Monument aux morts de la commune de Ruelle-sur-Touvre, Charente

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Historique issu du blog https://ruelle-histoire.jimdo.com/in-memoriam/

Le 28 juin 1919, la commission des finances du conseil municipal de Ruelle, se prononce pour la constitution « d’un comité pour l’érection d’un monument aux jeunes patriotes tués à l’ennemi ou morts des suites des blessures ou de maladies contractées sur les champs de bataille ». Elle préconise d’édifier le monument dans le cimetière et de le financer par une souscription publique ; à cet effet, il lui semble nécessaire de prévoir un minimum de 10 000 francs pour envisager un monument en granit. Elle souhaite que la composition de ce comité soit majoritairement extra-municipale afin d’impliquer un maximum de personnes. Ces propositions sont entérinées au conseil municipal du 27 septembre 1919.

Dans une lettre du 10 avril 1920 M. Mazaleyrat, instituteur à Ruelle et secrétaire du comité, indique qu’il n’a en caisse que 5300 francs (dons, subventions diverses…) ; il s’inquiète du lieu d’implantation du monument dans la mesure où l’agrandissement du cimetière est momentanément ajourné.

Dans sa séance du 12 juin 1920, le conseil ne vote qu'une subvention de 2000 francs, aussi est-il nécessaire de trouver un financement complémentaire si on ne veut pas se contenter d'un simple obélisque.

Le comité va devoir choisir le type de monument non seulement en fonction du coût mais aussi de la symbolique : un soldat armé d’un fusil, partant à l’assaut, n’exalte pas les mêmes valeurs que la femme pleurant mari ou enfants.

Dans une lettre de décembre 1920, M. Mazaleyrat expose au conseil municipal les difficultés rencontrées par le comité. Aux prix proposés généralement trop élevés, s’ajoutent les réticences de la population. Pour justifier un refus de participation, on recourt aux arguments traditionnels d'un pragmatisme spécieux : "les morts, c’est important mais il vaut mieux s’occuper des vivants" ou de l'opposition politique : "c'est le monument du nouveau conseil". Le comité regrette le désintérêt de la population, croit discerner un manque d'intérêt dans la classe ouvrière. Pourtant il a éliminé toutes les propositions d'un coût trop élevé, tous les projets qui s'écartent de la plus stricte neutralité religieuse ou politique.

Il a choisi la représentation d'une femme en deuil qui symbolise la ville de Ruelle, tenant une couronne d'immortelles. Le monument d'une hauteur totale de 3,30m en pierre de Lavoux, sera gravé au dos des noms des soldats morts durant le conflit. Le prix prévisionnel s'élève à 13400 francs et le comité estime que c'est le minimum pour réaliser un monument qui fasse honneur à la ville ; seulement, il ne dispose que de 9300 francs… Au conseil du 11 février 1921, il est décidé d'ajouter une somme maximum de 4000 francs au 2000 déjà prévus.

En novembre 1921, on fait le point : le comité dispose de 10300 francs, et 5000 sont prévus au budget de 1921, mais le coût est entre-temps passé à 15600 ; il faut donc voter une rallonge de 300 francs. Le projet a été élaboré par Émile Peyronnet, statuaire charentais. Une convention est signée entre le maire et Émile Peyronnet pour l'exécution complète du monument dans le cimetière, la fourniture de pierres, la sculpture, l'inscription des noms ; les travaux doivent être terminés le 1er septembre 1922. Mais l'acquisition de la parcelle nécessaire à l'agrandissement du cimetière ayant pris du retard, on décide de construire le monument au bout de l'allée parallèle à la route de Limoges, face au mur de clôture de manière qu'une fois l'agrandissement réalisé et le mur démoli, il soit placé au regard d'une grande allée.

L'inauguration du monument est fixée au dimanche 29 octobre 1922 à 14 heures et une note de l'Inspecteur d'Académie précise que la présence des élèves à la cérémonie est tout indiquée. Le programme prévoit une allocution du comité, un discours du maire et un défilé des enfants des écoles avec le concours de la Musique de la Fonderie.

