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Les maisons médiévales de Saint-Emilion
France > Nouvelle-Aquitaine > Gironde > Saint-Émilion
Historique
À l’issue de cette opération d’Inventaire, la connaissance et la compréhension de l’histoire de Saint-Émilion ont été profondément renouvelées. La visite systématique des quelques 400 parcelles cadastrales inscrites dans le périmètre de l’enceinte médiévale a permis d’identifier près de 120 maisons médiévales. Rares sont celles à avoir conservé l’intégralité de leur enveloppe et de leur élévation. C’est donc par recoupement entre les différents vestiges que les grands traits de l’habitat médiéval saint-émilionnais ont pu être restitués.
La plupart de ces maisons ont été construites au cours de deux grandes périodes. Les demeures romanes sont bâties entre la seconde moitié du 12e siècle et le premier quart du suivant. Viennent ensuite les maisons de style gothique entre le milieu du 13e et le milieu du 14e siècle. Ce sont les premières qui ont façonné la trame urbaine de la ville, la génération suivante s’est ensuite insérée dans un canevas bien établi, seule l’esthétique évoluant.
La phase de reconstruction consécutive à la guerre de Cent Ans est très limitée à Saint-Émilion comparativement à d’autres villes du Bordelais. Malgré la trentaine de bâtiments concernés par cette période, seule une dizaine de maisons sont des créations ex-nihilo ou des reconstructions importantes ; pour toutes les autres, ce n’est guère qu’un réaménagement secondaire qui est concerné (le plus souvent le percement d’une fenêtre). Cette période étant marquée par une forte déprise urbaine, le parcellaire a connu par endroit de profonds remaniements, en particulier en ville basse où des jardins urbains ont été implantés sur l’emprise d’anciennes maisons préalablement arasées. Une étude archéologique réalisée en 2017 sur une demeure repérée à l’occasion de l’inventaire thématique a mis en évidence la complexité et les évolutions du parcellaires en ville basse au fil des siècles.
Les origines de la ville restent en revanche dans l’ombre puisque seuls deux murs antérieurs à la grande phase romane ont pu être identifiés lors d’opérations archéologiques ; l’un d'une maison de la ville haute, l’autre d'une maison de la ville basse. En l’état, rien ne permet de déterminer s’ils appartiennent à des constructions du 11e ou du début du 12e siècle, voire plus anciennes ; seule la chronologie relative a permis de situer ces deux portions de mur (dont seules les premières assises sont conservées) avant la grande phase romane des maisons construites en pierre de taille de grand appareil. Alors que les édifices religieux témoignent d’une dynamique constructive dès le 11e siècle, le bâti civil reste étonnamment absent dans le même temps.
C’est donc à partir du moment où Saint-Émilion devient une ville prospère et populeuse, à la fin du 12e siècle, que les vestiges se multiplient, la construction de l’enceinte étant un marqueur important dans cette phase de développement (voir le dossier sur l'enceinte).
Détail de l'historique
Périodes |
Principale : limite 12e siècle 13e siècle Principale : 2e moitié 13e siècle Principale : 1ère moitié 14e siècle Principale : limite 15e siècle 16e siècle |
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Informations complémentaires
Les maisons médiévales de Saint-Emilion
Organisation et implantation des maisons
Trois grands types d’implantation apparaissent : les maisons en cœur de ville, celles formant l’enceinte, et enfin, celles bâties sur la zone de rupture de pente entre ville haute et ville basse.
Maisons en cœur de ville
Les maisons en cœur de ville entretiennent un lien étroit avec la rue. Il s’agit pour la plupart de maisons dites polyvalentes : le rez-de-chaussée, à usage professionnel, est occupé par des commerces ou ateliers, largement ouverts sur l’espace public par des portes et baies de boutiques ; les niveaux supérieurs (généralement un unique étage, exceptionnellement deux) sont dédiés à un usage résidentiel. Certaines charpentes peuvent rester apparentes, en particulier dans les grandes salles d’apparat, mais le plus souvent, elles sont isolées des pièces de vie par un comble qui devait servir de grenier pour la maison. La prospérité économique fut telle à Saint-Émilion que les maisons gothiques, avec leurs nombreuses ouvertures de boutiques encore visibles en bord de rue, ont remplacé presque toutes celles de la génération précédente. Si bien qu’il ne reste qu’une seule façade romane entièrement conservée en centre-ville : il s’agit du pignon d’une maison des années 1200, improprement appelée la "Salle Gothique".
