Pont dit Vieux-Pont

France > Nouvelle-Aquitaine > Vienne > Saint-Savin

Avant la construction du pont, la Gartempe pouvait se traverser à gué au gué de la Croix-Ronde.

Le vieux pont de Saint-Savin est généralement daté du 12e ou du 13e siècle, un péage étant signalé en 1113 (" Manasses donne sa part du péage du château de Saint-Savin et de toute la châtellenie relevant dudit château ", Baudry, Château romans... note 346, citant Sanchez, Cartulaire de la Maison-Dieu...). Ce pont était donc sous le contrôle du château et non de l’abbaye de Saint-Savin. Il s'intégrait dans la fortification du bourg de Saint-Savin. Luc Bourgeois (et al., 2000) pose néanmoins l'hypothèse d'un premier pont dans le prolongement de la rue Saint-Louis, donc non loin de l'actuel pont neuf : des recherches archéologiques seraient nécessaires pour confirmer ou infirmer cette hypothèse (voir le dossier fortifications pour les différentes hypothèses sur leur tracé et leur datation). Le texte de 1113 atteste donc de l'existence d'un pont pour traverser la Gartempe à Saint-Savin, pas de son emplacement. La seule étude stylistique (forme des arches et des avant-becs) tentée par plusieurs auteurs ne permet pas de préciser la datation du pont de Saint-Savin, puisqu'elle repose sur des comparaisons avec des ponts à la datation non assurée par des études archéologiques (13e siècle ?). Une étude de bâti détaillée et des fouilles archéologiques permettraient seules de préciser la datation des fondations du vieux pont tel qu'il apparaît aujourd'hui.

En 1352, la Grand'rue est qualifiée de rue du Pont (Archives départementales de la Vienne, 1 H 12). Il est donc certain que le pont est à cette date situé à l'extrémité de la Grand'Rue.

En 1632, le prieur claustral de l'abbaye envoie une requête à l'évêque de Poitiers pour être autorisé à quitter Saint-Savin où la peste sévissait et à se retirer momentanément avec ses religieux à Saint-Germain ou à Antigny : aller à Saint-Germain permettait de tenir la peste sur l'autre rive, notamment si la circulation sur le pont est coupée.

En 1634, un arrêt du Parlement ordonne que le produit du péage des ponts de Saint-Savin appartenant à l'abbaye soit affecté à l'avenir à la réparation desdits ponts (requête du 28 mars 1628 ; Archives départementales de la Vienne, 1 H 7/13). Les habitants réclament également la saisie d'une somme importante sur des revenus de l'abbaye pour qu'ils soient affectés dès à présent à la réparation du pont, mais ce point n'est pas repris dans l'arrêt du parlement.

En 1652, les religieux portent plainte auprès du lieutenant général de la sénéchaussée de Poitiers contre l'abbé commendataire qui avait envahi le monastère avec une troupe d'hommes armés qui pillaient tout le revenu des religieux. Après instruction, le duc de Roannez, gouverneur de Poitou, est sommé de faire retirer les troupes qui gardaient la place de Saint-Savin. Il est probable que l'occupation de ces troupes aient également entraîné des dégâts au pont.

Un portail (porte fortifiée) ou " portal du pont " est mentionné pour la vente d'une rente en février 1664 (Archives départementales de la Vienne, 1 H 7/13).

Le pont est réparé en 1671 (acte d'assemblée et marché de 2660 livres tournois pour la réparation des ponts). Un marché est passé avec François Chambon, tailleur de pierre résidant au bourg de la paroisse de Nalliers, Jean de Larat, habitant au faubourg de Saint-Germain, et Joseph Lester, demeurant paroisse Notre-Dame à Saint-Savin, maçons, pour la réparation du pont, en avril 1671 : reconstruction de l'éperon qui était au milieu du pont, reprise des " piliers et arcades " [arches] sur le même modèle qu'il était bâti et parement le tour de pierre de taille ", charroi des matériaux pour 939 livres tournois et 10 sols, cinq busards* de vin et 80 boisseaux* de mouture, permettant de régler également les ouvriers en partie en nature. Les religieux gardent la somme de 1800 livres pour régler les matériaux (les pierres, la chaux " les bois qu'il conviendra pour les batardeaux " et tous autres matériaux) et leur charroi. Le marché doit être réalisé avant le mois d'août ; il est achevé et entièrement réglé le 20 décembre 1671. En 1675, l'assemblée des manants et habitants de la ville donne 950 livres tournois pour la réparation du pont.

