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Présentation des objets mobiliers : cathédrale Saint-Etienne
France > Nouvelle-Aquitaine > Haute-Vienne > Limoges
Informations complémentaires
Les vitraux anciens de la cathédrale Saint-Etienne de Limoges
Les vitraux du chœur
Sauf exception, l’ensemble des fenêtres des deux étages du chœur devait être clos de vitraux avant 1330. La lecture de ce vitrage est d’autant plus délicate qu’il a été renouvelé dans des proportions considérables au cours des grands travaux de restauration du monument entrepris au milieu du 19e siècle. Avant que ne débute cette campagne, l’abbé Texier avait retracé les grandes lignes du programme vitré des parties orientales de l’édifice, à partir de ses observations sur ce qui n’était déjà plus que lambeaux1. Ferdinand de Lasteyrie avait dessiné les verrières hautes de l’abside au début des années 1840 pour le recueil de planches de son Histoire de la peinture sur verre paru en 1853, relevés dont l’abbé Texier critiqua certaines dispositions. Il avait en même temps pris les notes qui nourrissent le passage consacré à la cathédrale dans son volume publié en 1857, notes qu’il confesse avoir complétées à la lumière de l’article de 1846. Ferdinand de Guilhermy, autre archéologue des plus éminents, qui visita la cathédrale en 1826 puis en 1850 avant d’y revenir en 1867 et en 1871, ajoute des informations qui complètent les précédentes. L’intérêt de ces descriptions de l’état ancien est de premier ordre : en renseignant sur des morceaux par la suite disparus, elles contribuent à définir ce que fut ce grand vitrage à l’époque médiévale.
Le programme iconographique
Les trois fenêtres de la chapelle axiale du chevet paraissent avoir reçu des vitraux légendaires de pleine couleur relevant de la tradition du 13e siècle, dont attestent encore les petites figures conservées dans deux de leurs tympans. Dès l’origine, les chapelles voisines étaient en revanche vitrées de grisailles ponctuées de fermaillets et de filets colorés, au vu des vestiges restés en place au sommet de la plupart de leurs fenêtres ; la similitude des motifs ornementaux des deux chapelles rayonnantes méridionales assure qu’ils sont sortis d’un même atelier, à l’inverse de ceux placés en symétrie au nord. D’après la facture de ces vitraux exempts de jaune d’argent, on peut supposer que l’ensemble des fenêtres orientales a été clos au cours de la décennie 1300-1310, de même que la chapelle Sainte-Valérie au transept, qui possède encore quelques éléments figurés authentiques (baies 21 et 23)
. Le jaune d’argent, nouveau matériau de peinture, ne fit en effet son apparition à Limoges qu’un peu plus tard : les verrières de l’étage supérieur, réalisées autour de 1325, fournissent un premier repère, que permettent d’affiner les vitraux à première vue jumeaux de deux des chapelles nord (baies 15 et 17), plus récentes que celles du chevet au vu de la forme de leurs remplages. Leurs baies sont garnies de vitreries blanches timbrées d’écus armoriés, que Jean Lafond a rapprochées de celles de la chapelle Saint-Martin de la cathédrale de Narbonne réalisées pour l’archevêque Bernard de Fargues (1311-1341). Mais au sommet de la baie 17, les armoiries du fondateur, le chanoine Hélie de Campagne, mort en 1323, sont peintes sans recours au jaune d’argent, à l’inverse des écus et des grisailles qui subsistent au tympan et dans les têtes de lancettes de sa voisine. Or, dans cette chapelle fondée par les parents du chanoine Ramnulphe de Pompadour, les armes familiales se trouvent associées à celles de Gui de Comborn de Treignac, nommé évêque de Limoges en 1344, transféré à Noyon en 1346.
