En 1573, lors du siège conduit sans succès par le duc d'Anjou (12 février - 12 juillet), l'enceinte, dont le tracé n'a pas varié depuis un siècle, apparaît sérieusement renforcée : elle a été «remparée» sur tout le front nord. Trois bastions à orillons à l'italienne ont été édifiés : au saillant nord-ouest (bastion de l'Evangile), devant la porte Neuve, et au milieu de la courtine est du front de mer (bastion du Gabut). Un ouvrage à cornes couvre la porte des deux Moulins (en plus de la barbacane), tandis que des demi-bastions couvrent l'un, la porte de Cougnes, l'autre (bastion des Dames), l'enceinte au niveau de l'entrée du canal de Maubec. La Porte Saint-Nicolas a été renforcée d'une sorte de boulevard, doté d'un retranchement tenaillé intérieur, tandis qu'un boulevard demi-circulaire couvre le saillant sud-est de l'avancée de Cougnes. Enfin, des cavaliers d'artillerie, placés derrière l'enceinte et la dominant, fournissent un appoint de feux aux saillants les plus exposés ou face aux directions les plus dangereuses.
Une anomalie subsistait cependant, avec le grand rentrant existant, à l'est, entre la protubérance du quartier de Cougnes et celle du quartier Saint-Nicolas.
Devenue place de sûreté des réformés, la place ne va cesser de se renforcer jusqu'à la réouverture des hostilités avec l'autorité royale. Une nouvelle enceinte moderne, enveloppant la précédente conservée, fut alors construite (au début du XVIIe siècle). Elle comportait.
- A l'ouest, une longue braie, en tracé tenaillé, se terminant, au sud, par l'ouvrage à cornes couvrant la porte des deux moulins.
- Au nord et à l'est, du bastion de l'Evangile à la porte Saint-Nicolas, un grand arc de cercle hérissé de sept bastions à orillons - huit selon la gravure publiée par Mérian. Cette disposition nouvelle régularisait le tracé sinueux antérieur et permettait l'urbanisation d'un espace qui prit le nom de «Ville neuve». Les boulevards avancés de la porte Saint-Nicolas furent remplacés par un ouvrage à cornes.
Cette nouvelle ceinture était précédée d'un bon fossé ; elle ne comportait pas de demi-lunes, mais un chemin couvert avec places d'armes rentrantes. Si l'on tient compte de ce que l'ancienne enceinte conservée constituait une seconde ligne de défense non négligeable, et qu'au dehors, tout le front ouest et la moitié du front est étaient couverts par des marais salants, on constate que la place était très puissante, à un moment où la fortification avait regagné sur la guerre de siège l'ascendant perdu, à la fin du XVe siècle, par la crise du boulet métallique, situation qui durera jusqu'à la mise au point de la méthode d'attaque de Vauban.
Les rapports entre le parti réformé, dont La Rochelle était devenue la place la plus puissante, et l'autorité royale, se tendirent à partir de 1620. Après l'échec cuisant subi en 1621 devant
Montauban, le roi fit construire devant La Rochelle, à environ 800 m à l'ouest des remparts, un fort carré, le fort Louis, dont les Rochelais, ainsi menacés, ne purent obtenir la suppression lors des pourparlers. Les actes d'hostilité s'étant multipliés et les Anglais étant intervenus, Richelieu décida de réduire ce nid de factieux : il rassembla une armée de 25000 hommes, commandée par le roi en personne. Après avoir réussi à débloquer Saint-Martin-de-Ré et le fort de la Prée assiégés par Buckingham, et chassé les Anglais de l'île de Ré, il vint investir la ville (octobre 1627) et l'enferma dans une ligne de contrevallation continue, soutenue par une quinzaine de forts (dont le fort Louis) et de nombreuses redoutes intermédiaires.
Du coté de la mer, la continuité de l'encerclement fut assurée par une digue de 1500 m de long, barrant le fond de la baie, et dont la construction, dirigée par Clément Metezeau, premier architecte du roi, et Thiriot, maître maçon, prit près de six mois . Le dispositif en place, le «siège» se réduisit, en fait, à un blocus aussi hermétique qu'impitoyable (exécution de tous les individus tentant le franchissement des lignes, refoulement des bouches inutiles) : malgré des tirs fréquents, l'artillerie, enfermée dans les forts, ne joua à peu près aucun rôle, et il ne semble pas avoir été tenté de travaux d'attaque en sape ou en mine.
