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Présentation de l'aire d'étude : Corpus Vitrearum
France > Nouvelle-Aquitaine
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Corpus Vitrearum : Les vitraux anciens du Limousin
Introduction
Comme l’observait l’archéologue Jules Renouvier dès 1839, « on ne doit pas s’attendre à trouver dans le Midi des exemples de peinture sur verre aussi multipliés que dans certaines provinces du Nord. Si on met hors du rang, en Gascogne, les admirables verrières d’Auch, et en Auvergne, celles de Clermont et de Riom, la rareté des fragments qu’on rencontre dans le Midi indique suffisamment que cet art n’y prit pas un grand développement. La pratique de cet art étonnant ne fut cependant pas tout à fait négligée dans nos provinces. Limoges, si célèbre par la fabrication de ses émaux, eut aussi certainement des peintres verriers. Leurs ouvrages se sont conservés en partie dans les églises de Saint-Étienne et de Saint-Pierre… »1. Comparé aux régions de la moitié septentrionale de la France et même à l’Auvergne, le Limousin n’a certes gardé qu’un nombre passablement réduit de verrières du Moyen Âge et de la Renaissance. Les résultats de l’enquête font cependant apparaître que, à côté d’ensembles justement connus comme celui du 12e siècle conservé à Aubazines ou celui du 15e siècle du chœur de la collégiale d’Eymoutiers, la région possède des vitraux anciens d’une grande variété, dispersés dans ses trois départements et restés quasiment inédits. Comme le vitrage du 14e et du 16e siècle de la cathédrale de Limoges, qui n’a jamais fait l’objet d’une étude spécifique à l’inverse des compléments qu’il a reçus au 19e siècle, toutes ces œuvres participent d’un champ artistique qui ne saurait être tenu pour mineur. Elles méritent d’être replacées dans le contexte général de la production de leur époque, non sans prendre en compte les pertes que la région a subies.
Contexte géographique, bilan historiographique
La présente étude porte sur un espace réputé dès l’origine « à géométrie variable » : il a notamment perdu, lors de la création des trois départements en 1790, la Dordogne et la Charente limousine tout en regagnant la Basse-Marche, que couvre pour l’essentiel le département de la Creuse. La cohésion de la région a survécu à travers les limites médiévales du diocèse de Limoges, qui n’ont pas varié de 1317 à 17902, borné au nord par l’archevêché de Bourges dont il dépendait, puis en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre, par les évêchés de Moulins, de Clermont, de Tulle, de Périgueux, d’Angoulême et de Poitiers3. L’influence que peut avoir exercé ce voisinage sur la production artistique locale reste toutefois difficile à percevoir. Si certaines œuvres d’art ont fait l’objet d’importation, par exemple le retable de saint Éloi de l’église de Crocq4, tout juste peut-on suggérer, dans le domaine exploré ici, que deux ou trois des verrières analysées ont pu être produites hors des confins du Limousin. Limoges, où les peintres verriers paraissent avoir été nombreux à toute époque, est assurément le seul foyer d’importance. Quand on réalise que, des quatre paroisses - dont la cathédrale - maintenues dans la ville après le Concordat, trois conservent des œuvres sorties de leurs ateliers, on prend la mesure des pertes engendrées par la disparition des neuf églises qui s’ajoutaient avant la Révolution, en plus de celles des grands couvents5. Au début du 18e siècle, Roger de Gaignières avait d’ailleurs fait relever des armoiries qui figuraient dans les verrières qui ornaient les chapelles des Carmes, des Cordeliers et des Jacobins, ou celle de l’abbaye de la Règle6.
Quelques spécimens de vitraux avaient déjà attiré l’attention de Charles-Nicolas Allou sous le Premier Empire, mentionnés dans sa Description des monumens des différents âges observés dans le département de la Haute-Vienne publiée en 1821. L’Historique monumental de l’ancienne province du Limousin de Jean-Baptiste Tripon, paru en 1837, ne néglige pas non plus ce domaine. Mais c’est à l’abbé Texier qu’on doit, dès 1846, une étude thématique pionnière en France, qui fait toujours autorité et qui, si elle n’est pas tout à fait exhaustive, livre un état des lieux d’autant plus précieux que les œuvres enregistrées ont souvent été modifiées par la suite7. Ce prêtre qui mena parallèlement des recherches fondatrices sur l’émaillerie, sur l’iconographie ou sur les anciennes inscriptions de sa Province, n’est pas seulement une figure centrale de l’archéologie locale mais l’une des personnalités majeures de l’histoire de l’art de son temps. Son immense érudition, inlassablement mise au service du patrimoine de sa région, était reconnue de son vivant, ce dont témoignent les régulières citations dont l’honoraient les publications de la Société française d’Archéologie. À la veille d’entreprendre la grande restauration de la cathédrale de Limoges, l’architecte diocésain Pierre-Prosper Chabrol émit du reste le vœu que lui soit adjoint ce savant : « Il serait attaché à nos travaux au même titre que M. de Guilhermy à ceux de la Sainte-Chapelle dirigés par M. Duban »8.
L’action de Jacques-Rémi-Antoine Texier, né à Limoges en 1813, mort en 1859, ne s’exerça pourtant qu’en une vingtaine d’années à peine, sans pour autant lui faire abandonner tout autre centre d’intérêt. Séminariste en 1831, il devint pour cinq ans curé d’Auriat en 1838. Nommé fin 1846, à l’âge de 33 ans, supérieur du petit séminaire du Dorat, il y établit un cours d’archéologie, à l’instar de l’abbé François Caneto au petit séminaire d’Auch ou de l’abbé Joseph Brune dans celui de Rennes, dans le but de sensibiliser ses contemporains aux vestiges du passé et de promouvoir « un art religieux moderne par le modèle ancien »9. Le programme des leçons qu’il y dispensa durant onze ans est connu par les Annales archéologiques, revue à laquelle il offrit une dizaine d’articles. Le contenu de ses cours transparaît aussi de manière très vivante dans la correspondance qu’il entretint pendant deux décennies avec le comte Charles de Montalembert, qui l’appelait « le défenseur des belles choses » et lui attribuait la sauvegarde de nombre de monuments limousins10. L’érudit était déjà très informé du domaine du vitrail lorsqu’il communiqua sur l’émaillerie devant les membres de la Société française d’Archéologie en 184011, où il évoqua les procédés de la peinture sur verre « retrouvés ou améliorés par M. Frank de Munich, M. Brongniart [le directeur de la manufacture de Sèves], et plus près de Limoges, MM. Thibaut et Thévenot [les peintres verriers pionniers établis à Clermont-Ferrand] ». Ses recherches étaient à la fois méthodiquement appuyées sur la prospection faite sur le terrain et sur la collecte des sources. Il utilisa ainsi le De Administratione de l’abbé Suger, qu’il avait trouvé dans l’Histoire de Saint-Denis de Dom Michel Félibien, ou le fameux traité pratique du moine Théophile publié en 1843 par le comte de L’Escalopier, portant du reste un regard critique sur cette traduction12. Ses travaux donnèrent une réelle impulsion à l’intérêt porté localement à cette catégorie d’œuvres : nombreuses sont les restaurations de verrières entreprises au lendemain de sa mort, qui témoignent de cette prise de conscience.
Les sociétés savantes, tôt implantées en Limousin et remarquablement actives dans les trois départements jusqu’à l’époque contemporaine, étaient animées à leurs débuts par des personnalités comme Maurice Ardant (1793-1867), archiviste de la Haute-Vienne, nommé en 1840 inspecteur des Monuments historiques. C’est sous leur égide que furent éditées nombre de sources anciennes. L’abbé Jean-Baptiste-Louis Roy-Pierrefitte (1819-1865) diffusa ainsi à partir de 1856 le Nobiliaire du diocèse et de la généralité de Limoges de Joseph Nadaud (1712-1775), dont l’abbé Arbellot réédita et augmenta en 1860 le Tableau chronologique des évêques de Limoges, et dont le chanoine Lecler publia le Pouillé historique du diocèse en plus de 800 pages dans le bulletin de la Société archéologique du Limousin de 1903. L’histoire des vitraux de la région bénéficia bien entendu de la vitalité de ces revues. Parurent dans ce cadre divers articles spécialisés renvoyant tous au premier recensement établi par l’abbé Texier, lequel devait rester le seul point de référence dans les publications nationales du 19e et du 20e siècle. L’abbé André Lecler (1834-1920), auquel on doit les outils fondamentaux que sont les Dictionnaires historiques de la Creuse et de la Haute-Vienne, rédigea en 1867 un essai sur le sujet13. Des auteurs tels que Louis Guibert (1840-1904) ou, à la génération suivante, Albert Labrouhe de Laborderie et Louis Lacrocq, ou l’héraldiste Joseph Boulaud, dont la contribution fut publiée à titre posthume en 1943, revinrent également sur l’incontournable texte de 1846 pour corriger des points de détail - couleur d’un blason à Eymoutiers, nombre des panneaux conservés à Saint-Symphorien-sur-Couze -, et plus rarement pour augmenter cet inventaire. La meilleure part de leur tâche fut de le remettre à jour lorsque les verrières décrites avant le milieu du 19e siècle avaient été transformées par les restaurations ultérieures, cas de celles de l’église Saint-Michel-des-Lions de Limoges et de celles de la cathédrale, à laquelle le chanoine François Arbellot (1816-1900) puis René Fage (1848-1929) consacrèrent des monographies. Certaines de ces publications exploitent de précieuses notes restées inédites, notamment celles de l’historien de l’ancienne province de la Marche Pierre Robert, magistrat au Dorat (1589-1658)14, ou celles d’Auguste Bosvieux (1831-1871), archiviste de la Creuse de 1851 – à l’âge de vingt ans ! - à 1864, qui avait légué ses manuscrits aux archives départementales de la Haute-Vienne15. Au cours des dernières décennies, enfin, les recherches topographiques du service de l’Inventaire général, implanté en 1976 dans la région, ont ajouté à ces travaux érudits en établissant une documentation méthodique, en étudiant de manière approfondie des dossiers tels que celui de la collégiale d’Eymoutiers, et en découvrant des vitraux comme ceux conservés à l’église de Noailles ou au château de Nieul, protégés depuis qu’elles les ont fait connaître.
Les vitraux romans et leur fortune critique
Plusieurs régions de France peuvent produire des chroniques qui assurent que l’art du vitrail y était pratiqué dès l’époque carolingienne. C’est le cas du Limousin : l’historien Adémar de Chabannes, mort vers 1030, rapporte que la basilique Saint-Sauveur de Limoges avait été consacrée en octobre 830 en présence de l’empereur Louis le Pieux, et que le corps de saint Martial fut alors déposé « dans la crypte du grand vitrail », derrière l’autel16. Ce vitrail, du reste, s’inscrivait peut-être dans une tradition déjà ancienne : les fouilles archéologiques entreprises en 2005 au nord du chevet de la cathédrale, à l’emplacement où s’élevait le baptistère bâti autour de l’an 400, ont livré quelques fragments de verres teintés qui pourraient remonter à la fin du 6e siècle, si ce n’est plus haut17. Mais les premières verrières conservées sont bien plus tardives, comme partout ailleurs.
Au nombre des vitraux que l’abbé Texier a révélés figurent en première place, tant du point de vue chronologique que pour ce qu’ils représentent dans l’histoire de l’art médiéval, ceux de deux abbayes cisterciennes du 12e siècle, Aubazines en Corrèze, et Bonlieu, située sur la commune de Peyrat-La-Nonière dans la Creuse. La publication desdites verrières en 1850 dans les Annales archéologiques fonde les multiples recherches relatives à ce type d’œuvres jusqu’à l’époque contemporaine, dans toute l’Europe et aux États-Unis18. Les circonstances qui ont établi le renom universel de ces vitraux limousins tiennent essentiellement aux destinées d’un des panneaux creusois. D’après sa correspondance, l’abbé Texier avait visité Aubazines avant 1839, sans soupçonner que les vitreries incolores qui fermaient certaines des fenêtres de l’église pouvaient remonter au Moyen Âge : L’Art de la peinture sur verre et de la vitrerie de Pierre Le Vieil (1774) lui avait appris que les praticiens du 18e siècle travaillaient le verre blanc en des assemblages parfois complexes. C’est en découvrant, en 1843, des panneaux analogues dans les ruines du chœur de l’abbatiale de Bonlieu qu’il s’avisa de l’intérêt de ces vitraux si particuliers. Fort d’une enquête historique tirée de Baluze et de Mabillon sur les deux monastères, il y revint afin de parfaire son étude archéologique : avant de séjourner à Aubazines en 1849, il était retourné à Bonlieu dès 1844. Or, à l’occasion de cette seconde visite, le propriétaire des bâtiments laissa à l’« inventeur » de ces vitraux le plaisir d’en emporter un échantillon, le panneau cintré du sommet de la fenêtre axiale, devenu le seul élément aujourd’hui connu de cet ensemble. L’abbé Texier le décrivit et en donna une illustration en 1846 dans son Histoire de la peinture sur verre, puis en fit cadeau à Adolphe Didron, le directeur des Annales. Ce dernier fit aussitôt savoir qu’il tenait ce vitrail peu ordinaire à la disposition des curieux, incitant les peintres verriers à le prendre pour modèle19 : en 1850, il le présentait déjà dans le « musée de l’industrie archéologique » associé à l’atelier qu’il venait de créer rue Hautefeuille à Paris20. L’œuvre resta par la suite accessible au public, prêtée par son successeur Édouard Didron à Lucien Magne, qui l’exposa en 1884 dans la préfiguration du musée du Vitrail installé dans une salle du Palais de l’Industrie21. C’est là l’origine de la notoriété du panneau de Bonlieu, admiré de tous les amateurs d’archéologie et inlassablement signalé, voire reproduit, dans les ouvrages spécialisés parus de 1860 au début du 20e siècle dans divers pays. L’objet passa enfin, sans qu’on en suive le cheminement exact, de la collection Didron à celle de Michel Acézat (1878-1944), peintre verrier qui rassembla un nombre considérable de vitraux de toutes époques à partir des années 1910. Le panneau, préempté par l’État en 1969, à l’occasion de la dispersion de cette collection, se trouve depuis conservé au dépôt des Monuments historiques de Champs-sur-Marne.
