leur aspect actuel. L´ancienne maison Durand-Gorry fait place à deux maisons, de chaque côté du passage qui ouvre sur la rue. Celui-ci est désormais couvert par une partie de l´étage de la maison de gauche. Cet étage comprend des dortoirs, tandis que des salles d´études occupent le rez-de-chaussée. Pour mieux délimiter le périmètre de l´établissement, Lemet fait fermer le passage sur la rue par un portail à claire-voie, encadré par deux portes piétonnes pleines. Cette fermeture n´empêche pas la voisine de Lemet, Adèle Gorry d´exercer son droit de passage pour accéder à son jardin (voir annexe 4). Très vite aussi, les difficultés s´accumulent pour la pension Lemet, d´abord sur les plans relationnel et organisationnel. Dès 1843, les professeurs Jônain et Botton démissionnent avec fracas, dénonçant la tyrannie de Lemet. Surtout, l´argent manque, malgré plusieurs héritages enregistré du côté de Mme Lemet notamment. En février 1850, Gustave Lemet doit emprunter 18.000 francs à Léopold Valentin, escompteur à Saint-Fort-sur-Gironde. Dès le mois de mai suivant, il laisse la direction de l'établissement à son gendre, James Addison. Depuis 1844, celui-ci projetait pourtant d'enseigner l'anglais dans un lycée de l'académie de Poitiers, et, dans ce but, il avait passé en 1846 son baccalauréat ès lettres et obtenu le certificat d'aptitude à l'enseignement de l'anglais dans les lycées et collèges. Sa désignation à la tête de la pension de Mortagne l'oblige à renoncer, à contrecoeur, à une chaire d'anglais au lycée de Napoléon-Ville (La Roche-sur-Yon), tout en continuant à donner des cours particuliers à Rochefort. En 1852, Addison part finalement enseigner l´anglais au lycée de Poitiers, et confie la pension de Mortagne à un remplaçant. Dès l´année suivante, il doit prendre un congé et revenir à Mortagne car la situation de la pension ne cesse de se dégrader. Le 22 mai 1854, la page Lemet se tourne définitivement lorsque Addison rachète le pensionnat à son beau-père (voir annexe 5). La vente est consentie pour une somme de 18.000 francs, correspondant à la dette de Lemet envers Léopold Valentin. En 1855, Addison retrouve un poste de professeur, cette fois au lycée impérial de Bordeaux. Il semble toutefois que le pensionnant de Mortagne survit encore quelques années. En 1857, des poursuites sont engagées par l´inspecteur d´académie contre son directeur, M. Colombiès à la suite d´incidents de mœurs, politiques et religieux survenus à cause de ses maîtres-adjoints, M. Bourdaloix (parti avec la servante !) et Dupon (qui a proféré sa foi protestante en pleine classe). Il est possible que ces incidents aient donné le coup de grâce définitif à l'établissement. En 1862, Addison et son épouse décident de vendre une partie de leur propriété, en l´occurrence la partie gauche (actuel numéro 58 ; voir annexe 6). L´acheteur est Constant Gautret, boulanger, qui souhaite ouvrir là un café. Le bâtiment est en effet suffisamment grand pour cela : selon l´acte de vente, il comprend, au rez-de-chaussée, une vaste salle ayant servi de salle d´étude", un dortoir à l´étage, se prolongeant au-dessus du porche", deux chais derrière la salle d´étude, des greniers sur le tout, un petit appartement servant de classe à la suite du chai, et enfin deux petites chambres joignant la classe et s´ouvrant au levant". La vente concerne aussi, entre autres, des jardins et des prés en contrebas de la maison, avec, pour y accéder, un droit de passage le long du ruisseau. Les époux Addison conservent la partie droite de la propriété (actuel numéro 56). La vente est consentie pour 10.000 francs. Selon le cadastre, Gautret fait peu après réaménager l´intérieur de la maison, pour les besoins de son nouveau café. Il semble toutefois rencontrer des difficultés financières et, dix ans plus tard, en mai 1872, il revend la maison aux époux Addison (voir annexe 7). La maison est désormais composée, selon l´acte de revente, d´une cuisine, d´une vaste salle servant de café au rez-de-chaussée, de plusieurs chambres hautes se prolongeant par dessus le porche jusqu´à la rencontre du mur de la maison de M. et Mme Addison, de deux chais derrière, greniers au-dessus, d´une écurie à la suite". Les époux Addison lui rachètent cette partie de propriété pour 12.000 francs. Il la lui louent le même jour pour qu´il poursuive ses activités de cafetier, mais en évitant tout bruit de nature à gêner et troubler les personnes du voisinage". En 1891, les époux Addison agrandissent encore leur propriété en achetant à Eutrope Jouan, huissier, la maison située à droite de la leur (actuel numéro 54), maison qui avait appartenu autrefois à Adèle Gorry. Tout en revenant de temps à autres, en villégiature, à Mortagne, Addison se fait remarquer à Bordeaux par ses services et ses compétences. Il encourage le développement de l'enseignement des langues vivantes, y