Institut hélio-marin de Labenne

France > Nouvelle-Aquitaine > Landes > Labenne

L'institut hélio-marin est construit dans le cadre d'un projet de lotissement immobilier et à l'initiative de la Société anonyme immobilière de Labenne-Océan, créée le 22 septembre 1926 (siège social à Biarritz). Cette société est constituée de 12 membres ayant apporté chacun 500.000 francs. Le programme est ambitieux avec la réalisation de 14 km de routes et d’avenues d’une largeur uniforme de 10 m, l’installation de l’éclairage électrique public et l’amenée du courant devant chaque lot à vendre, l’adduction d’eau. On prévoit la construction de 5 hôtels, de villas, de magasins en bordure de la route de Labenne à la mer.

Parmi les membres fondateurs, Jules Bouville est membre d’une famille qui s’est investie dès la fin du 19e siècle dans des activités philanthropiques, en ouvrant en 1890 dans le Nord-Pas-de-Calais, à Berck-sur-Mer, une maison pour accueillir et soigner les jeunes garçons atteints de scrofule, c’est-à-dire une atteinte ganglionnaire de la tuberculose accompagnée souvent de lésions cutanées. En 1902, la famille Bouville fait construite un établissement qui est le premier de la station balnéaire à se voir doté de galeries de cure à tous les étages. Quatre frères Bouville vont contribuer au développement de ces établissements de santé à Berck, et notamment Jules qui fait construire en 1923 un institut hélio-marin. Dès 1929, le bâtiment est agrandi avec un second corps de logis, au nord du premier, quasiment identique, ce qui permet de doubler la capacité d’accueil, d’un côté pour les femmes, de l’autre pour les hommes.

A Labenne, dans le cadre du lotissement, Jules Bouville acquiert une parcelle de 4 hectares de dune et fait construire en 1929 un institut hélio-marin. Il ne s’arrête pas là puisqu’il va également acquérir en 1933 le sanatorium de Haut-Lévêque à Pessac à côté de Bordeaux. Il est donc à la tête d’un empire médical édifié pour la lutte contre la tuberculose.

A ce projet sont associés un médecin de Berck, le docteur Andrieu, et un architecte de Biarritz, Marcel Allary. Tous deux ont contribué à la création d'une "station modèle pour malades". Selon le premier, "les affections osseuses chroniques, celles des articulations et des ganglions, toutes les manifestations du rachitisme et de la scrofule doivent être traitées ailleurs que dans les villes, où elles sont si nombreuses, et soumises à une thérapeutique spéciale comprenant entre autres procédés l’utilisation des agents physiques : lumière et air marin […]. Les maladies osseuses chroniques ont besoin de soleil en climat marin [...]. L’exploitation en grand d’une ville créée pour les malades n’a jamais été tentée [...]. Capbreton, Hossegor auraient eu pour elles l’avantage d’exister déjà, mais outre qu’on n’y désire pas de malades et que les municipalités sont opposées à leur venue en nombre, ces stations sont plus éloignées de la grande ville et du centre d’approvisionnement qu’est Bayonne".

Selon le second, "il fallait tout prévoir puisqu’il n’y a rien" : deux hôpitaux, civil et militaire, une clinique payante pour les malades riches qui viendraient habiter les villas, une mairie, un marché, une église, une poste-télégraphe, un terrain de jeux, un terrain d’atterrissage pour avions (comme à Berck), un chemin de fer de Labenne à la côte, un hôtel. L'objectif est ambitieux : "Dans un an, Labenne-Océan ne sera plus cette dune nue, ni cet ensemble d’avenues si tranquilles au milieu des pins, mais un vrai village, non déboisé, avec son commerce, son mouvement particulier et ce cachet personnel d’une station de cure".

Le premier élément de ce vaste programme à construire est l'institut hélio-marin. Marcel Allary fournit les plans de l’ensemble des constructions projetées. Il avoue lui-même : "il est probable qu’il sera apporté quelques modifications car j’ai vu « grand » et qu’il faut compter avec la partie financière qui intervient là comme partout ailleurs". Pour des raisons économiques probablement, Jules Bouville reproduit le plan de l’institut hélio-marin de Berck à Labenne : on retrouve ainsi les plans de Berck/sur Mer avec le nom de la ville rayé et remplacé par Labenne.

Un rapport établi en août 1930 par le Dr Evrot fournit une description assez précise de l’organisation du bâtiment : "Il comprend un grand bâtiment avec galeries vitrées sur la façade midi opposée à l’océan. Au rez-de-chaussée et au 1er étage, il y a en tout 12 salles de 20 lits chacune soit 240 lits. Au rez-de-chaussée, malades du sexe masculin, avec d’un côté les enfants de 10 à 21 ans, de l’autre les adultes ; au 1er étage, les malades du sexe féminin et le même dispositif pour les fillettes et les femmes". Les travaux ne sont pas terminés à cette époque et le docteur souligne plusieurs lacunes : il n’y a pas de lazaret collectif ; toute la partie médicale n’est pas centralisée, le laboratoire et l’installation radioscopique ne sont pas encore terminés et sont situés au rez-de-chaussée dans une annexe, alors que la salle d’opération est au 1er et les deux petites salles de pansement au rez-de-chaussée ; il n’y a pas de local pour la désinfection des pansements ; il souligne aussi l’absence de réfectoire, les malades mangent au milieu des dortoirs (…).

