Présentation de la commune de Royan (le front de mer)

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1- Un site très convoité depuis le Moyen Age

Dès l'Antiquité, les hommes se sont établis sur les hauteurs, le long de ce qui était alors le rivage, c'est-à-dire, pour une bonne part, en retrait du trait de côte actuel. En effet, jusqu'au Moyen Âge, la côte s'enfonce à l'intérieur des terres en suivant des vallons qui, peu à peu, vont s'envaser et se transformer en marais : ceux de Belmont, du Pousseau et de Pontaillac. Une fois le vallon comblé, un petit cours d'eau essaie de se frayer un chemin jusqu'à la Gironde, mais se heurte à une barre de dunes de sable, particulièrement le long de la Grande Conche. Il est probable qu'à l'époque romaine, un premier port ait existé dans un terrain bas débouchant sur la Grande Conche (actuelle avenue Aristide-Briand).

C'est aussi une hauteur, celle de Foncillon, que Hélie, seigneur de Didonne, choisit en 1092 pour fonder le prieuré Saint-Nicolas, dépendant de l'abbaye de la Grande-Sauve, près de Bordeaux, avec des vignes à Vallières et à Saint-Palais, et aussi un petit château : en pendant du château de Didonne, ce site fortifié permet de contrôler l'embouchure de la Gironde et d'y prélever des droits, dont ceux listés par la "coutume de Royan". Au pied du château, un port de cabotage, tirant parti de la production de sel et de vins dans les marais de la Seudre et la presqu'île d'Arvert, se développe au Moyen Âge dans le sillage de Bordeaux, dont l'activité est favorisée par Aliénor d'Aquitaine.

En 1242, le roi d'Angleterre Henri III, possesseur de l'Aquitaine et de la Saintonge, effectue une visite à Royan ; une enluminure le montre débarquant dans le port. Pendant la guerre de Cent Ans, Royan, par sa position stratégique, est l'objet de toutes les convoitises, de ralliements tantôt au roi d'Angleterre, tantôt au roi de France. En 1450, le roi de France Charles VII s'en empare et l'attribue, avec Meschers, Didonne, Talmont et Mornac, à Olivier de Coëtivy, sénéchal de Guyenne, marié à sa fille naturelle, Marie de Valois. En 1501, Louise de Coëtivy, dame de Royan, apporte son héritage à son époux, Charles de La Trémoille.

À l'époque, malgré les dangers que présente l'embouchure de la Gironde, le passage est très fréquenté par les navires marchands (587 navires passent devant Cordouan pendant l'année 1509). De nombreux navires de cabotage ont pour port de départ Royan, Meschers et Talmont. La pêche côtière aussi est très importante, et l'on voit partir vers l'Amérique du Nord les premiers terre-neuvas. En 1545, la carte d'Alphonse de Saintonge mentionne Royan, son port et ses fortifications. En 1551, les habitants obtiennent du roi Henri II l'autorisation d'élever une jetée pour protéger le port non seulement des vagues, l'eau venant jusqu'au pied du château et des maisons, mais aussi des attaques ennemies. Le nouveau port peut dès lors accueillir des bateaux de 150 à 200 tonneaux, et attirer de nombreux commerçants.

2- Du bannissement aux prémices du développement (17e-18e siècles)

Cité protestante dès 1556, Royan est en première ligne pendant les guerres de Religion. La présence d'une importante garnison royale dans le château pousse les habitants à s'établir en dehors, dans un nouveau faubourg, au nord, sur un terrain bas en bordure de la Grande Conche. En 1622, Royan, ralliée à l'Assemblée protestante de La Rochelle, est prise d'assaut par le roi Louis XIII lui-même. L'année suivante, le duc d'Epernon réprime une nouvelle révolte et met Royan à sac. En 1631, le cardinal de Richelieu ordonne de raser le château, y compris la jetée du port. Les habitants protestants se réfugient dans le faubourg, à quelques pas de la paroisse catholique de Saint-Pierre. Pendant de longues décennies, ces événements, puis les persécutions exercées par Louis XIV contre les protestants, vont entraver toute reprise de l'activité économique et portuaire.

