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Le mobilier de l'église paroissiale Saint-Jean-Baptiste-Notre-Dame-des-Infirmes
France > Nouvelle-Aquitaine > Pyrénées-Atlantiques > Eaux-Bonnes
Historique
L’église Notre-Dame-des-Infirmes, bâtie après l’érection de la nouvelle paroisse d’Eaux-Bonnes, ne contient, du fait même de sa création ex nihilo, presque aucune œuvre antérieure aux années 1840. A l'exception de quelques œuvres plastiques (deux statues de la Vierge et un tableau) et d'une chaire à prêcher classique (disparue), mobilier et décor porté ont été conçus ou acquis spécifiquement pour le nouvel édifice érigé de 1864 à 1884. Toutefois, les circonstances particulières de leur constitution, due essentiellement à des dons (souvent anonymes) de riches curistes fréquentant la station thermale, expliquent la rareté des sources d’archives qui auraient permis de documenter avec précision ses différents éléments. Seules de rares mentions dans la presse locale et quelques inscriptions, armoiries ou dates apposées sur ces œuvres pallient en partie cette carence documentaire. Elles identifient ainsi quelques-uns des donateurs, issus de la bourgeoisie parisienne (la famille Moreau-Nélaton), de l’aristocratie et du monde industriel (Albert de Curel et Joséphine de Wendel, Quintina de Chapartegui-Abaroa) ou de maisons régnantes européennes (Clotilde de Savoie, princesse Napoléon, Michel Stourdza, prince de Moldavie).
L’ensemble exceptionnel des dix autels en marbre des Pyrénées semble avoir été installé progressivement, comme le montrent les dates gravées sur l’autel de saint Étienne (1873) et sur le maître-autel (1879). Le dernier est signé de l’architecte Émile Loupot, et du marbrier oloronais Jean-Baptiste Hum, à qui pourrait revenir la plupart, voire la totalité de ces meubles d’une belle homogénéité stylistique et ornementale.
Comme les autels, l’essentiel des autres œuvres signées est de fabrication locale : le fondeur tarbais Ursulin Dencausse livre trois cloches en 1877, 1890 et 1892 ; l’abbé Xavier Montaut, peintre-décorateur à Oloron, réalise en 1880 et 1890-1892 les peintures ornementales et symboliques qui couvrent l’intégralité des murs et des voûtes.
Au contraire du mobilier, la vitrerie de l’église présente une grande hétérogénéité de formes et de styles, certainement imputable à la multiplicité des donateurs, qui ont pu à l’évidence imposer leurs choix individuels, tant celui des verriers que celui des thèmes iconographiques (saints patrons, dévotions personnelles, etc.). La disparate est particulièrement criante dans la vitrerie des fenêtres hautes de la nef, où coexistent pas moins de trois modèles différents de verrières à personnage, et dans les collatéraux, où les vitraux se présentent par paires ou en unica. Même diversité dans la provenance des verrières signées, qui mêlent productions locales (l’Oloronais Auguste Montaut et le Palois Jules-Pierre Mauméjean, 1873), régionales (le Bordelais Gustave-Pierre Dagrant, 1881 et 1883) et étrangères au Sud-Ouest (le Clermontois Lucien Chatain, 1879).
La sacristie conserve un vestiaire complet aux couleurs liturgiques, datant du tournant des 19e et 20e siècles, ainsi qu’un riche ensemble d’objets cultuels de la même époque, sorti d’ateliers parisiens (Jamain et Chevron, Demarquet frères) et lyonnais (Favier frères, Berger et Nesme, Bouvard).
L’ensemble constitué dans les décennies qui suivirent la construction de l’église n’a subi que peu de changements au 20e siècle. La fabrique de céramique d’Édouard Cazaux fournit vers 1950 un nouveau chemin de croix et revêt les murs du chœur de panneaux vernissés, remplaçant en partie les peintures néogothiques de l’abbé Montaut. La réforme liturgique consécutive au concile Vatican II entraîne la suppression de la chaire à prêcher, sans affecter le reste du mobilier.
Détail de l'historique
Informations complémentaires
Historique du décor et du mobilier (Viviane Delpech)
Si des représentations des décors de la première chapelle néoclassique n'ont pu être mises au jour, l'ornementation de l'église néogothique définitive se caractérise, elle, par une richesse exceptionnelle, d'autant plus lorsqu'elle est mise en rapport avec les proportions topographiques et les capacités financières de la commune. Cela met en lumière une réelle volonté de construire et d'assumer une image de prestige destinée non pas à la population locale mais aux élites nationales et internationales. La décoration et le mobilier ont été pensés en cohérence avec le style architectural, composant ainsi un ensemble homogène et unitaire où architecture et ornementation sont interdépendantes, tel que le prescrivent les théories de Viollet-le-Duc et de l'école diocésaine durant le second 19e siècle.