Parce qu’elle caractérise parfaitement l’esthétique et la technique des vitraux cisterciens plus tard célébrés par Émile Mâle pour leur austère noblesse22, l’étude que l’abbé Texier fit paraître en 1850 eut d’emblée un grand retentissement : le panneau qui provient de l’abbatiale de Bonlieu et les quatre verrières conservées dans celle d’Aubazines correspondent en tout point aux vitraux en usage dans l’ordre de Cîteaux, tels qu’ils sont définis dans les statuts édictés par les chapitres généraux tenus de 1134 à 1256, le premier du vivant de saint Bernard. Ces prescriptions enjoignaient les moines cisterciens de clore leurs églises de verre blanc, et défense leur était faite de les décorer de croix et d’images23, toute figuration étant susceptible de détourner de la prière. Le principe fut parfaitement obéi au 12e siècle en Limousin comme dans nombre de couvents tôt affiliés à l’ordre en France, en Allemagne, en Autriche, en Angleterre ou en Catalogne. De l’analyse archéologique de l’abbé Texier ressort que ces vitraux sont taillés dans des verres d’un blanc verdâtre, irréguliers et plutôt épais. Ils ne comportent pas de peinture et tirent leurs effets de la seule mise en plomb de leurs motifs ornementaux. Ceux des cinq œuvres conservées sont tous différents bien qu’apparentés : trois d’entre eux combinent diversement un dessin de palmettes pentalobées, les deux autres sont formés d’entrelacs. Quoique le motif végétal du vitrail de Bonlieu ait été mis en rapport avec un chapiteau à palmettes imbriquées provenant de Saint-Martial de Limoges24, ce vocabulaire formel ne peut être mis au compte d’inventions locales. On sait en effet que l’ordre cistercien diffusait des répertoires de modèles, « des formes sur catalogue, une sorte de prêt-à-porter de la simplicité » selon l’expression de Léon Pressouyre25, et que ce système décoratif épuré ne s’appliquait pas uniquement aux vitraux : les carreaux de pavements ou la sculpture, les enluminures ou les ferronneries pouvaient reproduire des ornements identiques, véhiculés par des recueils de dessins. Un exemple de ces carnets s’est conservé, le célèbre Reiner Musterbuch composé au début du 13e siècle dans la région de Salzbourg26.
En mettant en évidence pour la première fois l’originalité des verrières romanes incolores à la lumière de celles qu’il avait découvertes, l’abbé Texier contribua largement, en attirant l’attention des historiens, à leur sauvegarde hors des frontières de la province : son article confirma par exemple à Émile Amé, architecte attaché au département de l’Yonne, l’intérêt des vitreries qu’il y avait lui-même relevées dès 1842 à Pontigny et dans d’autres monuments bourguignons27. L’érudit limousin croyait tenir dans le panneau de Bonlieu le plus ancien vitrail connu, lui assignant une date antérieure à la consécration de l’église en 1141, et il considérait que les verrières d’Aubazines étaient à peine plus jeunes. Les recherches plus récentes ont corrigé ces datations trop précoces. On sait maintenant que l’église d’Aubazines, bâtie à partir de 1156, reçut ses vitraux autour de 1175, et que ceux de l’abbatiale de Bonlieu ont probablement été exécutés après l’entrée du couvent dans la grande famille cistercienne en 1163. Il n’en demeure pas moins que la région possède là d’exceptionnels exemplaires de ce genre de vitraux, devenus fort rares. De plus, contrairement à ceux de l’abbatiale corrézienne, ceux qui subsistent ailleurs sont conservés hors contexte à quelques exceptions près, comme les éléments qu’ont gardé quatre fenêtres hautes de l’église de La Bénisson-Dieu près de Roanne (Loire)28.
Le vœu d’Adolphe Didron de voir imités les vitraux cisterciens par les peintres verriers modernes allait être entendu. Le dessin du panneau originaire de Bonlieu et ceux des verrières d’Aubazines ont bientôt servi de modèle sur d’innombrables chantiers de restauration d’églises romanes, dans la France entière. Ainsi les voit-on reproduits vers 1870 par Lucien Lachaize à Notre-Dame-du-Port de Clermont, par Noël Lavergne en 1886 dans plusieurs fenêtres du bras sud du transept de l’église Saint-Sernin de Toulouse, par Émile Hirsch dans l’ensemble de l’abbatiale de Solignac en 1887, ou vers 1892 par Félix Gaudin dans sept des baies de l’église d’Ydes dans le Cantal. À l’époque contemporaine, les vitraux conçus par Jean-Pierre Raynaud pour l’abbaye de Noirlac ou ceux de Pierre Soulages à Conques, sans se réclamer de leur descendance, leur font encore écho29.
La production du 13e et du 14e siècle
Des vitraux figurés et colorés du 13e siècle si bien représentés sur le territoire national, de Chartres à Clermont-Ferrand en passant par tant d’autres cathédrales, rien ne subsiste en Limousin. À défaut d’en être riches, on sait que certains monuments-phares de la région, hélas disparus, en furent pourtant dotés. La congrégation fondée en 1076 par le bénédictin réformateur Étienne de Muret, canonisé en 1189, avait été transférée à Grandmont après sa mort en 112530. La vaste église de ce monastère, consacrée en 1166, ne possédait pas moins de vingt-deux verrières de couleur, dont cinq dans lesquelles étaient associés des personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament. Elles sont documentées par la compilation manuscrite du Frère Pardoux de La Garde, religieux de l’abbaye mort en 159131, qui datait du 12e siècle ces œuvres « à la mode ancienne ». On peut préciser que ces vitraux, du moins une partie d’entre eux, avaient plus certainement été mis en place après 1200 : la fenêtre d’axe comprenait en effet le portrait de comte de la Marche Hugues de Lusignan - Hugues Brun -, qu’une inscription désignait explicitement comme le donateur (HUGO COMES MARCHIE FENESTRAM VITREAM DEDIT ECCLESIE) ; ce seigneur prit à la fin de sa vie le froc de Saint-Étienne et vécut jusqu’en 1208 au couvent de l’Écluse. D’après les chroniques de Bernard Itier, septième prieur de Grandmont, la gigantesque abbatiale de Saint-Martial de Limoges avait au moins une verrière avant 1215, date à laquelle est signalée sa ruine32. Celle qui l’a remplacée, la « grande vitre de couleur placée au-dessus du maître autel », existait encore au 17e siècle puisque les moines se préoccupaient de la réparer, engageant en 1602 le peintre vitrier Silvestre Pontut, dont l’atelier était établi à Grandmont, sans doute sous les auspices du monastère33.
Des vitraux médiévaux ont également été signalés dans des édifices moins imposants. Dans la Creuse, la rose septentrionale de l’église Notre-Dame-de-l'Assomption de La Souterraine n’avait gardé en 1846 qu’un unique panneau de sa composition du 13e siècle, relevé par l’abbé Texier. On peut regretter que ce dernier n’ait pas exercé son expertise sur les panneaux décrits par Auguste Bosvieux dans l’ancienne commanderie de templiers de Chamberaud, dans le même département34 : au vu de la Crucifixion à commentaire allégorique alors placée dans la baie d’axe, un thème ancré dans la tradition romane qui se raréfia avant le milieu du 13e siècle, l’archiviste avait sans doute proposé pour eux une date bien trop tardive. Le martyre de saint Blaise, patron de l’endroit, et celui de saint Jean-Baptiste, qui figuraient dans les fenêtres latérales, étaient peut-être tout aussi anciens. Ces vitraux, qui passèrent dans le commerce d’art avant 1900, ne sont plus localisés.
Les peintres verriers formaient déjà au temps de saint Louis un des trente-trois métiers constitués en corporations dans le quartier du Château de la capitale de la province35. Mais il faut attendre les années avoisinant 1300 pour trouver les premiers jalons concrets de leur production demeurés dans leur cadre d’origine. Encore ne s’agit-il, à la cathédrale de Limoges, que de menus éléments situés dans les tympans des chapelles rayonnantes orientales et dans ceux de la chapelle Sainte-Valérie, au bras nord du transept. Ces fenêtres, vitrées au cours de la première décennie du 14e siècle, étaient-elles entièrement dotées de verrières narratives de couleur, à la mode du siècle précédent ? Si la probabilité est forte en ce qui concerne la chapelle centrale, il paraît certain que les lancettes des autres n’avaient reçu que des ornements de grisailles, association également choisie à la cathédrale de Cologne vers 1290. L’emploi de verrières à dominante blanche était progressivement devenu plus fréquent après la construction de la Sainte-Chapelle de Paris, achevée en 1248, qui marqua en quelque sorte l’apogée des vitrages à coloration saturée : révolution esthétique ou désir d’économie, la mode fut bien avant la fin du siècle aux édifices admettant plus de clarté, ce qu’illustrait sans doute parfaitement le système adopté à Limoges.
De l’ensemble des verrières de l’étage supérieur du chœur de la cathédrale posé dans les années 1320, quatre figures d’apôtres ont été épargnées, déplacées dans le narthex en 1888 mais autrefois associées telles qu’on les voit aujourd’hui. Ces grands personnages permettent d’observer ce qui devait être la règle dans les fenêtres hautes, l’alternance colorée des fonds à l’intérieur d’une même composition, les niches à l’ouverture délicate supportées par de sveltes colonnettes, et le hanchement des silhouettes, souplement drapées d’étoffes qui laissent apparaître des doublures de tons contrastés. À ces figures s’ajoutent deux verrières restées cohérentes dans leur cadre initial, les fenêtres du rond-point. L’une est l’élégante Annonciation de la baie axiale, surmontée d’un Calvaire d’exécution raffinée dans la forme majeure de son tympan
. L’autre, voisine au nord, représente saint Martial auprès de sainte Valérie qui lui présente sa tête tranchée. L’économie générale des deux œuvres, demeurée intacte, aide à définir le programme formel primitif de l’ensemble du haut chœur, panachant représentations de couleurs soutenues et vitreries en grisailles à motifs diversifiés. Les personnages y sont abrités d’amples dais architecturaux largement teintés, qui n’occupent pas toute la hauteur des lancettes ; des panneaux d’ornements clairs ponctués de pièces colorées en complètent la surface autour de la zone figurée. Celle-ci étant cantonnée aux deux lancettes centrales dans les fenêtres quadruples des côtés, les grisailles y remplissent la totalité des formes latérales en plus de l’emplacement qui leur est dévolu dans celles du milieu. C’est cette association, sans doute omniprésente dans le vitrage de la cathédrale - bien avant que la restauration commencée en 1860 n’en accuse le parti sans nuances -, qui confère au monument une place de choix dans l’histoire du vitrail. Émile Mâle a salué la manière nouvelle que représente la formule dans laquelle les panneaux de grisailles jouent un rôle prépondérant ; il l’expliquait par le surcoût du verre coloré, qu’on aurait hésité à employer à mesure que les ouvertures devenaient plus vastes. Évoquant « le style qui devait triompher au 14e siècle », l’historien cite en exemple les beaux restes que possède Limoges, et renvoie à la description qu’en avait faite Ferdinand de Lasteyrie36.
En un temps où l’art du vitrail est révolutionné par le jaune d’argent, une innovation technique qui apparaît dans les premières années du 14e siècle à Paris et à Rouen37, son emploi dans les vitraux de la cathédrale de Limoges constitue une intéressante question. L’usage de ce procédé, qui consiste à appliquer une teinte au pinceau et qui permet donc d’employer le plomb avec plus de parcimonie, ne se répandit que lentement : la plupart des provinces de la France méridionale ou l’Alsace, notamment, gardèrent longtemps une préférence pour le verre jaune teint dans la masse. Dans le vitrage de la cathédrale, plusieurs indices montrent que les peintres verriers limougeauds n’expérimentèrent le jaune d’argent qu’après 1320 mais qu’ils le maîtrisaient parfaitement à l’issue du chantier, vers 1325-1327. Son emploi plus ponctuel dans les figures rescapées des fenêtres latérales de l’étage supérieur pourrait laisser supposer qu’elles étaient un peu antérieures à celles de l’abside, où les effets de la nouvelle teinture sont plus marqués dans les ornements vestimentaires. Viennent cependant tempérer cette impression les panneaux de grisailles restés en place au sommet de ces verrières latérales, une partie d’entre eux étant ornés de fleurons rehaussés d’or comparables à ceux, à peu près contemporains, d’une partie des fenêtres hautes de la cathédrale d’Évreux. Un autre jalon est fourni par les restes de verrières héraldiques de deux des chapelles juxtaposées au flanc nord du déambulatoire : l’une, probablement exécutée autour de 1320, ne comporte pas de jaune d’argent, à l’inverse de sa voisine vitrée, semble-t-il, après 1340.
La production de cette période n’a laissé d’autres traces dans la région que les vestiges épars, dispersés dans près d’une trentaine des verrières de la cathédrale de Limoges, fortement complétés au cours de la grande restauration que subit l’édifice au 19e siècle. La rose du bras sud du transept avait été vitrée d’un Jugement dernier qui, s’il correspondait à la construction de son cadre de pierre, pouvait dater du troisième quart du 14e siècle ; mais les derniers morceaux qui permettaient d’en identifier le sujet ont disparu avant 1850. Le même siècle avait entre autre pourvu la cathédrale de Tulle d’une verrière dans laquelle figuraient saint Brice, saint Clair et sainte Madeleine, connue uniquement par un texte38. L’abbé Texier donnait également à la fin du 14e siècle trois vitraux domestiques en possession de l’un de ses contemporains, le chanoine Féret, une Éducation de la Vierge, son Couronnement et la Pentecôte « dans une élégante architecture gothique »39 ; en l’absence de toute preuve visuelle, on se gardera de se prononcer sur la validité de cette datation : s’il s’agissait bien de vitraux civils, on en aurait perdu là un exemple remarquablement précoce. L’érudit datait des environs de 1370 l’écu armorié jadis placé au centre de la rose méridionale de la collégiale d’Eymoutiers, celui des Roffignac, pièce maintenant perdue, qu’il avait pu examiner chez Maurice Ardant, son propriétaire. Ses observations techniques très précises sur les verres gravés de cette pièce – les meubles héraldiques rouges dégagés par abrasion sur le fond blanc, lui-même repris au jaune d’argent - peuvent correspondre à la date qu’il a avancée, appuyée sur des critères historiques40. On peut en revanche aujourd’hui réfuter que la collégiale ait conservé d’autres verrières du même temps : les fragments d’une grande Annonciation relogés au flanc nord du chœur depuis 1872, et le Calvaire inscrit dans la rose septentrionale du transept, auxquels on a voulu assigner une date voisine, sont manifestement des créations postérieures à l’achèvement de la reconstruction de l’édifice vers 1480.
