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Établissement de bains Les Fontaines, actuellement usine d'embouteillage de la Société des Eaux Minérales d'Ogeu (SEMO)
France > Nouvelle-Aquitaine > Pyrénées-Atlantiques > Ogeu-les-Bains
Historique
Les Fontaines d'Ogeu sous l'Ancien Régime
Les sources d'Ogeu sont probablement connues depuis au moins le Moyen Age. La tradition raconte que leur premier règlement d'exploitation aurait été produit à l'initiative d'Henri IV et que les dames de la cour de Navarre, en particulier Corisande d'Andoins qui possédait la "Capdelarie d'Escout" (seigneurie rassemblant Ogeu, Escou et Escout), prenaient les eaux à Ogeu. Les archives connues des États de Navarre et de Béarn n'en font cependant pas mention, contrairement à d'autres sites comme les Eaux-Chaudes, abondamment citées. En 1591, en raison d'importants problèmes financiers, Corisande d'Andoins est contrainte de vendre ses terres par lots, la seigneurie d'Ogeu revenant à Bernard de Lacoste, conseiller du Béarn, pour 12.300 livres.
Les sources ne sont cependant pas mentionnées avant le 18e siècle : en 1746, Théophile de Bordeu y consacre sa 18e lettre à Mme de Sorbério, où il décrit précisément le site et la composition des eaux. Alors dénommées Fontaines d'Ogeu, elles sont localisées dans un "enfoncement marécageux". Les sources se trouvent alors sur la propriété d'une petite maison, délimitée par une enceinte en pierres et où sont installés deux tuyaux et un bassin qui, selon Bordeu, semble déjà "bien ancien". Le spécialiste du thermalisme pyrénéen classe les eaux minérales d'Ogeu dans la même catégorie que celles de Gan et de Saint-Christau et les différencie de celles des Eaux-Bonnes et des Eaux-Chaudes. Le site apparaît ensuite dans les cartographies de la seconde moitié du 18e siècle sous le nom d'"eaux minérales d'Ogeu".
L'essor de l'établissement de bains au 19e siècle
Une situation instable jusqu'en 1849
Le petit établissement et les sources se trouvent vraisemblablement dans le domaine privé depuis au moins l'époque de Corisande d'Andoins, et leur histoire au 19e siècle est mouvementée jusqu'à l'acquisition par la famille Casamayor. En 1834, cette vaste propriété nommée Domaine de Lacoste sise au lieu-dit Les Fontaines, incluant aussi des granges et des pâturages, est vendue par Rose Soubiron (alias Soubiran ou Souviron), veuve de Jean Paillé, à Jean Monguilan (Monguillan) pour la somme conséquente de 6.000 francs devant le notaire oloronnais d'Anglade. Monguilan semble avoir considérablement investi pour agrandir l'établissement avec notamment l'usage caractéristique de la pierre de taille bouchardée et lissée, en plein essor de la vogue des bains thermaux ou de bord de mer. L'établissement est même promu dans le Mémorial des Pyrénées d'août et septembre 1835, qui recommande la source d'Ogeu, située stratégiquement entre Pau et Oloron "dans un lieu accessible de tous côtés", et dont la "réputation s'étend et se propage depuis quelques années".
Mais le retour sur investissement semble difficile à atteindre si bien que Monguilan est contraint d'hypothéquer son établissement de bain en 1836, puis de vendre sa propriété aux enchères six ans plus tard, suite à une expropriation décidée par le tribunal de grande instance d'Oloron. Peu après son acquisition par un certain Jean Baraillou le 26 février 1842, la propriété est achetée par le dénommé Montaguillon selon l'acte du 29 juillet 1843, signé à l'étude du notaire Pourtau-Penne. Elle est alors désignée comme "établissement de bains nommé Les Fontaines". Durant cette période, l'édifice se compose d'un imposant pavillon d'un étage et de cinq travées, accompagné d'une annexe d'un étage formant un retour perpendiculaire au bâtiment principal. Cette construction, qui relève du style vernaculaire béarnais, est-elle l'unique maison signalée hors-classe dans le cadastre des années 1840. Le 4 avril 1848, Montaguillon signe un bail de location en faveur de M. Labayrade, qui exploite donc les bains à cette époque.
