Pont de Magné
France > Nouvelle-Aquitaine > Deux-Sèvres > Magné
Historique
Du passage par bac au projet de pont (avant 1850)
Le pont est établi sur le grand port de Magné, à l'emplacement d'un ancien passage par bac qui apparaît sur la carte du 46e carré par Claude Masse en 1720 ("l'on traverse ici la rivière dans un bac"), puis sur le plan cadastral de 1833. Jusqu'à la Révolution, ce passage dépend de la seigneurie de Magné et fait ainsi partie des biens de cette dernière décrits par exemple dans un procès-verbal de visite en 1726 : il y est question des "trois bateaux du port et passage dudit lieu", dont "le petit bateau qui sert à passer les gens de pied", puis "le bateau pour passer les chevaux", en mauvais état, "estimant cependant qu'il pourra encore tenir quelques temps", et enfin "la grande charière pour passer les charettes". A la Révolution, la propriété et la gestion du bac sont reprises par l'Etat. Créé au début du 19e siècle, le pont franchissant le bief Saint-Germain au sud de l'église, constitue alors le seul moyen de rejoindre le bourg par voie de terre depuis l'est. Dès 1818 cependant, une ordonnance royale autorise la commune de Magné à lever un impôt extraordinaire pour financer la construction d'un pont.
Il faut toutefois attendre les années 1830 pour que l'idée d'un pont en remplacement du bac, soit sérieusement étudiée. Elle est promue par le fait que l'Etat vient de décider de faire passer le nouvel axe routier souhaité entre le nord et le sud de la Sèvre Niortaise, par Coulon et Sansais-La Garette, plutôt que par Magné et le Gué de Menevault. La commune de Magné réclame alors en compensation la transformation de l'ancien bac en un pont, en plus de la construction d'un pont à Menevault. Dès 1838 puis en 1844, le Conseil général en émet le voeu, repris par le conseil municipal de Magné en 1845 et 1846. Le 25 juin 1845, un rapport de l'ingénieur des Ponts et chaussées Lambert souligne l'intérêt de construire un pont à Magné, en plus de celui envisagé au Gué de Menevault. Le coût de cette double construction est cependant jugé trop élevé. Pour y remédier, les 10 septembre 1845 et 17 septembre 1846, Jean Logeais, entrepreneur demeurant rue du Grand port, à Magné, se propose de mener à bien les travaux de construction des deux ponts, et de se faire payer en les exploitant via un péage et une concession de 60 ans.
Plusieurs options sont envisagées pour établir le pont de Magné, dont deux principalement : soit à la place du vieux bac, dans le prolongement de la rue du Grand port ; soit en amont du bac, près du départ du bief Saint-Germain, créant ainsi un nouvel axe qui passerait au sud de l'église, à travers le jardin du presbytère (actuelle mairie), pour rejoindre l'actuelle avenue du Marais poitevin (dont la partie ouest n'existe pas encore) puis la rue de l'Eglise et la rue des Frères Largeau. Cette option est dénoncée par de nombreux habitants, dont Jean Logeais, qui s'expriment à l'occasion de l'enquête publique menée le 21 octobre 1846. Un autre habitant, François Michaud, propriétaire d'une maison (18 rue du Grand port) qui entrave alors la rue du Grand port et le débouché de l'hypothétique pont, propose de la céder pour faciliter l'opération. Le 28 janvier 1847, un rapport de l'ingénieur des Ponts et chaussées Gaudin établit les inconvénients de la seconde option, notamment le fait qu'elle détruirait plusieurs maisons et engloutirait une partie du jardin du presbytère sous des remblais. La première option est donc finalement retenue.
En attendant le début des travaux, dès 1844, le vieux bateau utilisé pour le passage par bac, vétuste, coule et ses débris gisent au bord de la Sèvre, gênant la navigation. Faute de mieux, on réaffecte en 1845 à Magné un ancien bac qui servait à Saint-Liguaire. Bien que réparé, celui-ci n'est pas toujours utilisable, suscitant des plaintes d'usagers qui doivent faire un grand détour pour aller cultiver les marais situés de l'autre côté, sans oublier le mécontentement du fermier du bac qui doit payer le prix de sa ferme sans pouvoir exploiter le passage. La réflexion sur le pont et son emplacement se poursuit. En décembre 1847, l'ingénieur Lambert propose une nouvelle variante, en aval du passage par bac, au niveau de la rue du Château. Le 17 mars 1849, le maire de Magné, Julien Brée écrit au préfet pour le supplier de faire avancer le projet, rappelant le fait que la construction du pont de la Garette, en cours, a coûté quatre fois plus cher. Le 13 août suivant l'ingénieur Lambert présente un nouveau projet, soit un pont avec quatre travées fixes et une mobile, à l'emplacement du bac (ce qui est définitivement retenu), et le 10 novembre, le conseil municipal réclame de nouveau la mise en oeuvre du projet des deux ponts.