L’Adoration des mages qui occupe la partie cintrée de la petite fenêtre romane du chœur de la modeste église d’Augne, en Haute-Vienne, pourrait en revanche s’accommoder d’une date aussi haute. L’abbé Texier, qui considérait que la verrière était la plus ancienne de toutes celles du 15e siècle de la région, rapporte qu’elle était complétée par une Annonciation. Le panneau qui subsiste reste de premier intérêt bien qu’il ait perdu presque toute lisibilité du fait de la corrosion des verres, et qu’un malencontreux remontage – la peinture placée en face externe – ajoute aux difficultés de sa lecture. Le schéma iconographique s’y trouve concentré en une composition dense, à la coloration saturée, s’enlevant sur un fond de larges rinceaux gras. Les plombs minces, partiellement d’origine, soulignent des coupes délicates, qui font conclure à une œuvre d’excellente exécution, réalisée à partir d’un carton des plus soignés. Le commanditaire d’une verrière de cette qualité fut probablement un personnage de haut rang, peut-être l’occupant du château tout voisin de La Rivière, le panetier de Charles VII Jean de L’Hermite, ou l’un de ses ascendants. Attestent de sa facture précieuse les mains des personnages aux longs doigts effilés, la stylisation de leurs chevelures et la peinture des visages, aussi précise que celle des drapés souples. La représentation, qui renvoie aux enluminures de riches manuscrits tels que la petite Bible historiale du roi Charles V, peinte à Paris en 1362-136341, se rattache au courant du « gothique international » qui régna en Europe autour de 1400. N’était le dallage en damiers du sol, d’une formule restée familière après 1450 à Limoges, à Solignac ou à Eymoutiers, il serait tentant de vieillir cette scène de plusieurs décennies. Elle paraît procéder d’un modèle archaïsant utilisé autour de 1400 ; tout point de comparaison manque cependant pour la situer plus précisément.
De 1450 à 1500, un demi-siècle fertile
L’histoire des vitraux limousins s’articule de manière plus substantielle à partir du milieu du 15e siècle. Comme sur l’ensemble du territoire du royaume, la paix rétablie après la Guerre de Cent Ans, marquée dans la région par l’expulsion définitive des Anglais de l’Aquitaine en 1453, favorisa la remise en état de nombreux monuments. L’abbé Arbellot put ainsi dénombrer plus de cinquante églises de la région restaurées ou reconstruites dans les décennies qui suivirent42. Monté dans une chapelle latérale de l’église de Panazol, dans la banlieue de Limoges, un petit Calvaire peint en grisaille et jaune d’argent sur fond de damas bleu sombre pourrait illustrer les prémices de ce mouvement. L’œuvre peut avoir été réalisée vers 1450, si ce n’est un peu plus tôt : en Ille-et-Vilaine, les vitraux plus ou moins comparables de Moigné et de Betton, ces derniers maintenant conservés au musée national du Moyen Âge, appartiennent au deuxième quart du 15e siècle43. Mais l’emplacement primitif du panneau, et même l’édifice auquel il était destiné, sont en fait incertains, l’abbé Texier le passant sous silence en 1846. L’église l’aurait-elle recueilli à l’occasion de sa restauration, comme les colonnes et les chapiteaux rapportés dans le portail en provenance des ruines du couvent des Bénédictins de Limoges ?
Le chevet plat de l’église paroissiale Saint-Michel-des-Lions de Limoges s’orne de grandes verrières bien plus significatives, deux séries légendaires conséquentes, que Prosper Mérimée avait comparées à un jeu de cartes étalé44. À leur place d’origine, de part et d’autre de la fenêtre d’axe, sont conservées une Vie de la Vierge du côté sud et celle de saint Jean-Baptiste au nord, récits soigneusement mis en page dans des bordures ornées du lys de France couronné. Leur exécution peut être située vers 1455, en rapport avec la date de consécration de l’édifice, ce que ne démentent pas les personnages vêtus à la mode du temps de Charles VII ; on remarque pourtant, dans l’histoire de la Vierge, quelques sveltes silhouettes féminines qui préfigurent les personnages caractéristiques des émaux peints par le Maître aux Grands Fronts, dont la production n’est guère antérieure à la fin du siècle. De même conception formelle, ces verrières, qui comptaient chacune dix-huit scènes dans leur état primitif, ont subi des pertes au fil des siècles, compensées par des adjonctions introduites autour de 1860 par le Bordelais Joseph Villiet. Si les encadrements du cycle marial ont quelque peu souffert de cette restauration, pliés à l’économie d’un moderne Arbre de Jessé, les édicules de l’autre série ont gardé toute leur authenticité. La légende du Précurseur est retracée en une succession d’habitacles plus ou moins carrés, caissons très plastiques et à l’ornementation variée, coiffés tantôt d’arcs surbaissés, tantôt d’arcs en accolade ou d’auvents à clés pendantes, aux montants parfois surchargés de statuettes. Des tentures damassées de diverses couleurs meublent le fond des niches des deux suites, même lorsque les scènes se déroulent en plein air, comme la Fuite en Égypte ou le Baptême du Christ. Le goût de ces compartiments architecturaux voûtés, carrelés et creusés de petites fenêtres paraît avoir été vif dans les ateliers limougeauds de la seconde moitié du 15e siècle : ils se retrouvent vers 1475 dans plusieurs panneaux de l’église de Solignac
et, à peine plus tard, autour des donateurs des baies latérales de l’abside de la collégiale d’Eymoutiers, ou encore dans une « sainte conversation » intégrée à l’un des panneaux d’antiquaire que conserve le musée des Beaux-Arts de Limoges.
Les tableautins de Saint-Michel-des-Lions, juxtaposés dans leurs logettes de cinquante centimètres de côté, appellent la métaphore théâtrale, évoquant les décors bâtis qui servaient de cadre aux mystères joués sur les parvis des églises. L’abbé Texier y avait dénombré plus de deux cents figurines : les niches sont en effet densément occupées, les acteurs principaux de chaque épisode étant flanqués de plusieurs figurants. Plutôt que l’expression généralement placide des protagonistes, c’est leur gestuelle qui anime ces représentations. Certains personnages discutent en comptant sur leurs doigts les arguments selon les lois de la rhétorique, d’autres expriment leur surprise ou leur déférence en levant une main ou en la portant à leur couvre-chef. La très petite échelle des scènes n’a pas fait obstacle à l’insertion de quelques paysages à fabriques miniaturistes, comme celui qu’on entrevoit par la fenêtre de la chambre natale du Baptiste. Des accessoires, souvent minuscules, contribuent à donner vie aux récits. Auprès de la table à tréteaux du festin d’Hérode, un serviteur semble tenir un languier, objet signalé dans les inventaires princiers du 15e siècle, constitué de langues de serpents groupées sur une pièce d’orfèvrerie, destiné à détecter l’éventuelle présence de poison dans les mets. Dans la Présentation du Christ au temple et dans les deux scènes de Circoncision, des suivantes apportent les offrandes faites au grand-prêtre à l’occasion des cérémonies, des colombes blotties dans des paniers. La Sainte Famille chemine vers l’exil égyptien en emmenant le bœuf de la crèche, dont la silhouette se profile derrière l’âne qui transporte la Vierge et l’Enfant. On pourrait multiplier ces observations, chaque scène comprenant d’amusants détails, qui relèvent davantage de l’invention d’un enlumineur que de celle d’un cartonnier rompu à la conception des décors monumentaux. La suite de saint Jean-Baptiste trouve des points de comparaison dans certains manuscrits contemporains, par exemple dans les figures un peu raides des miniatures d’un missel à l’usage de Nantes conservé à la Bibliothèque du Mans45. On ne peut pourtant relier cette imagerie à celle des livres produits à la même époque dans la Marche à l’usage de son seigneur, le comte Jacques d’Armagnac, grand bibliophile, qui se fournissait à Paris mais qui avait aussi attiré sur ses terres des peintres à son service, tels que Évrard d’Espinques, originaire de Cologne et établi à Ahun46.
Le tympan de la verrière mariale de l’église Saint-Michel a d’autre part gardé l’essentiel d’une Transfiguration dans laquelle l’apôtre saint Jacques est curieusement représenté entre des clochers environnés de coquilles, qui paraissent faire allusion au pèlerinage de Compostelle. Sous ces panneaux, les sommets des dais architecturaux conservés dans les trois têtes de lancettes sont percés de trois niches aujourd’hui vides ; une mention de l’abbé Texier laisse deviner que leur vocation première était d’abriter des statuettes d’Adam et d’Ève et l’arbre du Péché originel, complément de l’histoire de Marie nouvelle Ève. Le même rappel typologique, très en vogue au milieu du 15e siècle comme le prouvent deux des verrières offertes à la cathédrale de Bourges par l’argentier Jacques Cœur, figure également dans un tympan du chœur de l’église d’Eymoutiers.
L’ancienne collégiale d’Eymoutiers était déjà un centre religieux des plus importants au 13e siècle si l’on en juge par la brillante carrière de plusieurs de ses chanoines47. On ignore si le chœur de l’église était alors clos de vitraux dignes de l’endroit, le massif oriental ayant été entièrement rebâti à partir de 1451, ce qu’assurent les bulles papales émises en 1475 et en 1477 en faveur du monument. Cette partie de l’édifice possède quatorze verrières de la seconde moitié du 15e siècle, somptueux ensemble demeuré quasiment complet, sans conteste le plus important de la région. À première vue homogène, la série où règne en majorité les camaïeux de grisaille et de jaune d’argent présente bien des disparités, noyées dans le dénominateur commun du parti général : une douzaine des fenêtres présente des personnages en pied de grandes dimensions, disposés dans des niches surmontées d’importants tabernacles. Le maître maçon qui dirigeait le chantier, Jacques Michel, demeurant à Limoges, on peut supposer que les ateliers invités à vitrer la nouvelle œuvre y étaient également implantés. Sans doute doit-on à l’architecte le choix d’orner les bas-côtés de vitraux très clairs, pour ménager le meilleur éclairage possible à l’intérieur du vaisseau : les figures de saints, drapées d’étoffes blanches qui laissent à l’occasion apparaître des doublures teintées, ne se distinguent de leurs édicules que par leur mise en page devant des tentures rouges, bleues, vertes ou pourpre. La formule n’était pas nouvelle, déjà expérimentée autour de 1420 dans les verrières de l’étage supérieur du chœur la cathédrale de Quimper, ou vingt ans plus tard dans les chapelles de l’église Saint-Maclou de Rouen.
Une bonne part des vitraux des collatéraux de la collégiale devait être posée avant ceux de l’hémicycle, peut-être dès avant 1470 au nord, où les archaïsmes sont plus sensibles que dans les verrières des travées orientales du côté sud, bien que d’un système formel très voisin. On sait que la reconstruction du chœur se fit en partie avec l’aide de fonds fournis par la Couronne, à laquelle font hommage des clés de voûte armoriées dans les deux bas-côtés. Le roi Louis XI, qui se rendit plusieurs fois en Limousin, notamment en pèlerinage à Saint-Martial de Limoges et à Notre-Dame du Pont de Saint-Junien en 1463 et l’année suivante48, semble s’être intéressé personnellement à Eymoutiers, ce que mentionne la bulle papale de 1475. Le chantier du bas-côté méridional bénéficie du reste de repères chronologiques liés à l’histoire de la monarchie. D’une part, comme dans la rose sud de la cathédrale d’Évreux, des marques saluent la naissance du futur Charles VIII en juin 1470, indiquant que les travaux y étaient alors en pleine activité ; l’une est sculptée sur une clé de voûte, l’autre consiste en de minuscules écussons peints sur l’un des vitraux49. D’autre part, la verrière que la confrérie de Saint Psalmet avait fondée en l’honneur de son saint patron, au-dessus de l’autel qui lui était dédié au fond de l’absidiole sud, est vraisemblablement antérieure à 1475 : figure en tête des confrères le portrait du roi, identifiable par la couronne déposée à ses pieds, placé là en tant que « membre d’honneur » de cette pieuse assemblée. Dans le seigneur qui lui fait face doit sans doute être reconnu le comte de la Marche Jacques d’Armagnac, lui aussi nommé dans la bulle pontificale, mais bientôt arrêté et mis à mort après avoir été convaincu de trahison.
Les documents fiables manquent par ailleurs pour préciser l’identité des donateurs dont l’image s’est conservée au bas de certaines verrières du flanc nord et du chevet. Les seules armoiries authentiques, dans la fenêtre gauche de l’abside, demeurent mystérieuses, et les autres sont des réfections modernes qui n’autorisent aucune déduction sérieuse. La participation présumée des membres de la famille de Comborn seigneurs d’Enval contemporains du chantier, Guichard ou son fils Louis, n’a pas laissé de preuve sur les vitraux ; ils possédaient pourtant leur chapelle funéraire dans la collégiale, et leur écu armorié est sculpté sur la première clé de voûte du collatéral nord50.
Les cinq verrières du rond-point de la collégiale, hautes de plus de dix mètres, se distinguent de celles des bas-côtés non seulement par leur élancement, mais encore par une plus grande intensité colorée et par une exécution très maîtrisée, mise au service de cartons d’une indéniable qualité. L’une d’elles, à gauche de l’axe, comprend le portrait de l’un des deux évêques Barthon de Montbas qui se succédèrent à Limoges en 1485, ce qui induit une fourchette chronologique large. Mais c’est à l’évidence à Jean I Barthon, élu en 1457, que se rapportent les armoiries qui timbrent à la fois ladite verrière et la voûte de la travée occidentale du chœur. Sans doute faut-il se garder d’interpréter d’une manière trop restrictive, dans un texte du 17e siècle afférant au monument51, la brève mention selon laquelle trois verrières de l’église étaient posées en 1479. Puisque la plupart de celles des bas-côtés sont à coup sûr plus anciennes d’environ une décennie, les verrières désignées ne pouvaient être que celles du rond-point, qu’il s’agisse des trois baies centrales, peut-être toutes dues à la munificence de l’évêque de Limoges, ou des deux autres, offertes par des particuliers qui y sont représentés. Les cinq œuvres qui ferment l’abside, quoi qu’il en soit, sont sorties du même atelier et se signalent par un niveau artistique propre à satisfaire les exigences du prélat. Celles qui restaient à réaliser en 1479 devaient être à peine plus jeunes que leurs voisines, les délais habituellement fixés pour l’exécution d’une commande excédant rarement trois mois d’après les contrats conservés. Pour la chronologie de l’ensemble, il paraît juste de retenir que le chœur rebâti à partir de 1451 reçut son vitrage entre 1470 – ou à peine plus tôt - et 1480, et que seules deux des fenêtres, à l’extrémité du bas-côté sud, restaient à pourvoir à cette seconde date.