L'ère prometteuse de la famille Casamayor
Mais, probablement face à un nouvel échec, la propriété est revendue en date du 23 décembre 1849 au dénommé Casamayor, docteur en médecine, par l'intermédiaire du notaire Laruncet. Cette famille va bouleverser la destinée de ces eaux à la notoriété encore confidentielle en effectuant d'importants travaux d'aménagements et de construction au sein de son domaine, voire du quartier des Fontaines. Le 8 août 1851, le docteur Casamayor, présenté comme le propriétaire "des eaux thermales d'Ogeu dites La Fontaine", demande au conseil municipal la concession d'une parcelle de 14 ares en vue de travaux d'assainissement et de l'aménagement d'un jardin d'agrément, répondant aux dispositions habituelles des établissements de bains et des stations thermales contemporaines. Les dépendances de l'établissement représentent alors 18 ares et 30 centiares. En 1855, le docteur Casamayor obtient l'autorisation du conseil municipal de réparer à ses frais le pont des Fontaines situé près de l'établissement thermal. L'année suivante, le conseil municipal lui accorde de construire un abri sur un terrain communal à l'attention des curistes pour une durée de deux ans. Parachevant l'aménagement du site thermal comme dans l'ensemble des villes d'eaux et témoignant du lien intemporel unissant culte des eaux et soin du corps et de l'âme, une chapelle est édifiée à cette époque en face de l'établissement. La famille Casamayor réussit ainsi, progressivement, à développer la notoriété et la fréquentation de ses thermes. En 1880, les eaux d'Ogeu, en particulier la source gazeuse n°1 (21-22 degrés), font l'objet d'une publication dans le Bulletin de l'Académie de médecine suite à la demande déposée par la veuve Fuster Casamayor de continuer à utiliser l'eau minérale à des fins médicales. Probablement suite à cette demande, les eaux sont reconnues d'utilité publique par un décret émis le 7 décembre 1880 qui en autorise l'exploitation et la livraison au public en vue de soins.
L'établissement draine principalement une population d'origine locale, "des paysans et gens du peuple, qui ont éprouvé les effets de la fontaine bienfaisante", et constitue surtout un simple lieu de passage, parfois peut-être une petite étape, sur la route n°10 menant aux stations des Eaux-Chaudes et d'Eaux-Bonnes, dont la notoriété bénéficie à des sites plus modestes. La commune refuse d'ailleurs de déclasser cette infrastructure très utilisée afin qu'elle reste à la charge de l’État, mais demande, en revanche, le classement en 1832 d'une autre route, de plus en plus fréquentée, reliant le village et le quartier des Fontaines - qui se développe autour des bains - en route départementale. Abadie, de Sarracolin, publie un ouvrage intitulé Vallée d'Ossau. Eaux-Bonnes, Eaux-Chaudes, Ogeu dans la collection "Guide-album des eaux des Pyrénées", éditée à Paris et à Tarbes en 1853. Néanmoins, l'établissement demeure relativement méconnu des voyageurs et des pyrénéistes. Aussi, d'Ogeu, le Club Alpin-Français (section de Pau) ne mentionne-t-il, par exemple, que les tourbières dans son ouvrage préfacé par Henry Russell sur les villes d'eaux du Béarn et de Bigorre. Durant cette période, non seulement les sources sont exploitées à des fins curatives, mais leur usage à des fins utilitaires et notamment par les lavandières, impose la construction d'un lavoir couvert en 1908.
Le parti de l'"excellente eau de table" au 20e siècle
La transition entre bains éphémères et eaux minérales
A partir des années 1920, l'accent est progressivement porté sur les propriétés par ingestion des eaux d'Ogeu, délaissant peu à peu la pratique des bains. Le mode d'exploitation, qui a changé, est décrit sur des cartes postales promotionnelles de l'entre-deux-guerres. Le concessionnaire de cette "excellente eau de table", qui décongestionne et fortifie l'organisme", soigne les rhumatismes et les "entérites de toutes sortes" et qu'il faut boire "le matin à jeûn ou pendant les repas", est la Société "La Béarnaise" installée à Pau, qui propose des cures à domicile avec livraison de bonbonnes de 10 litres à commander auprès de l'administration. Dans ce contexte, les eaux d'Ogeu figurent notamment dans le Dictionnaire thérapeutique de Dujardin-Beaumetz en 1926.
