Château de La Faye

France > Nouvelle-Aquitaine > Dordogne > Auriac-du-Périgord

La création de la seigneurie de La Faye date sans doute du milieu du XIIIe siècle lorsque le seigneur-châtelain de Montignac commence à concéder en fiefs des portions de son territoire à des membres de la chevalerie de son entourage, domicelli ou milites castri, afin de protéger par des points d’appui sûrs son organisation castrale. En 1314, "Gerald, Fuchier et Bertrand La Faye, frères, de la paroisse d'Auriac", prêtent serment de fidélité et rendent hommage pour le fief qu'ils tiennent d'Hélie Rudel, "dominus" de Montignac. En 1352, Audouin de Faye cède un bois "nemus vocatum lo Deffes de La Faya" au comte de Périgord Roger-Bernard. Selon un acte du XVIe siècle (s.d., vers 1520) relatant le contenu d'un acte passé en 1358, le même, qualifié alors de seigneur d'Auriac, et le comte de Périgord auraient concédé cette année-là à l'abbaye Sainte-Claire de Périgueux les dîmes de la paroisse d'Auriac ; en retour, Audouin aurait reçu de l'abbaye la dîme de son domaine de La Faye. En 1361, il rend hommage lige au comte de Périgord pour ses biens – non détaillés dans l'acte – situés dans la châtellenie de Montignac. Il faut attendre 1396 et 1400 pour trouver les premières mentions précises de l'existence de l'"hospicium [hôtel noble] vocati de Faya sit[um] in parochia de Auriaco" : Raymond de Faye, "domicellus in honori" de Montignac, en rend hommage à son suzerain. C'est donc à partir du milieu du XIIIe siècle qu'il faut placer la construction d'une première maison noble sur le site. Celle-ci comprenait une haute tour maîtresse  – aux murs épais en moyen appareil de pierre de taille aujourd'hui en partie conservés en élévation au milieu du corps de logis sud – à laquelle était adossée, selon une typologie bien connue, une aula (la salle seigneuriale, mentionnée le 14 mai 1443 : "in aula de La Faya").

Selon Viton de Saint-Allais, le 19 décembre 1438, Raymond de La Faye, damoiseau, fait don à Jean de La Cropte de "l'hospice de la Faye [sic pour "hospicium", i.e. l'hôtel noble], situé dans la paroisse d'Auriac" selon une transaction passée à Montignac devant Jean de La Sirventie, damoiseau de Montignac, qui lui cède tous les droits qu'il possédait alors sur "ledit hospice". La seigneurie serait ensuite passée entre les mains de Mondot (Raymond) de La Cropte (1425-1459), écuyer, également seigneur de L'Herm (à Rouffignac) et de Larcherie (juridiction de Limeuil et Miremont).

Le site est mentionné en 1438 ("fortalicium de La Faya"), en 1486 ("in repayrio de La Faya parochie de Auriaco"), en 1487 ("domus fortalesses") et encore en 1534 ("loco et Castro de Fagia, parochia de Auriaco"). Entre-temps, faute d'héritier mâle, la seigneurie est passée à la famille Arnal (ou Arnald, Arnauld) par le mariage d'Antoinette (Anthonie, Anthonia, aussi appelée Thomasse) de La Cropte, héritière de La Faye et de l'Herm après la mort de son père Mondot en 1459, avec Raymond (Ramond, Remond) Arnal. Celui-ci, qualifié de "mercator et borgeys" de Montignac vers 1465, devient ensuite receveur des Aides pour le comte de Périgord en 1472, puis receveur des Tailles et Aides en l'élection de Périgord pour le roi de France au moins depuis 1473 (il est encore attesté à cette charge en 1493). Le 15 mars 1477 (n.st.), il se rend acquéreur de la terre et seigneurie du Pouget dans la paroisse du Cern (La Bachellerie), avec "la haute, moyenne et basse justice, fiefs, forteresses, maisons, édifices, fours, moulins, bois, étangs, prés, villages, garennes", pour la somme de 600 livres tournois. En 1486, il est qualifié de "dominus de La Faya" et "condominus de Heremo [L'Herm], pro tribus quatuor partibus". L'année suivante, il acquiert avec son épouse d'Alain d'Albret, contraint "pour subvenir aux frais de la guerre dudit Alain [la Guerre Folle (1486-1488)]", le "lieu et parroisse d’Auriac, membre non dependant de la chatellenie de Montignac" (22 août 1487). C'est probablement peu après, à l'instar de nombreuses demeures nobles dans la vallée de la Vézère (La Salle et Clérans à Saint-Léon-sur-Vézère ou Cramirac à Sergeac pour ne citer qu'elles), que Raymond Arnal et Antoinette de La Cropte, possesseurs de nouveaux grands pouvoirs et surtout de revenus importants, ont dû engager une grande campagne de reconstruction de leur maison noble. En témoignent les nombreuses fenêtres (croisées et demi-croisées) à chanfrein droit ou concave, la porte d'entrée de la tour d'escalier à moulures à listel sur bases prismatiques et se recroisant aux angles ou encore le chemin de ronde continu sur consoles à triple corbeau (comme à Campagne, Clérans ou Lanquais pour ne citer que ces exemples). On est donc tenté d'attribuer ces travaux au couple après 1487 et avant 1498 (Raymond est déjà mort à cette date). Plutôt que de faire table-rase du passé, notamment de la tour-maîtresse et de l'aula, le couple est reparti des maçonneries préexistantes : le nouvel édifice, comme le château de Clérans qui partage un certain nombre de points communs avec lui, présente un plan massé double en profondeur desservi par une tour d'escalier hors-oeuvre carrée placée au centre du côté est – plus précisément, deux corps de logis juxtaposés, l'un au nord, l'autre au sud, mais non parallèles, de sorte que les deux forment un plan pentagonal flanqué à l'est, du côté le plus large du pentagone, par la tour de l'escalier qui les dessert et au pied de laquelle se trouve l'entrée. Avec sa haute tour maîtresse émergeant des hauts toits et son chemin de ronde continu autour du bâtiment mais sans les deux autres tours antérieures  – ce sont des ajouts de la fin du XIXe siècle, mais qui remplacent peut-être des tourelles en encorbellement sur l'angle comme à Clérans –, l'ensemble devait avoir autrefois une physionomie bien différente du château actuel.

