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Maisons et fermes : l'habitat à Marans (bords de Sèvre)
France > Nouvelle-Aquitaine > Charente-Maritime > Marans
Historique
1- Des témoignages anciens dans le patrimoine bâti
Les maisons et les logis de fermes ou d’anciennes fermes témoignent des différentes périodes de prospérité et de développement de Marans depuis la fin du Moyen Âge. Les éléments de construction antérieurs au 17e siècle, certes rares et discrets, évoquent bel et bien la présence, déjà importante, de la cité sur les bords de Sèvre. Rue Ernest-Bonneau, une maison repose sur un belle cave d’époque médiévale, vestige d’une construction qui devait se trouver aux abords immédiats du château. Six bâtiments présentent des éléments semblant remonter au 16e siècle : il s’agit généralement soit d’une date, avec ou sans inscription, remployée dans une façade reconstruite ensuite (1590 au 31 quai Clemenceau, 1591 au 8 rue des Fours), soit d’un escalier en vis et en pierre, généralement enchevêtré dans le parcellaire resserré de la vieille ville. Au 1 rue des Halles, une maison, bien qu'en partie remaniée au 20e siècle, a conservé l'emplacement de sa façade sur le mur pignon, une caractéristique héritée du Moyen Âge, et plusieurs petites ouvertures en plein cintre et à encadrement chanfreiné.
Dix autres bâtiments évoquent le 17e siècle et la première moitié du 18e siècle (par exemple 3 rue du Colombier et 41 rue Ernest-Bonneau), période d’essor économique et portuaire. Les grands dessèchements de marais ont laissé dans le paysage de nombreuses fermes ou « cabanes », mais aucune de celles-ci ne présente plus guère d’éléments remontant à cette époque : les inondations destructrices des premiers temps, puis les reconstructions des 19e et 20e siècles en ont sans doute eu raison. De la même façon, les digues sont encore ponctuées de quelques maisonnettes ou "huttes" qui, à partir du 18e siècle, ont abrité des "huttiers" chargés par les syndicats de marais de les surveiller ; là encore, la plupart des constructions, fragiles, ont été refaites au 19e siècle (par exemple les huttes de Norbeck, du Petit Saint-Louis et de Saint-Amand), si elles n’ont pas disparu.
Dans la vieille ville, le développement portuaire et commercial du 18e siècle s’est traduit par la multiplication de magasins et d’ateliers occupant souvent le rez-de-chaussée d’habitations. Beaucoup de ces magasins et ateliers se trouvaient le long de la Sèvre et des quais non encore aménagés, comme le montrent des plans des lieux au début du 19e siècle. Ces magasins et ateliers étaient repérables à leur large porte en plein cintre, avec un appui en retour sur la moitié de la largeur de l’ouverture. Il en reste manifestement deux témoins au 21 rue Ernest-Bonneau et au 10 rue du Petit Vendôme.
2- L'âge d'or urbain et portuaire inscrit dans la pierre
L’âge d’or urbain et portuaire que connaît Marans à partir de la fin du 18e siècle imprime sa marque dans le patrimoine bâti, avant tout parmi les maisons du centre-ville. Pas moins d’une soixantaine de maisons paraissent ainsi avoir été construites, en tout ou partie, entre les années 1770-1780 et les premières décennies du 19e siècle. Elles sont liées d’abord au développement du nouveau secteur autour de la rue d’Aligre, tracée à partir des années 1760-1770 et complétée par le pont de pierre en 1782. Bien que remaniée par la suite, la maison Kermau-Delaunay, devenue plus tard musée puis office du tourisme, est édifiée en 1771 à la faveur d’une des opérations immobilières développées à l’époque dans l’enceinte de l’ancien château, que transperçait le nouvel axe urbain.
Plusieurs maisons sont construites ou reconstruites à proximité du pont de pierre dans les années 1780-1800. Celle située à l’angle nord-ouest du pont, au 15 rue d’Aligre, et ses voisines, aux 2 et 4 quai Foch, témoignent de cette période, tout comme certaines maisons qui bordent la rue d’Aligre à proximité du pont, rive gauche. L’essor ne se limite pas aux rives de la Sèvre et à ses abords, comme le montrent de nombreuses habitations, généralement plus petites, disséminées dans les rues de la ville, notamment rue du Bateau ou rue de la Grève.