Au début du 18e siècle, l'ingénieur du roi Claude Masse décrit et cartographie Royan et sa région. Il évoque le petit port où vont et viennent les voyageurs transportés par bateau depuis ou vers Bordeaux sur la Gironde. La cité, où vivent environ 2 000 personnes, prospère tant bien que mal grâce au commerce du sel, de l'eau-de-vie et du vin. De l'ancien château fort, il ne reste, sur la pointe de Foncillon, que des vestiges labourés ou plantés en vignes, et un terre-plein au milieu du port. Construit avec les débris de l'ancien château, le faubourg se concentre de part et d'autre d'une rue principale qui longe le nord de la GrandeConche. Les cartes établies par Claude Masse montrent par ailleurs les marais barrés par des cordons dunaires. Quelques habitations se trouvent sur le côté ouest de la conche de Pontaillac. La corniche est dépeuplée, et les conches alternent avec les pointes rocheuses, dont celle de Guet-Lamy ou du Chay.

Dans la première moitié du 18e siècle, Royan commence à se relever. À partir de 1721, son port, renommé pour la pêche à la sardine, accueille les pilotes chargés de guider les navires dans la traversée dangereuse de l'embouchure de la Gironde. De nombreux projets sont imaginés pour améliorer le port ; une jetée définitive finira par être construite en 1810 (aujourd'hui appelée "la Vieille jetée"). Entre temps, en 1769, le maréchal Jean-Charles de Senecterre a acheté le marquisat de Royan. Gouverneur de Saintonge, il se préoccupe de la défense des côtes et fait établir des batteries pour protéger l'embouchure de la Gironde, notamment à la pointe du Chay. En 1768, il est décidé d'ériger de nouvelles balises pour aider les marins à franchir l'entrée de la Gironde. Le clocher de Saint-Pierre de Royan est surélevé, des tours sont établies, dont l'une au Chay. À la veille de la Révolution, Royan compte environ 2 400 habitants.

3. Les débuts de la révolution balnéaire (1820-1850)

À partir de la première moitié du 19e siècle, Royan va connaître une véritable révolution économique, sociale et urbaine qui va transformer le petit port estuarien en une des plus brillantes stations balnéaires de France. La vocation de Royan comme cité de bains de mer commence dès que cette mode venue d'Angleterre, poussée par des motivations de bien-être mais aussi et surtout thérapeutiques, commence à se répandre sur le continent européen. Le transport des voyageurs entre Royan et Bordeaux se développe avec l'inauguration, le 29 juillet 1820, d'un service régulier, bimensuel, via un puis deux bateaux à vapeur. Dès lors, Royan commence à voir arriver, à la belle saison, des visiteurs venus de Bordeaux pour une cure de bains de mer. En 1819 déjà, le maire de Royan, Labarthe prend un arrêté qui réserve aux femmes l'accès à la plage de Foncillon, et aux hommes celui à la Grande Conche et à la conche du Chay. Certains s'aventurent jusqu'à Pontaillac, plage dominée par des dunes et où se déverse un cours d'eau, mais le lieu n'est relié à Royan que par un mauvais sentier côtier de douaniers.

En 1825, des premières cabines de bain sont ouvertes sur la Grande Conche. Quelques maisons de villégiature font leur apparition au-dessus des rochers de Foncillon, où les anciens "creux" du château ("creux Saint-Nicolas", "creux de l'Espagnol") sont comblés pour permettre l'aménagement d'une promenade. Le port et ses accès sont aussi améliorés : en 1828, un mur de soutènement vient remplacer les rochers qui menaçaient de s'ébouler (sous l'actuel boulevard Thiers), avec des rampes d'accès. Dans les années 1830- 1840, la réputation des bains de Royan séduit de plus en plus de notables bordelais, même si les accès au port depuis le bateau de liaison, puis aux plages du haut des falaises, ne sont pas aisés, et malgré la concurrence d'Arcachon, relié à Bordeaux par le chemin de fer dès 1841. Des gravures montrent des promeneurs qui viennent apprécier les paysages et l'air vivifiant des bords de Gironde sur la Grande Conche, au pied des rochers de Foncillon ou de Vallières.

