Présentation de la commune de Saint-Palais-sur-Mer

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1- Un territoire changeant, exploité depuis des siècles

Le territoire de Saint-Palais-sur-Mer a été occupé dès l'époque néolithique. Des vestiges, disparus depuis, ont été relevés au 19e siècle, notamment trois dolmens et des ossements signalés aux Combots. Un pan de mur d'époque romaine, formé d'un petit appareil calcaire, a par ailleurs été mis au jour en 1981 lors de travaux de terrassement près de la station d'épuration. Ces vestiges avaient été enfouis sous le sable puis recouverts par la forêt.

À ces différentes époques et jusqu'au Moyen Âge, la physionomie du territoire de Saint-Palais était très éloignée de ce qu'elle est aujourd'hui, surtout dans sa partie ouest. Au-delà de la pointe de Terre-Nègre et du hameau des Combots, le socle continental était probablement interrompu par une falaise, désormais enfouie sous les dunes, elles-mêmes recouvertes par la forêt. En arrière de la falaise, vers Saint-Palais, Saint-Augustin et Les Mathes, s'étirait une forêt, le bois de Corles ou de Courlay, ou forêt de Royan. La falaise franchie, vers l'ouest, s'étendait un large bras de mer, vraisemblablement séparé de l'océan par une île de sable : baptisée "île d'Armot" par des géographes du 17e siècle, cette île a peu à peu rejoint l'ancien continent, poussée par les vents et les courants, le tout formant la presqu'île d'Arvert. Au début du Moyen Âge, les dunes qui forment cette île sont encore couvertes par une forêt naturelle, la forêt de Salis.

C'est à cette époque que Saint-Palais apparaît dans l'histoire. En 1070, une charte de l'abbaye de Vaux-sur-Mer mentionne pour la première fois l'église de "Saint Palais de Bren", donnée à l'abbaye. Dès 1092 puis en 1270, il est question de Saint-Palais "sur Mer". Siège d'un prieuré, l'église est alors probablement entourée d'un petit bourg, depuis disparu sous les sables de la dune du Bois du Clocher. Les chartes médiévales mentionnent d'autres lieux-dits comme Puyraveau, Bernezac avec un étang, ou encore le Puits de l'Auture. Au Moyen Âge encore, des domaines agricoles dépendant de l'abbaye de Vaux se développent. Les toponymes Maine-Gaudin, Maine-Bertrand ou Maine-Jollet ont conservé leur souvenir. Il est aussi question, au 13e siècle, du bois de Courlay où l'abbaye de Vaux exerce un droit seigneurial de prélèvement du bois de chauffage. Le seigneur de Didonne et celui de Royan possèdent aussi des terres à Saint-Palais. De Royan dépendent principalement deux petits fiefs : celui du Logis de Saint-Palais (mentionné dès 1340) et celui du Vignaud.

2- Une terre protestante, entre mer et sables : 15e-18e siècle

La paroisse de Saint-Palais souffre, comme toute la région, de la guerre de Cent Ans au cours de laquelle l'église notamment est en partie détruite. La nef est reconstruite au 15e siècle, une fois la paix revenue, tandis que la contrée commence à se relever. Cette renaissance est de courte durée : dans la seconde moitié du 16e siècle, Saint-Palais-sur-Mer, foyer protestant, est balayé par les guerres de Religion. La foi huguenote s'est particulièrement implantée dans les hameaux du centre et du nord de la paroisse, les catholiques se cantonnant au sud. C'est là d'ailleurs que se situe l'église, amputée de sa nef en cette période de conflits sanglants. Les protestants, qui forment 93 % de la population en 1682, persécutés au 17e siècle, continuent au siècle suivant à former une importante communauté. Poussée à la clandestinité, notamment dans la forêt de Courlay, elle est obligée d'inhumer ses défunts dans des cimetières improvisés au fond des propriétés.

