Château de la Mothe

France > Nouvelle-Aquitaine > Vienne > Persac

Au milieu du Moyen-Age, une seigneurie de la Mothe et de Beauchamps apparaît dans les textes les plus anciens du chartrier de Persac, comme appartenant à la famille de Feydeau et relevant du seigneur de Lussac-les-Châteaux. Elle est composée de deux hôtels nobles distincts : le château de la Mothe et la tour de Beauchamps, qui seraient séparés par les fossés entourant la Mothe. Si le toponyme de la Mothe (ou Motte) plaide en faveur d'une fortification ancienne, il n'est pas établi qu'elle ait bien existé avant le 15e siècle. En effet, vers 1440, la reconstruction du château, semble-t-il ruiné par la guerre de Cent Ans, donne lieu à un procès entre Antoine de Feydeau, seigneur de la Mothe et son suzerain Geoffroy Taveau, seigneur de Lussac. A cette occasion, chacun produit ses témoins, les uns certifiant de l'existence d'une ancienne muraille et fortification, les autres, au contraire, indiquent ne pas en avoir connaissance, mais qu'il y avait plutôt à cet endroit des maisons plates entourées de vergers et que les fossés servaient à abreuver les bêtes. L'enquête réalisée en 1449 permet en revanche d'appréhender la construction réalisée par Antoine de Feydeau, qui consiste en une "[...] maison carrée par le dedans qui peut avoir 20 pieds de large et 24 pieds de long, à quatre piliers ronds, à chacun coin un pilier rond et massif [...]". Elle s'élève sur un cellier, éclairé par des ouvertures ressemblant à des meurtrières et deux étages munis chacun de deux fenêtres. L'accès se fait à au moins six pieds de hauteur, au premier voire au second étage. La moitié de la maison est entourée d'une muraille dotée d'ouvertures qui semblent être des archères, et de fossés en eau, accessible seulement par un pont (sans doute dormant). Le différend entre les deux seigneurs se règle finalement devant les assises de la châtellenie de Calais, et Antoine de Feydeau peut finir la construction de son logis. Avec la fin de la guerre de Cent Ans, le besoin de protection cède le pas à un désir de plus grand confort, et à la fin du 15e siècle, Antoine de Feydeau fait construire un nouveau logis, contre la façade nord de l'ancien et surélever ce dernier d'un étage. Il fait également construire la tour d'escalier permettant de desservir les deux parties, sur les cinq niveaux. Le puits dans la cour est également attesté à partir de cette période. Après la mort d'Antoine de Feydeau, son fils Jean puis son petit-fils Pierre poursuivent les améliorations dont il reste le double portail qui pourrait dater du début du 16e siècle, bien qu'il ne soit mentionné qu'à partir de 1562, et la cheminée Renaissance, aux armes des Barton de Montbas (épouse de Pierre de Feydeau) qui ornait la salle du deuxième étage.

La famille de Feydeau, endettée par les passages incessants de troupes lors des temps troublés des guerres de religion, doit se résigner à hypothéquer la plus grande partie de ses biens au début du 17e siècle. C'est ainsi que Gaspard de Nuchèze, alors seigneur de la Brulonnière, acquiert la seigneurie de la Mothe en 1633, tandis que Pierre de Feydeau ne conserve que sa baronnie d'Oranville, propriété des Feydeau depuis le 15e siècle. A partir de cette période, le château est abandonné et tombe petit à petit en ruines. D'après les procès-verbaux de visite du 18 juillet 1766, "[...] il [le château] mérite d'estre tout le restant démoli attandu qu'il est dans le cas de tomber en ruine vu qu'on a pris depuis quelques années les matériaux tant de bois que de tuille pour les réparations des autres bastimens dépendant de ladite terre [...]". Cependant la veuve de Nicolas le Camus, héritière des seigneurs de Persac, décide tout de même de faire procéder à des réparations, sur les recommandations de Caquet, architecte "expert" de Paris, que Jacques Mirel des Essarts se charge d'exécuter. En 1769, le procès-verbal de visite de l'achèvement des travaux indique qu'il a fait construire une voûte en berceau en plein-cintre au-dessus du cellier, "[...] le tout avec bonne maçonnerie à chaux et à sable [...]", au-dessus de laquelle il a fait poser un carrelage, formant le plain-pied du premier grenier, puis un plancher en bois formant le sol d'un second grenier, et enfin un second plancher formant le sol du troisième grenier. Les ouvertures sont toutes garnies d'une fermeture ferrée et la charpente a été construite à neuf et couverte de tuiles plates, réduisant la hauteur à quatre niveaux. Il fait également ouvrir une porte donnant accès au cellier sur le côté nord, date [1769] gravée dans le linteau. Le 14 septembre 1769, le procès- verbal des réparations à faire aux divers bâtiments de la seigneurie de la Brulonnière indique que le château de la Mothe est en bon état pour répondre aux fonctions de grenier qui lui sont désormais assignées. Lors de l'établissement du cadastre napoléonien de 1811, il n'est pas répertorié dans le tableau indicateur des propriétés bâties, signe qu'il est bien considéré comme un bâtiment agricole.

Le château de la Mothe sert toujours de grenier et de remise agricole lors du rachat de la Brulonnière par la famille de la Besge, et il en est ainsi pendant tout le 19e siècle. Le baron d'Huart signale en 1887 que, suite à différentes démolitions, la cheminée Renaissance du second étage "[...] se voit suspendue à la façade nord à trente pieds de hauteur [...]". Le rez-de-chaussée du château semble avoir fait l'objet d'un aménagement entre 1895 et 1899 pour servir de logement au garde-chasse de la Brulonnière. Mais c'est au tout début du 20e siècle, entre 1899 et 1905, qu'il est rétabli par son propriétaire Edouard Frémy, dans sa fonction d'habitation et agrandi vers le sud et l'est par l'adjonction de nouveaux bâtiments reprenant le vocabulaire architectural de l'ancienne façade ouest. La cheminée Renaissance est démontée et replacée au rez-de-chaussée de cette nouvelle partie.