Le parcellaire en lanières perpendiculaires à la voirie, caractéristique des villes médiévales, fait que ces maisons présentent pour la plupart leur petit côté sur la rue. Larges en moyenne de 6 m, elles s’étendent sur une profondeur comprise entre 13 et 15 m. Certaines disposent en fond de parcelle d’un espace libre, cour ou jardinet. Elles sont le plus souvent mitoyennes ou, plus rarement, séparées de leurs voisines par d’étroits entremis, bandes non bâties larges tout au plus de quelques dizaines de centimètres, qui permettent de collecter les eaux pluviales et de les évacuer soit vers la rue, soit vers des fosses-puisards.
Maisons formant l’enceinte
Sur le pourtour de la ville, il ne reste le plus souvent des maisons que le mur formant l’enceinte (voir dossier sur l’enceinte). Plus épais que les autres et empreint d’une valeur symbolique et juridique, seul ce mur a été conservé au fil des reconstructions ou des destructions lorsque les habitations ont laissé place à des cours ou jardins. Néanmoins, l’analyse de ces vestiges, confrontée au plan des parcelles et à la position des rues adjacentes, permet de restituer le faciès de ces maisons romanes. Bénéficiant en général de parcelles plus vastes qu’en cœur de ville, ces demeures présentent une plus grande diversité d’implantation. Parallèles ou perpendiculaires à l’enceinte, allongées ou de plan carré, certaines peuvent compter plusieurs corps de bâtiments, séparés par une cour.
Contrairement aux maisons du cœur de ville dont la façade principale est celle tournée vers la rue, ici le parti est inverse : le mur arrière, formant l’enceinte, est la façade d’apparat. C’est de ce côté que se situent les espaces résidentiels, éclairés par de larges fenêtres permettant à la fois de profiter de la vue sur la campagne et d’afficher la prospérité du propriétaire par le soin apporté à la construction et par le décor sculpté ornant les baies. La maison dite "Palais Cardinal", sur le front nord, est l’exemple le plus abouti et devait certainement être l’une des plus somptueuses demeures de Saint-Émilion.
Destinée à assurer la défense de la ville, la portion de chemin de ronde qui couronnait ces maisons leur donnait une allure castrale renforçant le prestige de leurs propriétaires. Seule une façade romane, sur le front oriental de la ville, conserve l’intégralité de son chemin de ronde avec son parapet crénelé, englobé dans la surélévation du mur lors de la construction d’un logis Renaissance au milieu du 16e siècle. Plusieurs maisons gardent néanmoins le dallage des anciens chemins de ronde. Il se matérialise depuis l’extérieur par une assise mince, épaisse d’une quinzaine de centimètres, qui correspond à la tranche des dalles, contrastant avec les autres assises dont l’épaisseur moyenne est d’environ 40 cm. Côté intérieur de la ville, ce dallage forme un encorbellement d’une trentaine de centimètres soutenu par des modillons. Lorsque le chemin de ronde était intégré au comble des maisons, il était généralement isolé du grenier par une cloison.
Desservies par des voies secondaires, ces demeures semblent entretenir des liens plus distants avec l’espace public et ne sont donc pas systématiquement dotées de boutiques en rez-de-chaussée. Parmi elles, les logis de plain-pied sont d’ailleurs nombreux, ce qui est très exceptionnel dans l’architecture civile médiévale et fait de Saint-Émilion un cas à part.