A cette époque, les rares documents iconographiques connus illustrent un édifice ayant connu d'importantes extensions, l'ancienne annexe devenant le corps principal de l'établissement avec ses neuf travées, perpendiculaire à la bâtisse originelle. Son implantation à seulement quelques mètres du ruisseau de l'Escou et de la campagne, aménagée en jardin par Casamayor quelques décennies plus tôt, offre un cadre pittoresque bien approprié à la vision de la villégiature thermale de la fin du 19e au début du 20e siècle. Ces proportions laissent supposer d'une capacité d'accueil non négligeable et, par conséquent, d'une fréquentation relativement soutenue. Un décret de 30 décembre 1939 renomme ainsi la commune "Ogeu-les-Bains" en reconnaissance de l'importance de son activité thermale.
En 1931, l'établissement comptant quatre baignoires ne reçoit plus qu'une soixantaine de curistes par an, délivre environ 1.000 bains et vend 2.000 litres d'eau en bonbonnes. Cette fréquentation relativement faible, puis le contexte de la Seconde Guerre mondiale, conduisent à la fermeture des bains en 1941. A cette date, comme de nombreux établissements thermaux des Pyrénées, celui d'Ogeu est réquisitionné pendant un an par le service des Réfugiés, ce qui implique l'arrêt temporaire de la chaîne d'embouteillage.
La Société des Eaux Minérales d'Ogeu (SEMO), acteur prépondérant de l'industrie des eaux régionales
La Société des Eaux Minérales d'Ogeu, créée en 1943 par Juliette Fuster (descendante de la famille Casamayor) avec l'aide de la Compagnie fermière de Vichy, focalise dès lors toute son activité sur l'embouteillage des eaux à boire et représente un important moteur économique et pourvoyeur d'emplois à compter des Trente Glorieuses. L'activité florissante conduit, en 1947, à la signature d'une convention se renouvelant par tacite reconduction entre la SEMO et la SNCF afin d'encadrer le transport des eaux et des emballages vides sur tout le territoire national. La société ogeuloise s'engage à utiliser exclusivement le chemin de fer pour ses livraisons en échange de tarifs préférentiels appliqués par zone géographique sur "chaque bouteille, demi-bouteille, quart de bouteille ou bonbonne [...] pleins ou vides". La reconnaissance d'intérêt public est en outre renouvelée en décembre 1950, fixant un périmètre de protection des sources de l'établissement. Compte tenu de leur importance et de leur commercialisation, des analyses hydrologiques y sont effectuées régulièrement. La production s'élève alors à 1.5 millions de bouteilles distribuées dans le commerce. Dans un contexte économiquement propice, la société joue le jeu de la communication et diffuse de nombreux encarts publicitaires dans la presse tant généraliste que thermale.
A partir de cette époque, l'ancien établissement de bains connait d'importantes extensions et se retrouve incorporé à des installations industrielles, dont les chaînes d'embouteillages. Ses dispositions originelles et ses élévations sont complètement remaniées voire reconstruites pour les besoins de l'activité industrielle au sein d'un complexe architectural moderniste. L'édifice originel, accueillant l'entrée des espaces administratifs, est remanié et doté d'une extension parallèle à la route dans les années 1970. Cette réalisation est d'ailleurs à rapprocher des premiers bureaux administratifs du site industriel de Lacq, édifiés par Jean de Brauer quelques années auparavant. Au sein du vestibule logé dans la partie la plus ancienne, est réaménagé un bassin-fontaine en mosaïque de carrelage, où s'écoule la "source gazeuse n°1" dont le nom est officialisé en 1953, au bas d'un escalier en marbre et fer forgé. A l'époque, une fontaine en mosaïque noire agrémentée d'un mufle de lion en laiton (provenant elle-même d'une installation plus ancienne qui comprenait trois têtes de lion identiques) se trouve juste à l'extérieur de la partie nouvelle, mais elle est incorporée à une seconde extension dans les années 1990 et se trouve désormais à l'intérieur.
Malgré la disparition de l'édifice originel, l'histoire matérielle du site est en outre transmise à travers son patrimoine iconographique, notamment les étiquettes, les publicités et le design de ses bouteilles. Le groupe Ogeu, qui exploite désormais sept sources (quatre appartenant aux descendants de la famille Casamayor, une autre privée et deux à la commune), a considérablement cru jusqu'à nos jours où il a diversifié sa production et représente "le premier acteur des eaux minérales régionales" à l'échelle nationale.