Le Matin charentais du 1er et 2 novembre relate la cérémonie : à l'heure prévue, autour du monument sont regroupés le comité, le conseil municipal, les élèves des écoles et une nombreuse assistance. Le docteur Viroulaud, président du comité, après avoir retracé l'origine et le travail du comité, indique la pensée qui a guidé le choix du sujet : "Douleur et Souvenir". Il "souhaite que l'union sacrée persiste et ouvre le chemin à la voie d'une véritable fraternité" ; puis il remet officiellement le monument à la ville de Ruelle. À son tour, Jean Antoine, maire et conseiller général, "remercie la population d'être venue aussi nombreuse honorer les morts de la commune qui sont tombés pour que les horribles cataclysmes causés par la guerre de 1914-1918 ne se reproduisent plus". Il annonce qu'il s'efforcera, avec le parti politique auquel il appartient, de faire en sorte que ce soit la dernière des guerres. Conformément au programme on va faire défiler les enfants quand M. Héraud, délégué de l'Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC) essaie de prendre la parole. Le maire, membre du Parti socialiste communiste, tente de l'en empêcher, sans y réussir, aussi donne-t-il l'ordre à la fanfare de jouer et fait-il défiler les élèves qui, sous la conduite de leurs maîtres, déposent des gerbes de fleurs naturelles sur le socle du monument pendant que M. Héraud poursuit la lecture de son discours. Le discours terminé, M. Héraud et les membres de l'ARAC défilent, drapeau rouge en tête, devant le monument. Et l'article se termine ainsi : "La foule défilant à son tour, se retire lentement regrettant profondément qu'un incident de cette nature se soit produit à un tel moment et en un tel lieu."

Outre l'opposition politique qui a pu être à l'origine de cet incident, le maire de la commune n'a également sans doute pas voulu voir son programme perturbé par un groupe souhaitant prendre la parole, alors que d'autres associations d'anciens combattants auraient peut-être aimé faire de même.

Le 9 juillet 1948, le monument est déplacé du cimetière vers la mairie, afin d'en faire un monument unique à la mémoire des morts des deux conflits mondiaux.

En collaboration avec Émile Peyronnet sculpteur et conservateur du musée d'Angoulême qui avait réalisé le premier monument, l'architecte Fernand Poncelet présente une nouvelle version de monument intégrant la statue de la femme en deuil devant un mur en pierre calcaire au dos duquel, sous deux médaillons en haut-relief symbolisant la Résistance et ses martyrs, seront gravés directement dans la pierre, les noms à honorer ; le mur est surmonté d'un portique composé d'une architrave portée par deux colonnes doriques. Cette proposition est acceptée au début d'octobre 1948 ; le coût s'élève à 456 435 francs. Le 8 octobre, un marché de gré à gré est passé avec l'entrepreneur André Gros qui devra avoir terminé la réalisation le 30 avril 1949.

Après un aménagement de la place aux abords du monument, il est prévu que Jean-Maurice Poitevin, maire de Ruelle, l'inaugure le 8 mai 1949 à 11 heures.

En 1981, quelques fissures et éclats dans la partie basse du monument, notamment au niveau du manteau de la statue, obligent M. Joubert, sculpteur à Ruelle, à procéder à de menues réparations estimées à 13 300 francs.

Mais sous l'effet de l'humidité et des gelées, la stèle et la statue continuent de se dégrader gravement. En novembre 1993, il est nécessaire d'envisager une importante réparation à en juger par la liste des travaux prévus :

- Découpe de la statue par sciage afin de la désolidariser de la stèle de pierre tendre qui sera remplacée par une autre en granit de Bretagne

- Repose de la statue après restauration

- À l'avant de la stèle, pose d'une plaque mémoire, en vis-à-vis de la statue

- À l'arrière, incrustation de deux hauts-reliefs identiques à ceux qui sont remplacés et pose de trois plaques de granit gravées des noms des morts pour la France (deux plaques pour 1914-18, la plaque de droite pour 1939-45 et une autre pour la guerre d'Algérie)

- Reconsolidation des marches et jardinières au pied du monument. Cette restauration, confiée à l'entreprise Charente Granit, s'élève à 149 100 francs HT.

