La fouleuse a pour fonction d'exercer sur l'étoffe des actions mécaniques de chocs, de frottements, de compression qui, produisant de la chaleur, créent l'ambiance favorable à la contraction des filaments et à leur interpénétration. Entre ces filaments gonflés et rendus plastiques par l'action des substances alcalines ou de la chaleur se produisent alors les soudures qui réalisent le feutre.
La pièce de feutre est introduite dans la fouleuse à cylindres en tenant soulevé le sabot fouleur et en embrayant la machine ; on peut la monter comme un ruban simple ou encore la diviser en 2, 3 ou 4 rubans selon les exigences du foulage en largeur.
Dans Le cas du foulage sur plusieurs rubans on mesure exactement la pièce et on la divise en 2, 3 ou 4 parties égales sauf la première que l'on laisse de 20 centimètres plus longue; on engage la première partie, on reprend l'extrémité, on la noue autour du point qui marque la première division et l'on met la machine en route: la pièce s'enroule alors en 2, 3 ou 4 rubans, on coud les deux extrémités et, pour que ces rubans soient bien de même langueur, on fait tourner pendant quelques instants la machine à vide. Il faut ensuite ajouter le liquide de foulage.
Dans le foulage en gras la pièce brute est introduite directement dans la fouleuse où le savon nécessaire à ]'opération est obtenu par l'addition de carbonate de soude qui se combine à l'oléine contenue dans la pièce. Dans le foulage après lavage ou après carbonisage (ou foulage en maigre par opposition à foulage en gras) il est nécessaire d'ajouter du savon.
Pour le foulage en gras, on emploie une solution de soude à 5% et pendant que la pièce se déroule on l'arrose de cette solution que l'on verse près de l'entrée du canal de foulage en se servant d'un arrosoir. Au bout de quelques minutes on doit observer la formation d'une émulsion très dense, adhérente aux rouleaux de la machine. La pièce doit se présenter convenablement humectée. Trop humide, la pièce glisse, les plis tendent à se coller; trop sèche elle rejette de la bourre en plus grande quantité et reste spongieuse et pelucheuse.
Pour le foulage au savon, il faut compter, pour fouler, de 15 à 20 kilogrammes de savon pour 100 kilogrammes de tissu. On arrose la pièce avec la solution de savon de la même façon que ci-dessus. Si l'on a en vue un rentrage rapide donnant un feutrage léger, laissant l'armure assez découverte, il convient d'employer une solution de savon assez diluée; au contraire, si l'on veut bien couvrir l'armure, on emploie une solution concentrée en quantité juste nécessaire pour imbiber la pièce. Quand le foulage commence on règle les pressions dans les deux sens longueur et largeur: il ne convient pas de fouler d'abord dans un sens et ensuite dans l'autre.
Le foulage n'est jamais terminé en une seule fois, mais au bout de plusieurs périodes de 15 à 20 minutes. A la fin de chacune de ces périodes le foulonnier examine le feutre obtenu, mesure les nouvelles dimensions du tissu en même temps qu'il le déplie; il voit s'il est nécessaire d'ajouter de la solution pour maintenir l'humidité constante ou s'il y a lieu d'augmenter ou de diminuer les pressions; enfin, il remet la machine en marche. Ces opérations sont répétées le nombre de fois qu'il est nécessaire jusqu'à ce que l'on ait obtenu les dimensions demandées et le feutre désiré.
Théoriquement, lorsque le tissu a les dimensions demandées, on devrait avoir le feutre désiré, tel qu'il a été fixé, par exemple, au moyen d'une pièce-échantillon. S'il n'en est pas ainsi, si par exemple le feutre désiré est obtenu avant que le tissu ait le rentrage demandé, il faut en rechercher la cause dans un changement de matière première, de torsion du fil, ou dans un tissage différent. En général, il convient que le foulonnier retire sa pièce du foulon avec une largeur supérieure de 3 à 4 centimètres à celle demandée, parce que la majeure partie des tissus perd au désavonnage 2 à 3 pour 100 en largeur alors que la longueur tend par contre à augmenter ; cet allongement est encore plus sensible si le tissu passe à la teinture.
extrait de Paul Poiré, Simples lectures sur les principales industries, Paris, 1880.