Détail de l'historique
Périodes |
Principale : 2e quart 19e siècle Principale : 3e quart 19e siècle Secondaire : 1er quart 20e siècle Principale : 3e quart 20e siècle Principale : 4e quart 20e siècle |
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Description
Situé à 22 km de Pau et 8 km d'Oloron-Sainte-Marie, à 320 mètres d'altitude, au bord du ruisseau de l'Escou, le quartier des Fontaines est à l'écart de l'agglomération du village d'Ogeu au cœur d'un site peu urbanisé et arboré.
Le complexe architectural, implanté parallèlement à la rivière, se déploie tout en longueur sur près de 300 mètres et il inclut des espaces de stockage et des aires de stationnement destinées au personnel. A l'entrée du site, trois pavillons en saillie abritent des locaux administratifs, l'essentiel de l'édifice étant dévolu aux chaînes d'embouteillage et au stockage. Le parti moderniste des Trente Glorieuses est perceptible tant par les formes épurées et anguleuses (notamment les toits-terrasses, les élévations rectangulaires et les encadrements de baie) et la rationalisation des espaces que par le choix des matériaux alliant, entre autres, béton armé et pierres de parement disposées en petit appareil, en particulier dans le soubassement.
Le bâtiment originel, encore perceptible dans ses proportions, est remanié et augmenté d'une extension dotée de deux ouvertures en plein-cintre, dont l'une conduit par une galerie couverte par une verrière en berceau à la fontaine revêtue de carreaux de faïence noire. Les baies sont systématiquement dotées d'encadrements en béton, qui, dans les cas de baies géminées, sont enrichis par des parements en pierre. Auparavant bleu clair en référence à l'eau, l'ensemble de l'édifice a fait l'objet d'un ravalement avec des tonalités taupe, anthracite et blanche correspondant aux tendances décoratives des années 2010.
A l'intérieur, un escalier aux marches de marbre blanc nervuré de noir et rampe en fer forgé, englobe à sa base la fontaine en mosaïque bleue de la source gazeuse n°1 et se déroule vers le palier du premier étage, composant ainsi un ensemble à la fois fonctionnel et ornemental autour de la source historique.
Le mode constructif originel reste cependant perceptible au rez-de-chaussée au niveau du petit escalier donnant accès à la fontaine de faïence noire, dont les marches en pierres de taille sont probablement des remplois d'un aménagement de l'établissement de bains. Le travail à la boucharde et les arêtes lissées de cet escalier sont d'ailleurs caractéristiques des procédés du 19e siècle.
Détail de la description
Murs |
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Toits |
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Étages |
1 étage carré |
Escaliers |
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Décors/Technique |
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Décors/Représentation |
Précision sur la représentation : L'escalier est doté d'un garde-corps en fer forgé surmonté d'une rampe d'appui en laiton et composé de motifs de volutes. La source gazeuse n°1 jaillit au cœur d'une fontaine ronde en mosaïque de camaïeu de bleu, dont le centre est orné d'un motif de montagne. Le robinet de la seconde fontaine est orné d'un mufle de lion en laiton issue d'une fontaine antérieure. |
Informations complémentaires
Type de dossier |
Dossier d'oeuvre architecture |
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Référence du dossier |
IA64002734 |
Dossier réalisé par |
Delpech Viviane
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Cadre d'étude |
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Aire d'étude |
Pyrénées-Atlantiques |
Phase |
étudié |
Date d'enquête |
2019 |
Copyrights |
(c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Université de Pau et des Pays de l'Adour |
Citer ce contenu |
Établissement de bains Les Fontaines, actuellement usine d'embouteillage de la Société des Eaux Minérales d'Ogeu (SEMO), Dossier réalisé par Delpech Viviane, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Université de Pau et des Pays de l'Adour, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/5a1fee15-7512-45c0-b9c2-5adc8b320d6a |
Titre courant |
Établissement de bains Les Fontaines, actuellement usine d'embouteillage de la Société des Eaux Minérales d'Ogeu (SEMO) |
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Dénomination |
établissement de bains |
Appellation |
Les Fontaines Société des Eaux Minérales d'Ogeu (SEMO) |
Destination |
usine de mise en bouteilles des eaux minérales |
Parties constituantes non étudiées |
fontaine |
Statut |
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Localisation
Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Pyrénées-Atlantiques , Ogeu-les-Bains , avenue des Fontaines
Milieu d'implantation: isolé
Lieu-dit/quartier: Fontaines
Cadastre: 2019 B1 720, 837, 838, 1025