Les grisailles ornementales dominent aussi largement dans les fenêtres hautes, encadrant des couples de grandes figures de couleur placées dans des niches architecturales développées. La zone colorée n’occupe que six des dix panneaux droits superposés dans chaque lancette, calée entre deux registres de vitreries claires qui se prolongent jusqu’au sommet, tympan compris si l’on excepte la fenêtre d’axe. Dans les baies latérales quadruples, cette zone colorée se limite aux deux lancettes centrales, les grisailles s’étendant à toute la surface des deux autres. Les compléments introduits dans les années 1860 ont non seulement respecté ce parti formel mais l’ont accentué en l’érigeant en système. La description minutieuse publiée par l’abbé Texier met en évidence que ce groupe de vitraux avait été tôt altéré. Bien avant 1846 sans doute, ne subsistaient au centre de l’abside que les deux verrières du 14e siècle qui y sont demeurées à peu près entières, l’Annonciation dans l’axe, flanquée à gauche de sainte Valérie céphalophore campée aux côtés de saint Martial (baies 100 et 101). Les fenêtres des deuxième et troisième travées droites du chœur (baies 107, 108, 109 et 110), avaient également gardé sept figures de saints anciennes, Jean-Baptiste et plusieurs apôtres ; quatre d’entre elles ont été transférées en 1888 dans les fenêtres du narthex et les trois autres ont disparu, dont un saint Pierre, déjà veuf de son voisin en 1846.
Le programme primitif était donc composé de « verrières mixtes » qui associaient le collège apostolique à des saints de l’Église de Limoges, autour de l’Incarnation à l’honneur dans la verrière majeure. La baie 102 hébergeait sans doute au 14e siècle deux personnages qui faisaient pendant à ceux de la baie 101, le saint patron de la cathédrale et saint Aurélien aujourd’hui restitués, ou peut-être les saints Alpinien et Austriclinien, liés à l’histoire de saint Martial. Mais ces vitraux avaient été remplacés dès le 16e siècle, de même que les figures qui occupaient initialement les baies 103 et 104. L’abbé Texier et Guilhermy décrivirent en effet dans ces trois fenêtres six personnages, quatre prophètes « vêtus de somptueux costumes orientaux », parmi lesquels Ézechiel, Abacuc et Daniel identifiés par des inscriptions, et, en baie 103, le Christ ressuscité, un pied sur la pierre du Sépulcre, auprès d’un Moïse au front cornu portant les Tables de la Loi. Précisons qu’il ne s’agissait pas là de panneaux rapportés en bouche-trous au 17e ou au 18e siècle, hypothèse qu’envisagea Jacques Texier2, mais d’une restauration concertée, faite de figures d’échelle adaptée, logées dans des architectures à la mode du temps en 103 et 104, ou insérées sous les anciens dais en baie 102. À l’occasion de cette importante campagne, la figure de saint Martial de la baie 101 avait d’ailleurs été remaniée3. Grâce aux armoiries de Charles de Villiers de L’Isle Adam qui ornaient les niches de la verrière 103, il est possible de situer le renouvellement de ces vitraux après 1522, date de la prise de possession de cet évêque nommé en décembre 1519, et avant qu’il ne quitte le siège de Limoges pour celui de Beauvais en 1530. Ces œuvres de la Renaissance, dites de belle qualité et admirablement conservées au milieu du 19e siècle, disparurent à compter de l’intervention d’Eugène Oudinot qui, vers 1865, leur substitua des saints dans le style du 14e siècle au nom de l’harmonie de l’ensemble. La réfection pratiquée autour de 1525 s’était en outre étendue aux fenêtres de l’entrée du chœur (baies 111 et 112), alors dotées de vitreries blanches ponctuées des armes du même évêque - d’or au chef d’azur chargé d’un dextrochère d’argent revêtu d’un manipule d’hermine pendant sur l’or, au fanon de même - accompagnées de celles du chapitre - d’azur à cinq lis d’or trois et deux. Ces écus entourés de leurs chapeaux de triomphe y ont été maintenus du côté sud, remontés au 19e siècle au milieu d’ornements néo-gothiques.