Menacé par l'alignement de la rue de la Mothe, le portail d'entrée et le château font l'objet d'une protection Monument Historique en 1984. Aujourd'hui les propriétaires vivent dans les communs situés à l'ouest et animent les salles du rez-de-chaussée par divers évènements culturels.

Périodes

Principale : 11e siècle (incertitude)

Principale : 2e quart 15e siècle

Secondaire : 4e quart 15e siècle

Secondaire : 2e moitié 18e siècle

Principale : 1er quart 20e siècle

Dates

1769, porte la date

Remplois et déplacements

Remploi : remploi

Le château de la Mothe est situé au nord du bourg de Persac, à l'est de l'axe principal. Il s'élève sur une motte dont on devine encore parfaitement les contours et les fossés au nord, à l'est et au sud.

De l'ancien château féodal, il ne reste que la partie nord-ouest, comprenant une façade antérieure limitée du côté nord par la tour d'escalier et une tour plus petite côté sud. La construction est en moellons calcaires mêlés de silex et les encadrements sont en pierre de taille. L'ensemble des façades devait être enduite. Sur la façade ouest, visible depuis le bourg, les modénatures des baies concentrent les décors : deux fenêtres à croisée (certaines n'ont conservé que leur traverse) à moulures ornées de motifs végétaux (fleurs, branches de vignes et de chêne) et d'étoiles à quatre branches. Les appuis de fenêtre sont saillants et moulurés et une canonnière a été aménagée sous celui du troisième étage. Au niveau du rez-de-chaussée surélevé, la porte d'entrée, à laquelle on accède par un escalier en pierre, porte également des traces de transformation : la présence de fragments d'un appui saillant plus large indique qu'il s'agissait sans doute d'une fenêtre auparavant. L'accès à la tour d'escalier située à l'angle nord-ouest, se fait par une porte ornée mouluration en triple cavet sur les piédroits et un linteau décoré de moulures croisées qui se prolongent en arc, peut-être en accolade, arasé ensuite. Au centre, un blason buché portait probablement les armes des Feydeau (fleurs de lys). L'escalier en vis est tournant à droite. Ses ouvertures, ainsi que celles de la façade orientale et de la tourelle nord-est sont chanfreinées. Une demi-croisée située au dernier étage de la tour d'escalier est décorée d'un arc en accolade. Les traces d'une porte en arc segmentaire au premier étage et les pierres en saillie sur le mur indiquent que l'escalier distribuait également un autre bâtiment à l'ouest aujourd'hui disparu.

Au nord, les portes de la tour d'escalier, aujourd'hui converties en fenêtres, ainsi que les traces d'arrachements visibles à côté, montrent que le château se poursuivait dans cette direction. Cette construction, que l'on devine encore au sol et qui a totalement disparu, a laissé la place à deux ouvertures sur la face nord : la porte donnant accès au cellier, dont le linteau porte la date de son ouverture (1769) et une fenêtre à meneaux.

Au sud et à l'est viennent s'appuyer les corps de bâtiment plus récents, construits en moellon calcaire, joints au ciment, avec de nombreuses reprises en brique. Les ouvertures reprennent le vocabulaire architectural de la partie plus ancienne, notamment les baies à meneaux et croisillon, ornées de moulures en réglets croisées. Elles sont munies de volets intérieurs en bois. Côté ouest l'édifice est ajouré de deux travées d'ouvertures et présente un pignon en façade découvert couronné d'un fleuron en pierre. Au sud, la façade est éclairée par trois croisées alignées. Le toit à croupe est couvert d'ardoise, et ajouré de deux lucarnes en bois. Enfin, un dernier corps de bâtiment à un seul niveau, de plan carré et couvert par un toit en zinc, vient s'appuyer entre la façade orientale du château médiéval et le mur gouttereau nord du bâtiment contemporain.

Dans la grande salle du rez-de-chaussée de la partie moderne (12m x 5 m), se trouve une cheminée monumentale, en pierre de taille, dont le linteau constitué de claveaux à crossettes est mouluré et décoré d'un écu aux armes des Barton de Montbas. Les piédroits à double colonnette sont également moulurés. La hotte droite est enduite de plâtre. Deux tapisseries sont visibles dans cette salle. De l'autre côté du couloir où se trouve un escalier en bois rampe-sur-rampe, un petit salon contient une seconde cheminée, à l'habillage en bois, de style néo-gothique. La troisième tapisserie s'y trouve accrochée.

Les anciens communs, actuellement transformés en maison d'habitation pour les propriétaires du château se situent à l'ouest de la parcelle, le long du mur de clôture qui prolonge le portail. Ils s'élèvent sur un rez-de-chaussée et un comble à surcroît et sont couverts de tuiles creuses. Le logement est situé au nord et prolongé vers le sud par une ancienne grange percée de deux portes charretières. Le grenier est ouvert par une baie fenière et une fenêtre. Une ancienne étable prolonge la grange vers le sud, sur un seul niveau. Dans la cour, au pied du château, se trouve un puits. Son mécanisme à tambour, incomplet, est protégé par un toit à deux pans couvert de tuiles plates. La margelle ronde dans sa partie basse est composée de moellons calcaires enduits à pierres-vues. Le haut est de forme octogonale et composée de pierre de taille dont l'usure laisse deviner une ancienne mouluration en cavet.

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Vienne , Persac , 5 rue de la Mothe

Milieu d'implantation: en village

Cadastre: 1811 N 8, 2022 BP 165

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