Ligugé : présentation de la commune

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Des origines à la Révolution

Les origines de l’occupation du territoire

L’actuelle commune de Ligugé est née le 3 novembre 1819, par l’union de la commune de Mezeaux avec celle de Ligugé.

Sur cet espace, les plus anciennes traces humaines pourraient remonter aux époques préhistorique et protohistorique. Pierre Amédée Brouillet (membre de la Société des Antiquaires de l’Ouest) évoque, en 1864, des outils en silex et des ossements d’animaux qu’il aurait mis au jour, en fouillant la caverne du Roc-Saint-Jean dite aussi Grotte-au-Loup. D’autres objets découverts près de l’abbaye suggèrent également une présence à des époques reculées.

Cependant, l’occupation de l’homme n'est attestée par des vestiges conservés qu'à partir de l’Antiquité gallo-romaine. Les aqueducs du Cimeau, de Basse-Fontaine, et de la Reynière, particulièrement bien préservés, alimentaient en eau la cité de Limonum (actuelle Poitiers). Près de l’église de Ligugé, plusieurs structures remontent également à cette époque. Elles étaient autrefois interprétées comme les traces d’une villa. Aujourd’hui, les chercheurs parlent plutôt d’un lieu de culte. De plus, l’une des plus anciennes mentions connues du nom de Ligugé, c’est-à-dire Locoteiaco (vers le 6e siècle), proviendrait d’une forme encore plus ancienne qui pourrait signifier, d’après les études les plus récentes, « maison de Lug » en référence à un lieu de célébration du dieu Lug ; les interprétations les plus anciennes parlent de « lieu de petites cabanes »). La voie romaine Poitiers-Bordeaux traverse également la commune.

Ligugé et son abbaye

À partir de la fin de l'Antiquité et jusqu’à la Révolution, l’histoire de Ligugé est étroitement liée avec celle de l’abbaye Saint-Martin.

Vers 361, Martin, ancien soldat originaire de Pannonie, arrive à Ligugé. Probablement inspiré par ses voyages en Orient et avec l'aide d'Hilaire, évêque de Poitiers, il s'y installe comme ermite. Certains de ses disciples le rejoignent. Ainsi serait née la première communauté monastique des Gaules, voire même de tout l'Occident. Vers 371, Martin devient évêque de Tours et meurt en 397 au monastère qu'il a fondé à Candes-Saint-Martin. La dalle funéraire d'Ariomeres, trouvée lors de fouilles près de l'église, suggère une continuité de l'occupation du monastère au 5e siècle.

Le monastère croît à l’époque mérovingienne, puis carolingienne, grâce au développement du culte martinien. La période des 9e et 10e siècles n’est pas très bien connue faute de sources. L’occupation des lieux semble alors se réduire et même disparaître. Au début du 11e siècle, la vie monastique est rétablie par Aumode, comtesse du Poitou. Au 12e siècle et peut-être avant, le monastère de Ligugé est placé sous la dépendance de l’abbaye de Maillezais, dont il devient un prieuré. Par la suite, la guerre de Cent Ans n'épargne pas le site: il est ravagé vers 1359 par les partisans du roi de France qui craignent l'installation d'une garnison anglaise. Le prieuré semble retrouver une vie normale assez rapidement après ces événements.

Au début du 16e siècle, il passe sous le régime de la commende, droit par lequel le roi confère un bénéfice ecclésiastique à un clerc ou à un laïc, qui touche alors les revenus d'une abbaye. Un de ses prieurs commendataires, Geoffroy d'Estissac contribue à restaurer et à embellir les lieux. Ami de ce dernier, François Rabelais aurait séjourné à Ligugé à cette même époque. Dans la seconde moitié du 16e siècle, le prieuré subit les tourments des guerres de Religion. En 1607, les jésuites du collège royal de Poitiers reçoivent en don le prieuré, qu'ils occuperont jusqu’à leur expulsion du royaume, dans les années 1760. Après leur départ, l'église devient paroissiale, en remplacement de l'église Saint-Paul, située vers le croisement de la rue du Paradis et de la rue Clément Péruchon, alors en mauvais était.

