Bassin de Lacq

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A la fin des années 1950, la région du Gave de Pau, au cœur du Béarn, devient un véritable complexe industriel dont l’acteur central est la Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine (SNPA). Créée en 1941, cette entreprise se voit, dès l’origine, confier par l’Etat un vaste périmètre de recherches d’hydrocarbures dans le Sud-Ouest. Les ingénieurs ne tardent pas à découvrir des puits producteurs à partir de 1951 autour du village de Lacq et édifient alors une usine de raffinage, de traitement de gaz et de stockage d’hydrocarbures et de soufre. Le gaz découvert, très riche en soufre, va permettre le développement de toute une filière liée à la chimie du soufre : la thiochimie.

Puis, s’installent entre 1957 et 1962, dans un rayon de 5 km autour de l’usine de la SNPA, des sociétés qui vont utiliser le gaz et les hydrocarbures soit comme matière première, soit comme source d’énergie. Dans le premier cas, cela permet le développement de plates-formes industrielles dédiées à la chimie des plastiques et des produits azotés, dans le dernier cas, l’implantation d’une centrale EDF au gaz alimentant une usine de fabrication d’aluminium Péchiney.

Afin de loger la main-d'œuvre et d'organiser au mieux l'installation des usines, la transformation de la plaine agricole de Lacq en plaine industrielle est réglementée par un plan régional d’urbanisme mis au point par le ministère de la reconstruction et du logement. Ce plan concerne 26 communes couvrant environ 17 000 hectares. Une des réalisations majeures de cette aventure est la création d'une ville nouvelle à Mourenx, prévue pour abriter 11 000 personnes alors que le vieux bourg n'en comptait que 200 dans les années 1950.

Ainsi, on peut considérer que ce complexe industriel se rattache à la catégorie des bassins industriels programmés tels que l'a défini le géographe Simon Edelblutte[1]. Il s'agit ici en effet du développement d'un bassin qui s’intègre à la volonté politique d’aménagement du territoire et d’indépendance énergétique de la France des années 1950. A ce titre, il est à rapprocher des bassins industriels de l’Europe de l’Est et plus particulièrement de l’URSS datant de la même époque.

En 1968, le géographe Claude Soucy comptabilise 5531 salariés dans les entreprises du bassin ; en 1988, on en compte 8200 et en 2010, 7800.

En 2013, au terme de plus de 50 ans d’exploitation, l’épuisement du gisement de gaz a entraîné la nécessité de trouver un nouvel équilibre. Après une période difficile de relative déprise industrielle à partir de la fin des années 1980, une nouvelle ère s’ouvre grâce à une forte mobilisation des acteurs locaux en faveur de la reconversion du bassin par le biais de la R&D. En effet, le gaz soufré résiduel doit continuer à être utilisé par la filière thiochimique et de nouvelles implantations consacreront le bassin de Lacq comme un «cluster» majeur dans le domaine de la chimie fine et de spécialités.

[1] Simon Edelblutte. Paysages et territoires de l’industrie en Europe : héritages et renouveaux, Paris, Ellipses, 2009.

L'aire d'étude "bassin de Lacq" comprend les éléments du géosystème constitué à partir de 1957 suite à la découverte du gisement de gaz à Lacq en 1951.

Ces éléments sont constitués des plates-formes industrielles et des lotissements concertés dédiés au logement de la main d’œuvre, dont ceux de la ville nouvelle de Mourenx créée pour l'occasion.

Ce géosystème s'inscrit dans la moyenne vallée du gave de Pau, orientée nord-ouest/sud-est, entre deux lignes de coteaux. Le paysage y est dominé par trois ensembles. Dans le lit majeur du gave, on trouve la "saligue", nom béarnais pour désigner une forêt de chênes et de saules caractéristique de cette zone inondable. Au dessus, la moyenne terrasse, appelée "ribeyre" concentre villages et terres labourables. Enfin, sur les coteaux, on rencontre des formations boisées ou des landes. C'est sur les plaines de la moyenne terrasse que les industries vont s'implanter, transformant ainsi localement la structure des exploitations agricoles et l'habitat vernaculaire.

Les plates-formes industrielles sont toutes constituées d'installations à l'air libre typiques des raffineries et des industries chimiques : canalisations, réacteurs, catalyseurs, cheminées, bassins de rétention, etc. dominent les espaces tandis que les bureaux, à l'architecture fonctionnaliste, n'occupent que 10 à 20 % de la superficie des sites.

La principale plate-forme est celle qui est mise en place autour du gisement de Lacq, sous l'impulsion de la Société nationale des Pétroles d'Aquitaine. Depuis 2000, il s'agit d'une plate-forme multi-exploitants dénommée Induslacq et étendue sur les communes de Mont, de Lacq et d’Abidos. En face, de l'autre côté de la départementale 817, ce trouve le "Groupement de recherche de Lacq" créé à l'origine sous l'appellation "Centre de recherche de Lacq" en 1960 par la SNPA qui regroupe des laboratoires de R&D.

Au sud on trouve la plate-forme de Pardies, installée en partie sur les communes de Noguères, de Pardies et de Bésingrand, historiquement lieu d’implantation d’une usine Péchiney (rasée), d'une usine Rhône-Poulenc (en friche) et d’un site de production d’engrais azotés (aujourd'hui Yara). C'est à l'est de cette plate-forme, dans le village d'Artix, qu'est édifiée une centrale thermique fonctionnant au gaz de Lacq afin d'alimenter jusqu'en 1987 l'usine Péchiney.

Au nord, se trouve le site de la société Arkema, sur la commune de Mont, initialement dédié à la production de plastiques à partir des hydrocarbures.

Pour ce qui est des logements, les ouvriers ont été logés dans des barres et des tours au centre-ville de Mourenx et à Artix (agents EDF) tandis qu'aux contremaîtres et aux cadres ont été attribuées des maisons sur les collines de Mourenx et dans les communes autour de Lacq. Les barres et les tours sont typiques du "Hard French" architectural de la Reconstruction tandis que les maisons, conçues par différents architectes, s'inspirent notamment des courants de l'architecture américaine des années 1950-60.

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