Outre la qualité du décor de leur façade, nombre de ces maisons sur l’enceinte devaient également impressionner les visiteurs par le volume de leurs pièces. Au rez-de-chaussée pour les maisons à étage, ou dans la cave pour certains logis de plain-pied, se trouvent de grands espaces de stockage ou de production (ateliers, chais, cuvier ?) dont certains ouvrent directement sur le fossé par de larges portes percées à la base de la muraille (par exemple pour la maison 4 rue de l'Abbé-Bergey). Ces niveaux ne sont pas cloisonnés à l’origine ; on cherche au contraire à aménager de vastes espaces et à faciliter la circulation grâce à de simples files de piliers qui portent le plancher du niveau supérieur. Ces pièces, dont certaines atteignent 120 m², bénéficient de grandes hauteurs sous plafond, régulièrement au-delà des 4,50 m. Les niveaux supérieurs ne sont pas en reste ; ils peuvent présenter des surfaces et des élévations tout aussi importantes, dépassant même les 6 m sous plafond pour certains logis de plain-pied. Les deux ou trois niveaux de ces bâtiments sur l’enceinte étaient entièrement occupés par ces vastes salles. Les autres pièces qui composent habituellement les maisons (cuisine, chambres, communs, dépendances...) devaient prendre place dans des ailes latérales, aujourd’hui disparues, ou dans un second corps de bâtiment implanté à l’autre extrémité de la parcelle, côté rue.
Maisons sur la rupture de pente
Le fort dénivelé qui partage la ville en deux est un autre espace privilégié pour l’implantation de demeures patriciennes dont les caractéristiques empruntent aux deux catégories précédentes. Côté ville haute, en bord de rue, elles sont similaires aux maisons du cœur de ville. Côté ville basse, profitant de la pente et d’une position dominante, elles affichent des façades imposantes reprenant le registre des maisons qui forment l’enceinte. Afin de compenser le dénivelé, ces bâtiments reposent en effet sur un niveau de soubassement qui correspond côté rue à une simple cave, en partie creusée dans la roche, alors que l’autre moitié de cet espace est entièrement bâti, créant ainsi côté ville basse un étage supplémentaire. La maison dite la Commanderie, et la maison située à l'opposée sur l’actuelle place Cap du Pont, face au couvent des Cordeliers, sont parmi les mieux conservés de la ville et illustrent bien l’intérêt de cette position sur la rupture de pente.
Caractéristiques architecturales
Maisons romanes
L’architecture romane sainte-émilionnaise se caractérise par une construction très soignée, aux parements exclusivement constitués de pierre de taille de grand appareil, disposées en assises régulières. Ces murs ont en moyenne 50 à 60 cm d’épaisseur et 1,10 à 1,50 m pour l’enceinte. À cette période, les moellons ne sont utilisés qu’en blocage dans le cœur des murs, jamais en parement. Le mortier employé, très dur, est de bonne qualité et les joints sont extrêmement fins. Tous ces détails témoignent d’une grande maîtrise technique par des artisans de qualité.
Sur ces demeures romanes, les décors se concentrent principalement autour des ouvertures, et particulièrement des fenêtres d’étage dont le vocabulaire ornemental est le même que dans l’architecture religieuse de l’époque : frises de rinceaux végétaux, pointes de diamants, dents de loup, losanges... Ces fenêtres romanes sont pour la plupart géminées et surmontées d’un tympan semi-circulaire souligné par une archivolte saillante. Des cordons d’appui et d’imposte, limités à la fenêtre ou régnant sur l’ensemble de la façade selon les cas, viennent presque systématiquement souligner l’encadrement extérieur de ces baies. Les appuis de ces fenêtres romanes étant toujours traversants, elles sont dépourvues d’allège et se trouvent de ce fait peu accessibles. Certains de ces appuis servent néanmoins de palier pour des couloirs (aménagés dans l’épaisseur des murs) ou pour accéder à des balcons, comme sur l’une des fenêtres du Palais Cardinal.