À la Révolution, les autres biens de l’ancien prieuré sont vendus comme biens nationaux et les ruines de l’ancienne église Saint-Paul sont cédées quelques années plus tard.

Au fil des siècles, le bourg se développe près du monastère. L'église Saint-Paul a certainement aussi été un pôle d'attraction de l'habitat. Le reste du territoire est occupé par quelques fermes dispersées comme Givray et Cinq-Noyers.

L'ancienne paroisse de Mezeaux

L’histoire de Mezeaux est moins bien connue. Le toponyme pourrait provenir de Mazel ou Mazeil et suggère qu’il existait au Moyen Âge une léproserie. La terre de Mezeaux aurait appartenu vers le 9e siècle aux comtes de Poitou, puis serait passée vers le 10e ou 11e siècle aux seigneurs de Lusignan. Une église existe à Mezeaux au moins depuis le début du 11e siècle, époque à laquelle elle est donnée à l’abbaye Saint-Cyprien de Poitiers. À partir du 12e siècle ou du 13e siècle, elle appartient à l’abbaye de Fontaine-le-Comte. Elle reste dans sa possession jusqu’à la Révolution.

Le prieuré et l’église Saint-Vincent forment sous l’Ancien Régime le cœur de la paroisse éponyme. Cette dernière est gérée par un curé-prieur. Cependant, aucun bourg ne se développe à Mezaux et l’habitat est très dispersé : il se compose de nombreuses fermes (métairies ou borderies) disséminées sur le territoire de la paroisse de Mezeaux. Certaines d'entre elles sont de grandes propriétés qui comportent parfois une maison de maître. Parmi elles se distinguent le château de la Mothe et le château de la Reynière, dont les propriétaires possèdent généralement de nombreux biens et terres.

De la Révolution à nos jours

La Révolution et le 19e siècle

À la fin de l’Ancien Régime, Ligugé dépend de la châtellenie, de la sénéchaussée et de l’élection de Poitiers. Mezeaux appartient à la même sénéchaussée et à la même élection, mais fait partie de la châtellenie de Lusignan. Au plan religieux, les deux paroisses sont liées à l’archiprêtré de Lusignan. La haute et la basse justice sont détenues par le prieur de Ligugé pour Ligugé et par l’abbaye de Fontaine-le-Comte pour Mezeaux. À la Révolution, Ligugé et Mezeaux forment deux communes distinctes. Elles appartiennent au canton de Croutelle, puis, à partir de 1801, au canton de Poitiers-sud. La paroisse Saint-Vincent (Mezeaux) est assez rapidement rattachée à la paroisse Saint-Paul (Ligugé). Sur le plan politico-administratif, l’union est plus tardive, elle est prononcée en 1819 par l’ordonnance royale du 3 novembre. Cela marque le début de la commune sous sa forme actuelle.

Durant le 19e siècle, la commune connaît de nombreux changements. La population croît considérablement (634 habitants en 1821, 1 588 en 1896). Cette augmentation est liée à plusieurs facteurs comme le développement des industries (filature, imprimerie, fours à chaux) et des moyens de communication (routes, ponts, chemin de fer, gare), la modernisation et l'aménagement de la commune (mairie, écoles, lavoirs, cimetières...), la multiplication des commerces et la proximité avec Poitiers.

Au milieu des années 1850, les moines sont de retour à Ligugé grâce aux largesses de Mgr Pie, évêque de Poitiers et dépendent désormais de l’abbaye de Solesmes. Le monastère devient un lieu de pèlerinage qui attire de nombreuses personnes dont des écrivains comme Huysmans. L'histoire de l'abbaye contribue à la renommée de Ligugé.

Dans la seconde moitié du 19e siècle, la destruction de nombreuses vignes ravagées par le phylloxéra transforme le paysage agricole et le visage de la commune.