Un texte documente une œuvre exactement contemporaine de cet ensemble d’Eymoutiers mais de longue date perdue, la verrière réalisée en 1475 pour la grande baie du chevet de l’église Saint-Pierre-de-Vérone du Monteil-au-Vicomte dans la Creuse. Elle était due à la générosité du seigneur du lieu, Antoine d’Aubusson, qui y était représenté avec sa seconde épouse, Louise de Peyre, au pied d’un Christ en croix. A droite se voyait un saint évêque "avec la couronne, l'habit et la corde de saint François", sans doute saint Louis d'Anjou, ainsi qu'un personnage "en habit pourpre", qui passait pour être Pierre d'Aubusson, frère cadet d'Antoine52. Le commanditaire, bailli d’Anjou et de Touraine en 1451, puis du Pays de Caux de 1454 à 1474, fut un fastueux personnage qui exerça aussi son mécénat dans d’autres régions, fondant par exemple en 1456 une belle chapelle dédiée à saint Bernardin dans l’église des Franciscains de Tours53. En 1480, il avait prêté main forte à son frère puîné Pierre d’Aubusson, Grand Maître de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem surnommé « le bouclier de la chrétienté », pour repousser l’attaque de Rhodes par les Ottomans, et avait fait peindre un ex-voto pour commémorer l’événement54.
L’église romane de l’abbaye de Solignac, à une quinzaine de kilomètres au sud de Limoges, a en revanche conservé des éléments de plusieurs verrières du même temps. Réduits à de « pitoyables débris » au fil des siècles55 mais d’une très honorable qualité, ces vitraux ont été reconstitués par la restauration confiée à Émile Hirsch en 1885, avant d’être réorganisés en une nouvelle présentation cent ans plus tard. On sait que l’abbé élu en 1456, Martial de Bony de Lavergne, mort en 1484, avait pris l’initiative d’une grande campagne de rénovation de l’abbatiale du 12e siècle. L’église s’enrichit alors de vitraux, l’un comprenant son portrait en donateur, de stalles et de la grande peinture murale figurant saint Christophe, offerte par un des ses parents qui y est représenté. Le monastère, une fondation personnelle de saint Éloi en 631, avait profité de la faveur royale, dès l’origine avec la protection de Dagobert, puis de manière récurrente par la suite, ce qui lui valut une grande prospérité. Les armes royales étaient autrefois peintes sur plusieurs des verrières, relevées par l’abbé Texier56 ; sans doute étaient-elles là pour rappeler, comme les marques multipliées dans la collégiale d’Eymoutiers, les subsides octroyés par les souverains à ces grands monuments. Un exemplaire de ces blasons a survécu, ainsi qu’une image plutôt inhabituelle de saint Louis en prière devant la Vierge de pitié : sans l’inscription nominative déchiffrée au 19e siècle, on s’attendrait plutôt à reconnaître là le roi vivant. L’abbé Archambault de Comborn, successeur de Martial de Bony en 1485, a certainement poursuivi son œuvre, ce que peut laisser entendre l’inscription de son nom autour du nimbe d’un des saints évêques peints sur verre. Cette figure de bonne facture et celle de sainte Catherine, qui s’encadrent d’architectures similaires et dont les vêtements comportent des ornements d’ocelles teintés de jaune d’argent, paraissent d’ailleurs nettement plus jeunes que les autres panneaux, parmi lesquels six petites scènes enfermées dans des niches architecturales, comparables à celles des verrières du chœur de Saint-Michel-des-Lions de Limoges.
Ces vitraux sont les vestiges d’un décor bien plus important, et devaient s’inscrire au 15e siècle dans un ensemble complet : au milieu du 17e siècle, Dom Dumas, un religieux du monastère, décrit et localise certaines représentations disparues à l’époque de la Révolution ou à peine plus tard57. Parmi elles, on voyait le fondateur présenter ses moines au roi Dagobert, et plusieurs représentations des saints dont l’abbaye possédait des reliques, notamment saint Denis, et surtout saint Éloi lui-même ainsi que son disciple Théau. Tout attribut manque pour décider si les deux figures d’évêques qui subsistent participaient de ce programme. Il existait encore en 1885 un panneau supplémentaire, photographié avec les autres à leur arrivée dans l’atelier du restaurateur. Il figurait un saint évêque en prière sous la protection d’un ange, d’une facture populaire, sans rapport de style avec le reste du groupe ; non remployé dans l’église, peut-être du fait de sa singularité, il est depuis perdu.
En complément de sa principale campagne de vitrage achevée vers 1480, la collégiale d’Eymoutiers reçut à l’extrême fin du siècle au moins quatre nouvelles verrières, que rien ne rapproche entre elles et qui, par leur variété, mettent en évidence la diversité des propositions à l’intérieur de la même décennie. Les deux dernières du bas-côté sud, celles des travées les plus proches du transept, offrent elles-mêmes de grandes disparités : rien de commun entre ces œuvres pourtant juxtaposées et apparemment contemporaines. L’une, marquée aux armoiries des Romanet, puissante famille du bourg, respecte le parti du camaïeu qui domine dans les œuvres de la génération précédente et représente une honnête production courante, non dépourvue de pittoresque. Sa voisine vers l’est se distingue par une exécution raffinée, sur des verres d’aspect nacré ; elle réunit de charmantes figures qui laissent transparaître la qualité de leurs cartons, sortis des mains d’un bon peintre de Bourges ou des bords de la Loire. La perte des panneaux inférieurs a fait disparaître toute possibilité d’en identifier le commanditaire, qui eût pu permettre de saisir l’identité de son fournisseur. La rose nord, vitrée d’un élégant Calvaire à fond damassé blanc, et les fragments d’une monumentale Annonciation sauvés pour avoir servi de bouche-trou dans deux fenêtres du chœur avant de trouver place dans le bas-côté nord, n’ont pas plus de liens entre eux et montrent encore d’autres voies. Les centres de production limougeauds, on le constate, restent difficiles à cerner ; si toutes ces verrières ont été fabriquées à Limoges, les ateliers y étaient nécessairement nombreux à la fin du 15e siècle.
La Renaissance : une production aux aspects divers
Cette variété d’exécution et de style perdure au début du siècle suivant, quoique des critères techniques induisent parfois des rapprochements. Dans la petite chapelle castrale devenue l’église paroissiale de Magnac-Bourg, les vitraux du chœur sont manifestement bien plus jeunes que leur cadre de pierre, qui doit être antérieur à 1450. En l’absence de tout repère historique, la facture des verrières elles-mêmes et le style de leur ornementation permettent seules de situer leur exécution dans la décennie 1500-1510. On peut par conséquent en attribuer la commande à Jean de Salagnac, seigneur de Magnac mort en 1514, dont le fils homonyme, membre du chapitre de la cathédrale de Périgueux et protonotaire du Saint-Siège, fut vers 1515 le bâtisseur du château de Vicq-sur-Breuilh aux alentours de Magnac58.
Les trois verrières du chevet présentent un intéressant programme iconographique qui comprend des martyrs et des confesseurs assemblés autour des douze apôtres. Elles rassemblent trente-six figures en pied, groupées deux à deux et superposées sur trois niveaux. L’ensemble en comptait jusqu’à soixante si les deux fenêtres latérales de la chapelle avaient été pourvues de verrières semblables, ce que laissent supposer certains fragments rapportés au bas de la fenêtre d’axe. Le vaste triptyque que forment celles du rond-point, demeuré presque complet, est peuplé de personnages au fort caractère, aux visages âpres, peints de manière énergique sur des verres de teintes vives, aux carnations réchauffées à la grisaille rousse et aux drapés enrichis d’accessoires à menus ornements circulaires. Ces saints sont campés dans de petites absides aux culs-de-four ornés de coquilles de couleurs variées, dont les nervures sont parfois dégagées par gravure. Le motif italianisant de ces niches à coquilles n’est certes pas nouveau dans l’art français : il se rencontre déjà un demi-siècle plus tôt chez Jean Fouquet - par exemple dans les Heures d’Étienne Chevalier -, et appartient au répertoire des artistes ligériens de la génération suivante, tels que Jean Poyer. Mais on notera sa récurrence dans les vitraux du début du 16e siècle conservés en Limousin, où ils entrent dans la mise en page d’œuvres d’agencements des plus variés, comme la verrière mariale de Saint-Pierre du Queyroix, les figures en pied de la chapelle Saint-Aurélien de Limoges, ou les scènes conservées à Panazol. Les meilleurs émailleurs limougeauds actifs vers 1500 en faisaient également usage, ainsi qu’en témoigne l’encadrement de l’Annonciation du triptyque de la Nativité du Maître aux Grands Fronts59.
Le peintre verrier qui a réalisé les vitraux de Magnac-Bourg paraît pouvoir être crédité de deux verrières de l’église Saint-Pierre de Panazol, aux portes de Limoges, qui ne sont plus dans leur état d’origine : le restaurateur Eugène Oudinot les a recomposées vers 1860 à partir de scènes que l’abbé Texier avait auparavant vues bien plus nombreuses60. Des quatre représentations conservées, deux appartenaient à une vie de saint Jean-Baptiste peut-être conçue pour la fenêtre centrale du chœur, et les autres, une Nativité et des armoiries supportées par des anges, à une Enfance du Christ qui devait orner la chapelle seigneuriale que la famille Bermondet possédait dans l’église. L’ensemble de ces panneaux a en commun des caractéristiques techniques, entre autres l’usage d’une grisaille très rousse ou de sanguine ; s’y ajoutent les ornements d’ocelles dont sont parés certains vêtements, déjà remarqués dans les panneaux réalisés vers 1490 pour l’abbatiale de Solignac et dans ceux de Magnac-Bourg. Si les deux séries de Panazol sortent bien des mêmes mains, les modèles employés pour les réaliser étaient en revanche distincts : le style rude des cartons de l’histoire du Précurseur contraste avec la délicatesse de ceux de la verrière des Bermondet ; l’élégant dessin des parties exemptes de restauration, en particulier la Vierge et les anges aux yeux étirés de la scène de la Nativité, renvoie aux artistes qui travaillaient pour la cour de Moulins. La date de 1513, à laquelle le décor de la chapelle seigneuriale aurait été renouvelé après l’assassinat du lieutenant général de la sénéchaussée de Limoges Pierre de Bermondet61, paraît un peu tardive pour s’accorder à ces vitraux.
D’un niveau artistique exceptionnellement élevé, la verrière de la Dormition et du Couronnement de la Vierge placée au fond du collatéral sud de l’église Saint-Pierre du Queyroix de Limoges est indiscutablement l’une des œuvres majeures de la région. L’origine de cette luxueuse verrière reste étonnamment mystérieuse en dépit de l’historiographie qui, pour de mauvaises raisons, a voulu la lier aux Pénicaud, célèbres émailleurs limougeauds. Sur la foi d’un texte nommant Pierre Pénicaud à propos d’une verrière disparue du même monument, une représentation de la Cène réalisée en 1556, sa création lui fut un temps attribuée. Sans remettre en question l’intervention d’un membre de l’illustre dynastie, Eugène Oudinot, qui restaura ce vitrail en 1860, s’avisa que sa facture s’accommodait mieux de la date de 1510 et que, par conséquent, sa paternité revenait à Nardon, auteur en 1503 d’un Calvaire conservé au musée de Cluny, le premier artiste documenté de la famille. L’inscription alors ajoutée au soubassement de l’œuvre, qui fait état des conclusions du restaurateur, était-elle susceptible de clore le débat ? L’attribution est en tous cas jusqu’ici plus ou moins admise, d’autant qu’elle répond à une problématique récurrente dans la région, la recherche des connexions entre l’art de l’émaillerie et l’art du vitrail. L’abbé Texier enseignait ainsi que les vitraux étaient fils des émaux, et que, dès lors, la peinture sur verre avait été inventée à Limoges ; l’objection selon laquelle Saint-Cunibert de Cologne avait des verrières semblant plus anciennes que celles qu’il connaissait en France était tenue à distance par la venue en Allemagne d’émailleurs limougeauds dès le 12e siècle62. Il développa aussi la glose sur les Courtoys, autre grand nom de l’émaillerie limousine, abusivement mis en rapport avec les peintres verriers homonymes qui réalisèrent plusieurs des verrières conservées à La Ferté-Bernard, dans la Sarthe63. L’idée de la confusion des métiers, entretenue par de nombreuses publications, doit pourtant être rejetée puisque ceux-ci paraissent avoir obéi à des règlements dès le Moyen Âge, à Limoges comme dans beaucoup des villes d’une certaine importance. Que Léonard Limosin, artiste hors pair, ait produit quelques gravures en 1544 et un tableau en 1551 ne doit pas faire oublier que les incursions dans les disciplines voisines n’étaient pas monnaie courante64.
Au chevet de Saint-Pierre-du-Queyroix, la verrière mariale ornait l’autel de la confrérie de Notre-Dame-de-Joyeuse. Si ses membres, des bourgeois parmi les plus huppés de la ville d’après les armoiries qui remplissaient jadis son soubassement, ont joué le rôle du commanditaire en s’adressant à des artistes du meilleur rang, force est de constater qu’on ignore tout de la genèse de ce vitrail, et que la date de sa création n’est même pas assurée. Il peut raisonnablement être situé entre 1510 et 1520 au vu du décor théâtral qui entoure les groupes de personnages. L’analyse rapprochée de l’œuvre, déposée en 2002 pour restauration, a permis d’enregistrer qu’elle est peinte sur des verres fabriqués en Lorraine et qu’elle comporte des effets techniques qui, sans être uniques en Limousin, sont ici multipliés. Tout démontre que son auteur, un peintre verrier de premier plan, avait une maîtrise absolue de la gravure chimique et mécanique des verres, qu’illustrent entre autres le bleu de la coquille sommitale, la gloire rouge sur laquelle se détache la colombe du Saint-Esprit et certains damas. L’artiste a déployé là son savoir-faire pour servir des cartons dus à un excellent peintre, montant « en chef-d’œuvre » des pierreries en bordure des tissus, faisant un usage virtuose du jaune d’argent et obtenant à partir de pochoirs très élaborés les splendides motifs des tentures. Mais la facture et le style singuliers de la verrière ne trouvent guère de points de comparaison pertinents sur l’ensemble du territoire français. Cet isolement pouvait laisser envisager que cette œuvre de grand prix a pu être importée à Limoges, par exemple depuis Bordeaux où, d’après les archives, les ateliers étaient nombreux au début du 16e siècle, même s’ils n’ont laissé que des traces infimes de leur production65. Si, de quelque côté que l’on se tourne, tout repère manque pour l’instant, certains détails de l’exécution invitent pourtant à ne pas écarter une fabrication locale : les motifs d’ornements circulaires, qui peuvent être considérés comme une marque distinctive des ateliers limougeauds pendant plusieurs décennies à compter des années 1490, ornent la doublure du manteau de la Vierge du Couronnement ; le galon de l’encolure du saint Jean de la Dormition décoré de lettrines ou la niche à coquille qui abrite la Trinité appartiennent aussi au répertoire des peintres verriers de Limoges, présents dans nombre des panneaux sortis de leurs mains.