L’appréciation de ce que fut le vitrage de l’étage supérieur du chœur au Moyen Âge ne repose en définitive que sur les panneaux de grisailles réutilisés de manière irrégulière dans moins d’une dizaine des fenêtres, et sur les huit grandes figures qui ont survécu, celles des deux verrières du rond-point encore pourvues de leur encadrement d’architecture presque entièrement authentique, et celles remployées isolément dans le narthex. Ces personnages d’une coloration puissante, développés sur trois panneaux atteignant près de deux mètres, étaient toutes magnifiés par des dais d’égale hauteur, eux-mêmes fortement teintés. Le contraste avec les grisailles claires qui complétaient chaque composition était atténué par la grande proportion d’éléments colorés de leurs ornements, filets, fermaillets et bordures. Le même parti, à peine modifié, se retrouvait à la face orientale du bras sud du transept, où subsistent quelques dais plus menus, traités en deux panneaux seulement, variante simplifiée de ceux du chœur.
Jaune d'argent et soufflage en plateau : entre datation et méthode de fabrication
La présence du jaune d’argent dans tous ces panneaux mérite d’être soulignée. Son emploi extensif dans les deux verrières de l’abside, par exemple dans la tunique de la Vierge de l’Annonciation, et nettement plus parcimonieux dans les quatre apôtres exilés de leur cadre d’origine, laisse supposer l’éventuelle antériorité de l’exécution des vitraux latéraux. La nouvelle technique était quoi qu’il en soit bien maîtrisée à Limoges à l’issue des travaux du chœur, soit vers 1325 ; les auteurs de cet ensemble en ont largement tiré parti pour réchauffer les panneaux figurés comme les panneaux d’ornement. L’observation rapprochée de certains de ces vitraux déposés en atelier depuis 2005 a par ailleurs révélé que nombre des pièces portent les traces de leur soufflage en plateau - stries concentriques, boudines -, selon la méthode de fabrication normande, province d’où ces verres ont pu être importés. Des marques peintes ont à la même occasion été repérées sur les pièces répétitives du décor, probablement destinées à faciliter leur identification au sortir du four, avant que l’on procède à leur montage.
Les vitraux de la nef et du bras nord du transept
Après 1468, pendant l’épiscopat de Jean Ier Barthon de Montbas (1457-1483) puis de son neveu et successeur Jean II (1484-1510), furent bâties les deux premières travées de la nef et leurs chapelles latérales : leurs armoiries, d’azur au cerf d’or à la reposée, au chef échiqueté d’or et de gueules, sont sculptées sur les clés de voûte du transept, sur celles des chapelles, ainsi que dans les écoinçons des arcades. Les quatre chapelles latérales de la nef étaient achevées après 1499 d’après l’interprétation d’un texte. Trois ont gardé dans leurs tympans quelques éléments des verrières faites pour elles au cours du premier quart du 16e siècle, un Calvaire entouré d’anges munis des instruments de la Passion en baie 24, six anges musiciens et deux séraphins en baie 27, ainsi qu’une petite figure du Christ transfiguré environnée d’une cour céleste fort malmenée en baie 29.
Les donateurs et l'iconographie
L’abbé Texier, l’abbé Arbellot et surtout Ferdinand de Guilhermy signalent des morceaux supplémentaires encore en place de leur temps dans ces fenêtres. Mais c’est par Bonaventure de Saint-Amable qui, vers 1680, s’attarda sur les « vitres belles et bien ouvragées » de ces chapelles, que sont connus certains de leurs donateurs et plusieurs des sujets, de longue date disparus, qui occupaient initialement les lancettes. Du côté sud, la verrière de la chapelle fondée par le chanoine Jean Du Peyrat doyen de Thouars en Poitou, le représentait avec d’autres clercs sous la protection de saint Étienne, aux pieds d’une Vierge de Pitié. La suivante, dite des Joviond, était aussi appelée « de l’Ecce Homo » à cause de l’image de grande échelle qui se voyait dans sa verrière.