En rez-de-chaussée, les fenêtres se résument à de simples fentes de jour, généralement très allongées et ébrasées pour capter au mieux la luminosité. Seuls les logis de plain-pied sur l’enceinte disposaient à ce niveau de grandes baies géminées, implantées suffisamment haut pour ne pas trop affaiblir la défense de la ville. Certaines de ces grandes salles disposaient même de deux niveaux d’ouvertures avec des fentes de jour au niveau du sol et des fenêtres hautes percées juste en-dessous du plafond, à l'exemple de la maison 2 place Pioceau.
Les quelques portes romanes conservées sont pour la plupart couvertes d’un arc en plein-cintre, plus rarement en arc brisé, et leur encadrement présente une arrête vive (angle à 90°). Les étroites portes qui ouvrent sur des latrines ou des couloirs intra muraux sont en revanche toutes couvertes d’un linteau droit, souvent échancré en partie basse comme au premier étage de la Tour du Roy.
Cette tour est avec son enceinte basse le dernier vestige de la mairie médiévale. Édifiée dans les années 1230, elle reprend les caractéristiques architecturales des maisons romanes de la ville.
Maisons gothiques
Dans la construction gothique, la pierre de taille reste l’unique matériau employé mais les modules sont un peu moins gros que sur le bâti roman. Ces assises en moyen appareil sont plus irrégulières. Elles ont des joints plus épais et laissent apparaître de nombreux fragments de tuiles ou cailloux utilisés en calage afin d’ajuster les blocs de pierre dont la découpe est plus approximative. À de rares exceptions près, on note donc une nette baisse qualitative dans la mise en œuvre des maçonneries de cette période.
Les couvrements en arc brisé deviennent majoritaires mais l’arc plein-cintre reste employé sur certaines ouvertures (par exemple pour la maison au 2 bis rue de la Porte-Brunet). Désormais, les encadrements sont systématiquement chanfreinés. Les portes, fenêtres et baies de boutiques sont régulièrement surmontées par des archivoltes saillantes qui font office de larmier pour limiter le ruissellement des eaux de pluie sur les façades. Des auvents étaient parfois installés au-dessus des ouvertures pour les protéger des intempéries et du soleil. Il ne subsiste de ces équipements en bois que les corbeaux en pierre qui permettaient de les ancrer à la façade, comme dans le cas de la maison dite Garage Vauthier.
Les fenêtres gothiques présentent une plus grande diversité de formes allant de la baie géminée rectangulaire divisée par un simple meneau chanfreiné, aux fenêtres à réseau avec leurs lancettes et roses inspirés de l’architecture religieuse. À cette période, les fenêtres des parties résidentielles sont pour la plupart dotées de coussièges aménagés dans leur embrasure.
Traits communs
L’habitat médiéval se caractérise par les nombreux équipements domestiques aménagés directement dans l’épaisseur des murs. Outre les coussièges dans l’embrasure des fenêtres, on repère régulièrement des dispositifs de rangement de taille variée : niches (pourvues ou non de tablettes) qui restaient ouvertes sur la pièce, petites niches à luminaires destinées à accueillir bougies ou lampes à huile, placards fermés par un volet. Les murs les plus épais, en particulier sur l’enceinte, renferment quant à eux des couloirs, des latrines ou encore des escaliers. La majeure partie des équipements de la maison est donc intégrée dans les murs, venant compenser la rareté du mobilier qui, à cette période, se limite à des coffres, tables, bancs et fauteuils.
Au-delà de la qualité des maçonneries, la grande caractéristique des maisons médiévales saint-émilionnaises (et plus largement de la région) est donc l’emploi exclusif de la pierre de taille pour la construction des murs. Autre détail significatif, les arcs qui couvrent les ouvertures sont systématiquement extradossés, qu’ils soient en plein-cintre ou brisés. A contrario, les arcs dont les claveaux n’ont pas tous la même hauteur, et ne présentent donc pas un extrados régulier, indiquent que ces ouvertures ne sont pas médiévales.