Peintures murales néogothiques
Comme dans de nombreux édifices cultuels de l'époque, les décors originels, de style néogothique, consistent en une importante part de peintures murales polychromes, mettant en valeur le système architectonique en s'appuyant sur des couleurs tranchées qui illuminent l'intérieur et, associées aux verrières chatoyantes, favorisent les jeux d'ombre et de lumière. Ces peintures murales, participant ainsi à la composition d'une ambiance mystique propice au recueillement, ornaient à l'origine à la fois la nef et le sanctuaire. En ce qui concerne l'iconographie de ces peintures, apposées sur de l'enduit sec - à la différence de la fresque où elles sont appliquées sur enduit frais -, elle renvoie sans surprise à l'imaginaire chrétien. L'architecte joue ici sur une superposition des registres, récurrente dans l'ornementation médiévale et néogothique, destinée à produire un effet d'équilibre entre la verticalité et le déploiement horizontal de l'édifice. Dans la nef, les murs dominant les voûtes sont ainsi ornés d'un appareil fictif jaune d'or, où sont parsemés des médaillons circulaires comportant des emblèmes et des prières latines dédiées à la vierge. A gauche: Stella Matutina, Foederis Arca, Turris Davidica, Vas Insigne Devotionis, Vas Spirituale, Speculum Justitiae, Regina Rosarii, Regina Martyrum, Regina Prophetarum, Regina Angelorum. A droite: Regina Patriarcharum, Regina Apostolorum, Regina Confessorum, Regina Virginum, Sedes Sapientiae, Vas Honorabile, Rosa Mystica, Turris Eburnea, Domus Aurea, Janua Coeli.
Les voûtes de la nef et des bas-côtés sont, quant à elles, surlignées de frises florales mêlant les inspirations médiévales et les répertoires indo-persans en vogue dans le mouvement éclectique du Second Empire et de la Troisième République, sur fonds bleu, rouge ou jaune d'or, les trois couleurs primordiales de la décoration gothique selon les théories viollet-le-duciennes. La voûte du chœur adopte les motifs ordinaires de la voûte gothique avec son arrière-plan bleu rehaussé d'étoiles dorées simulant le firmament.
Dans le chœur, derrière le maître-autel et sous les céramiques Art Déco installées durant l'entre-deux-guerres, se déroulent en lettres dorées sur fond bleu les noms des commanditaires, des mécènes ainsi que des peintres exécutants de l'église : "DUCELLIER. EP. ED. DAGUERRE. CAN. PAR : MAR. TAVERNE. LOC. MAG : P. LAGOUARRE. MARIANNE. R. BERNIS. P. MAULEON. J. SENS-CARRERE. ECC. ADM : NORMAND. LAGANGUERE. MOURLANE. PICTADJ. MENS. M. IO. ANN. MDCCCLXXX. PINX. INV. F.X. MONTAUT. PRES. O. F. F. R. OLORONENSIS" (Ducellier évêque, Edmond Daguerre Chanoine et curé ; Marcellin Taverne maire du lieu ; P. Lagouarre, Marianne, R. Bernis, P. Mauléon, J. Sens-Carrère, administrateurs de la fabrique ; Normand, Laganguere, Mourlane. … année 1880, peint et inventé par François-Xavier Montaut, prêtre d'Oloron)".
Verrières néogothiques
La vitrerie de l'église est l'œuvre de trois peintres-verriers, hétérogénéité sans doute due aux choix divergents des différents donateurs. Le Palois Jules-Pierre Mauméjean fournit en 1877 les rosaces des portes latérales et de la tour-clocher. Un an plus tard, l'architecte Gabarret commande au Clermontois Louis Chastain les verrières de l'abside, offertes par le prince Michel Stourdza (1794-1884), ancien prince régnant de Moldavie, et par sa seconde épouse Smaragda Vogoridi. En 1881, enfin le Bordelais Gustave-Pierre Dagrand pose les verrières de la nef.
Les vitraux appartiennent à une production néogothique banale dans la seconde moitié du 19e siècle. Ceux du sanctuaire ne sont pas uniquement dédiés aux figures tutélaires de la paroisse. Le vitrail central se compose de deux scènes superposées consacrées à la vierge, d'une facture traditionnelle: en bas, Marie au pied de la croix ; en haut, l'Assomption. A gauche, sont représentés saint Joseph et un archange, aux pieds desquels figure la signature du maître verrier "L. Chastain, 1879" et un cartouche garni de l'inscription "Amour et reconnaissance à Notre Dame Salut des Infirmes et à saint Joseph". A droite, se présente un vitrail à l'effigie de saint Michel terrassant le dragon, au-dessous duquel s'insère l'inscription en hommage aux mécènes de ces décors, accompagnée de leurs armoiries, mécènes auxquels le choix de saint Michel est une allusion manifeste : "S.A. [Son Altesse] le Prince Michel Stourdza [Sturdza], ancien prince régnant de Moldavie ; S.A. la Princesse Smaragda [Émeraude] Stourdza née Vogoridès".