Au nord, la chapelle Sainte-Anne (baie 29), en possession du chanoine Gayot de Bastide avant 1516, avait dans ses têtes de lancettes ses armoiries tenues par des anges, d’azur à une tête de taureau en face, chargé d’un chevron d’or brochant sur le tout, que Roger de Gaignières avait fait relever au début du 18e siècle ; trois de ces écus subsistaient en 1850 avec des sommets d’architecture, sous les figurines du tympan, des saints et des anges musiciens devenus depuis méconnaissables. Enfin, dans la fenêtre de la chapelle autrefois dite de Benoist pour abriter le tombeau d’un membre de cette famille (baie 27), étaient initialement représentés saint Charlemagne en costume aux armes parti de France et du Saint-Empire germanique, auprès de deux chevaliers dans lesquels Bonaventure Saint-Amable crut reconnaître Pépin le Bref et Louis le Débonnaire. Le lion, attribut du prétendu Pépin, permet cependant d’identifier saint Adrien, et le manteau fleurdelisé du second laisse entendre qu’il s’agissait plus sûrement de saint Louis. Comme les historiens du 19e siècle avaient relevé dans cette verrière les armes du chapitre et celles de Charles de Villiers de L’Isle-Adam, il n’est pas aventureux d’en déduire qu’elle était due à « l’inépuisable munificence du prélat », d’autant que les saints Charlemagne et Adrien sont les patrons qu’il a également choisis dans la verrière qu’il a offerte en 1524 à l’église de Montmorency, signée par l’illustre Engrand Le Prince de Beauvais4. Le peu qui subsiste de la commande passée par cet évêque pour la cathédrale de Limoges ne permet plus guère d’apprécier la qualité de sa donation, mais la date approximative de ce vitrail, autour de 1525, montre que, bien qu’achevées vers 1500, ces chapelles avaient reçu leur décor après plus de deux décennies. La première du bas-côté sud, dont la verrière a été entièrement remplacée en 1865 (baie 26), avait cependant pu être vitrée plus tôt : la description que donne Guilhermy des représentations qui se trouvaient dans les lancettes5, un archange ainsi que « deux femmes qui cachent la partie inférieure de leur corps, dont l’une tient une pomme » sous « des couronnements de niches crénelées » laisse deviner que ces personnages, probablement Adam et Ève venant de commettre le Péché originel, composaient une Expulsion du Paradis placée dans un encadrement encore gothique. L’archéologue avait également relevé, parmi les débris confus du tympan, un Christ entre Moïse et Elie – comme dans la Transfiguration – ainsi que des anges musiciens.
Le bras nord du transept fut bâti pendant la même période. Les travaux du portail Saint-Jean commencèrent après 1515 sous Philippe de Montmorency, mort en 1519, dont les armoiries, à la croix de gueules cantonnée de seize alérions d’azur, sont sculptées à l’archivolte à côté de celles du chapitre. L’écu de Charles de Villiers de L’Isle-Adam se retrouve au-dessus de la statue du Christ qui domine le portail et à une clé de voûte de la galerie inférieure de la grande baie du pignon. Sans doute est-ce encore à lui plutôt qu’à l’un de ses successeurs, Antoine de Tende, ou Jean de Langeac (1532-1541), qu’est dû le vitrage de la grande rose, composée de plus de deux cents ajours flamboyants de formes diverses. Les séraphins polychromes qui peuplent cette verrière ont été réalisés sur des cartons plus ou moins répétitifs, avec le concours de plusieurs peintres verriers qui se sont efforcés d’en varier les effets. Ces ajours, qui n’ont sans doute jamais été déposés avant leur toute récente restauration, ont conservé leurs plombs d’origine et comportent peu d’altérations. La composition avait été admirée par Bonaventure de Saint-Amable, de même que la rose méridionale maintenant perdue ; dans celle-ci se distinguaient encore vers 1840 les restes d’un Jugement dernier, que l’abbé Texier était tenté d’attribuer au 16e siècle, mais qui pouvait dater du troisième quart du 14e siècle s’il correspondait à la construction de son cadre de pierre. D’après Guilhermy, une grande fleur de lys d’or avait été placée en son centre à l’occasion d’un remaniement postérieur au Moyen Âge.