Outre les guerres, un autre fléau hypothèque la prospérité de Saint-Palais. Probablement dès la fin du Moyen Âge, les immenses dunes de sable venues de l'ouest commencent à se déplacer vers le sud-est. Surnommées "les montagnes qui marchent", elles sont alimentées par les plages et l'océan, libérées par l'amenuisement de la forêt de Salis ou d'Arvert (exploitée par les habitants des environs), et poussées par les vents. Leur progression vers le nord est limitée par la forêt de Courlay ou de Royan. Mentionnée depuis le 13e siècle, une cité appelée Ansoine, vraisemblablement localisée près des Combots et de l'actuelle tour-radar, est dite couverte de sable dès 1551. Un siècle et demi plus tard, l'ingénieur Claude Masse n'en observera que des vestiges.

Au milieu du 18e siècle, le hameau de Maine Gaudin est directement menacé, et des hameaux appelés le Martelet et Guériot ne sont plus que des souvenirs ou sont fortement menacés. Le phénomène concerne aussi des dunes côtières qui se sont formées du côté de Puyraveau et de Nauzan, à partir des plages du Platin et de Saint-Palais. L'une d'elle menace l'ancienne église après avoir englouti le bourg qui était situé, selon Claude Masse, à 200 mètres au sud. Le sable couvre aussi l'actuel quartier du Platin et avance vers le ruisseau du Rat qui, au fond de la conche du Bureau (actuel parking du Rat), s'élargit pour abriter un petit port. Cet ensablement et l'envasement du lit du Rat, transformé en marais, menacent l'existence du port au point que les pilotes qui y sont attachés depuis le 16e siècle au moins, avec pour mission d'aider les navires à franchir l'embouchure de la Gironde, partent s'installer à Royan et à Saint-Georges-de-Didonne en 1727.

Pour autant, la côte de Saint-Palais prend toute sa place dans le projet d'amélioration de la navigation sur la Gironde décidé par le pouvoir royal en 1768. Il s'agit d'aider les navigateurs à mieux se faufiler à travers les rochers et bancs de sable qui parsèment l'embouchure, en particulier le banc à l'Anglais. Le projet comprend la construction d'une flèche en charpente au-dessus du clocher de l'ancienne église, déjà surélevé quelques décennies plus tôt, l'édification de la tour de Terre-Nègre (réaménagée en phare en 1842) et l'acquisition d'une petite forêt au-dessus des rochers des Pierrières, utilisée comme repère par les navigateurs et qui prend alors le nom de Bois du Roi. Par ailleurs, un bureau de la Ferme générale des impôts royaux (devenue l'administration des douanes après la Révolution) est établi dès 1729 à la pointe ouest de la conche de Saint-Palais, désormais appelée conche du Bureau. À cet endroit aussi, une redoute fortifiée est créée vers 1760 dans le cadre de la protection des côtes estuariennes contre l'ennemi anglais, et une batterie est installée à la pointe de la Grande Côte.

Pendant ce temps, la population de Saint-Palais vit un peu d'agriculture, d'élevage et de quelques vignes, mais l'ensablement stérilise de plus en plus de terres cultivables. Les blés produits malgré tout alimentent quelques moulins à vent, par exemple celui de Vessac et ceux de la Brunette. La majorité des Saint-Palaisiens du 18e siècle vivent surtout du commerce, de l'artisanat et des métiers liés à la mer : pilotes, mariniers, pêcheurs, charpentiers de navires... On dénombre beaucoup de marins et officiers de marine, et plusieurs chaloupes partent à la pêche à la sardine et surtout au maigre. Sur la côte, au pied des rochers, les habitants pratiquent abondamment la pêche à la crevette à l'aide de l'ancêtre du carrelet, très bien décrit par Henri-Louis Duhamel du Monceau dans son Traité général des pesches, en 1769. De manière plus pernicieuse, il arrive que des naufrageurs allument des feux sur la côte pour tromper les navigateurs et provoquer leur perte, avant de piller les épaves...