Dans la nef, les vitraux des tribunes déploient une théorie de saints martyrs et leurs attributs apportant leur protection à la paroisse thermale. A gauche en entrant: saint Benoît de Nursie avec sa règle manuscrite et son calice empoisonné, sainte Élisabeth de Hongrie, sa couronne et son panier de fleurs, l'apôtre saint Paul, son glaive et son parchemin, saint Louis et la couronne d'épines du Christ, l'évangéliste saint Mathieu avec sa plume et un ange. A droite de l'entrée, se trouvent: saint Jacques le Majeur et son bâton de pèlerin, l'évangéliste saint Jean (St. Ioannes Evang.) et son manuscrit de l'Apocalypse, saint Jérôme de Stridon (St. Hieronimus, doctor) traducteur de la bible, saint Jean de Dieu, fondateur de l'ordre des Hospitaliers et patron des malades, saint Ignace de Loyola arborant les insignes de la Compagnie de Jésus dont il est le fondateur.
Enfin, le cœur de la rosace du clocher représente saint Louis tenant la couronne d'épines, relique christique qu'il acheta à l'empereur de Constantinople et pour laquelle il fit édifier la Sainte-Chapelle de Paris, tandis qu'un petit vitrail quadrilobé sous le porche figure un portrait de la vierge.
Sculpture et mobilier néogothiques
L'église d'Eaux-Bonnes se caractérise en outre par la richesse de son mobilier et de sa sculpture ornementale.
Dès l'entrée, les niches insérées à la base de la tour du clocher, qui abrite un porche dans-œuvre, sont ornées de sculptures, notamment de saint Michel terrassant le dragon et de sainte Jeanne d'Arc. A droite de l'entrée, est apposée la plaque de la consécration de l'église en 1884 avec les figures renommées du monde ecclésiastique et local y ayant assisté: "L’église et le maître-autel ont été consacrés le jour de l’Ascension 29 mai 1884 par Mgr Xavier Ducellier Evêque de Bayonne. Présents à cette cérémonie : M. Lasserre Grand Vicaire ; M. Salefranque Chanoine Maître des cérémonies ; M. Conderanne Chanoine honoraire archiprêtre ; M. Sempé Chanoine honoraire résidant à Pau ; M. Daguerre chanoine honoraire curé d’Eaux-Bonnes ; M. Monsarrat curé doyen de Laruns ; M. Baylac chanoine honoraire de Lorette A(umôni)er des Eaux-Chaudes ; M. Capdevielle curé d’Aas ; M. Sahouret curé de Louvie Soubiron ; M. Lasserre secrétaire particulier de Monseigneur; M. Montaut Xavier prêtre résidant à Oloron ; R.P. Sarthou prêtre maître de Bétharram ; R.P. Larraillet, idem ; R.P. Paillas, idem ; R.P. Dufau, idem ; R.P. Fargues, idem ---- M. Lagouarre président de la fabrique ; M. Marianne président du bureau ; M. Bernis trésorier de la fabrique ; M. Mauléon et M. Sens fabriciens ; M. Courrèges Charles cimenteur : M. Esturonne Jean idem".
Les bas-côtés sont ornés au total de huit autels néogothiques sculptés en marbre blanc, incrustés de dorure ou de pierre rouge et surmontés de sculptures polychromes représentant leurs saints titulaires. A droite: sainte Thérèse d'Avila, saint François d'Assise, et deux autels liés à la famille bienfaitrice Moreau Nélaton, en l'occurrence celui de saint Étienne (dont l'inscription indique qu'il fut donné par Adolphe Étienne Auguste M. N. en 1873) et Notre Dame du Mont Carmel (dont la statue de la Vierge en bois fut généreusement offerte par la même famille). A gauche : saint Joseph, saint Vincent de Paul, sainte Anne et saint Antoine de Padoue. Les Moreau-Nélaton, dont le père - Adolphe Moreau - avait partiellement financé l'aménagement de la Promenade Horizontale, offrirent aussi à la ville plusieurs tableaux religieux (une réplique agrandie de La Vierge consolatrice des affligés conservée à l'église Saint-Denis-du-Saint-Sacrement à Paris, une copie de La Visitation de Raphaël alors au Louvre), des objets cultuels (un calice en argent, six chandeliers), une Vierge en argent et une Vierge de l'Ave Maria encore placée sur l'autel du Mont-Carmel).