La découverte de l’origine des cartons de la verrière paraît aujourd’hui la seule piste à suivre pour espérer la situer plus précisément. La notion de modèle, assez floue, relève de processus sur lesquels les informations demeurent très lacunaires. Les peintres cartonniers du 16e siècle utilisaient un fonds composé de gravures et surtout de carnets de croquis, dessins personnels ou copies fidèles d’autres œuvres d’art qu’ils avaient pu se procurer s’ils ne les avaient relevées eux-mêmes. Ils s’appropriaient ces documents en les transcrivant et en les combinant à loisir, les rendant en général méconnaissables. Ce phénomène complexe ne peut être aperçu qu’au coup par coup ; tout juste en saisit-on quelques bribes et, sauf cas exceptionnel, la genèse d’une œuvre est impossible à reconstituer. L’italianisme apparent de la verrière de l’église Saint-Pierre-du-Queyroix laisse supposer que l’auteur des cartons a tiré parti de créations ultramontaines diffusées au travers de dessins. Peut-être est-il opportun de rappeler ici la présence en France de prestigieux peintres italiens, dont le milanais Andrea Solario (1466-1524), invité entre 1507 et 1509 par le cardinal Georges Ier d’Amboise à travailler pour le château de Gaillon. Le type des figures de la verrière n’est pas étranger à celles de son tableau de la Lamentation sur le corps du Christ peint en 1509 ou 1510, autrefois placé dans la tribune de la chapelle du château normand, maintenant conservé au musée du Louvre66. On ne peut pour autant en déduire que le cartonnier de la verrière de Saint-Pierre ne résidait pas à Limoges. Le schéma du Couronnement de la Vierge par la Trinité préexistait d’ailleurs dès le milieu du 15e siècle dans le cycle marial de l’église Saint-Michel-des-Lions.
La source matérielle du vitrail, ou le medium qui avait servi à l’élaborer, eut en tous cas une postérité : grâce à Pascal Texier et à Michel Hérold67, on sait maintenant qu’une tapisserie datée de 1592, repérée en 1967 sur le marché d’art68, a été exécutée sur des cartons tirés du même modèle que la verrière. Les deux scènes y sont cette fois juxtaposées, séparées par une colonnette centrale, en des compositions comparables quoique rétrécies dans les deux dimensions. Par delà la qualité gauche du dessin de la tapisserie qui contraste avec celui du vitrail, on y retrouve non seulement la plupart des éléments du décor, mais aussi une disposition identique de tous les protagonistes, figurés dans la même posture et avec les mêmes accessoires. Des nimbes leur ont été ajoutés, et certains détails ont été à peine transformés : le matelas damassé du lit de la Dormition et son galon orné de pierreries sont devenus une sorte d’autel, et l’emmarchement du socle carrelé de l’autre scène a été adapté pour conserver les deux plans malgré une hauteur restreinte. La reprise exacte de nombreux éléments ne saurait évidemment être fortuite, par exemple le pan de l’étole de saint Pierre couvrant le corps de la Vierge mourante, le plafond à modillons de la chambre, le ciel de lit devant lequel se détache saint Jean, ou l’absidiole ornée de caissons qui abrite la Trinité du Couronnement, entourée de consoles derrière lesquelles sont massés des anges musiciens. Un même dessin portant tous les détails des deux scènes a manifestement circulé tout au long du 16e siècle. Le lieu de tissage de la tapisserie, qualifiée sans vraisemblance d’allemande en 1967, pourrait être limousin. On songe tout naturellement aux fameux ateliers de la Marche : Felletin est documenté à partir de la fin du 15e siècle, et l’activité des liciers d’Aubusson est attestée au début du siècle suivant. La production du 16e siècle de ces centres réputés, mal identifiée parce qu’elle ne comporte ni marque de ville, ni marque d’ateliers69, ne permet cependant pas de s’en assurer. L’écu inscrit dans un ovale placé dans l’angle supérieur gauche, en symétrie d’une petite représentation de l’Assomption, a pour meuble des ossements, qui pourraient renvoyer à une confrérie veillant aux rites funèbres. Si cette tapisserie a été tissée à l’usage d’une telle association charitable, c’est là un autre point commun avec la verrière de Saint-Pierre-du-Queyroix.
L’église Saint-Michel-des-Lions, autre grande paroisse de Limoges, avait reçu plusieurs vitraux au début du 16e siècle, s’ajoutant à ses verrières légendaires du siècle précédent : une œuvre d’une grande délicatesse mais à la peinture fort usée, subsiste partiellement dans la chapelle voisine du chœur au nord, représentant en pied saint Léonard et l’archange saint Michel. Toute trace est en revanche perdue des fragments qui occupaient certains tympans et, surtout, d’une grande Crucifixion jadis placée dans la fenêtre principale de la façade, qui passait pour un chef-d’œuvre, admiré de tous les voyageurs sous l’Ancien Régime. Elle aurait été vandalisée au cours d’un banquet révolutionnaire mais, au début du 19e siècle, quelques panneaux en rappelaient encore le souvenir70.
La Crucifixion conservée à Saint-Pierre-de-Fursac, dans la Creuse, provient sans doute elle aussi de la capitale limousine d’après les motifs circulaires qui, une fois encore, ornent plusieurs étoffes. La verrière, devenue fragmentaire, est demeurée dans sa fenêtre d’origine, éclairant l’élégante chapelle des seigneurs de Chabannes autrefois dite « chapelle aux vitraux », par la suite transformée en sacristie. Quoique moins raffinée que le décor architectural flamboyant auquel elle s’intègre, sa réalisation paraît exactement contemporaine. L’œuvre peut être antérieure à 1510 d’après les données biographiques relatives à son commanditaire, Jean II de La Roche-Aymon, héritier de la terre de Chabannes en 1464, ancien bailli de Mâcon et gouverneur du Languedoc, mort en 1511. Son portrait, dont on distingue encore le buste, et celui de sa femme, Madeleine de Montalembert, occupaient initialement la partie inférieure de la composition, l’un et l’autre habilement disposés au voisinage de saint Jean et de sainte Marie-Madeleine, deux des protagonistes de la Crucifixion qui faisaient en même temps office de saints patrons.
Les petits panneaux carrés du début du 16e siècle de Saint-Symphorien-sur-Couze, du format et de la technique des vitraux civils, sont maintenant conservés au musée des Beaux-Arts de Limoges. Ils avaient bien été conçus pour orner l’église, où ils se trouvaient encore en place au milieu de vitreries blanches à la fin du 19e siècle, avant leur mise à l’abri dans la sacristie. Albert de Laborderie a rapproché de leur esthétique un peu aride les panneaux d’une autre échelle qui appartiennent à la chapelle Saint-Aurélien de Limoges, point d’ancrage de la confrérie corporatiste des bouchers de la ville. La verrière de ce petit oratoire, rebâti vers 1475, n’a été réalisée qu’après 1500 d’après le style de son encadrement. Elle figure le saint patron du lieu accompagné de saint Martial, aux traits vigoureusement définis à la grisaille noire sur des verres vivement colorés. Ce vitrail, fait pour une fenêtre à deux lancettes, devait à l’origine dominer le maître-autel, mais les importantes transformations qu’a subies l’édifice sous Louis XIV l’ont relégué dans la tribune qui surmonte le portail actuel, dans une baie sans meneaux ; les deux évêques, aujourd’hui amputés de leurs panneaux inférieurs, sont environnés de fragments plus anciens rapportés.
Sur la commune de Saint-Michel-de-Veisse, dans la Creuse, la petite chapelle de pèlerinage Notre-Dame de la Borne, reconstruite en peu d’années, était achevée en 1524. La fenêtre du chevet s’éclaire d’un splendide Arbre de Jessé qui s’enlève sur un brillant fond rouge. La verrière est marquée du chronogramme de 1522, et son commanditaire, le religieux François de Viersac, y est représenté sous la protection de saint François d’Assise. On tient là un magnifique témoin, pour une fois précisément daté, de la production d’un atelier aux techniques éprouvées, qu’il est d’ailleurs difficile de localiser. Peut-être est-ce l’œuvre d’un peintre verrier installé à Montluçon, située à une vingtaine de kilomètres de l’abbaye de Chambon-sur-Voueize dont François de Viersac était le chambrier, d’après l’inscription adjointe à son portrait. La conception formelle de ce vitrail et sa peinture, d’un style particulièrement ferme, évoque davantage l’Arbre de saint Bruno de la Chartreuse de Villefranche-de-Rouergue, en Aveyron, que le célèbre Arbre de Jessé - exactement contemporain - signé par Engrand Le Prince à Saint-Étienne de Beauvais, auquel Louis Lacrocq a voulu le comparer71. La verrière nous parvient quasiment intacte malgré le curieux arrangement des panneaux de son tympan, conséquence d’un remaniement pratiqué sous l’Ancien Régime, ou plus probablement en 1844, à l’aide de quelques sibylles peintes sur fond bleu, qui proviennent sans doute d’une autre fenêtre de la chapelle.
Des armoiries de date voisine, du moins antérieures à 1530, sont demeurées dans l’une des fenêtres hautes de l’entrée du chœur de la cathédrale de Limoges. Hormis celles du chapitre, on y reconnaît celles de l’évêque Charles de Villiers de L’Isle-Adam, d’or au chef d’azur chargé d’un dextrochère d’argent revêtu d’un manipule d’hermine pendant sur l’or, qui timbraient également l’une des trois verrières du chevet refaites à son initiative. Cet évêque, qui ne prit possession qu’en juin 1522 bien que nommé dès 1519, avait donc fait compléter les vitraux du 14e siècle de l’abside probablement devenus lacunaires. Il y avait fait placer six figures monumentales, décrites avec précision en 1846 par l’abbé Texier, et quelques années plus tard par Ferdinand de Guilhermy : au nord, à côté de la verrière médiévale de saint Martial et sainte Valérie, se voyait Moïse accompagné d’un Christ muni de la croix de Résurrection, et quatre prophètes en riches costumes étaient répartis dans deux des fenêtres situées en face. Ces panneaux de la Renaissance, sans doute de belle qualité, furent sacrifiés en 1865 au nom de l’unité du style.
Le mécénat de Charles de Villiers de L’Isle-Adam avait d’autre part pourvu d’une verrière l’une des quatre chapelles de la nef, bâties avant 1500 mais décorées un peu plus tard. N’en ont survécu que les minces vestiges en place dans trois de leurs tympans, où se décèlent du reste des factures fort variées. Mais ces vitraux ont par bonheur été décrits au 17e siècle par le Carme déchaussé Bonaventure de Saint-Amable, du temps où ils étaient encore à peu près complets72. Ce que cet auteur rapporte de la verrière du prélat, la première après le bras nord du transept, laisse deviner que celui-ci avait choisi pour patrons saint Charlemagne et saint Adrien, comme dans le beau vitrail de la collégiale Saint-Martin de Montmorency également dû à sa générosité : dans la partie gauche, le saint empereur, sous les traits de Charles-Quint, auprès duquel Charles de Villiers avait été l’ambassadeur du roi François Ier, le présente à la Vierge à l’Enfant figurée au centre, et le saint guerrier accompagné du lion, son attribut, occupe la troisième lancette73. À Limoges, Bonaventure de Saint-Amable reconnut bien Charlemagne, mais prit Adrien pour Pépin le Bref et baptisa Louis le Débonnaire le saint Louis en armure qui complétait la composition. Pour sa commande de Montmorency, il a été dit jusqu’ici que Charles de Villiers avait fait appel au meilleur peintre verrier de Beauvais, Engrand Le Prince, parce qu’il occupait le siège épiscopal de cette ville ; mais la verrière, qui porte la date de 1524, représente bien le titulaire de l’évêché de Limoges, qu’il ne quitta qu’en 1530 par permutation avec Antoine de Lascaris de Tende74. Sans doute est-ce également pendant son séjour dans la capitale limousine que fut vitrée la grande baie du pignon nord de la cathédrale, sous laquelle se trouve sculpté son écu armorié. Cette rose, en réalité un gigantesque tympan flamboyant en forme de losange curviligne surmontant huit hautes lancettes qui ont perdu leurs vitraux, comprend encore la plupart de ses panneaux d’origine, une cour céleste qui réunit autour du Christ plus de deux cents séraphins minuscules, dont la réalisation a visiblement mobilisé plusieurs mains. Les verres de toutes couleurs y sont nuancés par l’emploi peu systématique du jaune d’argent et de diverses teintes de grisailles.
Les fenêtres axiales de deux églises de Corrèze avaient été obstruées sous l’Ancien Régime, conséquence de la mode d’orner les maîtres-autels de grands retables. Les vitraux qui s’y trouvaient n’ont cependant pas été détruits mais simplement déplacés, non sans subir d’importantes modifications à l’occasion de leur remploi. Ceux de Saint-Cyr-la-Roche ont gagné une fenêtre latérale du chœur de l’église, et ceux de Notre-Dame de La Tourette à Ussel sont conservés « en vitrine », accrochés sur une paroi de l’édifice. Les quatre panneaux rescapés de cette dernière église faisaient partie d’un grand Calvaire, vraisemblablement à peine postérieur à 1500 d’après ce qui subsiste de son fond damassé et de sa bordure. Si la verrière provient bien de la baie à deux lancettes du chevet, sa destination primitive justifie une curiosité iconographique, la réunion dans l’un des compartiments de la Vierge et de saint Jean - qui la tient par l’épaule -, tous deux jouant en même temps le rôle de saints patrons du donateur agenouillé à leurs pieds, pour le présenter au Christ en croix qui occupait l’autre moitié de la fenêtre. La Crucifixion à nombreux personnages de Saint-Cyr-la-Roche
, restée plus complète que celle de Saint-Pierre-de-Fursac, devait initialement être partagée en trois lancettes ; elle a pu être amputée de ses panneaux inférieurs à l’occasion de son transfert depuis la baie majeure de l’église. La verrière, de facture populaire, peuplée d’une foule dense de personnages peints avec un luxe de détails pittoresques, peut avoir été réalisée autour de 1530, encore que tout point de comparaison manque pour l’affirmer. En une région où, comme en Auvergne, les constructions nouvelles se raréfièrent pour longtemps, cette verrière représenterait en ce cas l’ultime témoignage concret de la production monumentale du 16e siècle en Limousin. Certaines commandes continuèrent pourtant à être passées, ce qu’enseignent certains textes exploités par l’abbé Texier : en 1556, la confrérie du Saint-Sacrement de Saint-Pierre du Queyroix de Limoges fit les frais de la verrière de la Cène déjà mentionnée plus haut, due au peintre verrier Réchambault associé à Pierre Pénicaud, qui était peut-être son cartonnier. Le vidimus de la verrière peint par Pierre Raymond, frauduleusement soustrait au registre de comptes de la confrérie au 19e siècle, ressemblait sans doute à la miniature du même artiste qui ouvre, précisément la même année, le livre de la confrérie du Saint-Sacrement nouvellement établie à Saint-Michel-des-Lions75.
