Patrimoine et inventaire de Nouvelle-Aquitaine

Le Mignon ou rivière de Mauzé apparaît sur les cartes de la région par Claude Masse au début du 18e siècle, puis sur les plans cadastraux napoléoniens, notamment ceux de Saint-Hilaire-la-Palud en 1808 et de La Ronde en 1812. Depuis le Moyen Age, le Mignon assure la frontière entre l'Aunis et une enclave du Bas-Poitou comprenant les paroisses d'Arçais et Saint-Hilaire-la-Palud. L'ancienne rivière, aujourd'hui appelée le Vieux Mignon, marque ensuite la limite entre les communes de La Grève-sur-Mignon et La Ronde d'une part, et Saint-Hilaire-la-Palud d'autre part, passant par les hameaux de la Névoire et la Roche, puis longeant la digue des marais desséchés de Boëre jusqu'au nord-est de la Croix des Bouquets. Là, l'ancienne rivière forme un coude pour s'écouler en direction de l'ouest et de Guérine, empruntant ensuite l'actuel canal de Virecourt puis le Vieux Béjou, après avoir été rejointe par le canal de Forges ou canal de Saint-Hilaire-la-Palud à Marans, autrement appelé Vieille Sèvre par Claude Masse. Aux 17e et 18e siècles, les crues du Mignon posent d'importants soucis aux syndicats de propriétaires chargés de dessécher les marais de Boëre, Taugon et La Ronde, au point de forcer le retranchement des marais de Boëre dans les années 1670, avant leur dessèchement dans les années 1770.

Pour mieux contrôler la rivière et ses débordements, causes d'inondations mais aussi d'insalubrité, et pour permettre une meilleure navigation commerciale à partir de Mauzé, la canalisation du Mignon fait partie des grands projets d'aménagement du bassin de la Sèvre Niortaise conçus notamment par l'ingénieur Mesnager au début du 19e siècle. La version de ce programme présentée en 1821 comprend le tracé du futur canal qui vient à la fois transpercer et éviter les derniers méandres de la vieille rivière, à travers les marais des Forges, des Carterons et des Arrentements, jusqu'à Bazoin. Un avant-projet d'aménagement du Mignon est approuvé dès le 15 juillet 1822 et confirmé après enquête publique le 23 juillet 1825, mais il ne concerne dans un premier temps que la moitié aval de la rivière, et encore partiellement. L'ordonnance royale du 24 août 1833 qui encadre la plupart des grands travaux menés au cours des décennies suivantes dans le bassin de la Sèvre Niortaise, et qui reprend en grande partie les projets de Mesnager, intègre la canalisation du Mignon, mais celle-ci va continuer à se faire progressivement et par étapes.

Sur la commune de La Ronde, la canalisation se limite pour l'instant à la portion comprise entre les Forges et les Arrentements, les eaux du Mignon continuant ensuite à emprunter le Vieux Béjou pour rejoindre la Sèvre Niortaise à Bazoin. Ce chantier est adjugé le 2 septembre 1837 à Louis Antoine Alexandre Ledoux, entrepreneur à Damvix. Mais le 15 juin 1839, un arrêté du préfet des Deux-Sèvres constate que celui-ci a donné une mauvaise direction au canal. Il résilie l'adjudication et attribue le chantier à MM. Boutheiller et Manteau. Les terrains nécessaires sont achetés par l'Etat en 1838. L'opération avance pourtant lentement. En 1840, Louis-Benjamin Fleuriau de Bellevue, notable du département et des marais desséchés, proteste contre le fait que nouveau canal, rectiligne, vient interrompre une ancienne route d'eau appelée la Longée. En 1844, la portion à canaliser n'est pas tout à fait terminée : il manque 1076 mètres dont le creusement est adjugé, le 21 mars, à Piere Aubert, entrepreneur à Niort.

Quelques jours plus tôt, le 10 février 1844, est adopté un projet qui consiste à relier directement et en ligne droite le Mignon canalisé, à partir des Arrentements, commune de La Ronde, à la Sèvre Niortaise, à Bazoin, par une nouvelle portion de canal parallèle au Vieux Béjou. Ainsi, le nouveau canal du Mignon ne se prolongerait plus par le Vieux Béjou, trop étroit, mais aurait son propre débouché dans la Sèvre. Pour bien séparer le nouveau cours du Mignon de celui du Vieux Béjou, une petite dérivation de celui-ci est créée au niveau des Arrentements, comme le montre un plan parcellaire établi le 25 novembre 1845.

Ensuite, le 25 décembre 1845, l'ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées Lambert présente un nouveau plan qui prévoit cette fois d'étendre la canalisation en amont jusqu'au port de Mauzé, avec une succession d'écluses er de biefs en amont de La Grève-sur-Mignon pour gérer les niveaux d'eau sur le nouveau canal. La partie aval du canal, elle, restera libre. Le creusement du canal, commencé en aval dès 1825, se poursuit donc en ces années 1840, jusqu'au sud de La Grève-sur-Mignon et Saint-Hilaire-la-Palud (à hauteur de Sazay et du Port des Gueux). Ce vaste chantier va toutefois s'éterniser en amont, la liaison avec le port de Mauzé n'étant véritablement réalisée que dans les années 1880. L'arrivée du chemin de fer, qui rend le commerce par voie d'eau bien moins profitable, rend alors caduque l'ouvrage à peine terminé. Il conserve toutefois un rôle essentiel pour l'évacuation de l'eau et la gestion de ses niveaux.