Au centre du chœur, trône le spectaculaire maître-autel néogothique en marbre blanc dessiné par l'architecte Émile Loupot, dont il porte la signature ainsi que celle du marbrier oloronais Jean-Baptiste Hum et le nom du commanditaire, l'abbé Daguerre. Il fut inauguré le 29 mai 1884. La sculpture, louée par la presse locale, en fut exécutée par l'artiste catalan Pau Rodo i Samaranch installé entre Pau et Cauterets. Ces bas-reliefs évoquent, avec une probable inversion des épisodes latéraux, la Visitation, l'Adoration des bergers et l'Annonciation.
A côté du maître-autel, dans le chœur, se trouve la sépulture de l'abbé Daguerre, initiateur de la paroisse des Eaux-Bonnes, ornée d'une épitaphe indiquant : "Ici repose le corps de M. l'abbé Daguerre, chanoine honoraire né en 1830, décédé en 1895, fondateur de la paroisse d'Eaux-Bonnes, 1868-1895".
L'ensemble du mobilier en bois, en particulier les bancs et le confessionnal, adopte, dans la lignée des préceptes de l'école diocésaine et sans originalité, le style néogothique. Leurs modèles, mêlant formes à ogives, jours trilobés et pilastres, circulaient dans les catalogues d'ornement et autres recueils d'architecture et ont donné lieu à une production à la fois artisanale et redondante. Les fonts baptismaux, en revanche, se distinguent par l'élégance de leur marbre blanc, composant une unité décorative avec les retables, ainsi que leurs références moins manifestes - quoique présentes - à l'art médiéval. Le bassin est composé de deux blocs assemblés symétriquement formant une sorte de calice dont le pied est orné de méplats végétaux et de perles, empruntés au répertoire de la peinture murale néogothique. Les orifices présents à la jonction des deux blocs suggèrent la disparition d'un élément, peut-être en élévation, ou d'un motif ornemental supplémentaire.
Une première cloche est exécutée en 1877 par le fondeur Ursulin Dencausse, alors installé à Sous, près de Tarbes. Payée en 1881, elle est suivie par deux autres cloches, refondues entre 1890 et 1892 par le même artisan, qui accepte par ailleurs de graver gratuitement les inscriptions d'usage.
Décors Art Déco
Pendant l'entre-deux-guerres, les décors en céramique d'Édouard Cazaux se substituent aux peintures murales du chœur. Le parti Art Déco, avec ses formes stylisées et épurées, contraste radicalement avec l'ornementation néogothique de l'édifice, quoique les références médiévales s'y manifestent également. Le céramiste opte pour une mosaïque aux nuances bleues luxuriantes, au sein de laquelle il insère une série de médaillons quadrilobés figurant des scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament. Le registre sommital des réalisations de Cazaux représente plusieurs scènes bibliques: au centre, la vierge ; à gauche, des anges en prière surmontés des colombes du saint Esprit ; à droite le baptême du Christ dans le Jourdain par saint Jean-Baptiste, qui, du point de vue esthétique, illustre l'influence grandissante du mouvement cubiste et présente en particulier une parenté évidente avec les fameuses Demoiselles d'Avignon de Picasso, œuvre réalisée en 1907. Sur les tympans des deux portes latérales menant à la sacristie, il insère un panneau représentant une série de personnages composant l'ethnotype ossalois et mettant en exergue la sensibilité régionaliste du mouvement Art Déco.
Dans le même esprit, Cazaux conçoit un singulier chemin de croix dont les stations sont disséminées, comme le veut l'usage, sur les piliers du pourtour de la nef. Le céramiste biarrot a vraisemblablement réalisé aussi l'imposant vase à dominante bleue et aux motifs floraux relevant de la facture stylisée et parfois naïve du mouvement Art Déco qui se trouve non loin du sanctuaire, près de l'autel du Mont-Carmel.
Viviane DELPECH
Type de dossier |
Mobilier |
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Référence du dossier |
IM64004053 |
Dossier réalisé par |
Delpech Viviane
Maisonnave Jean-Philippe |
Cadre d'étude |
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Date d'enquête |
2018 |
Copyrights |
(c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel |
Citer ce contenu |
Le mobilier de l'église paroissiale Saint-Jean-Baptiste-Notre-Dame-des-Infirmes, Dossier réalisé par Delpech Viviane, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/f3bb33dc-a56b-4650-a25b-fbef2a95a296 |
Titre courant |
Le mobilier de l'église paroissiale Saint-Jean-Baptiste-Notre-Dame-des-Infirmes |
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Parties constituantes non étudiées |
verrière banc d'oeuvre custode coquille de baptême navette à encens statue médaillon harmonium |