Les restaurations
Premières restaurations
Par un document publié par l’archiviste Gustave de Burdin6, on sait que Psalmet Faulte, « maître vitrier de la ville de Limoges », fut chargé de restaurer en 1598 non seulement ces deux roses, mais aussi les vitraux des quatre chapelles de la nef et dix verrières hautes de cette partie de l’édifice. Sauf un panneau brisé de la chapelle de Thouars, que le peintre verrier s’engageait à refaire à l’identique sur le modèle d’une représentation symétrique, il n’était tenu, pour remplir les lacunes, qu’à « remettre des verres des couleurs les plus approchantes », méthode de restauration qui allait prévaloir tout au long des deux siècles suivants. Le travail, commencé le 29 juillet, devait être terminé pour le 25 novembre, les frais engagés, « 70 écus revenant à 200 livres », étant partagés par moitié entre l’évêque et le chapitre. D’autres travaux d’entretien sont documentés au 17e et au 18e siècle, notamment ceux pratiqués en 1725 sur l’ensemble des verrières de la cathédrale par Jacques Pariset. La fabrique lui demanda alors de « les remonter à neuf et remettre, partout où besoin sera, de la vitre double et peinte où il en manquera », et de murer le bas de « toutes les croisées hautes » ; on devine qu’en conséquence, l’opération a fait disparaître radicalement le rang des panneaux inférieurs de ces fenêtres. Pour une durée de six ans, de 1746 à 1752, le vitrage de l’édifice fut entretenu moyennant quarante livres annuelles par Martial Pariset, sans doute parent du précédent, installé sur la paroisse Saint-Michel. Cet unique contrat conservé signale l’usage de s’attacher les services réguliers d’un vitrier, dans les cathédrales comme dans les églises bien moins importantes.
La grande restauration du 19e siècle
Entre 1542 et 1544, sous l’épiscopat du Jean du Bellay, avaient été jetées les fondations des murs et des piles des travées de la nef restant à construire, mais les travaux furent bientôt abandonnés, l’embryon de nef existant demeurant clos d’un mur provisoire, qui ne disparut qu’avec la reprise du chantier dans dernier quart du 19e siècle. L’intérêt porté aux verrières de la cathédrale et le désir de les voir remises en valeur se manifestèrent avant le milieu du même siècle : Jean-Baptiste Tripon évoquait ainsi en 1837 les vitraux détruits des chapelles, remplacés par du « verre à vitre dont le jour mat offense ». Le conseil de fabrique se préoccupa de leur état dès 1843, émettant le vœu que soit rapidement entreprise « la restauration des verres peints qui décoraient jadis tout l’édifice et dont les restes présentent aujourd’hui des bigarrures qui déparent la beauté du monument »7. L’évêque Prosper de Tournefort venait alors de réclamer au ministre de la Justice et des Cultes l’expertise du peintre verrier clermontois Étienne Thévenot, paré du prestige que lui valait la restauration des vitraux de la cathédrale de Bourges. Selon les mêmes sources, le rapport de Viollet-le-Duc, rédigé en novembre 1848 sur les travaux exécutés depuis 1846 à Limoges, mentionne les « nombreux fragments de vitraux des 14e et 16e siècle qui garnissent encore presque toutes les fenêtres de la cathédrale, que l’on voudrait compléter ; on ne saurait le faire qu’avec la plus grande discrétion et en conservant tous les fragments existants ». C’est là le prélude à la gigantesque campagne qui ne débuta qu’en 1859 sur les vitraux, les travaux d’entretien courant étant dans l’intervalle assurés par des artisans limougeauds, notamment l’entreprise de peinture et vitrerie dirigée en 1849 par la Veuve Gaston.