Le 20 mai 1503, la veuve et les enfants encore mineurs "de feu Raymond Arnal, en son vivant receveur de[s] tailles en l'ellection de Perigort", demandent au roi de France Louis XII la restitution de la somme de 1500 livres tournois que Charles VIII devait à son receveur sur ses recettes de l'année 1488, somme engagée par le roi pour assiéger la ville de Nontron alors tenue par Alain d'Albret. Les enfants mâles de Raymond et Antoinette sont François, Bertrand et Charles : François, l'aîné, est mentionné comme "escuyer, seigneur dudit lieu [de La Faye] et de la parroisse d’Auriac, cappitaine [de la châtellenie] de Montignac, maitre d’ostel et procureur du cardinal" Amanieu d'Albret en mars 1516 ; Bertrand, le cadet, est abbé comandataire de l'abbaye de Terrasson à partir de 1513 ; Charles, le benjamin, est attesté comme curé d'Auriac vers 1521. C'est assurément d'eux dont il est question dans un acte du début du XVIe siècle (sans date, peu avant 1521) : "messieurs de La Faye en [de la forêt de La Grand-Val (voir Gourgues 1873, page 149)] ont prins dix arbres pour bastir ung molin et une grange a La Faye et aussi en prins grande quantité d'aultres arbres disans qu'ilz les vouloyent pour repparer le chateau de Montignac dont il [Jean de Grissac, garde de la forêt de la Grand-Val pour le roi de Navarre] scaurays dire le compte pour ce qu'ilz les pregnent sans commission ne ordonnance de Monsieur le gouverneur et despuys deux jours en ça en ont faict coupper deux [autres], disans qu'ilz en veulent faire de la late pour couvrir led. château de Montignac." Les frères semblent en effet avoir pris leurs aises avec les biens d'Alain d'Albret : outre la construction d'un moulin et d'une grange à La Faye, les frères ont sans doute profiter de la manne forestière du prince pour terminer la reconstruction de leur château. L'une des fenêtres de celui-ci, une demi-croisée, à l'est, porte la marque de cette période : doucine dans l'ébrasement, fin listel, appui mouluré à talon droit, bande et doucine. Toutefois, les frères sont allés trop loin dans ces libertés prises avec les biens de la châtellenie : le 11 juin 1521, Alain d'Albret demande à Jean II d'Haudefort, "de s'emparer par force ou autrement des chastel, ville et seigneurie de Montignac-le-Comte", dont François Arnal s'était "saisi avec gens rebelles et armés, de les arrêter et de les lui envoyer prisonniers". Cette demande ne semble pas avoir été suivie d'effet, car le prince dut avoir recours à un arrêt du parlement de Bordeaux pour obtenir d'Arnal qu'il se dessaisisse du château de Montignac (27 janvier 1522 [n.st.]). Par la suite, les d'Arnal ne sont pas plus inquiétés que cela ; mieux, François devient maître d'hôtel du roi de Navarre et obtient de lui des droits de prendre du bois de chauffage pour "sa maison de La Faye", tandis que Bertrand devient son vicaire-général. En 1534, ce dernier réside "in loco et castro de Fagia, parochia de Auriaco".