Pour attirer les baigneurs, un établissement regroupant casino, bains d'eau chaude et d'eau de mer, salons de danse, de musique et de jeu, et un restaurant, ouvre ses portes à Foncillon en 1843. Il est repris en 1847 par la nouvelle Société des Bains de mer de Royan, dirigée par le comte Alfred de La-Grandière. À la même époque, de nouveaux efforts sont faits pour moderniser le port et son accès par le bateau de Bordeaux, dont les passagers débarquent tant bien que mal sur la Vieille jetée de 1810. Dans les années 1860, sous la houlette de l'ingénieur des Ponts et chaussées Augustin Botton, un nouveau quai est créé (le quai L'Herminier), et les déblais des travaux servent à constituer un nouveau terre-plein gagné sur la Grande Conche, juste devant le port : un parc, le square Botton, y est aussitôt établi, venant agrémenter la promenade le long des maisons et de la plage. En 1856, la ville compte 3 568 habitants et 14 000 baigneurs chaque été.

5. La "Perle de l'Océan" prend son envol (1850-1940)

Dès 1850, un riche Bordelais venu en visite à Royan avec sa famille, Jean Lacaze découvre la beauté du site de Pontaillac. En 1855, il achète les dunes qui surplombent les falaises et la plage, et en mars 1856, il lance la construction, pour lui-même, d'une première villa (actuelle résidence du Golf, sur le côté est de la conche). Rapidement, une route soutenue par un mur est tracée le long de la conche, et des maisons s'établissent sur cette nouvelle façade en arrière, notamment à l'initiative d'un riche investisseur, M. de Verthamon. En deux décennies, un nouveau quartier, relié à Royan par l'avenue de Pontaillac, va ainsi sortir de terre, ou plutôt de sable. En 1858, des cabines de bain s'implantent sur la plage, d'abord dans une certaine anarchie. En 1860, le fils de Jean Lacaze, Athanase Lacaze obtient la première adjudication de cabines de bain en France, mise en ferme réalisée par la municipalité pour mieux encadrer le phénomène. Des cabines et de petites restaurations font aussi leur apparition au Chay et au Pigeonnier. En 1872, le docteur Guillon, de Cozes, fait creuser des piscines dans le rocher en contrebas des rochers de Pontaillac, sur le côté est de la conche.

En 1884, Royan, qui compte désormais plus de 6 700 habitants et 73 000 baigneurs en été, est qualifié de "Perle de l'Océan" par le Journal de Royan. Toutefois, en 1881-1883, les travaux avortés de creusement d'un port en eaux profondes à Foncillon ont beaucoup endommagé le site, à peine enjolivé par la création de quais et d'un mur de soutènement. Entre Foncillon et Pontaillac, toute construction reste longtemps impossible en raison du périmètre de sécurité instauré autour du fort du Chay. Par ailleurs, la conche de Foncillon est peu prisée, car encombrée par les chantiers navals délogés du port lors de son réaménagement.

