Patrimoine et inventaire de Nouvelle-Aquitaine

Cette demeure présente, pour les plus anciens, des éléments semblant remonter au 16e siècle (linteau de baie en accolade, petite baie à encadrement chanfreiné), tout en ayant probablement été reprise aux 17e, 18e et 19e siècles. Au 18e siècle, habitait là la famille Texier qui a donné plusieurs notables à La Ronde comme à Taugon, dont certains très actifs dans l'aménagement et la gestion des marais desséchés. Parmi eux, Etienne Texier, marchand, est fermier seigneurial de Taugon dans les années 1730, mais aussi fermier général de cabanes de marais desséchés pour le compte de leurs propriétaires. En 1715, il épouse Jeanne-Catherine Poulet, parente de Gastien Léger et Jean-Jacques d'Abbadie, parmi les principaux acteurs du dessèchement des marais de Taugon-La Ronde à la fin du 17e siècle.

Parmi leurs nombreux enfants, Etienne Benjamin Texier naît à La Ronde, probablement dans cette maison-ci, le 20 novembre 1724. Entré au Corps royal d'artillerie comme cadet en 1748, nommé lieutenant en 1756, il commence alors une brillante carrière dans la Marine royale puis sous la Révolution : capitaine d'artillerie en 1765, capitaine de vaisseau en 1780, directeur de l'artillerie de Marine à Toulon en 1786. Député de Toulon à la Fête de la fédération à Paris le 14 juillet 1790, il est promu contre-amiral en juin 1792. Entre temps, en 1769, il a été très grièvement blessé par l'explosion d'un mortier expérimental, perdant l'usage de son oeil et du bras droits. On lui doit des réflexions et publications novatrices sur l'artillerie navale. Membre correspondant de l'Académie des Sciences en 1785, il est aussi membre de l'Académie de Marine. Quittant le service actif en 1793, il se retire sur ses terres natales de La Ronde où il meurt le 20 janvier 1797. En 1883, lors de travaux menés dans le cimetière de La Ronde, on retrouvera l'épée du contre-amiral, remise en 1886 à deux de ses descendants, Jean-Marie Constance et Marie-Paul-Léandre Texier, négociants à La Rochelle.

Etienne Benjamin Texier se fait parfois appeler Texier de Norbecq, du nom des marais de Norbecq ou Norbec, à Marans, dans le dessèchement desquels, réalisés en 1767-1768, intervient son frère, Clément Texier, et dans lesquels il est sans doute lui-même possessionné. Fermier général de cabanes de marais desséchés comme son père, cumulant ainsi fonctions et revenus, Clément Texier est caissier de la Société des marais desséchés de Taugon-La Ronde dans les années 1770. Engagé dans le dessèchement des marais de Norbec, il est aussi fermier de la seigneurie d'Andilly-les-Marais où il possède aussi des terres, et, en 1775, il se fait adjuger les travaux de curage du Contrebot de Vix. Surtout, il se fait le représentant et conseiller du ministre Henri-Léonard Bertin, acquéreur et principal dessiccateur des marais de Boëre à partir de 1774. En 1782, lorsqu'il s'en retire, Bertin cède même à Clément Texier l'essentiel de ses marais, et celui-ci devient le directeur de la nouvelle Société des marais desséchés de Boëre. Il occupe ce poste jusqu'en 1791.

La propriété apparaît sur le plan cadastral de 1812. Appartenant aux héritiers Texier, elle englobe la demeure, le long de la rue, et d'autres bâtiments (dépendances, communs ?) à l'ouest, en fond de cour. Elle figure ensuite sur le plan cadastral de 1867, et la demeure sur la rue apparaît alors morcelée en trois parcelles : au sud, une maison appartenant à Louis Savin époux Richard ; au centre et au nord, une maison et des dépendances appartenant à Pierre Bouyer époux Savin. Ils en ont probablement hérité de leurs parents et beaux-parents, Etienne Savin (1792-1883) et Jeanne-Françoise Micheau (1788-1851).

Le souvenir du contre-amiral Texier, probablement né et mort ici, s'estompa jusqu'en 1938, lorsque l'Académie des Sciences interrogea la mairie de La Ronde à son sujet, dans le cadre de l'établissement d'une liste de ses anciens correspondants. Quant à la plaque commémorative, elle fut apposée en 1987.