3- Un fléau : le sable

À la Révolution, la nouvelle municipalité de Saint-Palais s'établit tout naturellement à Courlay, principal groupement d'habitations. Le caractère stratégique de la côte de Saint-Palais est renforcé durant les guerres napoléoniennes, notamment à la pointe de Terre-Nègre ou de la Grande Côte, première pointe rocheuse rencontrée en entrant sur la rive droite de la Gironde. Vers 1810, la batterie de Terre-Nègre, créée vers 1760, est renforcée, ce qui n'empêche pas les Anglais de s'en emparer après avoir débarqué sur la Grande Côte, le 8 avril 1814. Du point de vue religieux, la paroisse de Saint-Palais a été fusionnée avec Vaux et Saint-Augustin par le Concordat de 1801 ; l'église, qui ne rouvrira qu'en 1853, sert toujours de repère pour les navigateurs, avec son clocher peint en noir et blanc. Quant aux protestants, majoritaires et désormais sortis de la clandestinité, ils font reconstruire en 1825 leur temple de Courlay, et un cimetière public leur sera ouvert en 1856 - avant de devenir le cimetière communal. Courlay s'impose véritablement comme le centre administratif de la commune, position couronnée par l'ouverture du bureau de poste en 1879 (56 avenue de Verdun) et la construction de la mairie-école en 1883.

Au début du 19e siècle, l'avancée des dunes, poussées de plusieurs mètres par an par les vents d'ouest, devient vraiment préoccupante, comme le souligne un rapport du conducteur des Ponts et chaussées Bourignon en 1823. En 1825, le Conseil général de la Charente-Inférieure décide d'encourager financièrement les ensemencements de végétation par les propriétaires riverains. L'un d'eux, Guillaume Besse, propriétaire du Logis de Saint-Palais, se porte volontaire et demande la concession des dunes situées au plus près de son domaine. Un plan de ces dunes montre leur proximité avec le Logis et avec le hameau de Maine-Gaudin, tandis qu'un "puits de la cure" a déjà été envahi.

En 1825 encore, puis au printemps 1827, l'ingénieur des Ponts et chaussées Lescure-Bellerive est dépêché par le préfet pour examiner les "coulées effrayantes de Saint-Augustin et du Maine Gaudin". Faute de cadastre (il ne sera réalisé qu'en 1839), il a pour mission de distinguer et délimiter les dunes appartenant à l’État et celles appartenant à des particuliers. L'objectif est aussi d'empêcher toute intrusion, notamment de troupeaux, sur les dunes domaniales. En juillet 1827, Lescure-Bellerive expose au préfet combien l'opération est complexe et délicate pour son équipe de jeunes agents des Ponts et chaussées envoyés sur le terrain, "enfoncés dans les sables", et pour les autres qui l’aident à rassembler la documentation et à mettre le tout au propre. Il est conseillé notamment par l’ingénieur Bourdeau qui a exercé quelque temps dans les Landes et fait part de son expérience. "Je ne perds pas encore tout espoir et surtout je ne perds pas courage. Les employés me secondent et nous travaillons tous à l’envi", indique-t-il. Ce n'est que le 22 août 1829 qu'il peut rendre son rapport définitif au préfet.

À Saint-Palais, Lescure-Bellerive relève quatre secteurs appartenant à l’État. Le premier concerne les dunes de La Tremblade, des Mathes et de Saint-Augustin, jusqu’au village de Maine-Gaudin, envahi par les sables. Au pied des dunes, un chemin conduisant du Logis au fort de Terre-Nègre est bordé au sud et au sud-ouest par des champs, des vignes et des pacages. Les petits bois des Combots sont « menacés de tous côtés par les sables arides et mobiles qui ravagent la contrée ». Le deuxième secteur concerne les dunes de la conche du Platin et du Bois du Roi, environnées de champs et de vignes, de même que les dunes du troisième secteur, celui du Clocher de Saint-Palais. Viennent enfin les dunes de Nauzan. Quant aux dunes privées, elles s'étendent sur la forêt d’Arvert à Saint-Augustin et aux Mathes, sur toute la forêt de Saint-Augustin et de Saint-Palais, sur les bois des Combots et sur les petits bois proches du Logis. Dans ces dunes, même privées, il est interdit de couper tous les « plants d’oyats, roseaux de sable, épines maritimes, pins, sapins, mélèzes, ajoncs, durasmes et autres plantes résineuses » qui peuvent retenir le sable.