Dès lors, outre Pontaillac, les investisseurs se tournent vers l'est et vers les dunes qui, le long de la Grande Conche, séparent Royan et Saint-Georges-de-Didonne. L’état lui-même s'intéresse au secteur : les Ponts et chaussées y procèdent à des plantations de pins destinées à fixer les dunes. En 1885, la concession des dunes de la Grande Conche, désormais couvertes de pins, est accordée à la Compagnie foncière du Parc de Royan, dirigée par A. Lemoine. Celui-ci entreprend dès lors de construire une véritable "ville d'hiver", à l'instar de celle d'Arcachon : au milieu des anciennes dunes et des pins, des avenues sont tracées, des parcelles délimitées, et la construction de trente villas est d'ores et déjà prévue. La municipalité, sous la houlette du maire Frédéric Garnier, accompagne le mouvement en développant l'éclairage public des nouvelles rues (éclairage électrique dès 1896 sur les principaux axes), et en créant un nouveau boulevard (le futur boulevard Frédéric-Garnier) tout le long de la Grande Conche, entre le centre-ville de Royan et la limite avec la commune de Saint-Georges-de-Didonne. Dans les années 1890, les villas commencent à se multiplier sur le bord de ce nouvel axe, entrecoupées d'hôtels, le tout formant une nouvelle façade sur la plage. La municipalité fait aussi tracer une nouvelle voie tout le long de la corniche, entre Foncillon et Pontaillac, transformant l'ancien chemin de douaniers en une agréable promenade, d'une conche à l'autre. Le 27 juillet 1890, une ligne de tramway de type Decauville (petit chemin de fer à voie étroite, inventé par Paul Decauville et présenté à l'Exposition universelle de Paris de 1889), est inaugurée, reliant le nouveau boulevard, le port, Foncillon, le Chay et Pontaillac. En 1894, une ligne de chemin de fer directe est ouverte entre Paris et Royan, dont les Guides de Victor Billaud vantent les mérites. Le nombre de visiteurs estivaux dépasse les 100 000.

Le secteur du Parc connaît un nouvel élan en 1895 avec la construction du grand casino municipal, en parallèle à celui pourtant édifié dix ans auparavant sur la façade de Foncillon (situé à l'emplacement de l'actuel palais des congrès, ce dernier deviendra une salle de spectacle municipale). Somptueux, le grand casino impose sa silhouette à la jonction entre le centre-ville, le Parc et la Grande Conche. Sitôt son inauguration, il reçoit la meilleure société parisienne et bordelaise, et les plus grands artistes de l'époque, comme Sarah Bernhardt, s'y produisent sur scène. En contrebas, sur la plage de la Grande Conche, mais aussi sur les plages du Chay et du Pigeonnier, les équipements se multiplient. En 1901, quatre concessions sont accordées à des particuliers pour établir des cabines de bain, des chaises et fauteuils, des établissements de restauration et autres salons de lecture ; un cahier des charges définit les règles d'occupation, les dimensions et l'aspect des cabines, les conditions d'entretien de la plage, l'obligation d'assurer la surveillance de la plage et le sauvetage éventuel des baigneurs en difficulté. Les efforts se portent aussi sur l'accueil des visiteurs débarquant sur le port depuis Bordeaux : en 1896, une nouvelle jetée- débarcadère est construite à la pointe de Foncillon, derrière le port, pour faciliter l'accostage des bateaux effectuant la traversée.

Au tournant du 20e siècle, Royan, avec ses six kilomètres de front de mer, du Parc à Pontaillac, du grand casino au square Botton, peut se targuer d'être une des stations les plus en vue de la côte atlantique et même de France. En 1907, elle est visitée par plus de 135 000 baigneurs ; au recensement de 1913, Royan compte 9 330 habitants (quatre fois plus qu'un siècle plus tôt) et est ainsi la quatrième ville du département.

À l'issue de la Première Guerre mondiale, qui a emporté 359 Royannais, un monument aux morts vient s'ajouter sur la façade du front de mer, près du grand casino. La vie balnéaire reprend vite, le nombre d'estivants continue de croître, la classe moyenne puis, à partir de 1936, les classes populaires s'ajoutent aux grandes personnalités du monde de la politique et du spectacle : par exemple Léon Blum ou encore Sacha Guitry, Yvonne Printemps et Maurice Chevalier, immortalisés sur la Grande Conche par le photographe Jacques-Henri Lartigue.