Le développement urbain de Marans se poursuit pendant toute la première moitié du 19e siècle, comme semblent en témoigner les quelque 200 habitations du centre-ville estimées de cette époque (soit près d’une maison sur quatre). Les maisons (et même quelques immeubles) continuent à se multiplier le long de la toute jeune rue d’Aligre. Surtout, l’édification des quais dans toute la traversée de Marans par la Sèvre, dans les années 1810-1840, s’accompagne d’opérations d’alignement, entraînant la reconstruction de nombreuses maisons ou de leurs seules façades. Les bords de Sèvre se parent alors de hautes façades au décor ostentatoire, quai Clemenceau et quai Foch.
Les nouvelles constructions se multiplient ensuite pendant toute la seconde moitié du 19e siècle, notamment pendant les années 1860-1870. La moitié des maisons inventoriées remontent probablement à cette période. Toutes les rues de la ville sont concernées, assurant l’extension de la cité au-delà de ses anciennes limites. Il faut toutefois noter le développement de deux secteurs en particulier : en amont du pont de pierre, les petites maisons colonisent les bords de Sèvre, s’intercalant entre les rares habitations jusqu’ici présentes à cet endroit ; au sud de la ville, l’implantation de la gare, en 1871, entraîne la création de nouveaux axes de circulation et de développement urbain (avenues de la Gare et de Verdun).
Certaines opérations immobilières fournissent l’occasion à des entrepreneurs et investisseurs de montrer leur réussite, à l’image d’André Deschamps, auteur non seulement de bâtiments publics (école, abattoirs), mais aussi de maisons pour son propre compte (lotissement des 10-36 avenue de la Gare, maison au 77 bis rue d’Aligre). Le long des quais du port, à proximité du bassin nouvellement aménagés, des entrepôts commerciaux prennent place entre les habitations. Si une dizaine de ces entrepôts - dont certains, rue de la Maréchaussée, pourraient remonter au 18e siècle - demeurent encore, le déclin de l’activité portuaire et commerciale de Marans à la fin du 20e siècle a eu raison de beaucoup d’autres. Enfin, dans les années 1860-1870, bon nombre de grandes cabanes de marais desséchés voient leur logis reconstruit et agrandi, notamment celles du Marais Sauvage.
Au début du 20e siècle, l’essentiel du développement urbain et historique de Marans est achevé. Preuve en est le nombre limité de maisons (vingt-cinq) relevé pour la première moitié du siècle. L’époque est marquée par quelques constructions se rapportant à l’architecture dite de villégiature, celle des bords de mer (cinq maisons de type villa relevées rue Gâte-Bourse, avenue de la Gare, avenue de Verdun et rue des Moulins). L’essor urbain de la ville reprend à partir des années 1970, avec la multiplication, plus ou moins maîtrisée et concertée, de l’habitat pavillonnaire, individuel ou en lotissement, surtout vers l’ouest de la cité ou en amont, le long de la Sèvre Niortaise.
Détail de l'historique
Périodes |
Principale : 16e siècle, 17e siècle, 18e siècle, 19e siècle, 1ère moitié 20e siècle |
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Description
1- Un habitat dense en centre-ville
La quasi-totalité des habitations relevées au cours de l’enquête sont présentes dans le centre-ville de Marans, englobé dans la zone d’étude d’un kilomètre en bord de Sèvre. 465 maisons et deux immeubles y ont été dénombrés.