Une volonté précoce de gestion des eaux usées
Sur la maison dite "Salle Gothique", située dans les jardins de la mairie, un conduit maçonné intégré dans l’un des angles de ce bâtiment roman (malgré son appellation) et débouchant dans une fosse pyramidale creusée dans la roche a été découvert lors d’une opération archéologique en 2013. Cette fosse présente des dimensions imposantes : 6 m de profondeur et autant de largeur. Réalisée avant le début du chantier au niveau d’un angle de la future maison, elle fournit dans un premier temps la pierre nécessaire à la construction, avant d’être utilisée comme puisard pour collecter les eaux pluviales provenant d’un entremis séparant cette maison de sa voisine située au sud. L’absence d’enduit d’étanchéité exclut l’hypothèse d’une citerne ; au contraire, la roche poreuse permet une infiltration rapide de l’eau dans le substrat.
À partir du 14e siècle, cette cavité sert également de dépotoir. Cela explique la présence de nombreux fragments de céramiques et de verres usagés ainsi que des restes de repas, donnant un aperçu du quotidien des Saint-Émilionnais à la fin du Moyen Âge. À elle seule, cette fosse suffisait largement à absorber le volume annuel des pluies recueillies par les toitures des deux maisons. Or, une seconde fosse, identique à la première, a également été repérée sous l’autre angle de la façade, doublant ainsi la capacité de rétention des eaux.
Une cinquantaine de fosses similaires, pour la plupart recoupées par les carrières exploitées durant la période moderne, ont été identifiées depuis le sous-sol de la ville. Ces cavités sont presque systématiquement implantées aux angles ou en bordure des parcelles cadastrales situées au-dessus. Lorsque l’on peut voir leur partie supérieure, elles sont liées à des maçonneries romanes révélant des maisons disparues.
Bien différentes des silos destinés au stockage de céréales (également repérés en nombre dans la ville), ces fosses pyramidales irrégulières, visiblement très répandues à Saint-Émilion, permettaient de récupérer les eaux usées. Elles recevaient également une partie des eaux pluviales, ce qui limitait le ruissellement dans les rues, pentues et à même la roche, ainsi que les risques d’inondation des caves. Par ailleurs, beaucoup d’entre elles ont servi de dépotoir et de fosse d’aisance. Contrairement à de nombreuses villes où les latrines sont simplement en encorbellement et débouchent dans les entremis séparant les maisons, celles des demeures saint-émilionnaises sont pour la plupart intégrées dans les murs et s’évacuent par des conduits maçonnés, soit dans les fosses, soit directement dans le fossé de la ville pour les maisons sur l’enceinte.
Ce réseau de fosses reste à ce jour un cas unique. Sans pouvoir parler de véritable "tout-à-l’égout" puisque ces fosses n’étaient pas reliées entre elles, il s’agit d’une forme d’assainissement individuel qui apportait une réponse à un problème collectif. Par sa précocité et par sa mise en place avant même la construction des maisons, ce dispositif révèle une pensée de la ville qui nuance l’image habituelle des rues médiévales, pareilles à de véritables cloaques.
Le lent renouveau de la construction au sortir de la guerre de Cent Ans
Bien que la reprise soit plus modeste qu’ailleurs du fait de la baisse de population, elle est néanmoins perceptible. Sans atteindre la densité et le degré qualitatif de "l’âge d’or" désormais révolu, un certain nombre de chantiers, tant publics que privés, sont lancés durant la seconde moitié du 15e siècle. De même, les travaux aux couvents mendiants se poursuivent, tout comme ceux de la Collégiale qui s’achèvent en 1522.
L’architecture domestique connaît à cette période de profondes mutations, tant techniques qu’esthétiques, qui ne sont d’ailleurs pas spécifiques à Saint-Émilion. Il en ressort une certaine uniformisation de l’architecture dont les formes et les décors se retrouvent à l’identique dans toute la France, au détriment des particularismes locaux très marqués dans les constructions romanes et du premier gothique. L’un des principaux changements en Bordelais est la disparition de la pierre de taille, qui jusque-là régnait en maître. Elle n’est plus utilisée, à de rares exceptions près, que pour les chaînages d’angle des bâtiments, les encadrements des baies et les voûtes, le reste des maçonneries étant désormais constitué de ribots (nom gascon des moellons tout venant) montés à la terre. Contrairement à une idée reçue, ces murs ne restent pas en pierre apparente. Un enduit à la chaux, appliqué tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, vient en effet assurer la finition et l’étanchéité de la maçonnerie. Dans certains cas, des badigeons à faux joints sont ensuite ajoutés pour simuler des parements en pierre de taille.