Atout fabuleux, la proximité des eaux de la Gironde n'est pas sans inconvénients : en janvier 1924 puis en février 1937, de violentes tempêtes balayent les installations des plages et endommagent le boulevard Garnier et la promenade le long de la corniche. En 1925, un vaste projet d'aménagement, d'embellissement et d'extension de la ville est établi par le géomètre Charles Lanoue. L'objectif est de faciliter l'accès aux plages et aux conches, ainsi que la circulation le long de la Grande Conche. Une commission d'experts est nommée, dont fait partie l'architecte Georges Vaucheret, auteur de nombreuses villas dans la région. Le projet est toutefois toujours en discussion lorsqu'éclate la Seconde Guerre mondiale. En attendant, le maire de Royan, Paul Métadier, entre autres améliorations, obtient en 1935 l'ouverture d'une ligne de bac transporteur entre sa ville et la pointe de Grave ; elle permet aux voitures d'aller de Bordeaux à Royan directement par le Médoc, sans faire le détour par Blaye. Lors de la saison 1937, 350 000 personnes fréquentent la station, qui compte en permanence plus de 12 000 habitants.

6- Ville martyre, ville reconstruite (après 1940)

Site stratégique à l'embouchure de la Gironde, notamment avec le fort du Chay, Royan est occupé par les troupes allemandes le 23 juin 1940. Elles établissent le commandement de leur marine pour la Gascogne à l'hôtel du Golf de Pontaillac. En 1942, les statues de Frédéric Garnier et d'Eugène Pelletan, qui ornaient l'une la pointe de Foncillon, l'autre le square Botton, sont envoyées à la fonte en Allemagne. Fortement présentes à Royan et dans les environs, les troupes allemandes fortifient le Chay, le port de Royan et la pointe de Vallières, où blockhaus et pièces d'artillerie font leur apparition dans le cadre de la formation du Mur de l'Atlantique. Les plages sont minées et défendues par des systèmes anti-débarquement. Si Mortagne et Talmont sont libérés les 7 et 9 septembre 1944, Royan est décrété en état de siège par les autorités allemandes le 12. La "poche" de Royan, comme celle de La Rochelle, va résister de longs mois, tandis que les forces alliées se concentrent sur l'Allemagne.

Le 5 janvier 1945, dans le cadre de l'opération "Indépendance", l'aviation alliée bombarde massivement Royan, dont une grande partie de la population a été évacuée quelques semaines plus tôt. Près de 2 000 tonnes de bombes dévastent la ville, y compris le port et le front de mer ; Pontaillac et l'extrémité sud du Parc sont à peine plus épargnés. Environ 500 personnes sont tuées (soit un quart des habitants restés dans la ville) et 1 000 autres blessées. Les résultats sur le plan militaire sont plus limités, et la "poche" allemande résiste toujours. Le 15 avril, l'offensive terrestre de libération de la ville commence, à l'issue d'un nouveau bombardement qui finit de raser Royan et ses environs. Au terme de violents combats, les dernières troupes allemandes se rendent le 18 avril. La ville de Royan et son front de mer sont exsangues, détruits à 95 %.

À genoux, Royan ne tarde pas à se relever. Dès les semaines qui suivent sa libération, les travaux de déblaiement commencent. Le relogement des sinistrés, la gestion des indemnités au titre des dommages de guerre, et la reconstruction sont confiés au ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU). Très vite également, une querelle s'élève entre ceux qui veulent reconstruire à l'identique et ceux qui imaginent un urbanisme moderne et novateur. L'architecte bordelais Claude Ferret est chargé de superviser les opérations. Un premier projet déplace le port à la conche du Chay et le casino à la place du Café des Bains, mais ce projet est rejeté, le port est reconstruit à son emplacement, et le casino positionné à la place du square Botton.