En 1726, les habitants des paroisses Notre-Dame à Saint-Savin, Saint-Hilaire de Nalliers et Saint-Pierre de Béthines demandent l'enregistrement chez un notaire de Saint-Savin. Il s'agit d'appliquer ce règlement à de nouveaux travaux. Le délégué de l'intendant propose des jeunes gens qui ont jeté des pierres depuis le pont soient employés à ces travaux. il demande également que tous les métayers et laboureurs ayant des charrettes, les voituriers et loueurs de chevaux participent au charroi des matériaux.

Un nouveau marché pour la réparation du pont est adjugé pour 11 081 livres tournois en 1749-1750. Le marché est adjugé à Pierre Frochot, maçon (Archives départementales du Cher, C/103).

Vers 1760, la porte de la tour implantée sur la culée de la rive gauche (soubassement toujours visibles dans le soubassement de l'élévation sud de la maison 1 Grand'Rue, à Saint-Savin) s'effondre partiellement puis est démolie. Elle est cependant toujours figurée sur la représentation sommaire de la ville sur l'Atlas de Trudaine (2e moitié du 18e siècle).

Atlas de Trudaine, route de Poitiers au Blanc, planche 52.

Au lendemain de la Révolution, une nouvelle campagne de travaux est organisée notamment sur les 3e et 4e arches, la forme de la culée de la rive droite (Saint-Germain) est modifiée. Les travaux sont attestés en 1791 avec la provision d'une somme de 3000 livres affectée à la réparation du pont (Archives départementales de la Vienne, L 203). Il n'est pas certain que les travaux aient pu être effectué avant une crue majeure survenue en 1792 : celle-ci a failli emporter le pont en 1792 et a submergé toutes les arches à l'exception de la partie supérieure de l'arche centrale.

En 1794, dans le contexte de la suppression des noms de communes à caractère religieux, le pont donne le nom à la commune qui devient pour quelques années " Pont-sur-Gartempe ".

Sur le plan masse de 1804 de la commune de Saint-Germain, une croix est figurée sur le refuge aval de la deuxième pile vers la rive droite (sur la commune de Saint-Savin).

En 1814, le projet d'empierrer la route impériale 171 de Poitiers à Avallon est arrêté. Seule une infime partie est réalisée au moment de la chute de l'Empire, les travaux sont arrêtés. La traversée de Saint-Savin n'a pas été réalisée. Le projet est relancé en 1823, avec l'établissement d'une carte montrant les parties empierrées et les parties à réaliser sur l'ensemble du tracé de Poitiers à la limite du département. D'après l'exposé préalable aux travaux de 1823, le pont de Saint-Savin, en pierre de taille à l'exception du dessous de voûte en moellons, mesure 85 m de longueur entre les culées et 4,80 m de largeur, avec six inégales du plein-cintre à l'ogive, et cinq piles d'épaisseur différentes avec arrière et avant corps circulaires ou à pans coupés. Il est couronné d'un parapet. En juillet 1822, le maire alerte à nouveau sur la nécessité de travaux très urgents. Ces travaux sont réalisés en 1823 et comprennent la démolition de la maçonnerie défectueuse et reprise en moellons des parties inférieures à l'amont de la première culée, des cinq piles, du parement de l'avant-bec de la deuxième pile vers la rive droite, des murs en aile de la deuxième culée, des tympans amont et aval, reconstruction d'une brèche du parapet d'aval vers la rive droite, reprises des deux parapets (moellons et parement de pierre de taille), ragréages et rejointoiement des culées, des piles et des dessous de voûte. La pierre de taille nécessaire aux travaux provient de la vallée aux Combles, à 1,5 km du pont (10 voyages avec une voiture à quatre chevaux), le ciment et la chaux de Journet, à 16 km (un voyage pour quatre barriques soit un mètre cube), le sable de la Gartempe et les moellons des environs (devis de l'ingénieur Maréchal, 16 mars 1823, validé par Olivier Duvaucelle, ingénieur en chef, le 26 mai 1823). Ils sont adjugés le 31 juillet 1823 à M. Brimault-Coullon, entrepreneur à Chauvigny, pour une somme de 2290 francs (rabais de 171,89 francs sur le budget prévisionnel de 2461,89 francs). Les travaux sont réalisés du 27 septembre au 2 octobre 1824. Le conducteur de travaux Merle jeune certifie qu'ils ont été réalisés conformément au cahier des charges le 20 décembre 1824. Les comptes définitifs arrêtés le 9 juin 1825 par l'ingénieur en chef font état d'un total de 2350 francs.