L’iconographie des vitraux anciens
En préambule de l’ouvrage qui servait de catalogue à une récente exposition célébrant les saints de la Haute-Vienne, Jean-Loup Lemaître a relevé la proportion élevée d’hagiotoponymes – près d’un tiers des noms des communes - qui singularise le Limousin ; le phénomène révèle la grande vitalité des héros chrétiens régionaux, bien avant que le 19e siècle ne réactive leurs légendes76. Notamment véhiculée par plusieurs traités du dominicain limougeaud Bernard Gui (1262-1331), la riche iconographie locale trouva son illustration dans toutes les techniques d’art, entre autres dans la peinture sur verre77. Des vitraux qui nous sont parvenus, certains portent l’image des acteurs de la christianisation limousine, au premier rang desquels figure en bonne place saint Martial, l’apôtre de l’Aquitaine dont Grégoire de Tours plaçait l’histoire vers 250, mais que la Vita sancti Martialis prolixior, composée vers 1025 au sein du grand monastère qui portait son nom à Limoges, préféra considérer comme un envoyé direct de saint Pierre78. Peu caractérisé, le premier évêque du diocèse reste difficile à identifier sauf lorsqu’il est associé à la populaire sainte Valérie, réplique féminine de saint Denis, « vierge et protomartyre des Gaules » dont la légende s’était forgée au cours du 10e siècle79 : après avoir subi la décollation, la sainte apporta sa tête à Martial tandis qu’il célébrait un office. La scène a été mise à l’honneur vers 1325 dans l’une des fenêtres du rond-point de la cathédrale de Limoges ; le même miracle occupe à Eymoutiers la rose d’un tympan des années 1470, ainsi que l’un des petits panneaux conservés à Solignac, où un autre figure les saints Alpinien et Austriclinien, compagnons du proto-évêque limousin. Saint Aurélien, successeur direct de saint Martial et supposé auteur de sa Vita prolixior, est représenté auprès de lui dans la chapelle qui lui est dédiée à Limoges. Saint Léonard, libérateur des prisonniers, parent des rois francs et filleul de saint Remi de Reims, est le seul du panthéon limousin à bénéficier d’une notice dans la Légende dorée compilée par Jacques de Voragine à la fin du règne de Saint Louis ; il est honoré d’une représentation du 16e siècle à Saint-Michel-des-Lions, et surtout d’une admirable figure revêtue du lys de France, peinte vers 1480 pour le chevet de la collégiale d’Eymoutiers. Dans la même église, bâtie sur les lieux où il s’était retiré, on ne pouvait manquer de rendre hommage à saint Psalmet, d’autant qu’une confrérie attachée à promouvoir son culte existait là dès le 15e siècle. Saint Éloi naquit en 588 près de Limoges, à Chaptelat, où une verrière de l’église Saint-Eloi lui était consacrée. On sait que le saint patron des orfèvres, qui passe pour avoir introduit la technique des émaux en Limousin, était également représenté dans les vitraux du 15e siècle de Solignac en tant que fondateur de l’abbaye ; son disciple saint Théau, mais aussi saint Denis, saint Pierre et bien d’autres y eurent droit à des verrières, liées à la présence de leurs reliques.
Les reliques offertes à la vénération des fidèles jouaient en effet un rôle majeur dans le choix des programmes : l’image de saint Étienne occupe ainsi plusieurs des verrières de la collégiale d’Eymoutiers, pas seulement en tant que saint patron de l’édifice. C’est également le cas de sainte Anne, dont le monument s’enorgueillissait à la fin du Moyen Âge de posséder la mamelle conservée jusqu’au 13e siècle à Sainte-Anne-Saint-Priest. Les saints proprement locaux sont donc loin d’avoir exercé un quelconque monopole sur l’iconographie. Ils sont d’ailleurs absents de la vaste série hagiographique conservée à Magnac-Bourg, où le collège apostolique, autrefois au complet dans la baie centrale, est entouré de martyrs et de confesseurs ; parmi ceux-ci se trouvent des figures si rares qu’elles seraient impossibles à identifier sans les inscriptions qui les accompagnent, par exemple les papes Étienne Ier et Fabien, martyrisés au 3e siècle. Les plus représentés sont en fait des saints universels de la chrétienté occidentale, comme les apôtres Pierre ou Jacques le Majeur, toujours munis de leurs attributs caractéristiques, chacun plusieurs fois figuré à Eymoutiers de même que sainte Catherine, fort en faveur dans la France de Charles VII et de Louis XI, ou saint Jean-Baptiste. Le récit de la vie de ce dernier compte encore quinze scènes au chevet de l’église Saint-Michel-des-Lions de Limoges, avec des épisodes rarement illustrés, inspirés par la « Nativité de saint Jean-Baptiste » de la Légende dorée ; si l’on en croit l’abbé Texier, un autre cycle en huit scènes existait à Panazol, dont seuls subsistent son martyre et la Visitation.
Dans ce trésor d’images, les scènes relatives à la Passion du Christ, si répandues dans toutes les autres régions de France, sont presque absentes des vitraux limousins si l’on excepte les représentations de la Crucifixion conservées à Saint-Pierre-de-Fursac, à Saint-Cyr-la-Roche, à La Tourette près d’Ussel ou dans la rose nord d’Eymoutiers. Aucune des verrières de la cathédrale de Limoges n’est consacrée au Sauveur, hormis le Calvaire miniaturiste du sommet de la fenêtre axiale de l’étage supérieur et les « parousies », images du Christ de l’Apocalypse ou du Jugement dernier, qui trouvent aisément place dans les ajours des tympans, là comme à Eymoutiers. La Vierge est honorée plus régulièrement80, entre autres à Limoges, à Saint-Michel-des-Lions avec une verrière narrative à nombreuses scènes, à Saint-Pierre-du-Queyroix avec sa mort et son triomphe, et dans la fenêtre majeure de la cathédrale avec l’Annonciation. Outre sa généalogie représentée dans l’Arbre de Jessé de la chapelle de La Borne, ou les scènes liées au cycle de l’Enfance du Christ, à Augne et à Panazol, les figures en pied de la Vierge à l’Enfant sont multipliées dans le vitrage d’Eymoutiers. Une autre occupe l’une des fenêtres mises en place peu après 1500 dans l’église de Magnac-Bourg, auprès d’une représentation remarquablement précoce de saint Joseph, dont le culte ne se développa véritablement en France qu’avec la Contre-Réforme.
Des Guerres de Religion à la Révolution
La période qui débute au milieu du 16e siècle et qui couvre les deux siècles suivants est d’autant plus difficile à caractériser qu’on n’en conserve pratiquement rien, à l’exception de certains des fragments de verrières monumentales remontés dans les « panneaux d’antiquaire » conservés au musée des Beaux-Arts de Limoges, par définition hors contexte et de provenance locale incertaine. L’église Saint-Jean-Baptiste de Bourganeuf, l’ancienne commanderie creusoise des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem devenue de 1367 à 1787, après le Puy-en-Velay, le grand prieuré de l’ordre pour la « Langue d’Auvergne », possédait encore au milieu du 19e siècle les débris d’un Jugement dernier, représentant des ressuscités, hommes et femmes nus sur fond de ciel étoilé. C’étaient là les seuls vestiges de quatre verrières exécutées pour l’édifice dans les premières années du 17e siècle81. Ils ont disparu (à l'instar de la grande baie du chevet représentant un Calvaire daté du 15e siècle, selon le procès-verbal d'une visite faite en 1617), comme d’autres fragments du même siècle relevés sans détails dans plusieurs églises de la Haute-Vienne, à Saint-Léger-la-Montagne (église Saint-Léger, fragments disparus avant 1937), à Châteauponsac (église Saint-Thyrse, fragment disparus avant 1937) ou à Mortemart (l'église Saint-Hilaire possédait des fragments de vitraux armoriés anciens disparus vers 1940 ou à peine plus tôt)82. Un panneau des environs de 1600, un Christ de douleur émergeant du tombeau, occupe le sommet d’un tympan du chœur de la collégiale d’Eymoutiers, mais cette œuvre de facture modeste est plus certainement un remploi postérieur à 1870 qu’une réfection pratiquée sous l’Ancien Régime, l’abbé Texier ne la signalant pas. Rien n’atteste d’ailleurs sa provenance locale : il pouvait faire partie des morceaux conservés en réserve chez le restaurateur, en l’occurrence l’atelier lorrain Champigneulle.
Les seules traces certaines de l’activité des peintres verriers régionaux se décèlent au travers des restaurations qu’ils ont pratiquées sur les verrières plus anciennes. La tête d’un des saints évêques du 15e siècle de l’église de Solignac, admirablement peinte, est une réfection, sans doute antérieure aux troubles religieux des années 1560. Ceux-ci n’affectèrent pas les monuments de la région de manière aussi notable que dans d’autres provinces. Le seul acte de vandalisme concernant des vitraux dont on ait gardé mémoire se rapporte à la prise de Beaulieu-sur-Dordogne par les troupes de Coligny, qui incendièrent son abbaye et en brisèrent les vitraux pour en prélever les fers et les plombs83. Le Jessé et plusieurs des rois de la verrière datée de 1522 de la chapelle Notre-Dame de La Borne portent les marques d’une intervention de l’extrême fin du 16e siècle ou du début du siècle suivant, preuve d’une campagne d’entretien, que les restaurations ultérieures n’ont pas fait disparaître. Les archives fournissent aussi des noms de peintres verriers ou de vitriers, parfois dans le contexte de ces réparations. Le marché passé en 1602 entre le chapitre de Saint-Martial de Limoges et Sylvestre Pontut, installé à Grandmont, a été signalé plus haut84. En 1598, selon un autre marché, contracté par le représentant de l’évêque de Limoges et les délégués du chapitre convenus de se partager les frais par moitié, Psalmet ou Psaulmet Faulte accepta de restaurer en quatre mois seize verrières hautes et basses de la nef et du transept de la cathédrale de Limoges85. Les termes mêmes du texte assurent que Psalmet pratiquait encore la peinture sur verre puisqu’on le chargea de « remettre en icelles vitres les figures et ymages y estantes en la forme qu’ils y estoient cy-devant ». On note toutefois qu’il lui était en même temps demandé de réassortir des vitraux lacunaires à l’aide de « verres de couleurs approchantes », méthode de restauration qui devait prévaloir tout au long des deux siècles suivants et au-delà, jusqu’au renouveau que connut l’art du vitrail sous Louis-Philippe.
Ce Psaulmet Faulte, installé sur la paroisse Saint-Pierre-du-Queyroix de Limoges, était l’époux d’Anne Pencharaud, dont il eut une fille baptisée la même année 159886. Les noms d’une dizaine de ses confrères apparaissent avec le titre de maîtres vitriers, toujours distincts des maîtres peintres, dans les registres paroissiaux du 17e et du début du 18e siècle de Saint-Pierre. De brèves mentions font ainsi connaître Pierre Langlade, natif de Brive-la-Gaillarde et inhumé à Limoges en 1669, Martial Peyré, mort avant 1678, Martial Martin actif en 1686, Guillaume Sirvent cité entre 1700 et 1706, ou Joseph Laudin (1667-1727). Le seul croisement de ces informations succinctes suffit à illustrer l’endogamie habituelle aux anciens corps de métiers : Anne Vauzelle, femme du maître vitrier Léonard Charboniaud citée en 1671, était sans doute la fille ou la sœur de Léonard Vauzelle, de même profession, mort en 1668. Ce dernier était né en 1613 d’un homonyme également maître vitrier, qui avait choisi en 1610 pour marraine d’un autre de ses enfants une Andrine Faulte, certainement parente de Psaulmet. On voit aussi qu’à Limoges comme ailleurs, en particulier à Paris où les textes abondent, s’ils ne passaient héréditairement d’une génération à l’autre, les ateliers se transmettaient par mariage : c’est notamment le cas de l’entreprise que dirigeait Léonard Dumain, époux avant 1689 de Léonarde Durousseau qui, devenue veuve, se remaria en 1706 à un confrère, Léonard Délouis.
Les documents concernant les travaux effectués à la cathédrale nomment en outre certains vitriers réguliers de l’édifice sous Louis XV, deux membres d’une même famille paraissant se succéder dans la fonction87. Ainsi, par prix-fait contracté le 9 août 1725, Jacques Pariset s’engagea envers les chanoines et l’évêque à remettre en état « toutes les vitres de ladite église Saint-Étienne sans exception » et, curieusement, à murer la partie inférieure des fenêtres hautes, devant fournir à cette fin aussi bien le verre et le plomb que les briques et le sable. Le 1er février 1746, Martial Pariset – son fils ? -, demeurant rue du Saint-Esprit paroisse Saint-Michel, signait un contrat d’entretien du vitrage de la cathédrale, de sa sacristie et de l’église paroissiale Saint-Jean toute voisine, pour une durée de sept ans qui avaient commencé le jour de Noël précédent ; il fut convenu qu’il serait rétribué quarante livres par an, toujours équitablement partagées entre l’évêque et le chapitre, non compris les travaux extraordinaires qui pourraient survenir.
Le vitrail passé de mode, les anciens savoir-faire durent se perdre en Limousin plus rapidement qu’en des provinces radicalement conservatrices, comme la Bretagne. Faute de clientèle, il est probable qu’à compter des années 1600, voire un peu plus tôt, la plupart de ces hommes du métier, plutôt nombreux à Limoges si on ajoute aux paroissiens de Saint-Pierre-du-Queyroix ci-dessus évoqués leurs confrères vivant dans d’autres quartiers, avaient oublié les techniques traditionnelles de la peinture sur verre. L’essentiel de leurs tâches devait consister à travailler le verre blanc pour clore les habitations et les autres catégories de bâtiments.