Un nouveau plan d'urbanisme est adopté en octobre 1946 par la municipalité, puis entériné par le MRU le 13 août 1947 : seul le centre-ville sera rasé et entièrement reconstruit, la périphérie ne sera pas remembrée, et les villas qui pourront être sauvées seront rétablies ; l'accès au centre-ville et à la Grande Conche depuis les routes de La Rochelle et de Bordeaux sera facilité, en tenant compte des impératifs de la circulation automobile ; la plage de la Grande Conche sera valorisée par un vaste ensemble architectural appelé "Front de Mer", en arc de cercle, relié au nouveau marché du centre-ville par le boulevard Aristide-Briand ; un nouveau quartier sera également créé à Foncillon.

Ainsi encadrés, les travaux commencent en 1951, d'abord le long du nouveau boulevard Aristide-Briand, puis sur le Front de Mer dont les immeubles sont livrés en 1956. La nouvelle poste a été inaugurée l'année précédente ; le palais des congrès l'est en 1957. Dans le même temps, et pendant toute les décennies 1950- 1960, les anciennes villas du bord de mer, depuis le boulevard Garnier jusqu'à Pontaillac, sont soit reconstruites à l'identique, ou presque, soit remplacées par de nouveaux édifices à l'architecture plus ou moins audacieuse. Les derniers travaux prévus au plan d'urbanisme de 1947 sont achevés en 1960. Station la plus moderne du 20e siècle pour les uns, compromis entre classicisme et modernisme pour les autres, harmonieuse pour certains, défigurée pour d'autres, la nouvelle cité et son front de mer ne laissent pas indifférents.

Entre temps, Royan, grâce à son site, son climat et ses environs, ne tarde pas à attirer de nouveau des foules d'estivants. Le tourisme de masse des années 1950-1960 entraîne une forte extension de la ville, voire une saturation en été du point de vue de la fréquentation, du logement et de la circulation, notamment tout le long du front de mer, tandis l'hiver se fait beaucoup plus calme. Ce développement concerne aussi les activités portuaires, liées à la pêche ou à la plaisance, et le port connaît plusieurs phases d'extension dans les années 1960, 1980 et 1990. À la même époque, les difficultés d'entretien des édifices de la Reconstruction, liées aux polémiques portant sur leur nature et leur architecture mêmes, provoquent le remaniement, voire la destruction de plusieurs d'entre eux : le casino de l'ancien square Botton disparaît en 1985, ainsi que le portique qui reliait les deux parties d'immeubles du Front de Mer ; la façade du palais des congrès est profondément modifiée en 1986, de même que la poste, un peu auparavant. Une prise de conscience de l'importance du patrimoine royannais aboutit à la création d'une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) en 1992, avant l'attribution du label "Ville d'art et d'histoire", en 2010.

L'inventaire du patrimoine de l'estuaire de la Gironde intègre le front de mer de la ville de Royan. Cette étude s'attarde sur toutes les constructions immédiatement présentes le long de la côte royannaise : villas de la fin du 19e siècle au début du 21e, aménagements portuaires et balnéaires, et bien sûr l'œuvre de la Reconstruction de la ville au lendemain des bombardements de 1945. L'enquête d'inventaire a permis d'identifier 105 éléments du patrimoine, dont 87 sélectionnés pour l'intérêt historique et/ou architectural.

1- Du sable, une ville et des rochers

La ville de Royan présente sur l'embouchure de la Gironde un front de mer long de plus de 4,5 kilomètres, sans compter les tours et détours que forme la côte. De chaque côté, les limites communales, avec Saint-Georges-de-Didonne d'une part, Vaux-sur-Mer d'autre part, épousent deux cours d'eau, tous deux appelés le Rivaud. Ceux-ci descendent, pour l'un, des marais de Belmont, pour l'autre, des marais de Pontaillac, en amont. Entre les deux, la façade royannaise se compose de trois grandes parties, chacune urbanisée de manière plus ou moins intense.