L'obstination des habitants, et surtout de ses édiles, donna au blocus son plein effet : près de 15 000 habitants avaient péri de faim quand quelque 5 ou 6000 survivants se résolurent à capituler (28 octobre 1628). Le roi et le cardinal firent leur entrée le 1er novembre 1628 dans la place, dont les fortifications furent complètement rasées (1629) à l'exception du front de mer et de la tour de Moureilles. Les choses restèrent en l'état jusqu'en 1689.
Les choses restèrent en l'état jusqu'en 1689. Les soixante ans écoulés depuis le grand siège ont vu la naissance et le développement de Brest et de Rochefort, le déclin de Brouage, l'extension de Toulon, et le rasement tout récent de Cherbourg (1688). Des opérations navales ont menacé (1674) nos côtes, dont celles de l'Atlantique, mais la Guerre de la ligue d'Augsbourg, qui vient de s'ouvrir, voit se constituer contre la France une formidable coalition et celle, en particulier, de deux puissances navales, Angleterre et Hollande. Dans les rangs de nos adversaires figurent nombre de transfuges réformés, chassés par la révocation de l'édit de Nantes : outre l'objectif que constitue La Rochelle comme n'importe quel port, on craint, en outre, à Versailles, qu'un débarquement anglo-hollandais n'y trouve des sympathies parmi les réformés ou les «nouveaux convertis», considérés comme ennemis de l'intérieur, et ne rallume, de proche en proche, de l'Aunis aux Cevennes, un nouveau soulèvement religieux. C'est la thèse soutenue par l'ingénieur Ferry, catholique intransigeant, et précisément directeur des fortifications à La Rochelle.
Aussi le Conseil, en liaison avec le maréchal de Lorges, gouverneur de la province, décide t-il le rétablissement des fortifications de La Rochelle. Les artisans en furent les ingénieurs François Ferry (Jusqu'à sa mort en 1701), puis Christophe Rousselot (mort en 1703), Directeur des fortifications d'Aunis, entourés d'ingénieurs ordinaires (Verrier, de Girval, Masse, etc.).
La nouvelle enceinte reprend, à l'ouest le tracé de celle de 1629, dont les fossés subsistaient (à cause du ruisseau de Lafont). Par contre, au nord et à l'ouest, elle est reportée 150 à 200 m plus loin et, entre l'angle nord-ouest et l'entrée du canal de Maubec, développe en arc de cercle, parallèlement à la précédente, six fronts bastionnés totalisant cinq bastions et deux demi-bastions, tous à flancs droits, à escarpe à demi revêtement et contrescarpe revêtue. Le front ouest est resté, lui, à terre coulante, solution provisoire maintenue en cas d'extension de la ville à l'ouest et de construction d'une citadelle extérieure.
Les dehors se limitent, à quatre demi-lunes (l'une devant la porte Royale, l'autre devant la porte Dauphine, une à l'entrée du canal de Maubec et la dernière à la corne de Tasdon), un bastion détaché couvrant la porte Saint-Nicolas, lui-même couvert par l'ouvrage à corne de Tasdon (4), à l'ouest, une redoute carrée dite Paté (5) (près de la porte des Deux-Moulins) et un chemin couvert général, avec traverses et places d'armes.
- Au sud-ouest la porte des Deux-Moulins, desservant la côte nord de la baie.
- A l'ouest, la porte Neuve, légèrement déplacée au sud de son ancien emplacement.
- Au nord, la porte Dauphine, desservant les villages entre La, Roche11e et le Marais.
- Au nord-est, la porte Royale, accès principal et aboutissement des routes de Nantes et de Paris.
- Au sud-est, la porte Saint-Nicolas, dont l'accès se fait par quatre ponts successifs (franchissant les fossés des différents ouvrages qui la protègent).
Compte tenu du tracé des communications extérieures et de celui du tissu urbain, quatre de ces portes sont, parfois avec un léger déplacement, le rétablissement des portes antérieures. Seule la porte Dauphine est de nouvelle création ; située à l'extrémité nord de la plus importante rue de la ville, elle apporte tout naturellement une indéniable commodité.
On citera enfin le passage provisoire de la porte de Paris, qui fut bouché lors de l'achèvement de l'enceinte, et les circulations correspondantes ramenées sur la porte Royale, sa voisine.
Les établissements militaires, compléments usuels de la fortification, comme l'usage en avait été établi par Louvois, puis adopté par Colbert pour les places de son département, se limitent, à La Rochelle à deux corps de casernes dites »casernes vieilles» et »casernes neuves», construits entre 1702 et 1708, symétriquement de part et d'autre de la parte Dauphine, derrière le rempart de la Courtine.
- Les locaux et bâtiments faisant partie des portes Dauphine et Royale.