Les vitraux civils
Une part non négligeable des occupations des peintres verriers du Moyen Âge et de la Renaissance était dévolue au vitrail destiné aux châteaux, aux demeures urbaines ainsi qu’aux monuments publics - comme l’écu armorié des consuls de Limoges, de gueules au buste de saint Martial accosté des lettres à l’antique SM, qui subsiste au musée des Beaux-Arts. Plus soumis aux modes que le vitrail religieux, aucun exemple de ces vitraux civils ne s’est conservé in situ, et beaucoup ont été détruits. La forteresse corrézienne de Moustier-Ventadour, vendue comme bien national à la Révolution et démantelée au début du 19e siècle, est aujourd’hui en ruine, mais on sait que la grande salle haute du logis bâti autour de 1440 pour Charles de Ventadour, ancien chambellan du roi Charles VI, était éclairée d’une verrière héraldique qui existait encore vers 1700 et peut-être au-delà. Un croquis de Roger de Gaignières en a laissé le souvenir : les armoiries du maître des lieux, échiquetées d’or et de gueules, telles qu’elles sont sculptées au linteau d’une porte du château, soutenues par un couple d’hommes sauvages aux cheveux teintés de jaune d'argent et surmontées d’un casque orné d’un dragon de sinople aux ailes d'or, formaient un panneau rectangulaire souligné de la devise JEYMERE QUI MEYMERA88.
La production de vitraux civils semble avoir été fort active dans la région tout au long du 16e siècle, en tous cas à Limoges. Quelques feuillets d’un petit manuel sans doute local, qui comprenait la recette pour fabriquer les « rondels », tombèrent par hasard entre les mains de l’abbé Texier, tirés, dit-il, d’un « traité embrassant la technique des verriers dont l’écriture et le style trahissent le 16e siècle »89. Selon le passage transcrit de ce mémoire perdu, « Si tu veux faire des vitres de griset plaisants par clarté portant personnages, portraits, portiques et fleuronies (arabesques) [qui] se placent ès temples et riches logis, deux teintures te sont nécessaires… ». Les teintures évoquées là sont à l’évidence la grisaille et le jaune d’argent, auxquels le peintre verrier avait recours pour peindre un sujet religieux, allégorique ou historique de petites dimensions, sur la petite pièce de verre, le plus souvent de forme circulaire, à placer au milieu des châssis vitrés d’ornements ou de losanges mis en plombs.
Ces vitrages domestiques porteurs d’images avaient été si répandus dans la capitale limousine que certains rondels se trouvaient encore en place aux fenêtres des habitations autour de 1800. Les particuliers qui en avaient conservé étaient du reste encore nombreux à la fin du 19e siècle, témoin les prêts consentis à l’exposition rétrospective de Limoges90, ou les exemplaires qu’a recueillis le musée des Beaux-Arts. Le plus célèbre, régulièrement mentionné depuis 181191, appartient à ce musée depuis 1983. Le sujet de ce petit panneau rectangulaire a fait couler beaucoup d’encre : il a longtemps été interprété comme le portrait de Jeanne d’Albret prêchant le protestantisme à Limoges après avoir contraint les bénédictins de Saint-Martial à lui dresser une chaire sur la Place du Dessous-des-Arbres. En réalité, la représentation, peinte au plus tard vers 1520 d’après son style, n’avait d’autre but que de moquer les prétentions intellectuelles de la gens féminine. Elle avait d’ailleurs pour pendant une charge contre le clergé, un rondel (1er quart du 16e siècle, peint en grisaille et jaune d'argent) maintenant non localisé, qui représentait un renard déguisé en moine, s’adressant du haut de sa chaire aux habitants d’un poulailler et leur montrant un parchemin auquel est appendu un sceau. La reproduction de ces deux sujets satiriques et moralisants par Ferdinand de Lasteyrie dans le recueil lithographié de son Histoire de la peinture sur verre les fit connaître à l’échelle nationale dès 1853. Afin de le montrer aux élèves de son cours d’archéologie, l’abbé Texier avait emprunté le prétendu panneau de Jeanne d’Albret à son ami Maurice Ardant, qui le possédait après qu’il eût été découvert quelques années avant la Révolution aux vitres d’une cuisine de la rue Manigne, gagnant alors le salon d’un notable. Bien d’autres vitraux civils existaient dans la ville, entre autres les allégories des Quatre Saisons mentionnées par Allou dans la maison qu’avait fait bâtir après 1566 près du Marché aux poissons Bartholomé de Voyon, parmi lesquelles « l’Été, femme robuste, faucon au poing, assise sous des chênes, appuyée sur une tortue, paysage avec lac, fabriques, pêcheurs, le tout sur un ovale de 25 centimètres »92. La forme du cadre laisse deviner la date tardive de ce petit ensemble perdu, les panneaux ovales et non plus circulaires correspondant à une mode qui ne s’imposa guère avant 1600.
Le vitrail objet de collection
Inspecteur des Monuments historiques depuis 1834, Prosper Mérimée s’arrêta à Limoges en 1838 et eut ainsi l’occasion d’admirer de « belles peintures sur verre et sur émail conservées dans quelques collections particulières ». Il signale celle du préfet Germeau, occupé « avec le zèle le plus louable à recueillir et à conserver les objets d’art de la province », et celle de l’archiviste Maurice Ardant, « correspondant du Ministère de l’Intérieur »93. On trouve des informations complémentaires sous la plume de l’abbé Texier94 : le vitrail que possédait Albert Germeau était « un charmant Arbre de Jessé » trouvé dans la maison d’un boulanger de Limoges, rue du Collège ; ce rondel quitta vraisemblablement la région avec son propriétaire, devenu préfet de l’Oise fin 1838 puis de Moselle l’année suivante95. Hormis le fameux « vitrail de Jeanne d’Albret », le cabinet de curiosités de Maurice Ardant comprenait un panneau héraldique originaire de la rose méridionale de la collégiale d’Eymoutiers - déposé à la faveur de travaux non documentés ? -, et depuis égaré. Une maison de Pierre-Buffière était ornée d’une petite Crucifixion « vendue à vil prix » pour enrichir la collection d’un amateur toulousain, un certain M. Soulage. Le logement du chanoine Féret, curé de Solignac, était éclairé de « trois croisées ornées de charmantes verrières de la fin du 14e siècle » déjà évoquées plus haut, vitraux civils ou éléments de verrières religieuses, on ne saurait le dire puisqu’on ignore ce qu’ils sont devenus96. Louis de Nussac avait recueilli à Chaptelat, lieu de naissance de saint Éloi, un fragment de la verrière, qui lui était consacrée dans l’église, représentant le buste du saint évêque97, dont le cheminement ultérieur est tout aussi inconnu. La documentation qui se rapporte aux vitraux conservés dans le domaine privé est en général peu explicite et, si ces objets sont localisés à un moment précis, les pistes sont ténues pour suivre leurs destinées. Les procès verbaux des réunions de la Société archéologique du Limousin ont parfois enregistré l’arrivée de fragments recueillis par cette institution, mais restent muets sur la provenance de la plupart d’entre eux. L’abbé Texier possédait lui-même plusieurs échantillons de vitraux, dont l’un, du 16e siècle disait-il, représentait le miracle de sainte Valérie98. Le savant était visiblement plus soucieux de les avoir un temps en main comme objets d’étude que de se les approprier : ainsi se défit-il promptement du précieux panneau découvert dans les ruines de l’abbatiale cistercienne de Bonlieu au profit d’Adolphe-Napoléon Didron, qui, on l’a dit, l’exposait à Paris dans son petit musée personnel avant 1850. Il transmit aussi à l’abbé Lecler une figure de saint Jean-Baptiste sur fond rouge, prélevée dans l’une des scènes de la verrière du 15e siècle de l’église Saint-Michel-des-Lions et reproduite en illustration de son essai de 1846. Dès 1867, le bénéficiaire de ce cadeau l’offrit lui-même à la Société archéologique, tout en spécifiant qu’il ignorait comment l’objet était descendu de sa fenêtre99. La pièce a depuis disparu, sans doute détruite accidentellement, ce qui expliquerait que sa copie fut intégrée vers 1903 à l’un des panneaux d’antiquaire composés pour la Société, maintenant conservés au musée des Beaux-Arts de Limoges.
On a signalé plus haut les vitraux de la commanderie de Chamberaud (Creuse), une Crucifixion et des éléments d’une vie de saint Blaise qui pouvaient remonter au début du 13e siècle, vendus à un antiquaire vers 1900. Mythe ou réalité, l’Annonciation qui aurait complété la petite verrière de l’église d’Augne, si elle a bien existé - ce que contestait autour de 1890 le maire de la commune -, a pu subir le même sort peu après le milieu du 19e siècle. Certaines campagnes de restauration ont, semble-t-il, contribué à amoindrir le nombre des panneaux anciens demeurés dans leurs monuments d’origine. Les scènes conservées dans l’église de Panazol étaient ainsi deux fois plus nombreuses avant qu’elles ne soient disposées vers 1860 telles qu’on les voit encore. À la même date, la verrière de la Vie de la Vierge de Saint-Michel-des-Lions avait été amputée de six des siennes afin de ménager une place suffisante aux rois de l’Arbre de Jessé inventés par le restaurateur Joseph Villiet. Peut-être restent-elles à découvrir dans un dépôt inexploré, voire dans une collection étrangère. Les cinq prophètes et le Christ ressuscité de grandes dimensions que l’évêque Charles de Villiers de L’Isle-Adam avait fait placer vers 1525 dans trois des fenêtres hautes du chœur de la cathédrale de Limoges ont pu suivre le même chemin : les panneaux, décrits en bon état avant que le peintre verrier Eugène Oudinot ne les dépose vers 1865, lui furent sans doute abandonnés, selon une pratique alors des plus courantes. Ils ont pu alimenter le commerce d’art et aboutir dans quelque collection où, faute de documents plus précis et surtout d’images, ils n’ont pour l’instant pas été reconnus. De telles recherches sont naturellement facilitées lorsque les œuvres ont été photographiées. Aussi peut-on espérer retrouver trace du panneau de Solignac figurant un religieux officiant devant un autel, présent dans l’atelier d’Émile Hirsch en 1885, ou du rondel de saint Psalmet qui appartenait vers 1910 à la chapelle du faubourg Saint-Gilles à Eymoutiers, connu grâce à la reproduction qu’en a publiée Albert de Laborderie. Ce rondel représentait saint Psalmet, barbu et vêtu en ermite, inscrit dans un chapeau de triomphe orné de phylactères.
On ne saurait en terminer avec cette question sans consacrer quelques lignes aux vitraux étrangers à la région qui, par le biais de collections, sont venus l’enrichir. L’église de Noailles s’est vue offrir en 1937 par la comtesse de La Croix-Laval plusieurs panneaux qui avaient auparavant séjourné au château, sans doute acquis sous Charles X sur le marché d’art par son aïeul Alexis de Noailles. Parmi eux se remarquent deux beaux anges, sortis vers 1540 d’un des meilleurs ateliers de Normandie. À Limoges, le musée national de la Porcelaine Adrien Dubouché a recueilli des fragments réputés provenir de la cathédrale de Beauvais, qu’aurait récupérés l’architecte diocésain De La Rocque après la restauration qui toucha la rose du bras sud du transept en 1884. Le château de Nieul, devenu annexe de la mairie, conserve la collection qu’y avait réunie Armand Nivet, propriétaire des lieux à partir de 1876. Réparti dans les fenêtres des différentes salles du monument, cet ensemble de vingt-sept panneaux comprend principalement des vitraux civils suisses et flamands du 16e et du 17e siècle, ainsi que deux figures de saints typiques de la production germanique, l’une du 13e, l’autre du 14e siècle, enlevées à des verrières monumentales d’Allemagne ou d’Autriche
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Les restaurations du 19e siècle
La renaissance de l’intérêt pour le vitrail a laissé un héritage considérable dans les trois départements. Ce goût se manifesta, en Limousin comme ailleurs, un peu avant le milieu du 19e siècle, tandis qu’il n’existait pas d’entreprise régionale susceptible d’y répondre, situation qui devait perdurer jusqu’à l’installation à Limoges de Francis Chigot à la veille de la Première Guerre mondiale. Pendant trois-quarts de siècle, il fut donc fait appel à des structures plus ou moins éloignées pour la production de verrières nouvelles comme pour la restauration des vitraux anciens.
Le chantier majeur de cette période fut bien évidemment celui la restauration de la cathédrale de Limoges. La phase des travaux concernant les vitraux débuta en 1858 et ne prit fin qu’en 1891, après la construction des travées manquantes de la nef100. En 1865, les opérations menées sur les chapelles du chœur furent confiées à un célèbre peintre décorateur parisien qui faisait carrière comme cartonnier depuis 1839, Louis Steinheil (1814-1885), personnalité à la compétence nationalement reconnue dans le domaine de l’archéologie, qui jouissait déjà d’une grande notoriété. Il travailla à la cathédrale en continu jusqu’à son décès, chargé de restituer et d’harmoniser vitraux et peintures murales101. Contrairement à ce que laisse entendre le chanoine Arbellot dans sa monographie publiée en 1883, Steinheil ne pratiquait pas lui-même la peinture sur verre, mais il en supervisait l’exécution dans les ateliers parisiens de son choix : Louis Goglet, un de ses collaborateurs récurrents, réalisa par exemple les vitraux de la chapelle Sainte-Philomène, et partagea avec Eugène Oudinot l’exécution de ceux de la chapelle Sainte-Valérie.
Parce que les acteurs du service des Monuments historiques les connaissaient bien, appréciaient leurs compétences et se sentaient en confiance avec eux, des restaurateurs parisiens furent sollicités pour remettre en état les vitraux anciens jugés les plus précieux. Émile Hirsch se vit ainsi investi en 1885 de la délicate remise en état des fragments de verrières de l’ancienne abbatiale de Solignac. Eugène-Stanislas Oudinot (1827-1889), élève de Georges Bontemps à la manufacture de Choisy, fréquentant l’atelier d’Eugène Delacroix à partir de 1848, avait installé son atelier à Montparnasse en 1853, et fut honoré en 1862 du titre de peintre verrier de la Ville de Paris102. Il fut appelé de manière régulière en Limousin, restaurant le fameux vitrail de la Vierge de Saint-Pierre du Queyroix (1860-1867), la série des verrières de l’étage supérieur du chœur de la cathédrale de Limoges à partir de 1862, ou les panneaux de Panazol. En 1878, il obtint aussi le chantier des verrières d’Aubazines, après qu’on eût envisagé de l’attribuer à son concurrent Nicolas Coffetier.