Au sud, la Grande Conche s'étire sur près de 3 kilomètres, y compris sa partie située à Saint-Georges-de-Didonne et qui commence par les rochers de la pointe de Vallières. Excepté ces rochers, la Grande Conche est bordée par une longue plage de sable ; celle-ci est elle-même longée par une promenade piétonne et par un boulevard, le boulevard Frédéric-Garnier, sur lequel donne une série de villas et de petits immeubles. Cette première ligne de constructions masque à peine le quartier du Parc, riche de ses somptueuses villas de la Belle-Époque, dans un environnement boisé.

Avec la place du Maréchal-Foch, sur laquelle s'élève le monument aux morts, commence une autre ambiance urbaine, constituée non plus de maisons individuelles, mais d'îlots et d'ensembles. Après le boulevard de la Grandière, puis le rond-point de la poste, on pénètre dans un vaste arc de cercle, long de 600 mètres, appelé le "Front de Mer". Emblèmes de la Reconstruction de Royan dans les années 1950, avec l'église Notre-Dame qui les domine en arrière-plan, les deux grands immeubles qui composent cet ensemble sont interrompus par une place qui ouvre sur l'avenue Aristide-Briand, assurant le lien entre la plage et le centre-ville. L'arc s'ouvre sur cette plage, sur un parc où se trouvait autrefois un casino, et sur les premières installations portuaires.

Cette partie très urbaine du front de mer de Royan se poursuit en effet par le port, ses quais et ses jetées, jusqu'à la grande jetée-débarcadère du bac du Verdon. L'ensemble assure la transition entre le la côte sablonneuse et sa corniche rocheuse, troisième et dernière composante du front de mer de Royan. La ville déborde sur cette corniche via la façade de Foncillon : ici, le palais des congrès et les immeubles, prolongés par l'avenue de Pontaillac, surplombent la plage de Foncillon, encadrée par des rochers.

De Foncillon à Pontaillac, la corniche de Royan voit se succéder pointes et "conches", ces échancrures plus ou moins larges et profondes qui, surplombées de rochers et de villas, accueillent des plages de sable. Après la conche de Foncillon, celles du Chay et du Pigeonnier sont fermées, à l'est, par la pointe du Chay, peu construite et où s'élèvent les restes de fortifications. Ici ou là, des carrelets avancent vers la Gironde. La promenade le long de la corniche se poursuit vers l'ouest, au pied des villas et au sommet des rochers, jusqu'aux Brandes, pour finalement rejoindre la grande conche de Pontaillac. Avec cette dernière, le front de mer retrouve pour la dernière fois une façade urbaine, les maisons et immeubles accolés se succédant les uns aux autres, au-dessus d'une large plage. Celle-ci est encadrée par de hautes falaises que surmontent de grandes et belles villas (le côté ouest de la conche est cependant situé sur la commune de Vaux-sur-Mer).

2- Chalets, cottages et villas modernistes

80 villas et maisons ont été étudiées au cours de l'inventaire du patrimoine. On retrouve parmi elles les principaux types architecturaux qui composent l'architecture de villégiature, avec ici des exemples particulièrement spectaculaires, tous ayant en commun un décor particulièrement abondant et coloré.

Le type le plus présent (31 exemples) est le cottage, directement inspiré des constructions anglo-saxonnes. Ce type de villa présente un plan en L ou en T qui engendre une dissymétrie en façade, avec la présence d'un avant-corps latéral traité en pignon. Un soin tout particulier est généralement porté au décor des ouvertures (encadrements en brique et pierre, garde-corps en bois ou en ferronnerie, se détachant sur les murs en enduit ou en parement de moellons) et au décor du pignon de l'avant-corps latéral (ferme de charpente apparente, épi de faîtage...). Tel est le cas par exemple de la villa "le Cygne", 24 boulevard Garnier, ornée d'un bandeau de céramique ponctué de nénuphars et de cygnes, dans le style Art nouveau ; ou encore des villas "Lorraine" et "Hélianthe", 75 et 77 boulevard de la Côte d'Argent, où les couleurs de la céramique jouent aussi avec celles de la pierre et du bois.