Leur implantation par rapport à la rue et sur leur propre parcelle traduisent la forte densité de l’habitat dans le centre-ville. Ainsi, neuf sur dix sont des maisons attenantes, c’est-à-dire accolées les unes aux autres et ne disposant tout au plus que d’une petite cour. Les maisons indépendantes, bien plus rares, sont séparées les unes des autres par un espace occupé en cour ou en jardin. Neuf maisons sur dix sont placées en alignement sur la voie et forment alors de véritables fronts bâtis le long des rues. Deux immeubles du début du 19e siècle sont mêmes présents au carrefour entre la rue d’Aligre et la rue Gambetta. Les éventuelles arrière-cours constituent de petits espaces vides en cœur d’îlot, avec un accès par une rue à l’arrière (rue Evariste-Baron par exemple, en arrière de la rue d’Aligre).
Dans la partie est du centre-ville, maisons et communs s’alignent le long de petites rues qui descendent depuis la rue de la Guillerie, d’axe est-ouest, vers la rue du Bot Courant sous laquelle passe le cours d’eau du même nom. Ces ruelles aboutissaient à de petits ports qui leur ont laissé leurs noms : rue du Port-Loizeau, rue du Port-des-Dames, rue du Port-Tabarit.
La densité de l’habitat dans le centre-ville a une incidence sur la taille et la structure des logements. Les maisons qui y sont observées sont en majorité de petites habitations. Le nombre de travées (alignements verticaux d’ouvertures) en est un indice (plus ce nombre est élevé, plus la maison est large et spacieuse) : à Marans, les façades à deux travées seulement sont majoritaires (près de la moitié du total), suivies de loin par les façades à trois travées (un quart du total). Les façades à quatre travées et plus sont peu nombreuses.
La taille réduite des logements caractérise aussi les maisons en simple rez-de-chaussée, qui représentent près d’une habitation sur cinq. La plupart prennent place entre les façades plus hautes des maisons voisines, d’autres se regroupent le long de certaines rues, par exemple avenue de la Gare ou sur les deux rives de la Sèvre, en amont immédiat du pont de pierre. Les deux tiers d’entre elles ne possèdent en façade que deux ou trois ouvertures (une porte et une ou deux fenêtres). Il faut noter le nombre important de commerces ou d’anciens commerces dénombrés, même si beaucoup ont disparu sans laisser de traces apparentes en façade. 70 maisons abritant ou ayant abrité un magasin, le plus souvent au rez-de-chaussée d’un bâtiment à étage, ont ainsi été relevées.
Le bâti est moins dense à mesure que l’on s’écarte du centre historique, vers le sud le long de la route de La Rochelle, et le long des axes qui filent vers l’ouest (rues du Colombier, rue Madame-Lenfant, ancienne rue des Jardins, et rue de Bordeaux). Là, de plus en plus de cours et de jardins s’intercalent entre les maisons, ou bien ils se font plus larges en cœur d’îlot. Entre la rue Ovale et la rue du Petit-Both, au bout de la petite impasse de Bel-Ébat, à la frontière entre ville et zone portuaire, un grand espace libre de constructions accueille des jardins fermés sur l’impasse par des murs en pierre sèche interrompus par des portes piétonnes. C’est dans ces espaces plus ouverts que prennent place les treize anciennes fermes relevées dans le centre-ville, par exemple aux angles formés par les rues du Colombier, du Grand-Both et de Bordeaux. Rue des Moulins (si bien nommée), d’anciennes fermes étaient liées à une activité de meunerie disparue dès le 19e siècle.
Le décor des façades de tous ces bâtiments est généralement sobre. Dans la très grande majorité des cas, les façades sont en moellons de calcaire enduits. Les façades entièrement construites en pierre de taille sont rares, visibles surtout sur les maisons édifiées sur les quais dans la seconde moitié du 19e siècle. À la même époque, un soin plus grand est apporté à la répartition symétrique des ouvertures sur la façade, autour de la porte centrale. Auparavant, au 18e siècle et au début du 19e, beaucoup de façades présentaient une porte latérale ainsi que des linteaux en arc segmentaire. Enfin, un détail architectural semble davantage présent à Marans qu'ailleurs : une maison sur cinq possède des volets fixés, non pas directement à l’encadrement en pierre de l’ouverture comme cela se pratique généralement, mais à un encadrement en bois lui-même positionné sur la pierre. Cette configuration reste sans explication.