4- Des dunes à la forêt : la révolution paysagère du 19e siècle

Les premiers semis réalisés par les Ponts et chaussées sur les dunes domaniales commencent en 1826- 1827 par les dunes du Clocher. L'opération, dont la méthode a été fixée par Nicolas Brémontier dans les landes du Médoc dès 1786, approuvée par décret impérial du 14 décembre 1810, puis testée à Oléron en 1819, va être étendue au cours des décennies qui vont suivre à toutes les dunes entre Saint-Georges-de-Didonne et La Tremblade. La méthode consiste à semer des graines de pins, mélangées à des ajoncs et des genêts, en protégeant les jeunes pousses par des haies de tamaris ou des palissades en bois, et en fixant le sable à l'aide de branchages, de roseaux et de fourrage. Une fois les pousses suffisamment développées, les palissades sont réutilisées sur d'autres secteurs d'ensemencement. Dès 1843, des gardes forestiers sont désignés pour empêcher quiconque de traverser les dunes et de détériorer les semis.

Après les dunes du Clocher, devenues Bois du Clocher, les dunes situées entre le Bois du Roi et Puyraveau sont ensemencées entre 1831 et 1837, formant bientôt le bois du Platin. En 1840 et 1842, les efforts portent sur les dunes de Maine-Gaudin (vers les actuels golf et centre équestre), puis, en 1843, sur celles de Nauzan, et, dans les années 1850, sur le secteur à l'ouest des Combots d'Ansoine. Dès 1840, les semis de Saint-Palais sont jugés "particulièrement fort beaux", "sauf quelques parties bordant la plage [du Platin] qui souffrent des embruns de la mer". 148 hectares de dunes ont été ensemencés entre Saint-Palais, Les Mathes et La Tremblade, chiffre qui atteindra 1341 hectares en 1862, 4703 en 1889, en plus de la construction de 60 kilomètres de chemins, de 28 kilomètres de voies de tramway forestier hippomobile, et de 12 maisons forestières.

Le succès est tel qu'un rapport sur les dunes de la Charente-Inférieure, notamment celles de la presqu'île d'Arvert, est présenté à l'Exposition universelle de 1889. Un nouveau paysage apparaît, celui d'une vaste forêt ininterrompue entre Saint-Palais et Ronce-les-Bains, au milieu de laquelle émergent encore des toponymes qui rappellent le relief dunaire enfoui sous les bois et les anciennes pratiques agricoles : la combe (vallon) des Chevaux, la combe des Vignes, les Abreuvoirs, les Lèdes (du terme "leydes" qui désigne un vallon ou bas-fond), etc. Le programme de fixation des dunes sera complété, dans les années 1920, par des semis sur le cordon dunaire en arrière de la plage de la Grande Côte.

5- Naissance d'une nouvelle station balnéaire : 1860-1914

Pendant que le désert de sable se transforme en une immense forêt, Saint-Palais voit arriver les premiers promeneurs depuis Royan, cité en pleine expansion balnéaire dès la première moitié du 19e siècle. Les premières à s'aventurer au-delà de Pontaillac via le sentier des douaniers, sont deux amies : Emma Ferrand, femme de lettres bordelaise demeurant à Paris, et Ernestine Chabouillé-Saint-Phal, musicienne. Tout en se faisant construire le premier chalet de Saint-Palais (actuel bureau d'accueil du camping ACCCF), Emma Ferrand écrit, en 1842, un guide de visite de la région dans lequel elle vante, entre autres, les charmes de Saint-Palais, en particulier l'immense plage de la Grande Côte où le regard se perd dans l'horizon et les vagues.