Les restaurations de la cathédrale s’effectuèrent sous la direction de l’architecte diocésain nommé en 1842, Pierre-Prosper Chabrol, remplacé à sa mort en 1875 par Antoine Nicolas Bailly. Le premier travailla tout d’abord à la reprise des parties orientales de la cathédrale, fort délabrées, avant que son successeur ne se consacre à l’achèvement du monument. Ce grand chantier, terminé en 1891, a renouvelé dans une large mesure la physionomie du vitrage de l’édifice.
En 1858, le peintre Alexandre Denuelle fut appelé de Paris pour entreprendre la restauration de la chapelle de la Vierge, à l’entrée du déambulatoire nord. Il en exécuta les peintures murales en collaboration avec le célèbre peintre d’histoire parisien, Louis Charles Auguste Steinheil. Le peintre verrier Étienne Thévenot compléta ce décor en réalisant en 1859-1860 le premier vitrail neuf de l’édifice, un Arbre de Jessé entouré de prophètes, peint sur des verres bleu clair et vert amande, et où le rouge est presque absent. Denuelle travailla encore en 1861-1862 à la chapelle du Sacré-Cœur située en face de la précédente, vitrée de grisailles réalisées par Eugène Oudinot. Mais en 1863, lorsqu’il remit sa soumission pour les travaux à faire à la chapelle d’axe, il fut éconduit sous prétexte « d’engager des artistes de la localité », ce qui ressort clairement de la protestation qu’il adressa aussitôt à l’administration. La remise en état de la chapelle Saint-Martial fut finalement confiée au seul Louis Steinheil8, qui y mit au point le système ensuite adopté dans les autres chapelles. Le parti pris n’était pas de restituer un état primitif supposé mais d’obtenir un effet d’unité, à partir d’un décor de haute tonalité inspiré du style du 14e siècle. Devaient y participer à la fois les verrières et les peintures murales, aux sujets complémentaires, ainsi que le mobilier, les grilles et le dallage. Du point de vue formel, les verrières sont composées de trois registres de scènes coiffées d’élégants dais architecturaux. Dès lors investi de l’entière responsabilité du décor de l’étage inférieur, Steinheil restaura entre 1865 et 1867 la chapelle Sainte-Valérie ouvrant sur le bras nord, puis la chapelle Saint-Joseph, au sud de l’axe, en 1872, et l’année suivante la chapelle Sainte-Philomène en symétrie au nord. Entre 1873 et 1877, les travaux touchèrent la chapelle des Saints Évêques et celles dédiées à Saint-Léonard et à Sainte-Germaine ; ces dernières, où des peintures murales médiévales furent redécouvertes, furent simplement éclairées de grisailles ponctuées de motifs héraldiques reproduisant ceux qui subsistaient au sommet des fenêtres. Faute de crédits, la restauration de la dernière chapelle à trois fenêtres, celle des Saintes Reliques, fut ajournée jusqu’en 1882.
L’iconographie des vitraux et des peintures des parois fut choisie en fonction des vocables modifiés en 1861, avec le concours des membres du clergé diocésain les plus érudits, l’archiprêtre Jean-Paul Leclerc, le vicaire général de Bogenet ou l’abbé Arbellot (l’abbé Texier, que l’architecte avait souhaité s’adjoindre au début de la campagne, était mort en 1859). Les représentations furent puisées aux Vitae anciennes, le peintre décorateur adaptant les récits à son stock de cartons9. Quoique pieusement conservés en théorie, des panneaux anciens disparurent à l’occasion de cette campagne. C’est notamment le cas des « trois anges en tunique rouge et manteau bleu, portant des couronnes » signalés en 1846 dans les ajours de la fenêtre de gauche de la chapelle axiale, remplacés en 1865 par une Vierge à l’Enfant entourée d’anges thuriféraires, ou encore des armoiries autrefois inscrites dans des grisailles aux fenêtres de la sacristie, parti d’argent et d’or, à dextre chargé de dix besants de gueules, à senestre de six pièces d’échiquier d’azur10, reproduites à l’identique vers 1870 au centre des tympans.