Une construction chaotique (1850-1855)
L'affaire avance enfin en 1850, et l'ingénieur en chef Joseph Maire est chargé de concevoir le pont de Magné, qui devra comprendre trois travées, dont une mobile pour permettre le passage de la navigation. Maire remet ses plans, cahier des charges et mémoire explicatif le 23 août (complétés le 23 janvier 1852). Il préconise un pont à trois travées seulement, avec la travée mobile non pas au centre de l'ouvrage mais du côté de la rive droite du fleuve, ce qui permettra d'assurer plus facilement la continuité du halage (le chemin de halage se trouvant de ce côté-ci). Le 1er mai 1851, un décret présidentiel autorise la construction du pont de Magné et de celui de Menevault, en fixant la durée de la concession à 39 ans, le montant de la subvention publique à 35000 francs, et les tarifs de péage. Le 3 juillet suivant, la construction puis la gestion et l'exploitation par péage des deux ponts sont attribués en concession à Jean Logeais. L'Etat accorde au projet une subvention de 20000 francs, en plus de celle de 8000 francs par le Conseil général et 7000 par les communes concernées. Propriété de l'Etat, l'antique bac est supprimé cette même année 1851.
Logeais tarde pourtant à exécuter sa part du contrat. Dès mars 1852, l'Etat lui réclame les documents de conception des ponts, à produire normalement dans les trois mois suivant l'adjudication, et qu'il ne présente que le 20 mars. Il propose un pont à piles en maçonnerie, plutôt qu'avec des pieux en bois comme initialement envisagé. Des modifications lui sont demandées, et il remet son nouveau projet le 13 juillet. Ces amendements concernent notamment la position du pont qui devra être perpendiculaire par rapport au lit du fleuve, et non de biais comme il le proposait. Le 28 novembre, il détaille à nouveau son projet : la travée mobile du pont comprendra deux tabliers de 3,50 mètres de long chacun, se levant l'un face à l'autre, au lieu d'un seul tablier levant, jugé trop long (7 mètres). Quant aux axes des poids-bascules servant à lever les tabliers, ils seront soutenus par des supports métalliques et non maçonnés. Enfin, la travée centrale présentera une longueur de 14 mètres, et l'autre travée latérale, rive gauche, 7 mètres (comme la travée mobile). Les travaux commencent alors mais avancent lentement. En septembre 1853, les maçonneries du pont sont terminées jusqu'à hauteur du tablier. Le 18 janvier 1855, Logeais est mis en demeure d'achever les travaux dans un délai de six mois. Les deux ponts sont enfin inaugurés le 24 juin 1855. La population et les autorités politiques et religieuses se rendent le matin en procession de la chapelle Sainte Macrine au pont de Menevault, puis l'après-midi au pont de Magné.
De l'échec de la concession à la reconstruction du pont en métal (1855-1901)
L'exploitation du pont, avec le prélèvement du péage, s'avère bien plus compliquée que prévue pour Logeais, et donc bien moins lucrative. Les incidents se multiplient d'une part avec les usagers du pont, d'autre part avec les bateliers au sujet de la manoeuvre de la travée mobile. Le 19 janvier 1857, il demande l'adoption d'un règlement pour la manoeuvre du tablier mobile du pont, ce qui lui est accordé. Il n'empêche qu'il doit sans cesse s'endetter davantage, tout en réclamant à l'Etat le versement des subventions promises. Le 20 juin 1854, il emprunte 10000 francs à Jean-Théophile Guérin (1800-1877), banquier originaire de Marennes (17), ancien magistrat à Rochefort, maire de cette ville de 1846 à 1848, époux de Marguerite Gastineau. Dès le 10 juillet 1851, soit une semaine après l'attribution de la concession, Logeais lui avait déjà cédé en secret une moitié de la concession. Le 15 décembre 1858, criblé de dettes, Logeais finit par jeter l'éponge : il cède à Guérin sa moitié des 39 années restant de la concession du pont. Logeais mourra à Magné en août 1860, ruiné.
