Lazaret de Trompeloup, dit lazaret Marie-Thérèse

France > Nouvelle-Aquitaine > Gironde > Saint-Estèphe

Pour se prémunir de toute contagion par voie maritime, un système de mise en quarantaine est établi en Gironde au début du 18e siècle : les bateaux sont interceptés et mis au mouillage à Patiras.

En application de l’instruction du 22 pluviôse an IV (11 février 1796), le Département de la Gironde et l’Administration maritime mettent en place un "bureau maritime conservateur de la santé à Pauillac". Ce bureau se compose "d'un membre de l'administration municipale, de l'officier des classes de la marine du lieu, d'un officier de santé connu et d'un interprète en langue américaine." Puis, le ministère de la Marine autorise le 17 brumaire an IX (8 novembre 1800) l’établissement d’un lazaret provisoire. Se pose alors la question de son emplacement : l'île de Patiras, servant déjà de poste de quarantaine, est envisagée, mais les inondations fréquentes rendent l'établissement d'un lazaret peu probant.

En 1821, l’épidémie de fièvre jaune frappe l’Espagne et conduit le gouvernement à réagir en créant une commission d’enquête. Plusieurs lois en découlent : l’ordonnance du 27 septembre 1821 qui établit un cordon sanitaire pour filtrer le passage aux frontières terrestres de la Catalogne et met en place une surveillance accrue de la façade maritime méridionale du pays ; la loi du 3 mars 1822 relative à la police sanitaire complétée par l’ordonnance du 20 mars 1822 ; enfin, l’ordonnance du 7 août 1822.

Pour choisir les emplacements des lazarets à construire, une deuxième commission est créée, rattachée au ministre de l’Intérieur. Le rapport qu’elle produit en 1822 fait état de la priorité d’installer un lazaret dans l’estuaire. C'est l'ordonnance du roi du 16 janvier 1822 qui établit le lazaret sur la plage de Trompeloup près Pauillac ; deux possibilités sont envisagées, au sud et au nord du chenal dit de Saint-Vincent : c'est finalement cette dernière option qui est choisie. Les travaux doivent être réalisés rapidement ; des constructions provisoires sont donc préconisées dans un premier temps. La question de la propriété des terrains et de l'indemnisation des propriétaires est source de discussion avec les habitants des hameaux de Mousset et d'Anseillan d'une part, et avec la commune de Saint-Estèphe d'autre part.

En mars 1822, les plans de l'architecte départemental Alexandre Poitevin sont préférés à ceux de l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées. Il se réfère aux modèles gravés accompagnant le rapport de la Commission sanitaire centrale publié en 1822, ainsi qu'à l'ouvrage de Louis Bruyère, édité entre 1823 et 1828. Le plan du lazaret de Trompeloup fait partie des édifices étudiés dans l'ouvrage de Charles Gourlier (et autres) "Choix d'édifices projetés et construits en France depuis le commencement du XIXe siècle", paru entre 1825 et 1850.

Il faut construire rapidement pour que le lazaret soit opérationnel au plus vite ; en attendant des constructions définitives, des baraquements provisoires sont installés. Les travaux du lazaret provisoire sont adjugés à l'entrepreneur Guillaume Escarraguel, le 15 avril 1822 : les murs d'enceinte sont édifiés ainsi que le "bâtiment de l'Administration" et la chapelle, complétés par des baraques en bois : les travaux sont en grande partie terminés dès le mois d'août 1822. En 1824, le coût d'une construction définitive est évalué : 12 pavillons sont notamment projetés pour accueillir les occupants des navires en quarantaine. Les fonds sont finalement alloués en 1825 et les plans de Poitevin peuvent être réalisés. En 1825-1826, la question de la distribution des appartements du logement de l'Administration à construire est débattue. En 1828, la construction d'une caserne destinée à un poste de douaniers est également confiée à Poitevin et à l'entrepreneur Escarraguel.

Dès 1831, les murs d'enceinte du lazaret, à proximité du chenal de Saint-Vincent, menacent de s'effondrer. La même année, l'édification de nouveaux magasins pour le stockage des marchandises des bateaux en quarantaine, et d'un débarcadère est envisagée. Des projets sont proposés par l'architecte départemental Adolphe Thiac.

A partir de 1832, le percement d'un nouveau canal pour l'écoulement des eaux des marais de Lafite est envisagé au nord du lazaret, afin de résoudre les problèmes causés par la proximité et l'envasement du chenal de Saint-Vincent.

De nouveaux travaux sont engagés au lazaret en 1837-1838, sous la direction d'Adolphe Thiac, concernant le réseau hydraulique et de nombreuses réparations, notamment à la toiture de la chapelle.

Un plan daté 1842 indique les bâtiments existants à cette époque.

Entre 1846 et 1849, l'état d'envasement de l'ancien chenal de Saint-Vincent depuis le percement du nouveau chenal au nord pose des problèmes de salubrité pour le lazaret ; le curage est réclamé à cor et à cri.

En 1851, les registres de délibérations de la commune de Pauillac évoquent la suppression du lazaret de Trompeloup : "ce vaste local garni de 8 pavillons et d'un bâtiment considérable entouré de murs élevés se trouve sans emploi" ; la commune propose l'installation d'un dépôt de remonte. Une partie du lazaret est remise au Domaine pour les services sanitaires ; puis l'ensemble est réaffecté au lazaret par un décret de Napoléon III en 1857.