Vingt ans plus tard, en 1863, tandis que la forêt grandit sur le pourtour des conches, la plage du Bureau séduit l'écrivain Émile Gaboriau, originaire de Saujon. Il convainc son beau-frère, l'avocat et homme politique Georges Coindreau, d'acheter un vaste terrain mis en vente sur le côté ouest de la conche du Bureau, entre la caserne (ou bureau) de la douane et le Bois du Roi. En 1866, Coindreau s'y fait construire une villa ("les Sapins", plusieurs fois remaniée, actuellement au cœur d'une résidence, avenue de la Forêt). Il s'agit de la première construction de ce qui va devenir, en à peine un demi-siècle, une véritable station balnéaire : le Bureau de Saint-Palais.

En quelques années, plusieurs investisseurs emboîtent le pas à ces précurseurs. Les premiers à comprendre qu'une nouvelle histoire est en marche, sont originaires des hameaux de l'arrière-pays. En 1865, Jean Barrot, maçon, construit la première maison de la rue de l'Océan. Il est suivi par Antoine Lavranson, ancien boulanger à Courlay, qui fait construire ce qui deviendra, en 1877, la villa "Nelly". En 1872, Clément Barrot, charpentier à la Palud, fait édifier une maison qu'il revend peu après à Adolphe Baron. Médecin originaire de Rouffiac, près de Saintes, le docteur Baron s'installe là pour sa retraite, suivant les encouragements de son ami, Frédéric Garnier, notable de Vaux-sur-Mer et maire de Royan. La maison est alors rebaptisée "le Chalet du Docteur". Promoteur de la nouvelle station balnéaire, le docteur Baron est maire de Saint-Palais de 1881 à 1884. À la même époque, les premiers établissements de restauration et hôteliers font leur apparition, ainsi que les premières cabines de bains, à louer sur la plage.

Le mouvement s'amplifie dans les années 1890 sous l'action d'investisseurs qui multiplient les constructions de villas pour les louer ou les revendre. Ainsi, Siméon-Eugène Paquet, entrepreneur de peinture à Bordeaux, est le commanditaire de la plupart des grandes villas qui surplombent la conche du Bureau à l'est. Au total, le cadastre enregistre 70 nouvelles villas construites au Bureau entre 1861 et 1897, dont 28 entre 1891 et 1897, majoritairement rue de l'Océan qui devient vite saturée. Le mouvement se poursuit dans les années 1900 à Trez-la-Chasse et sur la corniche de Nauzan (le cadastre y enregistre 15 nouvelles villas entre 1898 et 1915), ainsi que le long de l'avenue des Pierrières.

6- Un développement rapide

Le développement de la nouvelle station est facilité par la mise en lotissement des forêts plantées quelques décennies plus tôt sur les dunes environnantes. Devant la pression foncière croissante, l’État se décide à les céder à des particuliers, non sans mal. En effet, l'administration des Eaux et forêts craint de perdre le contrôle - et les revenus - de ces bois qu'elle a eu tant de mal à planter pour retenir les sables. Dans les années 1890, plusieurs projets se font concurrence, preuve de l'attraction qu'exerce la nouvelle station sur les investisseurs et de la pression immobilière qui pèse sur la côte.

À partir de 1895, l’État commence à tracer des rues et des chemins dans le Bois du Clocher. Quelques parcelles sont concédées près de la plage du Bureau, pour une durée limitée et en échange d'une redevance. Cette concession ou "amodiation" s'accompagne de règles strictes, notamment l'obligation faite de construire les futures villas dans les espaces non boisés, avec défense de couper aucun arbre. L’État finira par vendre aux enchères le Bois du Clocher en 1898 et 1907. Le Bois du Roi est également vendu en 1898. Il est acheté en quasi totalité par Siméon-Eugène Paquet qui le revend aussitôt par lots, ouvrant la voie à la construction de nombreuses villas. Le bois du Platin est quant à lui vendu entre 1906 et 1911.