Vitraux déplacés et disparus non mentionnés plus haut
Vitraux déplacés
- Département de la Creuse :
- Peyrat-La-Nonière, ancienne église abbatiale de Bonlieu :
Panneau conservé au dépôt des Monuments Historiques de Champs-sur-Marne, Seine-et-Marne (cote CHS 1346 13).
Le plus célèbre exemple de vitrail cistercien est sans conteste le panneau ornemental qui provient l’ancienne abbatiale de Bonlieu, illustré et commenté dans tous les manuels ayant trait au vitrail publiés depuis la seconde moitié du 19e siècle en France et à l’étranger. L’abbaye, prieuré de l’abbaye de Dalon fondée en 1114 par Géraud de Salis (Sainte-Trie, canton d’Excideuil, Dordogne), avait été installée vers 1119 sur des terres concédées par Amelius de Chambon. Un autel de son église avait été consacré par l’évêque de Limoges Géraud en 1141, pendant l’abbatiat de Pierre de Saint-Julien. En 1162-1163 d’après le Gallia Christiana (t. II, Province de Bourges, col. 624), la communauté monastique fut intégrée à l’ordre de Cîteaux en même temps que Dalon, troisième fille de Pontigny, et ses autres prieurés. L’abbé Jean de Comborn (1179-1196) aurait fait terminer la construction de l’abbatiale, consacrée en 1232 par l’évêque Guy de Clauzel. Les bâtiments conventuels médiévaux, disposés en quadrilatère au nord de l’église, furent remplacés au 18e siècle. Le couvent, vendu comme bien national à la Révolution, devint la propriété d’une famille bordelaise ; de son église, qui tombait en ruine, ne subsista dès lors que les murs de l’abside pentagonale autrefois voûtée en cul-de-four, et les deux premières travées de la nef sans collatéraux, encore pavée de carreaux peints du 13e siècle depuis entrés dans les collections du musée de Guéret.
L’abbé Texier rend compte de sa découverte des vitraux de Bonlieu dans l’important article qu’il a publié en 1850. Huit panneaux étaient encore en place en 1843 dans les ruines du chevet de l’abbatiale, « séparés et portés par des barres de fer horizontales », dans plusieurs de ses fenêtres en plein-cintre, chacune haute d’environ deux mètres et large de 56 centimètres. Un unique élément en subsiste, le panneau cintré originaire de la partie supérieure de la fenêtre axiale, de la largeur susdite et haut d’une soixantaine de centimètres. Ce panneau a échappé à la destruction grâce au don qu’en fit le propriétaire des lieux à l’abbé Texier en 1844, lorsque celui-ci revint étudier ces vitraux. L’appartenance de l’objet à Bonlieu est d’ailleurs mentionnée au passé en 1846 par l’érudit dans son essai sur la peinture sur verre, où l’une des rares illustrations lui est réservée (B. Soc. archéol. et hist. Limousin, t. I, pl. V, n° 1). La mise en rapport de cette œuvre avec les verrières d’Aubazine devait susciter l’étude approfondie publiée quatre ans plus tard dans les Annales archéologiques, dans laquelle sont analysés les verres d’épaisseur irrégulière et de teintes verdâtres, l’absence de peinture, le riche dessin de palmettes issu du réseau de plomb, ainsi que les plombs eux-mêmes, demeurés anciens et façonnés au rabot. Il y est rendu compte d’une particularité qui n’a guère été observée ailleurs : s’ajoutant au réseau des plombs qui détermine le motif complexe, en certains endroits de « faux plombs » sont simplement appliqués et fixés en surface, afin de compléter les tracés en évitant les coupes trop difficiles. Avant de conclure sur la solidité des vitraux de Bonlieu, qui avaient pu résister à six siècles suivis d’une cinquantaine d’années d’abandon à tous vents, l’abbé Texier crut bon les dater de 1140, se basant sur la date de consécration de l’abbatiale ; il considérait que le panneau qu’il avait emporté était le plus ancien de tous les vitraux connus. L’affiliation du monastère à l’ordre cistercien constitue un terminus post quem plus vraisemblable.
La notoriété de ce vitrail s’explique par ses destinées. Avant la parution de son article des Annales, l’abbé Texier l’avait offert au directeur de la revue, Adolphe-Napoléon Didron. Cet archéologue de renom l’exposa dès 1849 dans le petit musée de la manufacture de vitraux qu’il venait de créer, 13 rue Hautefeuille à Paris, ce qu’il indique lui-même dans des notes insérées dans ladite publication ; il en illustra la couverture de la brochure publicitaire éditée vers la même date, gravure sur laquelle le panneau apparaît élargi d’une bordure de tresse inspirée de celle de l’une des verrières d’Aubazines. En 1884, l’objet, resté en possession de son successeur Édouard Didron, était présenté dans la première exposition de l’Union centrale des Arts décoratifs au Palais de l’Industrie, qui allait former le Musée du Vitrail de Lucien Magne (la notice du catalogue diffusé en 1886 spécifie « panneau dans ses plombs anciens, prêté par M. E. Didron »). Une autre publication de Lucien Magne en donne également l’image, avec la légende erronée « église de Beaulieu, Corrèze » dans ses deux éditions (Le décor du verre, Paris, 1913, fig. 75 ; Paris, 1927, fig. 90 p. 127). Après 1902, date de la mort d’Édouard Didron, le panneau entra, peut-être indirectement, en possession du peintre verrier Michel Acézat (1878-1944). La collection de ce dernier fut dispersée à l’Hôtel Drouot en 1969, au décès de sa fille ; le panneau, alors préempté par l’État, est depuis conservé au dépôt des Monuments historiques de Champs-sur-Marne. L’examen de l’œuvre résiste à l’opinion répandue qu’il s’agit d’un faux, ce qu’avait envisagé Catherine Brisac du fait des pratiques d’Acézat.
Panneau en plein-cintre. H. 60 cm – L. 57 cm. Élément de verrière décorative incolore, panneau d’amortissement. Vers 1165-1170 (?). Motifs de bouquets de cinq palmettes liées par une bague, inscrits dans des filets décrivant des formes de cœurs et disposés tête-bêche. Tracé des pétales latéraux complété par l’application de plombs minces sur la face interne des verres. Panneau bien conservé, resté dans sa mise en plombs d’origine ; verres corrodés. Cinq petites pièces refaites en périphérie. Filet lisse au pourtour, remplacé au 19e ou au 20e siècle, maintenant composé de verres modernes patinés.
Vitraux disparus
Un certain nombre de vitraux disparus nous sont connus.
- Département de la Corrèze :
- Bénayes, église Saint-Maurice :
Les baies situées de part et d’autre du chœur présentaient des écus armoriés exécutés autour de 1630, décrits par l’abbé Poulbrière au 19e siècle, signalés en place dans un récolement en 1928, mais dont la disparition fut enregistrée avant 1942 par Joseph Boulaud. Dans la fenêtre méridionale, les armoiries, à la croix alésée d’argent, étaient celles de Jean de La Baume, Grand Prieur d’Auvergne. Dans la fenêtre symétrique au nord se voyaient les armes de sa mère Marguerite de Beaufort-Canillac, veuve de Bertrand de La Baume, écu entouré d’une cordelière, parti de Canillac et de Beaufort (au un d’azur au lévrier d’argent et à la bordure componée de même [de Canillac], coupé d’argent à la barre d’azur accompagné en orle de six roses de sable boutonnées de gueules [brisure des Roger-Beaufort], sur le tout d’or au lion de sable brochant sur un semis de croisettes de même [de Montboissier], et au deux d’or à la fleur de lys d’argent – pour de gueules - [de La Baume de Forsac]). Poulbrière évoque également un troisième écu armorié disparu avant les autres, présenté dans un quadrilobe, sans doute celui de Gabriel de La Baume, premier abbé de Saint-Astier vers 1640 (parti, au un d’or semé de roses de gueules à une fleur de lys, au deux d’azur à un lion d’or sommé d’une étoile de même).
- Burgeat, église Saint-Pardoux :
Un rondel daté de 1561, autrefois placé dans la sacristie, fut protégé par une mesure de classement le 12 novembre 1908 avant d’être déclassé l’année suivante, le curé Léon Taguet ayant fait valoir qu’il lui appartenait en propre. Celui-ci établit en effet qu’il l’avait reçu de son frère Auguste Taguet, qui le tenait lui-même de sa belle-famille, domiciliée à Ussel vers 1880.
- Chamberet, église Saint-Dulcet :
L’abbé Texier signale dans cette église des débris de vitraux du 17e siècle, qui ont pu disparaître à l’occasion de la grande restauration du monument entreprise en 1881.
- Dampniat, église Saint-Pardoux :
Victor Forot a enregistré dans cette église la présence d’un petit panneau figurant sainte Marguerite et le dragon, qu’il datait du 15e siècle. Ce panneau, probablement un rondel, est perdu depuis.
- Darnets, église Saint-Pardoux :
Vitrail classé MH en 1923. Deux écus détourés, insérés dans le vitrage losangé d’une baie en forme d’imposte (l’un d’azur à la main appaumée d’or, au chef de gueules à deux croissants d’argent) passaient pour des panneaux du 16e siècle, d’autant qu’une clé de voûte de l’église présente aussi des armoiries parti d’une main appaumée. Ces deux petits panneaux, maintenant composés de verres du 19e ou du 20e siècle, reproduisent peut-être les originaux.
- Orliac-de-Bar, église Saint-Laurent :
Le « petit vitrail assez remarquable », du 17e siècle, signalé en 1846 par l’abbé Texier avait disparu avant la publication du Dictionnaire archéologique de l’abbé Poulbrière en 1889. L’église ne possède qu’une verrière figurée, non datée et anonyme, l’image de son saint patron placée dans la baie d’axe, datant du dernier tiers du 19e siècle.
- Saint-Angel, église Saint-Michel, ancien prieuré :
C’est d’après un relevé de Gaignières que sont connus les vitraux aux armoiries des Roger, de longue date disparus ; les mêmes armes sont sculptées aux bras du transept.
- Saint-Martial-d’Entraygues, église Saint-Martial :
D’après des notes l’abbé Poulbrière copiées par le chanoine Lecler, un vitrail aux armes de Combarel du Gibanel existait encore dans cette église en 1780.
- Saint-Pardoux-Corbier, église Saint-Pardoux :
L’église conservait au 18e siècle un vitrail aux armes des Corbier, écartelées au un et au quatre d’azur aux besants d’or, au deux et au trois coupé d’or et de gueules, selon des notes l’abbé Poulbrière copiées par le chanoine Lecler.
- Département de la Creuse :
- Bénévent-l’Abbaye, église Saint-Barthélemy :
Les chapelles latérales ajoutées à la fin du 15e siècle à l’église romane conservaient en 1847 des fragments de leurs vitraux de couleur. Édouard Didron, appelé par Paul Abadie en 1875, est l’auteur des vitraux modernes.
- Bussière-Dunoise, église Saint-Symphorien d’Autun :
L’abbé Texier signale dans cette église des débris de vitraux, disparus avant 1921.
- La Cellette, église :
L’archiviste Auguste Bosvieux avait enregistré au milieu du 19e siècle la présence, dans une baie méridionale de la nef, des restes d’un vitrail comportant un écu armorié palé d’or et de gueules, entouré du collier de l’Ordre de Saint-Michel, au cimier sans couronne, qui devait être celui des Duprat.
- Felletin, chapelle Notre-Dame du Château :
L’abbé Texier signale la présence de débris de vitraux anciens dans cet édifice que Pierre de Bourbon, comte de la Marche, décida de faire bâtir en 1478. L’église, restaurée en 1882, depuis dépouillée de son mobilier, est devenue une salle d’exposition dédiée à la tapisserie. Les verrières que Francis Chigot avait réalisées en 1943 ont été remplacées par Henri Guérin en 1970.
- Genouillac, église Saint-Pierre :
Dans une verrière de cette église, Auguste Bosvieux avait relevé entre 1851 et 1864 un écu armorié ancien.
- Moutiers d’Ahun, église Notre-Dame de l’Assomption :
Joseph Boulaud décrivit d’après Auguste Bosvieux l’écu armorié d’un membre de la famille de Bourbon demeuré vers 1860 dans l’une des vitres de cette église, écartelé au un et quatre d’azur à trois fleurs de lys d’or au bâton posé en bande componé d’or et d’argent, au deux et trois d’or au lion rampant.
- Saint-Avit-le-Pauvre, église :
D’après les carnets de Louis Guibert copiés par l’abbé André Lecler, cette église conservait un petit vitrail aux armes de Courthille, d’argent au chevron de gueules accompagné de neuf merlettes de sable, 4, 2, 1 et 2.
- Département de la Haute-Vienne :
- Bellac, église de l’Assomption de la Vierge :
Parmi les vitraux ajoutés par l’abbé Lecler en 1867 à la liste de ceux repérés par l’abbé Texier, sont mentionnés les panneaux héraldiques que possédait cette église, détruits avant 1940. Ils comprenaient notamment un écu armorié, parti au un de gueules à la barre d’argent accompagné d’une étoile de même en chef, et au deux d’argent au lion de sable, identifié par Joseph Boulaud comme celui de la famille de Coustin, seigneurs de Puymartin.
- Compreignac, église Saint-Martin :
Un écu armorié provenant d’une verrière de cette église était entré en possession de l’abbé Lecler, qui l’a offert en 1869 à Société archéologique du Limousin. Le panneau ancien provenait certainement de la verrière axiale de l’église, renouvelée en 1868 par Lucien Léopold Lobin ; cette création, le Christ entre saint Martin et saint Eutrope, ainsi qu’une verrière figurant la Vierge et sainte Catherine, sortie du même atelier tourangeau en 1874, ont fait l’objet d’une mesure de classement en 1990.
Type de dossier |
Dossier d'aire d'étude, régional |
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Référence du dossier |
IA87006502 |
Dossier réalisé par |
Gatouillat Françoise
Ingénieur de recherche au Centre André Chastel. Lefebvre Barbara Chargée de recherches_Centre André Chastel (octobre-décembre 2015). |
Cadre d'étude |
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Date d'enquête |
2011 |
Copyrights |
(c) Région Limousin, service de l'Inventaire et du Patrimoine culturel, (c) Centre André Chastel - Françoise Gatouillat |
Citer ce contenu |
Présentation de l'aire d'étude : Corpus Vitrearum, Dossier réalisé par Gatouillat Françoise, (c) Région Limousin, service de l'Inventaire et du Patrimoine culturel, (c) Centre André Chastel - Françoise Gatouillat, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/4739255e-8f32-4879-9884-4db1423edb94 |
Titre courant |
Présentation de l'aire d'étude : Corpus Vitrearum |
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