Le rapport sur les relais de poste du 30 mars 1841, ce pont, situé sur la route n° 151 de Poitiers à Avallon, mesure 17 476,50 m km entre le milieu du pont suspendu de Chauvigny et le " point milieu entre l'angle ouest du clos du sieur de Savatté et la culée gauche du pont de Saint-Savin ". La distance est ensuite recalculée, dans un rapport modificatif réalisé à la demande du maître de poste de Saint-Savin, à 18,607 m : Les travaux de l'entrée de Saint-Savin ont rallongé la distance à parcourir. Il est distant de 5665 m de la limite du département (mesure de 1829).

Crue du 26 février 1844 au vieux-pont de Saint-Savin.

La crue du 26 février 1844 a atteint un niveau supérieur à celle de 1792. Elle a failli emporter le pont neuf de Montmorillon alors en cours de construction et a submergé toutes les arches du vieux pont de Saint-Savin à l'exception d'une infime partie de l'arche centrale.

En 1846, le vieux pont est fragilisé, deux arches ont été consolidées par des tirants métalliques, la grande arche est fissurée : les plans des ingénieurs montrent l'ampleur de cette fissure.

Les ingénieurs envisagent trois projets : élargir le pont ou en construire un nouveau quelques dizaines de mètres en amont (avec deux options : arches en plein cintre ou arches en arc segmentaire), la construction d'un nouveau pont ayant la préférence des ingénieurs en permettant en outre la construction en aval du vieux pont d'un barrage et d'un moulin à la Croix-Ronde, commune de Saint-Germain.

L'ensemble des documents (27 pièces) est examiné le 1er août 1846 par une commission départementale. La commission préfère la construction d'un nouveau pont. Elle souligne que le vieux-pont est étroit (4 m de large), en dos d'âne et submersible, qu'il est très difficile d'envisager la destruction du pont et la construction d'un nouveau pont au même emplacement, empêchant de traverser la Gartempe pendant un temps trop long. Parmi les options, un ingénieur propose de détruire les arches du vieux-pont en conservant les piliers, mais en reconstruisant un tablier en bois qui ferait moins obstacle aux crues de la Gartempe.

Le marché pour la construction du nouveau pont est adjugé en 1849 ; les travaux sont achevés fin décembre 1851 et le pont est ouvert à la circulation en 1852. L'ancien tracé de la route impériale n° 151, passant par la Grand'Rue à Saint-Savin, le vieux pont et la rue du Vieux-Pont à Saint-Germain, est déclassé par arrêté impérial du 11 mars 1857, suite à la modification de la traversée du bourg de Saint-Savin pour accéder plus aisément au nouveau pont.

Des travaux de réparations du vieux-pont sont programmés pour 200 francs au budget de 1861 (utilisés en 1862).

Un aqueduc est aménagé près du vieux pont en 1883 pour 99,19 francs.

Le pont est classé parmi les monuments historiques par arrêté du 20 août 1896.

En 1901, le pont est signalé en mauvais état et doit être restauré (constat de Henri Déverin, architecte en chef des monuments historiques). Sur une carte postale ancienne, les attaches métalliques figurées sur le plan de 1846 sont toujours visibles ; l'arche centrale a été confortée par la mise en place d'un cintre en bois, ce cintre n'est pas visible sur d'autres vues anciennes ; la chronologie de ces clichés du début du 20e siècle n'a pas pu être établie, mais l'on sait que l'arche centrale (3e) et la 5e arche ont été cintrées en 1908-1910 et restaurées en 1911-1914.

En 1912, des travaux sont en cours pour un montant de 10610,10 francs (rapport de M. Déverin, architecte en chef des monuments historiques, au conseil général). 50 francs sont inscrits au budget municipal de 1913 (reliquat des travaux ?). En 1914, l'architecte départemental Déverin établit un nouveau devis de 7513,86 francs pour la restauration du pont de Saint-Savin.

Aujourd'hui, seuls les tirants de la quatrième arche sont encore en place. L'arche centrale a été détruite au cours de l'été 1944 (sabotage FFI) ; le passage est rétabli avec un aménagement provisoire puis l'arche est reconstruite en pierre en 1946 (Yves-Marie Froidevaux, architecte).