Parmi les concessionnaires puis acheteurs et constructeurs, on trouve des entrepreneurs à Étaules et à Royan, un restaurateur à Saint-Palais, un juge de paix à Saujon, un négociant à Saintes, un avoué à Bordeaux, un haut-fonctionnaire à Paris, etc. Plusieurs se retrouvent dans le Syndicat d'initiative créé en 1908 pour promouvoir la station, et dans la Société d'initiative fondée en 1912 pour organiser fêtes et animations. Le premier entreprend, entre autres, de végétaliser les principaux axes, d'agrémenter les points de vue, et d'aménager l'ancien sentier des douaniers. La seconde est à l'origine de la construction d'une salle des fêtes, à l'ouest du Bureau. Des agences se chargent d'encourager la construction, la vente ou la location des 200 villas que compte la ville en 1910. Certains se spécialisent dans cette activité immobilière lucrative, à l'image d'Alphonse-Gémy Barrot, entrepreneur de maçonnerie, ou Henry Neaud qui tiennent chacun leur agence près de la place du Bureau (place de l'Océan), aménagée par la municipalité dès 1888.

La promotion de la station est aussi assurée par de nouveaux moyens de communication : la ligne de tramway qui s'arrêtait à Pontaillac est prolongée en 1897 jusqu'à la Grande Côte. Inauguré en grandes pompes le 25 juillet, le tramway marque l'arrêt à Nauzan, en longeant la plage, emprunte les actuelles avenue de Nauzan et promenade forestière de Trez-la-Chasse (une tranchée en forme de S aménagée dans la dune du Bois du Clocher), longe la place du Bureau, fait halte avenue de la République, traverse la forêt du Platin ou de Puyravaud par l'actuelle allée de la Jonque, s'arrête à quelques pas de la plage du Platin, puis repart en direction de la pointe de la Grande Côte, son terminus. Dès lors, de nombreux visiteurs partent en excursion depuis Royan jusqu'à la plage de la Grande Côte, appréciée pour ses paysages sauvages. Le visiteur peut même prolonger le voyage vers la pointe de la Coubre par le tramway forestier.

Le passage du tramway engendre la construction de nouvelles villas dans les secteurs traversés, par exemple au Concié où le banquier parisien d'origine bordelaise, Louis-Jean d'Auby se fait construire son opulente villa néo-romane "Primavera" en 1905, et au Platin où il fait édifier, en 1907, quatre villas pour les mettre en location. Des établissements de loisirs et de restauration se développent à la Grande Côte, incluant même un casino à partir de 1899. Au Bureau, les commerces se multiplient, notamment le long ou à proximité du tramway : des épiceries, une boulangerie, une pharmacie, des pensions de famille et des hôtels-restaurants comme "Excelsior" (actuel bureau de poste).

Signe des temps, le bureau de poste principal est transféré, en 1909 , de Courlay au Bureau, d'abord rue Émile-Gremaud, puis 23 rue de l'Océan. Un marché couvert est construit, en 1901, sur la place du Bureau, remplacé par un autre en 1913 (à la place de l'actuelle Résidence de Saint-Palais). Parmi le millier d'estivants, certains, membres de la bourgeoisie catholique, comme Louis-Jean d'Auby, s'attachent à offrir à la station des lieux de culte à la hauteur de sa fréquentation : la chapelle des aviateurs est ainsi construite en 1904-1908, et la nouvelle église du Bureau ouvre ses portes en 1911. Parallèlement, la communauté protestante représente encore les deux tiers de la population.

7- Un succès confirmé jusqu'à nos jours

La Première Guerre mondiale interrompt à peine la frénésie de construction sur la côte de Saint-Palais. Les villas continuent à se multiplier dans les années 1920-1930, notamment dans le Bois du Clocher, à Trez-la-Chasse, mais aussi vers la conche du Platin et le phare de Terre-Nègre. Des centres de vacances, un préventorium et des maisons de repos voient aussi le jour dans l'Entre-deux-guerres : le "Foyer des Grillons", futur "Foyer Creusois", près du Platin, ou encore "Béthanie", maison de repos pour institutrices des écoles privées, développée par Louis-Jean d'Auby. L'offre hôtelière s'accroît avec, entre autres, les établissements "Atlantic-Hôtel" (1929) et "Régina" (1932).