Parmi les rares constructions neuves de cette époque, on peut citer l’imposante maison située à l’un des angles de la place Mercadieu ou encore le "Logis Malet", dont les charpentes, datées par analyses dendrochronologiques, permettent de situer leur construction dans les années 1500-1520.
La tour d’escalier avec sa porte monumentale plaquée contre la façade ou le pignon apparaît presque systématiquement dans les manoirs ruraux comme dans les centres urbains de l’époque. Il n’a curieusement pas fait école à Saint-Émilion puisque seuls trois exemples de ces tours y ont été répertoriés. L’une, contre le mur nord de la Salle Gothique (qui n’a d’ailleurs jamais renfermé d’escalier), abrite en son sommet une petite salle dotée d’une cheminée et couverte d’une voûte à six nervures. Cette pièce est l’un des rares exemples saint-émilionnais de cette architecture raffinée pourtant si présente dans le reste de la région. Quant aux portes monumentales ornées d’un décor gothique flamboyant, seules trois sont connues à Saint-Émilion. Deux sont visibles sous la halle, sur la façade de l’ancien hôtel de ville des années 1470, et la troisième se trouve au pied de la tour d’escalier ajoutée contre la face nord du clocher de l’église monolithe.
Seule une dizaine de maisons neuves est répertoriée pour cette période, ce qui est peu sur un corpus de 120 maisons médiévales recensées. La majeure partie des interventions sur le bâti civil a alors consisté en des modifications ponctuelles. Il s’agit principalement de grandes croisées remplaçant des fenêtres plus anciennes. De nombreuses cheminées sont également reconstruites à cette période puisque, sur la vingtaine de spécimens médiévaux dans la ville, 17 sont datés du 15e siècle ou du début du suivant. On observe également l’aménagement plus systématique d’éviers qui, bien qu’habituellement très présents dans les maisons médiévales, sont étonnamment absents ici avant les années 1500.
Le bois dans la construction à Saint-Émilion
Les maisons de Saint-Émilion montrent que l’image traditionnelle des villes médiévales faites principalement de maisons à colombages doit être nuancée. Dans les secteurs où la pierre est abondante, elle est naturellement le matériau de prédilection pour la construction. À Saint-Émilion, la densité de maisons romanes en pierre y atteste la large diffusion de ce bâti, bien au-delà des seules riches demeures. Le bois est cependant très présent dans cette architecture en pierre : pour les échafaudages nécessaires à la construction, les planchers et charpentes de toit, les annexes en bois sur les façades (comme sur la Maison Gothique), les hourds, galeries et combles en encorbellement sur l’enceinte.
Le colombage fait en revanche une percée significative dans l’architecture civile du Bordelais lors de la phase de reconstruction consécutive à la guerre de Cent Ans. La très grande majorité des maisons à pan-de-bois de la région a en effet été édifiée entre la seconde moitié du 15e siècle et le courant du siècle suivant. Sur la dizaine de façades à pan-de-bois répertoriée à Saint-Émilion, celle de la Maison de la Cadène est le seul exemple conservé dans la ville.
Type de dossier |
Dossier thématique |
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Référence du dossier |
IA33010327 |
Dossier réalisé par |
Souny David
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Cadre d'étude |
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Date d'enquête |
2012 |
Copyrights |
(c) Communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais, (c) Université Bordeaux Montaigne, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel |
Citer ce contenu |
Les maisons médiévales de Saint-Emilion, Dossier réalisé par Souny David, (c) Communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais, (c) Université Bordeaux Montaigne, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/c9e08a55-ed64-436d-bb11-193d1148b7ba |
Titre courant |
Les maisons médiévales de Saint-Emilion |
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