En septembre 2009, c'est le portique qui nécessite quelques réparations. On y ajoute le dallage de sol afin de garantir la propreté du parvis.

Périodes

Principale : 1er quart 20e siècle (daté par source)

Secondaire : 2e quart 20e siècle (daté par source)

Dates

1922, daté par source

1948, daté par source

Auteurs Auteur : Peyronnet Émile

Sculpteur (Rougnac, 1872 – Angoulême, 1956). Son atelier parisien était situé au 37 de la villa Alésia (14e arrondissement).

, sculpteur (attribution par source)
Auteur : Poncelet Fernand

Architecte résidant à Angoulême. Après la Seconde Guerre mondiale, il a coordonné la construction du mémorial de la Résistance de Chasseneuil-sur-Bonnieure (1945-1951) et dessiné en 1948 le nouveau monument aux morts de Ruelle-sur-Touvre à partir du monument réalisé dans les années 1920.

Il a collaboré comme architecte local aux projets de l'architecte Louis Simon pour la cité du Champ-de-Manœuvre à Soyaux (1958-1965) et la construction du bâtiment des archives départementales de la Charente à Angoulême (1962-1965). Il a également participé à la reconstruction du quartier de la Grand-Font près de la gare à Angoulême, coordonné par l'architecte Robert Chaume (1950-1970).

, architecte (attribution par source)
Auteur : Gros André

Entrepreneur de travaux publics charentais.

, entrepreneur de maçonnerie (attribution par source)

Le monument aux morts de la commune de Ruelle-sur-Touvre est une œuvre pacifiste.

Le monument est érigé en 1922, et profondément remanié en 1948 afin de l'adapter en monument commémorant les deux conflits mondiaux. Il commémore également aujourd'hui la guerre d'Algérie.

La partie restante du monument d'origine (qui était dans le cimetière) est la statue de la femme en deuil, œuvre d'Émile Peyronnet. Cette femme se tient debout, la tête baissée. Elle porte une longue robe et est recouverte du voile du deuil. Elle tient dans ses mains une couronne d'immortelles. Elle se tient de profil, adossée à l'origine à une stèle en pierre portant l'inscription "À nos morts" et au dos de laquelle étaient gravés les noms des soldats décédés.

En 1948, la municipalité exprime le désir de créer un monument unique pour commémorer les soldats des deux guerres mondiales. Ainsi le monument est déplacé pour être installé devant la mairie. La femme en deuil est conservée et se trouve maintenant adossée à une stèle de calcaire gris, portant l'inscription en lettres dorées "À nos morts". Une plaque commémorative noire a été apposée sur cette stèle. Cet ensemble est disposé sur un emmarchement de pierre et est encadré par une architecture de style classique : une architrave portée par deux colonnes doriques.

Au dos de ce monument, se trouvent deux sculptures en bas-relief dédiées "Aux Martyrs" pour l'une et symbolisant la Résistance rompant ses chaînes pour l'autre, encadrant l'inscription en lettres dorées "1914-1918", "1939-1945", "La résistance", "A.F.N.". Ces reliefs se font face et représentent respectivement un homme avec une palme et une femme tenant de la main droite, devant son visage, une chaîne surmontée du V avec une croix de Lorraine, tous deux sculptés en buste, avec la tête de profil et les épaules de face.

En-dessous, trois longues plaques listent les noms des soldats morts pour la France.

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Charente , Ruelle-sur-Touvre , place de la Mairie

Milieu d'implantation: en ville

Cadastre: 2016 BC 122

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