Parmi les embellissements réalisés par la municipalité, la promenade le long de la plage du Bureau est aménagée en 1924-1932, et le chemin de la corniche de Nauzan, devenu public, est amélioré en 1938. L'électricité est installée à partir de 1925, l'adduction d'eau à partir de 1928. Les atouts paysagers de la côte de Saint-Palais sont par ailleurs officiellement reconnus : la corniche des Pierrières est déclarée site classé en 1938, en particulier pour limiter la multiplication anarchique des carrelets (la corniche entre le Puits de l'Auture et la pointe de la Grande Côte sera aussi classée en 1953).

Avec l'arrivée de nombreux entrepreneurs, artisans et commerçants, au Bureau comme dans les hameaux de l'arrière-pays, la population permanente de la commune passe d'environ 800 habitants à la fin du 19 e siècle, à environ 1 200 dans l'Entre-deux-guerres. En été, 5 000 personnes habitent dans la station. Dans l'arrière-pays, on vit encore beaucoup d'agriculture et d'un peu de vignes, en partie replantées après la crise du phylloxéra de la fin du 19e siècle.

En 1940, la commune subit l'occupation allemande comme Royan et ses environs. Des sites et bâtiments sont réquisitionnés (par exemple "Béthanie", l'hôtel "Régina", les villas "Primavera" et "L'Atlantique"). Surtout, à partir de 1943, la côte est truffée d'éléments fortifiés participant au Mur de l'Atlantique. Postes de commandement, casemates ou simples tobrouks (postes de tir) se multiplient entre les Pierrières et le Puits de l'Auture, et surtout à la pointe et à la plage de la Grande Côte. Ces sites sont visés par les bombardements alliés de 1945, tandis que la majeure partie de la ville y échappe. Saint-Palais accueille des réfugiés de Royan, et le cimetière de Courlay compte quelques victimes des bombardements, ainsi que des aviateurs australiens dont l'avion fut abattu le 5 janvier 1945.

Au sortir de la guerre, Saint-Palais se relève vite, la plupart de ses villas ayant été épargnées par les destructions. Le tramway reste à l'arrêt mais ses rails font place à de nouveaux axes routiers : avenue de Pontaillac, avenue de la République, avenue de la Grande Côte. Si le nombre d'habitants permanents n'augmente guère jusque dans les années 1970 (2 127 habitants en 1975), le nombre de visiteurs explose avec l'essor du tourisme de masse. L'urbanisation suit ce mouvement : en 1966, la commune compte 2 000 villas, 18 hôtels-restaurants, 13 campings et 7 colonies de vacances. De nouveaux quartiers voient le jour, à l'image du Bois du Platin dont la vente par l’État avait été réalisée dès 1906, mais dont la mise en lotissement a dû attendre les années 1960. À partir de 1975, un projet urbain remodèle la partie ouest de la station du Bureau : le marché couvert et la salle des fêtes font place à des immeubles d'habitat collectif, la Résidence de Saint-Palais, et à une nouvelle grande place ; une salle de cinéma et un nouveau marché sont édifiés juste à côté, au creux de l'ancien marais du Rat, jusqu'alors occupé par des jardins.

L'essor urbain fulgurant de la commune s'accélère dans les années 1980-2000. D'abord contenue près de la côte, cette rapide vague de constructions relie les anciens hameaux les uns aux autres, et crée une continuité urbaine quasi ininterrompue de la côte à la rocade, sacrifiant les anciens paysages ruraux et agricoles. Au-delà de la rocade, l'urbanisation se heurte au massif forestier. Avec 3 936 habitants permanents et 6 250 logements en 2012, ses cinq plages, ses nombreux campings et résidences de vacances, sa forêt (reconstituée après l'incendie d'août 1976, puis la tempête de décembre 1999), Saint-Palais-sur-Mer est de nos jours une des stations les plus appréciées de la Côte de Beauté.

L'inventaire du patrimoine de la commune a donné lieu à la réalisation de 303 dossiers documentaires, dont 273 sur des éléments bâtis et paysagers et 30 sur des objets mobiliers (dans l'église paroissiale, dans le temple et dans la chapelle Notre-Dame-du-Platin). Parmi les éléments étudiés, 172 ont été sélectionnés pour leur intérêt historique et/ou architectural (dont 27 objets mobiliers) et 124 ont été repérés. Des dossiers de synthèse ont également été réalisés sur des familles d'édifices : les maisons et les fermes, les cimetières protestants.