Plusieurs villas empruntent certaines caractéristiques au type castel, inspiré des châteaux médiévaux, en l'ajoutant souvent à l'architecture du cottage. Ainsi, il n'est pas rare de voir une tourelle, abritant généralement un escalier, ajoutée dans l'angle formé par le plan en T ou en L du cottage. Outre le panorama que procure une telle surélévation, et le sentiment de dominer les environs et les villas voisines, une telle adjonction permet de jouer, là encore, avec les formes, les matériaux et les éléments de décor. Ainsi, la villa "Saint-Cloud", au 54 boulevard Garnier, a été édifiée vers 1900, selon les plans de Henry Boulan, très actif dans la région, et pour le compte d'un rentier médocain, Eugène Petchverty. Sa tour, élégante et élancée, voit son toit en poivrière s'évaser à la base pour reposer sur des aisseliers d'une grande finesse. Quant à "Guyvonney", au 72 boulevard Garnier, datée de 1909, elle rappelle plutôt les pavillons des châteaux d'époque Louis XIII, avec son haut toit en ardoise et son décor en brique et pierre. Elle aussi conçue par Henry Boulan, pour le compte d'Eugène Polakowski, riche industriel charentais, elle brille par ailleurs par son décor sculpté ou en terre cuite (têtes de lions, guirlandes de végétaux, de fruits et de coquillages), et par ses frises en céramique ornées de mouettes et de lotus en fleur. Enfin, "Cordouan" et "les Roches", qui surplombent Pontaillac depuis les années 1870-1890, se rapportent aux petits châteaux d'époque Louis XVI, avec leur architecture classique.

Moins présent sur le front de mer de Royan (seulement 5 exemples repérés), le type chalet est pourtant la forme la plus ancienne de l'architecture de villégiature, tout en ayant été adoptée par certains architectes jusque dans l'Entre-deux-guerres. Inspirée des habitations montagnardes, ce type de villa a la symétrie pour principe de construction. La façade est située sur le mur pignon, et les ouvertures y sont réparties de manière symétrique autour de la porte centrale. La répartition symétrique des ouvertures en façade correspond à une organisation également symétrique des pièces à l'intérieur, avec un couloir central desservant les pièces de chaque côté. Deux exemples attirent particulièrement l'attention : "le Ver Luisant", 107 boulevard de la Côte d'Argent, à Pontaillac ; et "Barbicaja", 164 boulevard Garnier. Très proches par leur architecture et leur décor, elles ont été construites dans les années 1920-1930 ; "Barbicaja" porte la signature de l'entreprise Morisset- Champion. Toutes deux se remarquent par leur façade sur le mur pignon, sous un large débordement de toit soutenu par des aisseliers ; par le traitement de la façade en parement de moellons, avec des incrustations de briques vernissées bleues ; et surtout par le portique, d'un grand classicisme, soutenu par d'élégantes colonnes, ouvrant largement sur la mer.

Enfin, 10 villas et 12 immeubles d'architecture moderniste, construits dans les années 1950-1960, ont été étudiés. Outre les immeubles du Front de Mer, et les villas "Ombre Blanche" et "Hélianthe" évoqués plus haut, on retrouve sur chacune de ces constructions les grandes caractéristiques de ce mouvement architectural qui a bouleversé les canons de l'architecture balnéaire après 1945 : jeux de volumes, entre les pleins et les vides, les retraits et les avancées ; contraste entre l'enduit blanc et lisse, et la rusticité de la pierre ; jeux d'ombre et de lumière créés par le recours à des claustra et à des brise-soleil. Tel est le cas par exemple sur les immeubles qui longent le boulevard de la Grandière, sur les villas du début du boulevard Germaine-de-la-Falaise, à Foncillon, ou encore de la villa "la Perrinière", 22 boulevard Garnier, qui côtoie des villas de la Belle Époque.

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