L'affaire n'en reste pas moins délicate pour Guérin lui-même. Le 15 février 1859, il propose à l'Etat de lui revendre la concession pour 18000 francs, ce que l'Etat refuse, n'ayant jamais eu connaissance des arrangements entre Logeais et Guérin. En 1866, les services des Ponts et chaussées constatent le mauvais état du pont, et mettent Guérin en demeure d'y remédier. En 1867, Guérin, qui demeure désormais à Alger, demande de nouveau à l'Etat de lui racheter le péage. Il estimant que son produit est insuffisant pour assurer l'entretien du pont, en soulignant que le pont de la Tiffardière est gratuit et que le péage du pont de Coulon a été racheté. Débouté au Conseil d'Etat en 1869, Guérin est de nouveau mis en demeure d'effectuer des travaux en 1876. Le 16 octobre, il renouvelle sa proposition de vente à l'Etat, ramenant ses prétentions à 3000 francs. En novembre, la manoeuvre de la travée mobile pour le passage d'un bateau provoque un incident, rendant la travée inutilisable. L'Etat doit trancher : le 9 avril 1877, Guérin obtient enfin le rachat du péage. Il meurt quelques mois plus tard, le 29 décembre, à La Rochelle (4 rue Villeneuve).
Ainsi restitué à la puissance publique, le pont de Magné apparaît en mauvais état et la manoeuvre de sa travée mobile, souvent en panne, continue d'être sujette à des réclamations de la part des usagers et des bateliers. Le 24 janvier 1878, la restauration du tablier en charpente de la travée centrale du pont, avec surélévation de la maçonnerie, est adjugée à Gustave Chauveau, de Niort. Les travaux sont réceptionnés le 24 août 1880, mais leur portée n'est que provisoire. En 1893, on envisage de remplacer la travée mobile en bois par un tablier métallique, mais faute d'argent suffisant, on se contente de le reconstruire en bois, en restaurant aussi culées et pile centrale. Pierre Berland, maçon à Magné, se voit adjuger les travaux le 7 juin 1894. L'opération est suivie par Charles Desessards, agent-voyer à Niort. La question d'un tablier métallique est cependant reposée en 1899, et Desessards est à nouveau chargé d'en étudier le projet. Le 23 mai 1901, sous sa conduite, la reconstruction du tablier, avec deux parties levantes en métal, est adjugée à Arthur Trébuchet, entrepreneur de constructions métalliques à Nantes.
Le pont a fait l'objet d'importants travaux en 2006-2007, avec notamment le remplacement des deux parties du pont levis par un seul tablier, et le renouvellement de l'ensemble du tablier du pont.
Détail de l'historique
| Périodes |
Principale : milieu 19e siècle, limite 19e siècle 20e siècle |
|---|---|
| Dates |
1852, daté par source 1901, daté par source |
| Auteurs |
Auteur :
Desessards Charles, agent voyer (attribution par source) Auteur : Logeais Jean, entrepreneur (attribution par source) |
Description
Le pont franchit la Sèvre Niortaise au moment où son cours observe une courbe en direction du nord, venant de l'est. Il permet de relier le bourg de Magné et la rive droite du fleuve, vers la Tiffardière et Saint-Liguaire. Le pont prend appui, rive gauche, à l'ouest, sur une culée encadrée par le quai qui longe la Sèvre au nord, et par une cale au sud. Cette culée est prolongée par une rampe dans la suite de la rue du Grand port. Les trois travées du pont, dont le tablier est en métal, sont supportées par deux piles maçonnées. La travée est est une travée mobile, dont les deux parties sont soutenues et relevées par un portique en métal et des chaînes. Les garde-corps du pont sont également en métal, interrompus par des parapets en pierre au niveau des piles et des culées.
Détail de la description
| Murs |
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| Toits |
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Informations complémentaires
| Type de dossier |
Dossier d'oeuvre architecture |
|---|---|
| Référence du dossier |
IA79006031 |
| Dossier réalisé par |
Suire Yannis
Conservateur en chef du patrimoine au Département de la Vendée et directeur du Centre vendéen de recherches historiques à partir de 2017. |
| Cadre d'étude |
|
| Aire d'étude |
Vallée de la Sèvre Niortaise, Marais poitevin |
| Phase |
étudié |
| Date d'enquête |
2024 |
| Copyrights |
(c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Centre vendéen de recherches historiques |
| Citer ce contenu |
Pont de Magné, Dossier réalisé par Suire Yannis, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Centre vendéen de recherches historiques, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/7fdba343-0180-4f1c-bc51-b5d2e39a0875 |
| Titre courant |
Pont de Magné |
|---|---|
| Dénomination |
pont pont mobile |
| Statut |
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|---|
Localisation
Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Deux-Sèvres , Magné , rue du Grand port
Milieu d'implantation: en village
Lieu-dit/quartier: Bourg
Cadastre: 1833 A 1315 bis, 2024 AE