Le territoire de Saint-Palais-sur-Mer présente un déséquilibre entre ses parties nord et ouest, couvertes de bois, et ses parties sud et est, vouées en grande partie à l'urbanisation. Près de 800 hectares - soit la moitié de la commune - sont recouverts par la forêt domaniale des Combots d'Ansoine, prolongement direct de la forêt de la Coubre et de la Tremblade. Contournée par la rocade de l'agglomération de Royan, qui se prolonge en direction de La Palmyre et de la pointe de la Coubre, cette forêt constitue un immense océan vert entaillé par des allées ou tranchées. L'habitat y est très rare : hameau des Combots, ferme forestière de la Lède. Sous cette couverture forestière, le relief est très accentué, hérité des anciennes dunes de sable que le boisement a fixées au 19e siècle. Ce terrain atteint une altitude de 48 mètres au nord de Maine-Gaudin et s'abaisse en direction de l'ouest, jusqu'à la plage de la Grande Côte.

Partagée avec la commune des Mathes, cette plage, longue au total de plus de quatre kilomètres, est délimitée par une des pointes rocheuses qui scandent la côte de Saint-Palais : la pointe de la Grande Côte. En allant vers le sud-est, cette pointe ouvre une succession de corniches rocheuses et d'anses - ou "conches" - plus ou moins larges, longées par l'ancien chemin des douaniers, du Concié à Nauzan, en passant par le Platin et le Bureau. Au pied des corniches et des villas qui les bordent, des rochers avancent dans les eaux de l'estuaire en formant un seuil qui se découvre à marée basse. Ce "platin" est entaillé d’anfractuosités dans lesquelles les vagues s'engouffrent avec fracas. La pointe et la corniche du Puits de l'Auture, ainsi que la pointe du Pont du Diable, prolongée par la corniche des Pierrières, sont particulièrement découpées et tourmentées par les vagues qui ont modelé les rochers. Au fond des conches, le sable s'étale en pente douce et forme des plages abritées.

Plages, conches et corniches sont surplombées par les villas qui, depuis la fin du 19e siècle, sont venues se fondre dans l'environnement boisé des quartiers du Platin, des Pierrières et de Trez-la-Chasse. Cette frange urbaine en bord de côte est traversée d'allées et d'avenues qui résultent du lotissement de ces anciens bois, eux aussi plantés pour maintenir les dunes de sable. Station balnéaire développée autour de 1900, le Bureau, poumon économique de la commune, s'est implanté autour de la conche du même nom.

Au-delà de la ligne formée par les avenues de Pontaillac, de la République et de la Grande Côte, l'urbanisation de la fin du 19e siècle et du début du 20e s'est ramifiée dans la seconde moitié du 20e siècle, pour former une entité urbaine quasi ininterrompue jusqu'aux limites nord et est de la commune. Les lotissements pavillonnaires ont comblé l'espace qui séparait autrefois les hameaux de l'arrière-pays : Puyraveau, Maine-Gaudin, la Palud, Maine-Jollet, Maine-Bertrand, Courlay, Beaulieu, Chatenet, Berneeac : tous ces lieux-dits sont désormais fondus dans la ville, et les rues et avenues (de Courlay, de la Ganipote, des Tourterelles...) ont succédé aux chemins qui les reliaient.

Cet ancien plateau agricole devenu urbain est interrompu par deux vallons d'axe nord-sud, irrigués par des cours d'eau qui, aujourd'hui canalisés sous la ville, se jettent dans les conches. À l'est, la conche de Nauzan recueille les eaux d'un ruisseau s'écoulant des marais de Bernezac ; à l'ouest, à partir d'une fontaine située au pied du hameau de la Palud, le ruisseau du Rat alimente l'étang du parc de loisirs, puis continue de manière souterraine sous le parking du marché (site qui a tour à tour accueilli des marais, un port et des jardins), jusqu'à la conche du Bureau.

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