Si Louis Steinheil conçut l’ordonnance des vitraux, il ne les réalisait pas lui-même. Les peintres verriers qu’il employait, irrégulièrement mentionnés dans les archives, paraissent être principalement les parisiens Louis Goglet et Eugène Oudinot, le second exécutant pour lui en 1864 une verrière du Baptême du Christ pour l’ancienne chapelle des Fonts (baie 26), plus tard déplacée dans une autre chapelle méridionale de la nef (baie 32). Ayant été engagé avant que Steinheil ne s’assure la maîtrise du décor de l’ensemble, Oudinot est seul nommé dans les documents comptables qui se rapportent à la restauration des verrières hautes du chœur, autorisée en 1861 et menée jusqu’en 1867. Bien que passé sous silence, Louis Steinheil fut certainement impliqué dans la création des cartons des nombreuses figures à restituer dans cette série de fenêtres (le collège apostolique et les évangélistes répartis deux à deux dans les baies 105 à 112, ainsi que les saints Étienne, Aurélien, Alpinien, Austriclinien, Celse et Sylvain des baies 102, 103 et 104). Ces figures monumentales, de style sec et académique, sont exécutées de manière soignée, avec application de traits combinés à des lavis suivant les recettes traditionnelles. Sans surprise, Steinheil reparaît seul dans les soumissions qu’il adressa à l’administration centrale en 1868 pour la restauration des verrières hautes du transept, par laquelle s’acheva le chantier de l’étage supérieur du massif oriental. Le programme choisi fut cette fois uniquement voué aux saints régionaux (au bras nord : Just et Prosper, Junien et Amand, Valéric et Léobon, Yrieix et Marien d’Évaux, Ferréol et Asclèpe, Psalmet, et au bras sud, Rorice et Vaast, Léonard et Domnolet, Oradour et Loup), traités dans un style supposé renvoyer au 15e siècle. Probablement toujours en collaboration avec Oudinot, il prolongea ce cycle dans les fenêtres hautes des deux premières travées de la nef en y plaçant des représentations des saints Pardoux et Cessateur, Étienne de Muret et Gaucher au sud, Israël et Théobald, Goussaud et Sacerdos au nord.
La construction des travées manquantes de la nef avait été préparée par Pierre-Prosper Chabrol dès sa nomination. La première pierre en fut posée le 23 avril 1876 ; sous la direction d’Antoine Nicolas Bailly, le vaisseau fut voûté en 1884, ses six chapelles latérales furent couvertes en 1886, et la cérémonie de consécration eut lieu le 12 août 1888, date du remontage, dans le narthex bâti à l’avant de la façade, des quatre saints du 14e siècle qu’Eugène Oudinot n’avait pas remployés dans les fenêtres hautes du chœur. Pour compléter le vitrage de la cathédrale, l’architecte fit appel au peintre verrier toulousain Louis Saint-Blancat. Celui-ci restaura et compléta en premier lieu deux verrières des quatre chapelles préexistantes, celle de la chapelle Notre-Dame des Malades (baie 27) en 1880, et celle de la chapelle de la Sainte-Croix en 1883 (baie 24). On lui doit non seulement, en 1887, la rose occidentale marquée des armes pontificales, mais aussi les verrières hautes des nouvelles travées de la nef, pour lesquelles sa soumission spécifiait que « tout dessin en grisaille sur verre sera fait à la main et non au pochoir, dont l’emploi est formellement interdit »11. Un fonds de cartons de cet atelier, acquis en 1987 par le Musée du Vieux Toulouse12, pourrait contenir des documents relatifs au chantier de Limoges. Au cours des mêmes années, Saint-Blancat signa avec le cartonnier Adolphe Steinheil, fils et successeur de Louis, mort en 1885, les verrières des nouvelles chapelles des bas-côtés ; chacune associe au milieu de grisailles les figures de leurs dédicataires (saint Vincent de Paul et saint François de Sales, saint Domnole et saint Maurice, etc.). La campagne prit fin en 1890 avec la pose de la verrière de la chapelle Sainte-Anne (baie 29) et celle de la chapelle Saint-Jean (baie 26), pour remplacer le Baptême du Christ de 1864 transféré dans la nouvelle chapelle des Fonts.