A François (mort avant le 25 février 1540 [n.st.]) succède son fils Amanieu (1533-1556), attesté comme seigneur de La Faye en 1540 (et seigneur de Puygolfier, époux de Marguerite de Belcier), puis Jean de La Faye, seigneur du lieu et époux de Galienne de Beynac. Leur fils Pierre Arnal, "dit La Faye" (vers 1555-avant 1591), rend à son tour hommage au seigneur-châtelain de Montignac, Henri III de Navarre (futur roi de France sous le nom d'Henri IV), le 11 février 1583 : à ce moment-là, il possède non seulement la seigneurie de La Faye à Auriac, mais aussi celle de la Motte de Villac à Montignac, ainsi que les fiefs de "la Motte de la Peizie [Peyzie] et la Gaillardie en la chatellenie d’Auberoche, vicomté de Lymoges". C'est très certainement lui qui adapta le château aux troubles du temps : percement de multiples bouches à feu dans les allèges des fenêtres préexistantes et fermeture de la cour par un mur d'enceinte à portes cochère et piétonne surmonté d'un chemin de ronde.

En 1640, Catherine de La Faye, seule et unique héritière d'Antoine Arnal de La Faye et de Suzanne de Pérusse-d'Escars, se marie avec François de Foucaud, de Lardimalie, faisant ainsi entrer les seigneuries de La Faye et d'Auriac dans cette grande famille. En 1653, pendant les troubles de la Fronde, François défend les châteaux de Lardimalie et de La Faye. De son mariage naissent six enfants, dont l'aîné, Henri, qui hérite d'une grande partie des biens de sa mère (morte vers 1660-1661), excepté "la somme de 4000 livres [que son père François Foucaud] avoi[t] employée en partie pour l'acquisition de la maison et biens dépendants de la châtellenie de Ségelard". Après la mort de Catherine, François rend hommage directement au roi de France pour la seigneurie de La Faye le 26 octobre 1667 ; il teste le 4 février 1686 et meurt sans doute peu après.

Le château et ses dépendances font l'objet de peu d'entretien de la part d'Henri de Foucaud : l'inventaire après décès de ce seigneur (dressé en avril-juin 1718) rend compte d'un état de délabrement avancé de tous les bâtiments, le château seul semble mieux allé que le reste, mais peu s'en faut.

A Henri, mort le 14 avril 1718, et à son épouse Gabrielle de Rouffignac, succède leur fille Anne de Foucaud, qui se marie le 24 juin 1718 à son parent Louis de Foucaud, seigneur de Mémon (ou Mesmon). Le couple réside au château de La Faye, Louis y décède le 6 mai 1756. Morts sans enfant mâle, ils laissent leurs biens à un autre parent, Louis II, comte de Foucaud, seigneur de La Faye d'Auriac, le Repaire et autres places, lieutenant-colonel du corps des carabiniers, marié à Victoire-Julie-Sophie Cailleau (mentions en 1781 et 1788 ; AD Dordogne, B 1595). La seigneurie possède alors un droit de haute justice sur la paroisse, mais les prisons du château sont dans un si mauvais état que les prisonniers sont envoyés dans les geôles du château de Montignac.

Au cours de la période post-révolutionnaire, le château, vendu comme bien national (entre juin 1792 et décembre 1793 au sieur Boussier de La Cipière), souffre de détériorations importantes : toutes les parties hautes, principalement l'ancienne tour maîtresse et les chemins de ronde sur consoles, ont été arasées ou partiellement détruits. Une photographie ancienne (prise vers 1890, avant les travaux de restauration qui eurent lieu dans les années suivantes), révèle l'étendue du désastre auquel s'est ajoutée l'incurie du XIXe siècle : la partie sud-est, effondrée, a perdu son toit, sa charpente et une partie de sa maçonnerie, la tour maîtresse est en grande partie détruite. A l'inverse, des dépendances agricoles ont été adossées au bâtiment principal. Enfin, cette photographie montre une information capitale : les deux tours antérieures, nord-est et sud-est, absentes, sont en réalité des ajouts récents.