Les avant-becs ont été modifiés par rapport aux plans anciens mais sans qu'il soit possible de les attribuer à l'une ou l'autre des campagnes de réparation successives.

Les fondations ont été confortées par un radier en béton armé suite à la crue de 1982.

Des chutes de pierre sont signalées par des kayakistes en 2015. La circulation sur le pont a été interdite en octobre 2022 pour des travaux de confortement ; ceux-ci révèlent la nécessité d'une étude plus approfondie des dommages et une fermeture prolongée du pont.

*1 busard = 1 bussard, soit 230 litres en Anjou (inconnu en Poitou) ; 1 boisseau = env. 13 litres.

Périodes

Principale : 12e siècle, 13e siècle (incertitude)

Secondaire : 2e quart 17e siècle

Dates

1671, daté par source

Auteurs Auteur : Brimault-Coullon

Entrepreneur à Chauvigny en 1823 (travaux de réparation du vieux-pont de Saint-Savin).

, entrepreneur (attribution par source)
Auteur : Chambon François

Maître tailleur de pierre habitant au bourg de la paroisse de Nalliers (Vienne) en 1671 (réparation du vieux pont de Saint-Savin-Saint-Germain).

, tailleur de pierre (attribution par source)
Auteur : Larat de Jean

Maçon habitant à Saint-Germain (Vienne) en 1671 (réparation du vieux pont).

, maçon (attribution par source)
Auteur : Lester Joseph

Maçon habitant paroisse Notre-Dame de Saint-Savin (Vienne) en 1671 (réparation du vieux pont).

, maçon (attribution par source)
Auteur : Déverin Joseph-Henri

Architecte en chef des monuments historiques (Paris, 1846 - ?,1921). Admis à l’École des beaux-arts en 1865, élève de Daumet ; attaché à la Commission supérieure des Monuments historiques (1877), architecte en chef des Monuments historiques (1897) chargé de la Vienne et des Deux-Sèvres (1897) ; 65, rue de Rennes / 32, boulevard Beaumarchais / 44, boulevard Voltaire / 65, rue Claude-Bernard, Paris (Delaire, 143 ; M.H., 46 ; DICT. PARIS II, 28).

,
Auteur : Froidevaux Yves-Marie, architecte (attribution par source)

Le vieux pont relie les bourgs de Saint-Savin et de Saint-Germain, à quelques dizaines de mètre en amont du gué de la Croix-ronde. Il permettait le passage de la Gartempe par la route royale puis impériale 151, jusqu'à la construction du pont neuf à quelques dizaines de mètres en amont, en 1852.

Ce pont en dos-d'âne se compose de cinq arches reposant sur quatre piles implantées dans le cours de la Gartempe (pour les illustrations, numérotation à partir de la rive gauche). Une sixième arche est implantée sur la rive droite, côté Saint-Germain, sur un bras mineur et non permanent de la rivière. D'après les plans de 1846 et 1878, le pont mesure 59 m d'ouverture soit une moyenne de 8m50 par arche, soit de la rive gauche vers la rive droite 8,58, 8,59, 10,36, 8,90, 8,84 et 5,72 m. Les piles dans la rivière ont une largeur de 4,50, 4,60, 4,88 et 4,80 m. La pile installée dans le lit mineur sur la rive droite (commune de Saint-Germain) mesure 11,54 m de large. Sur les plans anciens comme aujourd'hui, les avant-becs (côté amont) sont en amande sauf celui de la deuxième pile, polygonale avec un bec triangulaire. Les arrière-becs sont rectangulaires.

La culée de la rive gauche, du côté amont, est incluse dans le soubassement d'une maison.

Les arches et les piles sont construits en pierre de taille, les parapets et le sommet des piles et des avant-becs ont été reconstruits en moellons. Les claveaux des arcs des arches sont protégées par un larmier.

Le pont mesure 4,85 m de large avec une chaussée limitée à 3 m de large par des bornes dont deux sont conservées. Les plateformes des avant-becs et des arrière-becs constituent des refuges pour les piétons.

Un abreuvoir se trouvait côté amont sur chaque rive.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : pierre de taille

  2. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : moellon

Toits

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Vienne , Saint-Savin

Milieu d'implantation: en village

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Vienne , Saint-Germain

Milieu d'implantation: en village

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