Le bourg se densifie et s'étend. Dans le centre, les maisons anciennes sont modifiées ou reconstruites. Le hameau de Virolet connaît une croissance importante et devient presque un second bourg. Dans la campagne, les fermes anciennes sont modernisées et quelques fermes nouvelles sont construites.

Du 20e siècle à nos jours

Au 20e siècle, Ligugé, malgré les guerres, poursuit son développement et sa modernisation : accès à l'eau, accès à l’électricité, améliorations des voies de communication, rénovation ou construction de bâtiments publics ...

La proximité avec Poitiers a des conséquences importantes pour la commune. Le développement des transports et des grands centres commerciaux poitevins semble avoir eu des effets plutôt négatifs sur les petits commerces ligugéens qui disparaissent, en partie, durant la seconde moitié du 20e siècle, et ce, malgré l'augmentation de la population. De plus, en 1976, la commune doit faire face à la fermeture du site de la filature qui met au chômage de nombreux habitants. La réorganisation des voies de communication affecte aussi la vie ligugéenne.

Cependant, cette proximité a également des effets positifs. À partir des années 1950 jusqu'à aujourd'hui, la population connaît une importante croissance démographique liée à la création des lotissements (1 568 habitants en 1954, 2 817 en 1999, 3 265 en 2014) pour accueillir des familles majoritairement attirées par Poitiers. À la fin des années 1960 et au début des années 1970, la Mutuelle de Poitiers Assurance installe son siège social et ses bureaux à Ligugé. De plus, les municipalités successives aménagent la commune pour la rendre vivante et attractive, par la construction d'équipements publics : écoles, stades, bibliothèque...

Au milieu du 20e siècle, les moines s'associent avec de grands artistes (Rouault, Braque, Marchand, Manessier, Goerg, ...) pour produire des émaux. Le rayonnement de ces œuvres participent à la renommée du monastère. La production d'émaux a été remplacée, depuis 2002, par la fabrication d'une pâtisserie régionale : le SCOFA (Sucre, Crème, Œufs, Farine et Amandes).

Aujourd'hui, Ligugé possède de nombreux atouts historiques et patrimoniaux lui permettant d'être un centre culturel et touristique majeur dans le paysage poitevin. La renaissance du site de la filature depuis quelques années montre également le dynamisme et le potentiel ligugéen pour rester un espace attractif. La commune se distingue aussi par la mise en place d'évènements culturels comme le festival de la BD qui attire, le temps d'un week-end, plusieurs milliers de personnes au domaine de Givray.

Les paysages ligugéens : entre vallées verdoyantes et brandes

La commune de Ligugé est située sur le Seuil du Poitou, c’est-à-dire le lieu de rencontre des bassins sédimentaires parisien et aquitain. Elle a, par cette position exceptionnelle, la chance de posséder des paysages riches et variés s’inscrivant entre vallées et plateaux. Les paysages verdoyants de la commune sont aussi marqués par les nombreux cours d’eau.

La vallée du Clain...

À l’extrémité est de Ligugé, le Clain constitue une limite naturelle avec les communes voisines de Saint-Benoît et de Smarves. Bien qu’en marge de l’espace ligugéen, la rivière est un élément important de son territoire et de son histoire. Sur le territoire communal, la vallée du Clain forme un paysage très contrasté entre des zones naturelles et des zones très urbanisées.

Les bords de la rivière sont protégés par des espaces boisés entourés de quelques champs. Les arbres rendent souvent difficile l’observation et l’accès au cours d’eau. Au sud, les îles de Pont et le Granit sont des espaces protégés en tant que Zone Naturelle d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique de type I (ZNIEFF). Le lieu-dit du Granit était autrefois une carrière d’extraction de granite. En effet, cette zone est située sur un horst (il s’agit ici d’une surélévation granitique). Aujourd’hui, la nature a repris ses droits, si bien qu’il faut maintenant préserver les espèces qui s’y sont réinstallées.