En effet, une importante campagne de travaux a lieu au cours de la dernière décennie du siècle alors que le château appartient à Georges Monegier du Sorbier (1855-1898), licencié en droit, qui y réside. La date de 1898 inscrite sur l'imposante grange-étable et un dessin d'Anatole Rouméjoux daté du 28 septembre 1900 représentant le château une fois les travaux achevés en indiquent le moment et le contenu. Ceux-ci ont consisté au dégagement des abords du bâtiment principal par la destruction des dépendances agricoles vétustes, la reconstruction de l'angle sud-est et de son toit, le renforcement de la tour maîtresse par des tirants métalliques (à ancres en croix pattée), la construction des deux tours aux angles antérieurs et en une reprise importante de la façade nord.

L'édifice fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques depuis le 24 juin 1948. Les deux tours antérieures, couvertes en terrasse au moment de leur construction à la fin du XIXe siècle, ont depuis été couvertes par des toits en pavillon.

Périodes

Principale : 2e moitié 13e siècle (incertitude)

Principale : 4e quart 15e siècle

Secondaire : 2e moitié 16e siècle

Principale : 4e quart 19e siècle

Dates

1898, porte la date

Auteurs Auteur : Arnal Raymond, Ramon

Marié à Antoinette (Anthonie, Anthonia, aussi appelée Thomasse) de La Cropte, héritière de La Faye et de l'Herm (à Rouffignac), il est "mercator et borgeys" de Montignac vers 1465, receveur des Aides pour le comte de Périgord en 1472, puis receveur des Tailles en l'élection de Périgord pour le roi de France en 1482 (il est encore attesté à cette charge en 1493). Le couple donne une procuration à Antoine Marsac le 15 décembre 1494 ; elle était veuve en 1498.

, auteur commanditaire (attribution par travaux historiques)
Auteur : La Cropte Antoinette (Anthonia, Anthonie, aussi appelée Thomasse)

Antoinette est l'héritière des seigneuries de La Faye et de l'Herm (à Rouffignac) ; elle est mariée à Raimon Arnal, "mercator et borgeys" de Montignac vers 1465, receveur des Aides pour le comte de Périgord en 1472, puis receveur des Tailles en l'élection de Périgord pour le roi de France au moins depuis 1473 (il est encore attesté à cette charge en 1493). Le couple donne une procuration à Antoine Marsac le 15 décembre 1494 ; elle était veuve en 1498 et vivait encore en 1505.

, auteur commanditaire (attribution par travaux historiques)

Le château domine la vallée de la Laurence, se dressant à mi-coteau (à une altitude de 171 mètres) sur le flanc nord d'une colline à moins de 800 mètres au sud-ouest du bourg d'Auriac. Le site, stratégique, était toutefois exposé au sud du côté de la colline qui le domine à plus de 200 mètres d'altitude : c'est précisément de ce côté que fut dressée la haute tour maîtresse, aujourd'hui prise dans le corps de logis sud du bâtiment principal.

Aujourd'hui, le bâtiment principal présente un plan massé double en profondeur : deux corps de logis juxtaposés, l'un au nord, l'autre au sud, mais non parallèles, de sorte que les deux forment un plan pentagonal flanqué, à l'est, au centre, par la tour de l'escalier qui les dessert tous les deux et au pied de laquelle se trouve l'entrée. Les deux corps sont également flanqués par deux tours carrées aux angles nord-est et sud-est. Ils comprennent un rez-de-chaussée et deux étages carrés, et sont couverts par de grands combles habitables ouverts par des lucarnes. Les toits sont couverts en lauze, tandis que les murs sont pour l'essentiel en moyen appareil de pierre de taille.

Ce château (au sens strict) est accompagné par plusieurs dépendances, au nord-est, au sud-est et au sud-ouest. Cette dernière est une imposante grange-étable bâtie en moyenne appareil de pierre de taille également, percée au nord de nombreuses baies de différentes formes : porte à plate-bande en arc cintré, porte à plate-bande en arc segmentaire, fenêtre à linteau trilobé, baie géminée en arc brisé, fenêtre carrée à chanfrein droit, fenêtre géminée en arc surbaissé. Les toits sont couverts en tuile mécanique.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : moyen appareil

  2. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : moellon

    Revêtement : enduit partiel

Toits
  1. calcaire en couverture
Étages

2 étages carrés

Couvertures
  1. Forme de la couverture : toit à longs pans

    Partie de toit : croupe

Escaliers
  1. Emplacement : escalier hors-oeuvre

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Dordogne , Auriac-du-Périgord

Milieu d'implantation: en écart

Lieu-dit/quartier: La Faye

Cadastre: 1813 D2 473 à 478, 2021 D 852

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