2- Maisons et fermes éparpillées dans les marais
En dehors du centre-ville, l’habitat à Marans est dispersé sur tout le vaste territoire communal. Dans les marais mouillés, surtout en amont de la cité, il se presse le long de la Sèvre Niortaise, où l’on retrouve les petites maisons qui se sont multipliées au 19e siècle. Ces habitations se font de plus en plus rares en amont de l’Antole. L’habitat est presque inexistant dans les marais mouillés en aval du port. Les maisons et fermes y sont rares, encore habitées (le Grand Enfreneau, la Renaissance) ou en état d’abandon (Landelène). Les huttes ne sont également plus qu’une poignée. Quatre ont été observées, à Norbeck, Saint-Louis, Saint-Amand et au pont des Alouettes.
De l’autre côté des digues, huit grandes fermes ou "cabanes" de marais desséchés ont été retenues dans la zone d’étude d’un kilomètre à partir de la Sèvre. Leurs voisines ont bien souvent vu leurs bâtiments remaniés à la fin du 20e siècle. La plupart des fermes observées ne sont plus en activité ; certaines (le Petit Mouillepied, la partie ancienne des Grandes-Alouettes) sont même en ruines. Toujours dans les marais desséchés, sont à signaler les quelques maisons qui servaient de logement aux gardiens chargés, jusqu’à il y a quelques années ou décennies, de surveiller et entretenir les portes situées à l’embouchure des canaux.
Les huit cabanes de marais desséchés relevées font partie des vingt-neuf fermes ou anciennes fermes qui ont été observées, avec les treize qui se trouvent en périphérie du centre-ville, le reste des fermes étant disséminé dans les marais mouillés. Dans les marais desséchés, presque toutes les fermes sont situées au bord d’un des principaux canaux de dessèchement des marais, en l’occurrence le canal du Marais-Sauvage et le canal de Vix : il s’agissait là d’axes de communication presque exclusifs au temps où les chemins d’exploitation n’existaient pas.
Quel que soit leur environnement géographique, la majorité des fermes, n’ayant pas manqué de place pour se développer, sont à bâtiments séparés, répartis autour d’une cour. Parmi les dépendances, huit grandes granges à façade placée sur le mur pignon ont été relevées, dont quatre sont dans les marais desséchés. Souvent, elles comprenaient deux corps de bâtiments parallèles et accolés. Cette forme architecturale témoigne de la pratique intensive de l’élevage dans les marais au 19e siècle et jusque dans les années 1950 ; une activité qui nécessitait de grands bâtiments pour abriter les troupeaux et entreposer leur nourriture.
Informations complémentaires
Présentation
En dehors des éléments remarquables du patrimoine, l’inventaire a permis de relever 511 maisons, maisons et fermes ou anciennes fermes sur une zone d’un kilomètre de part et d’autre de la Sèvre Niortaise (soit l’intégralité du centre-ville, mais aussi 23 habitations ou fermes isolées dans les marais tant mouillés que desséchés). Ont été prises en compte les constructions antérieures aux années 1960, à l’exception de celles pour lesquelles de récents remaniements rendent l’état d’origine illisible. Parmi ces 511 maisons et fermes ou anciennes fermes, 123 ont fait l’objet d’un dossier documentaire en raison de leur intérêt patrimonial, et 388 d'un repérage à des fins statistiques.
Type de dossier |
Dossier collectif |
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Référence du dossier |
IA17047024 |
Dossier réalisé par |
Suire Yannis
Conservateur en chef du patrimoine au Département de la Vendée et directeur du Centre vendéen de recherches historiques à partir de 2017. |
Cadre d'étude |
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Date d'enquête |
2017 |
Copyrights |
(c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel |
Citer ce contenu |
Maisons et fermes : l'habitat à Marans (bords de Sèvre), Dossier réalisé par Suire Yannis, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/c470d467-7abb-4ae4-bb47-8011a370d1aa |
Titre courant |
Maisons et fermes : l'habitat à Marans (bords de Sèvre) |
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Dénomination |
maison ferme |