Bien en retrait de la rivière se trouve le bourg de Ligugé. C’est là où se concentre une grande partie de la population et où l’urbanisme est le plus marqué. Depuis très longtemps, le Clain a fait l’objet d’aménagements par les riverains. Peut-être dès le 13e siècle, un détournement est pratiqué pour irriguer les champs de l’Aubray à l’est de l’actuelle abbaye Saint-Martin. Ce bras artificiel est nommé le Divan. Au 19e siècle, la municipalité installe un lavoir sur la rive gauche. D’après le cadastre de 1837, les forces du Clain et ses détournements servent à alimenter un moulin à farine, un moulin à papier et un moulin à trèfles. Le moulin à farine est remplacé au cours du 19e siècle par ce qui deviendra la filature. Les environs de l’usine font l’objet d’importants travaux donnant naissance au plan d’eau dit de la filature. Ce dernier est aussi utilisé pour les loisirs comme en témoignent les anciennes cartes postales de la « Plage ».

Si l’homme a cherché à maîtriser la rivière, cette dernière se montre parfois capricieuse et indomptable, laissant le souvenir d'inondations.

… ses affluents…

Le Clain est rejoint par plusieurs affluents à Ligugé. Ces derniers sont au cœur de vallées marquant profondément le paysage.

L’affluent le plus important est la Menuse, elle-même rejointe par un autre cours d’eau du nom de la Feuillante. Ici aussi, l’homme a cherché à apprivoiser la puissance de l’eau depuis très longtemps, comme en témoignent les vestiges des aqueducs gallo-romains du Cimeau et de Basse-Fontaine. Plus tard, la Menuse alimente le moulin de la Reynière et le moulin du Cimeau. Plus récemment, c’est le tracé et le franchissement des ruisseaux que l’homme a tenté de maîtriser. Aujourd’hui, les coteaux et les plateaux surmontant la vallée de la Menuse et de la Feuillante se caractérisent principalement par leur épaisse couverture forestière formant le Bois de Ligugé. Ce dernier est aussi une Zone Naturelle d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique de type 1.

La vallée de la Menuse est aussi marquée, de par la nature des sols, par la présence de cavités ou grottes comme la grotte Saint-Jean. Vers le hameau de Virolet, le sol est riche en calcaire. Au 19e siècle, il est exploité pour alimenter des fours à chaux (il en existe au moins trois en 1837).

La vallée du ruisseau de Monplaisir forme un paysage assez particulier à Ligugé. La partie centrale de la vallée, plane et bien exposée au soleil, est occupée presque entièrement par des jardins. Ces derniers semblent avoir été liés autrefois à la filature de Ligugé. Au 19e siècle, la municipalité a fait aménager un lavoir, au même moment que le lavoir situé sur le Divan.

Les plateaux

Le sud-ouest de la commune est composé de plateaux. L’inventaire régional des paysages de Poitou-Charentes utilise le terme de terres de brandes pour désigner cette partie de la commune car le sol argileux, acide et humide a permis le développement de la bruyère (brande). Le paysage se constitue d’espaces principalement plats et cultivés avec en arrière-plan quelques zones boisées, des haies et des arbres isolés.

Les ruptures dans les paysages

La présence humaine a entraîné la création de ruptures très visibles dans les paysages. Il s’agit des axes de communication.

Il existe deux lignes de chemin de fer à Ligugé : la ligne Poitiers-Angoulême, qui traverse la commune à l’est selon un axe nord-sud, et la ligne Paris-La Rochelle, qui traverse Ligugé au nord selon un axe est-ouest.

Au centre ouest, la commune est aussi traversée par la RN 10 selon un axe nord-sud. La route coupe la commune en deux parties, « isolant » la partie ouest de la partie est. Les modifications du tracé ont eu d’importantes conséquences sur la vie des habitants du hameau de Virolet et sur les paysages limitrophes. En effet, la route a été au 19e siècle l’un des facteurs du développement de ce hameau. Au 20e siècle, les évolutions du tracé ont plutôt freiné la croissance de Virolet.

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