Abbaye de la Grâce-Notre-Dame de Charron, actuellement maison

France > Nouvelle-Aquitaine > Charente-Maritime > Charron

L'abbaye cistercienne de la Grâce-Notre-Dame de Charron est fondée en 1188 par Richard, futur roi d'Angleterre. fondation confirmée en 1199 par sa mère, Aliénor d'Aquitaine. Il s'agit d'une abbaye d'hommes, dépendant de celle de la Grâce-Dieu de Benon. Elle est l'une des rares abbayes (comme Maillezais, Saint-Michel-en-l'Herm et Moreilles) implantées au coeur même du Marais poitevin, sur une de ses anciennes îles, et non au bord de l'ancien continent. L'un des premiers prieurs connus est Aymericus ou Aimeri, mentionné en 1220. Huit squelettes ont été mis au jour dans la partie nord du jardin de l'ancienne abbaye, sans pouvoir en déterminer l'origine (moines, pèlerins ?). Les biens et ressources de l'abbaye sont complétés entre 1188 et 1192 par des donations de Geoffroy Ostorius, seigneur de Marans. C'est ainsi que l'abbaye de Charron devient propriétaire dans les marais de l'Alouette, à Marans, dont elle va entreprendre dès 1192 le dessèchement avec les Templiers de Bernay et l'abbaye Saint-Léonard-des-Chaumes. Il s'agit là d'une des premières initiatives de dessèchement mise en oeuvre dans le Marais poitevin. Le cartulaire de l'abbaye mentionne d'autres donations au cours des décennies et siècles suivants. Parmi les biens de l'abbaye figurent la métairie et les marais de la Palle, à l'est de Charron.

Dès le début des guerres de Religion, l'abbaye est détruite par les troupes protestantes. Dans les années 1590 encore, son prieur, François Bonnault, est absent de l'abbaye en raison des troubles. A partir de 1614, le nouveau prieur, dom Pierre Bagou entreprend de la reconstruire ; une inscription rappelant cette reconstruction figurait au-dessus d'une porte de l'abbaye : ANNO 1120 FUNDATA, 1562 DEMOLITA ET SOLO ADAEQUATA, 1614 PLENA MACERIA, ET DUMO, RUBO, URTICA REPERTA, ABHINC INSTRAURARI INCHOATA, AUGE ME ET CONSERVA. Ce relèvement n'est toutefois que progressif : en 1648, l'abbaye ne compte qu'un seul moine qui loge chez l'habitant, les bâtiments conventuels n'étant pas encore tous relevés. La chapelle est reconstruite vers 1680. A la même époque, l'abbaye abrite une école. La carte de la région par Claude Masse, en 1701, fait apparaître un clos de mur avec, en son sein, à l'est, un jardin et, au centre, trois corps de bâtiments formant un U, ouvert vers l'ouest. Le mémoire qui accompagne la carte précise que "l'église est assez jolie et le couvent peu considérable, où il n'y a que trois ou quatre religieux de l'ordre de saint Bernard".

A cette époque, puis pendant les années 1720-1730, d'importants travaux sont menés à l'abbaye, comme en témoignent des procès-verbaux de visites réalisées entre 1705 et 1740 par les prieurs de l'abbaye de la Grâce-Dieu, ainsi que les registres de comptes de l'abbaye. L'aile orientale actuelle résulte probablement de cette campagne de construction. En 1705, l'abbaye n'a pas encore de cloître et les travaux sont suspendus ; on relève que la vie des moines est perturbée par une fréquentation trop assidue d'un cabaret à Marans ! En 1706, on remarque qu'une balustrade sépare la nef et le choeur de la petite église abbatiale ; la sacristie contient des pièces d'orfèvrerie, des ornements et linges liturgiques et des livres ; le dortoir comprend sept chambres dont une au-dessus de la sacristie, une autre au-dessus d'une cuisine, avec une cheminée sur laquelle sont placés un tableau de saint Benoît et un autre de saint Laurent ; l'abbaye comporte aussi un réfectoire, une bibliothèque, une écurie, un cellier, une cave, un grenier et un four. En avril 1725, 2200 briques sont achetées à Maître Mignonneau pour la construction de "la double cheminée de la nouvelle salle". La visite de 1726 souligne la présence d'arbres dans la basse cour, servant à abriter l'abbaye du vent. Le jardin est clos de murs, avec des tourelles aux angles. Les récoltes de blés et de vins issues des différentes dépendances de l'abbaye sont entreposées dans le grenier, la cave et le cellier.

La visite de 1734 indique qu'un corps de logis servant de dortoir, en simple rez-de-chaussée, vient d'être construit (sans doute l'aile orientale actuelle). Ce bâtiment comprend une sacristie, six chambres et un vestibule au milieu, avec des caves voûtées sous une partie du bâtiment. Contigu au précédent, un autre bâtiment (au sud ?) abrite une "salle des dépenses", une cuisine et des commodités, ainsi que deux chambres qui restent à terminer. Ces deux bâtiments sont bordés par le cloître dont le sol n'est pas encore pavé et dont les murs ne sont pas encore crépis ni blanchis. Le prieur achève la visite par cette recommandation : "Nous n’avons pas été moins charmés d’y voir régner la paix et l’union, tant par la prudence, douceur et bonnes manières de dom prieur, que par la soumission et respect de dom Didelot pour dom prieur. Nous ne pouvons trop les exhorter les uns et les autres à entretenir et regarder cette union comme un précieux trésor sans lequel on ne peut être heureux." En revanche, les améliorations apportées à l'époque à l'abbaye ne concernent pas l'église abbatiale : en 1740, on relève que son toit en ardoises présente des fuites et que ses vitres sont délabrées, "ce qui donne entrée dans l'église aux pigeons et autres oiseaux qui font leurs ordures sur les autels".