Les travaux ultérieurs
L’œuvre de la première moitié du 20e siècle est naturellement réduite sur cet ensemble complètement rénové : on ne signalera que des réparations pratiquées sur place par Francis Chigot, notamment en 1933. Le même atelier assura ensuite la dépose des verrières de la cathédrale au début de la Seconde Guerre mondiale et leur repose entre 1946 et 1948, sans interventions notables. Les campagnes contemporaines ont débuté avec la restauration des vitraux des chapelles de la nef entreprise vers 1982, puis celle des deux verrières de la chapelle Sainte-Valérie en 1991, par l’Atelier du Vitrail de Limoges. La remise en état des verrières de quatre des chapelles orientales du déambulatoire a été entreprise en 2007, confiée à Laurent Tixier, de Remouillé. La grande rose nord, déposée en 2009, restaurée par l’Atelier du Vitrail, sera bientôt reposée, protégée par un double vitrage. Une explosion accidentelle survenue en octobre 2005 a endommagé lourdement nombre des baies hautes du chœur, en partie déposées en l’attente de leur restauration (baies méridionales 104 à 116). La campagne prévue par l’architecte en chef Philippe Villeneuve devrait débuter en 2011 sur la baie 106, la plus abîmée, dans le cadre d’un chantier-école, programme expérimental piloté par Isabelle Baudouin, conservateur-restaurateur, sous l’égide de l’université de Paris I-Sorbonne (Centre de recherche en préservation des biens culturels) en association avec l’École nationale des Métiers d’art.
Les vitraux disparus
Les baies 102, 103 et 104 représentaient des figures exécutées vers 1525-1530. Les niches Renaissance abritant les figures de la baie 103, marquées aux armes de Charles Villiers de L’Isle-Adam, ont été déposées vers 1862 par Oudinot, détruites ou non localisées depuis.
La baie 1 représentant « trois anges en tunique rouge et manteau bleu, portant des couronnes » a été signalée en 1846 et remplacée en 1865 par une Vierge à l’Enfant entourée d’anges thuriféraires.
Les baies de la sacristie portant un écu armorié, parti d’argent et d’or, à dextre chargé de dix besants de gueules, à senestre de six pièces d’échiquier d’azur, inséré au milieu de grisailles anciennes. Les panneaux ont été remplacés vers 1870-1880 et reproduits dans les oculi des tympans des deux fenêtres.
Ces verrières, classées au titre des immeubles par liste en 1862, ont disparu.
Type de dossier |
Mobilier |
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Référence du dossier |
IM87005166 |
Dossier réalisé par |
Gatouillat Françoise
Ingénieur de recherche au Centre André Chastel. Lefebvre Barbara Chargée de recherches_Centre André Chastel (octobre-décembre 2015). |
Cadre d'étude |
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Date d'enquête |
2011 |
Copyrights |
(c) Région Limousin, service de l'Inventaire et du Patrimoine culturel, (c) Centre André Chastel - Françoise Gatouillat |
Citer ce contenu |
Présentation des objets mobiliers : cathédrale Saint-Etienne, Dossier réalisé par Gatouillat Françoise, (c) Région Limousin, service de l'Inventaire et du Patrimoine culturel, (c) Centre André Chastel - Françoise Gatouillat, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/bfc59701-78c6-4a98-908d-d3557fe940c9 |
Titre courant |
Présentation des objets mobiliers : cathédrale Saint-Etienne |
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