- Le magasin à poudre du bastion de Bourgogne (aujourd'hui disparu).
Une des caractéristiques constantes des ingénieurs du roi en poste dans les places était de mettre en exergue les places dont ils étaient chargés et de proposer, dans les projets annuels, toutes les extensions et améliorations possibles, en laissant au Directeur général le soin de faire les choix correspondant à la situation réelle et à l'importance relative des différentes places. Ferry n'échappe pas à la règle quand il propose en 1699 un grand projet d'extension et de renforcement de La Rochelle, avec citadelle pentagonale extérieure (à l'emplacement du fort Louis) analogue à celle construite à Strasbourg en 1681, raccordée à l'enceinte de ville par deux longues courtines bastionnées et renforcée de deux ouvrages à cornes, dont l'un tourné vers la ville. L'enceinte de ville elle-même devait recevoir les demi-lunes habituelles, ainsi que deux ouvrages à cornes (un près de la porte des Deux-Mou1ins, l'autre devant la courtine de la porte de Paris) et une contre garde devant le bastion de Bourbon.
En 1700, il proposait de rattacher l'ouvrage à cornes de Tasdon au corps de place en supprimant la porte et le bastion de Saint-Nicolas et en raccordant la branche gauche du bastion Dauphin, à l'aide d'un demi bastion et d'une courtine percée en son milieu de l'écluse d'entrée des eaux du canal de Maubec. L'espace intérieur de l'ancien ouvrage devait être en partie urbanisé, et la partie antérieure occupée par deux corps de casernes avec pavillons d'officiers, encadrant une place d'armes.
Critiqués par Vauban, ces projets restèrent lettre morte en raison du décès de Ferry en 1701 et des difficultés financières du moment. Plusieurs autres projets furent élaborés ultérieurement, sans plus de succès.
Il apparaît que si la ville fut assez rapidement mise en état de défenses, les travaux se poursuivirent au moins Jusqu'en 1720, à un rythme plus ou moins ralenti par les difficultés financières de la fin du règne de Louis XIV et la politique d'économies des premières années de la Régence. Telle quelle, et à part quelques modifications de détail, cette enceinte subsista jusqu'à son déclassement, au début du XXe siècle, et au démantèlement qui suivit : la reconstruction de 1689 avait abouti à recréer une place mise à l'abri d'opérations navales et d'un fort coup de min tenté par un corps débarqué à proximité. Mais, simplement protégée par une enceinte sans dehors, La Rochelle n'aurait jamais été en état de soutenir un siège important : il semble que cet état de place de seconde importance ait correspondu exactement aux intentions du pouvoir central.
Les travaux de fortification successifs eurent indéniablement une influence sur le développement de l'agglomération. Les extensions médiévales paraissent avoir été d'abord l'encerclement de zones bâties existantes par une fortification. Par contre, la construction de la grande enceinte bastionnée entre 1590 et 1628 engloba un espace libre où commença à se créer la ville neuve ordonnée selon un plan orthogonal. Avec le démantèlement de 1629 s'ouvrit une période d'expansion assez anarchique de ville ouverte, de telle sorte que, malgré le respect de son tracé vers la campagne, l'enceinte de 1689 entraîna à nouveau la démolition de quelques édifices, puis, du fait de l'instauration des zones de servitudes défensives, un gel de la construction aux abords de la place pendant près de deux siècles.
- On notera à ce propos qu'il n'existe pas d'atlas de La Rochelle, ni d'aucune des places de la façade atlantique (Bayonne, Blaye, Le Château-d'Oléron, Saint- Martin-de-Ré, Fouras, le Chapus, Port-Louis, etc.) à la bibliothèque du Génie, au Service historique de l'Armée à Vincennes, dans la série des atlas des places de 1774 (atlas du duc d'Aiguillon).
- Que les vestiges de l'ouvrage sont encore visibles à marée basse.
- Sage précaution contre un retour offensif de la flotte anglaise sur une ville qui était un point important de nos frontières maritimes de l'Atlantique, au moment où Brest et Rochefort n'existaient pas et Cherbourg pratiquement pas.
- L'ouvrage à cornes de Tasdon avait la particularité d'avoir sa branche gauche bastionnée, au lieu d'être rectiligne comme dans le schéma de principe. Cette singularité tendrait à l'assimiler à un couronné.
- Appelée aussi "Redoute des Deux-Moulins". Le terme "Paté" est presque devenu un nom commun, qu'on retrouve dans plusieurs autres places.
- Le cas ne s'est d'ailleurs jamais présenté.