Dans les années 1770-1780, l'abbaye participe au dessèchement des marais de Charron et Andilly. Pour ce faire, elle emprunte en 1784 8000 livres à M. Gilbert, chanoine de la cathédrale de La Rochelle, et à sa soeur, Jeanne Magdeleine Gilbert. Dès la fin de l'année 1790, les biens mobiliers de l'abbaye sont saisis comme bien nationaux. Une liste en est dressée le 27 novembre 1790. Le 27 janvier 1791, un procès-verbal mentionne la sacristie et son orfèvrerie, une cloche, la bibliothèque, quatre chambres dont celle du prieur et une contigüe à la sacristie et faisant face au jardin. La cloche, l'orfèvrerie et les archives de l'abbaye sont emmenés à Marans. Les autres biens sont saisis en avril, malgré les protestations du prieur François Bauteney qui vit là seul avec une servante et un jeune domestique, et qui a déjà subi un pillage quelques mois plus tôt. Une partie du mobilier est clandestinement mise à l'abri à l'auberge du Cheval Blanc, au Bas Bizet, par le prieur Bauteney, mais ces meubles sont ramenés à l'abbaye le 29 juin pour y être vendus aux enchères. Le 27 mai 1791, ce sont les biens immobiliers de l'abbaye qui sont mis en vente. L'essentiel est acquis pour 21.017 livres par Pierre Martin de Chassiron pour le compte de Pierre Charles Chertemps de Seuil, ancien seigneur de Charron, pas encore parti en émigration. Parmi ces biens figurent la maison abbatiale, d'anciens marais salants et des prés misottières situés au-delà des digues, à l'ouest du bourg.

Sur le plan cadastral de 1820, seules les ailes orientale et sud de l'ancienne maison abbatiale existent encore, avec un bâtiment plus petit à l'ouest. A cette date, l'ancienne abbaye appartient à André Simonneau (1761-1830), maire de Charron, époux de Rose Goureau.

Périodes

Principale : Moyen Age, 2e quart 18e siècle

Le site de l'ancienne abbaye se trouve sur le versant sud de l'ancienne île des Groies et Bourg-Chapon. Il surplombe les marais (anciens marais salants) qui s'étendent au sud. Des anciens bâtiments de l'abbaye, il ne reste plus essentiellement que deux ailes perpendiculaires, au sud et à l'est, chacune appartenant à deux propriétaires différents. Elles entourent une cour dont le sol a été surélevé par remblaiement. Dans cette cour se trouve un puits, placé dans le mur mitoyen de séparation de la cour. Peut-être s'agissait-il du puits qui se trouve généralement au centre d'un cloître.

L'aile orientale, sans doute édifiée à la fin du 17e siècle ou au début du 18e, a été en grande partie transformée en dépendance (grange-étable) au 19e siècle, mais elle conserve d'importants éléments architecturaux antérieurs, ceux de l'ancien bâtiment monastique. Le corps de bâtiment, de plan rectangulaire, est couvert d'un toit à longs pans que soulignent, sur les murs gouttereaux, des corniches moulurées, en pierre de taille. L'élévation ouest est percée de deux grandes baies en plein cintre, sans doute murées au 19e siècle. En bas à gauche de cette élévation, se trouve une moitié d'arc, sans doute les vestiges d'une ouverture plus ancienne que les précédentes, utilisée lorsque le niveau du sol de la cour était plus bas. Des graffitis représentant des bateaux sont visibles sur plusieurs pierres de l'élévation ouest et du mur pignon nord.

La partie sud de l'aile orientale est restée habitable. Elle est séparée de la partie nord par un couloir qui donne sur le jardin, à l'est, par une large porte surmontée d'une petite baie, le tout sans doute percé à la fin du 17e siècle ou au début du 18e siècle. L'élévation est de cette partie sud est percée d'une grande fenêtre remontant à la même période. Cette partie de l'aile orientale règne, à son extrémité sud, sur une cave voûtée et, dans l'angle formé avec l'aile sud, sur un espace également en sous-sol. Cet espace communiquait avec le sous-sol de l'aile sud, comme le montre une ouverture en plein cintre, murée. Des éléments de maçonnerie antérieurs à la construction de l'aile (Moyen Age) ont été mis au jour dans cet espace, avec quelques éléments de mobilier (aiguilles, tessons...). Un ancien chapiteau (issu du cloître ?) s'y trouve aussi.

A l'est de cette aile s'étend le jardin clos de murs, autrefois quadrillé d'allées dont une menait vers le sud, en direction des marais, via un portail. Comme pour la cour, le niveau de son sol a été surélevé par remblaiement. Un puits est incorporé dans le mur de clôture est. Enfin, des sarcophages découverts au nord-est du jardin semblent attester la présence d'un cimetière (moines, pèlerins de passage ?).

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : moellon

    Revêtement : enduit

Toits
  1. tuile creuse
Étages

en rez-de-chaussée

Couvertures
  1. Forme de la couverture : toit à longs pans

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Charente-Maritime , Charron , 59 rue des Groies

Milieu d'implantation: en écart

Lieu-dit/quartier: Abbaye (l')

Cadastre: 1820 A 1119, 2016 AD 50

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