Toutefois en 1858, des plans sont réalisés par l'architecte Bonnore pour déplacer le lazaret. Finalement, ils ne sont pas mis en application et d'importants travaux de restauration des bâtiments existants sont engagés sous la direction de l'architecte A. Labbé, entre 1873 et 1875. Un débarcadère et de nouvelles constructions sont également prévus sur le site agrandi. Un château d'eau est construit. C'est un décret du président de la République qui déclare d'utilité publique l'agrandissement du lazaret de Trompeloup, le 8 février 1876.

Entre 1911 et 1915, le débarcadère est en partie reconstruit en ciment armé. En 1917, la base américaine pour la construction d'hydravions est installée à Trompeloup. Les bâtiments du lazaret accueillent des prisonniers allemands et servent également d’hôpital militaire.

En 1926, le lazaret est désaffecté.

Les bâtiments sont à nouveau occupés en 1937 par les réfugiés espagnols.

Le site est bombardé pendant la Seconde Guerre mondiale, puis l'ensemble est définitivement détruit pour permettre l'extension du site de la raffinerie de pétrole de Pauillac à la fin des années 1960.

Périodes

Principale : 1er quart 19e siècle

Principale : 2e moitié 19e siècle

Auteurs Auteur : Poitevin Pierre Alexandre,
Auteur : Thiac Joseph-Adolphe

Formé par son père, Pierre-Jean-Baptiste, ingénieur-architecte, il est l'élève de maîtres parisiens Huyot et Guénepin (1919-1821). Il achève ses études par un voyage en Italie en 1824. Ses commandes privées à Bordeaux sont nombreuses : hôtels Barennes, Pairier et Bouscasse sur les allées de Chartres entre 1835 et 1843. En 1835, il est chargé de la construction du bazar bordelais. Architecte du département de la Gironde de 1830 à 1855, il mène les travaux d'entretien, de restauration et de construction des édifices civils et religieux : agrandissement de la préfecture (hôtel de Saige), prisons départementales. Il réalise les tribunaux de Blaye et de Lesparrre et, à Bordeaux, deux bâtiments majeurs : le Palais de Justice (1831-1846) et l’institution des sourdes et muettes de la rue Abbé-de-l'Epée (1834-1870). S'ajoute à cette riche carrière architecturale une intense vie publique : membre de la Commission des Monuments historiques en 1840, Thiac est également conseiller municipal puis adjoint au maire de Bordeaux.

, architecte départemental (attribution par source)
Auteur : Labbé Pierre-Auguste

Architecte du département de la Gironde à partir de 1855. Il eut 4 fils et une fille. Deux de ses fils sont également architectes : Jean-Louis, né en 1847, et Pierre-Albert, né en 1848.

, architecte départemental (attribution par source)
Auteur : Escarraguel Guillaume

1778 (Lasserre-de-Prouille, Aude) - 1863 (Pauillac). Souvent nommé Escarraguel père dans la documentation.

, entrepreneur de maçonnerie (attribution par source)
Auteur : Maurin Albert, architecte (attribution par source)

Aucun vestige du lazaret n'est conservé de nos jours.

Les documents d'archives permettent de le situer au nord du chenal de Trompeloup, sur le site du dépôt pétrolier de Pauillac. Ce chenal constituait encore au début du 19e siècle la limite entre les communes de Pauillac et de Saint-Estèphe, le lazaret étant donc implanté sur cette dernière.

A distance de la Gironde, le site était clos de murs et cerné d'un "chemin de ronde" de protection. Les bâtiments étaient répartis dans un vaste carré de 130 mètres de côté, de manière symétrique de part et d'autre d'un axe central marqué par la porte d'entrée, la chapelle et le pavillon de l'administration.

Une fois passée la porte d'entrée à l'est, deux bâtiments se faisaient face abritant le logement "des préposés à l'assainissement des marchandises et la salle de fumigations" et le logement "des commis aux écritures et du portier".

Au nord de l'axe principal un pavillon, la buanderie accompagnée d'un logement et les infirmeries ; en pendant au sud, deux "magasins et un espace libre pour déposer et assainir les marchandises" étaient disposés parallèlement.

En progressant à l'ouest, on trouvait la chapelle construite au milieu d'une "grande place plantée d'arbres" : de part et d'autre, dans des espaces compartimentés, étaient installés au nord les "pavillons des quarantenaires en patente brute" (c'est-à-dire infectés) surveillés par deux logements de gardiens ; au sud, les "pavillons des quarantenaires en patente nette" (c'est-à-dire non infectés, donc en simple observation) également contrôlés par des logements de gardiens.

Enfin dans la partie ouest du site se trouvait le pavillon d'Administration encadré de la "cantine et du logement du cantinier", complété par deux édifices abritant le "portier et le dépôt des lettres et paquets venant de terre" d'une part et la "salle pour baigner les quarantenaires à leur sortie du lazaret", d'autre part.

Sur le site étaient répartis des "robinets donnant de l'eau (...) au moyen de tuyaux de conduite".

Les plans et élévations conservés permettent de connaître l'aspect de ces bâtiments ; la chapelle figure également sur des cartes postales du début du 20e siècle : on observe d'ailleurs qu'elle diffère légèrement des plans de Poitevin avec un fronton triangulaire que l'architecte n'avait semble-t-il pas prévu dans un premier temps. Une autre carte postale donne un point de vue depuis le débarcadère avec le magasin construit sur les bords de la Gironde par Adolphe Thiac.

Toits
État de conservation
  1. détruit

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Gironde , Saint-Estèphe

Milieu d'implantation: isolé

Lieu-dit/quartier: Prairies de Saint-Vincent

Cadastre: 2015 OA 1951, 1825 A5 1620

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