compris auprès des filles et des plus jeunes, en donnant des cours privés et en écrivant des manuels pédagogiques. L´un d´eux obtient une médaille d´argent à l´Exposition universelle de 1878. Accumulant les fonctions et les distinctions, Addison prend sa retraite en 1884, année de sa nomination comme chevalier de la Légion d'honneur. Il se retire en été à Mortagne, dans sa propriété dont il a fait embellir le jardin, en bordure du ruisseau. Conseiller municipal, il préside la société de secours mutuel de Mortagne. La fin de sa vie est endeuillée par la mort de son gendre, Adolphe Veillet-Lavallée, après celle de son fils. A Noël 1892, il est à Mortagne et rédige son testament. Il décède le 12 juin 1893 chez sa fille, Emily, veuve Veillet-Lavallée, au 18 rue Laubat, à Bordeaux. Il est inhumé à Mortagne, aux côtés de son fils, décédé jeune, et de son gendre. Ses obsèques donnent lieu à une grande cérémonie à laquelle assistent des édiles mortagnaises et bordelaises. Les biens de James Addison font l´objet de deux inventaires après décès, l´un à Bordeaux le 7 août 1893, l´autre dans sa maison de Mortagne le 14 août suivant (voir annexe 8). Ces biens sont ensuite partagés le 28 juin 1894 (annexe 9). Les lots revenant à ses filles apparaissent imbriqués. Emily Addison, veuve Veillet-Lavallée, obtient la partie droite de la propriété (l'actuel numéro 56) ainsi que la maison voisine (numéro 54). Sa soeur, épouse de Hyacinthe Charron, reçoit la partie gauche de la propriété (actuel numéro 58), où elle demeure déjà avec son mari, y compris la chambre qui se trouve au-dessus du porche. Le partage concerne aussi les cours et jardins qui s'étendent à l'est et au sud des bâtiments. La cour notamment est divisée en deux par une clôture, au niveau d'une rangée d'arbres. L'acte de partage mentionne enfin un terrain planté d'arbustes et d'arbres, entouré d'eau, et un jardin avec une serre et une fontaine. La partition des cours et jardins est légèrement modifiée par un acte d'échange passé en 1904 entre Mme Veillet-Lavallée et sa nièce, Marthe Charron épouse de Joseph Bauchet, lieutenant d´artillerie à Vannes puis à Alger. A partir de 1943, la maison au numéro 58 appartient à Marthe Fète, née Charron, puis à Guy Bauchet, employé de commerce à Paris, en 1951. En 1957, elle est achetée par Jacques Boucher, médecin. Les anciens chais en appentis à l'arrière de la maison ont été transformés en partie habitable.
Détail de l'historique
Périodes |
Principale : 2e quart 19e siècle |
---|
Description
Placée en alignement sur la voie, la maison dispose d'un jardin postérieur, accessible sur le côté droit par un passage couvert. La façade de la maison, orientée au nord-ouest, est ornée d'un solin, d'un bandeau d'appui mouluré et d'une corniche à denticules (identique à celles des maisons voisines, aux numéro 56 et 60). Le rez-de-chaussée est traité en joints creux entre deux assises de pierre. La façade présente au total cinq travées d'ouvertures, plus deux baies à l'étage au-dessus du passage couvert. Ce dernier comprend une porte charretière, en arc segmentaire, encadrée par deux pilastres et par deux petites portes piétonnes, à l'image d'un portail. A l'intérieur de la maison, au rez-de-chaussée, un vestibule central dessert les pièces de part et d'autre, dont une grande salle (sans doute l'ancienne salle d'études de la pension Lemet, puis salle du café Gautret). Une ancienne dépendance, devenue habitable, est accolée à l'arrière de la maison en appentis. Elle comprenait des chais. Le jardin descend en terrasse jusqu'à un ruisseau ou "ru", appelé le "ru du Pilote", autrefois "ruisseau de l'Ombrée". D'anciens aménagements sont encore visibles au bord de ce ruisseau (îlot, passerelle, plantations d'arbres).
Détail de la description
Murs |
|
---|---|
Toits |
|
Étages |
sous-sol, 1 étage carré, étage en surcroît |
Couvertures |
|
Typologie |
|
Informations complémentaires
Type de dossier |
Dossier d'oeuvre architecture |
---|---|
Référence du dossier |
IA17044580 |
Dossier réalisé par |
Suire Yannis
Conservateur en chef du patrimoine au Département de la Vendée et directeur du Centre vendéen de recherches historiques à partir de 2017. |
Cadre d'étude |
|
Aire d'étude |
Estuaire de la Gironde (rive droite) |
Phase |
repéré |
Date d'enquête |
2011 |
Copyrights |
(c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel |
Citer ce contenu |
Maison, Dossier réalisé par Suire Yannis, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/96db40e5-248f-42f9-ac54-04aa22f6ef70 |
Titre courant |
Maison |
---|---|
Dénomination |
maison |
Parties constituantes non étudiées |
jardin |
Statut |
|
---|
Localisation
Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Charente-Maritime , Mortagne-sur-Gironde , 58 Grande Rue
Milieu d'implantation: en village
Lieu-dit/quartier: le Bourg
Cadastre: 1832 D 1209, 2009 AC 79