Même inachevé, l’institut hélio-marin accueille déjà 115 malades en 1930, pour une capacité totale prévue de 300 patients. L’établissement est finalement agréé le 2 mars 1931 par le ministre de la santé. Le fronton porte la date 1935 : à cette époque, le site est bien opérationnel.

Une lettre de Jules Bouville en 1935 indique que le préventorium tel que conçu en 1930 n’a pas été achevé faute de capitaux. Le plan d'un vaste édifice est effectivement conservé aux Archives départementales des Landes. Le "lazaret" ainsi dénommé sur les cartes postales de l'époque semble n'être qu'une partie du bâtiment projeté. En 1935, l’établissement accueille 250 malades au sanatorium et 122 au préventorium. Il est précisé que le sanatorium accueille hommes et femmes, tandis que le préventorium accueille les enfants, garçons et fillettes. Le préventorium est affecté aux malades non chirurgicaux (ganglionnaires, déficients, mauvais état général ou enfants à isoler d’un milieu contagieux) et le sanatorium destiné aux malades chirurgicaux. La fonction des espaces a sans doute évolué au fil du temps.

En raison de la rapide décroissance de l'incidence de la tuberculeuse, à la suite de la commercialisation de la streptomycine en 1946, les établissements sont reconvertis. De nouveaux bâtiments sont construits dans les années 1950, puis 1970 afin de s’adapter à de nouveaux soins (maison de retraite) et de nouvelles normes, ce qui modifie l’architecture d’origine. Des adjonctions sont apportées et les verrières sont obturées. Les aménagements intérieurs sont entièrement modifiés.

Le projet plus global de lotissement n'a été que partiellement réalisé : une vue aérienne du site en 1963 montre le tracé des avenues mais peu de constructions : parmi celles-ci, on peut mentionner la clinique chirurgicale, dite le Belvédère, dont le projet est porté par le docteur Touya, gendre de Jules Bouville. Des plans sont dressés en 1936 sous la direction de Robert Moulin, ingénieur spécialiste en béton armé. Il s’agit d’une clinique de chirurgie osseuse, d’orthopédie et de traumatologie destinée à accueillir les tuberculeux bénéficiaires de l’Aide Médicale Gratuite. Elle obtient l’agrément en 1939. Un temps occupée par la maison de retraite Korian, le site est aujourd'hui désaffecté. Un hôtel "Chez Nous" est également construit avec en rez-de-chaussée des commerces (détruit dans les années 2000), ainsi qu'une colonie de vacances Clairbois. La Seconde Guerre mondiale a sans doute ralenti le développement du lotissement puis d'autres stations, comme Capbreton et Hossegor, ont bénéficié de projets dans le cadre de la MIACA (Mission interministérielle d'aménagement de la côte aquitaine).

En 2007, l'institut hélio-marin est désaffecté et de nouveaux locaux sont construits à proximité du village de Labenne. Les bâtiments abandonnés se dégradent rapidement, d'autant plus que la situation est bloquée avec une procédure judicaire qui oppose les propriétaires et la commune, dans le cadre de la loi Littoral et du PLU. Finalement le site est acheté par la commune puis cédé au Conservatoire du littoral en 2019. Les bâtiments menacés par le recul du trait de côte, pollués (amiante), doivent être démolis en 2025-2026 afin de restaurer l'espace dunaire.

Périodes

Principale : 2e quart 20e siècle

Dates

1935, porte la date

Auteurs Auteur : Allary Marcel, architecte (attribution par source)

Les bâtiments sont situés sur la dune, au nord du parking de la plage centrale de Labenne-Océan. L'accès au site s'effectue par un portail surveillé par la maison du gardien. Des cartes postales anciennes permettent de restituer l'aspect d'origine : une allée menait vers le bâtiment principal, précédé d'un parterre.

Le bâtiment principal est construit selon un plan en T. La façade principale est rythmée de 7 travées de grandes baies vitrées. Un auvent formant galerie est supporté de poteaux en béton moulé. Côté sud, une vaste terrasse est aménagée, couverte d'une verrière au rez-de-chaussée et dégagée à l'étage. Le couronnement de la façade porte l'inscription INSTITUT HELIO-MARIN en béton moulé. Les terrasses de cure étaient ainsi placées sur les façades sud et est, dos tourné à l’océan afin de se protéger des vents violents. Elles étaient protégées par des auvents pour permettre l’exposition des malades tout en évitant l’insolation. Les nombreuses grandes baies favorisent la circulation de l’air et la pénétration de la lumière. L'architecture répond ainsi pleinement aux exigences médicales de l'époque.

Quelques cartes postales illustrent les intérieurs : le hall, les galeries et les terrasses de cure, les cuisines et le réfectoire, la salle d’analyse et la salle d’opération.

Des adjonctions ont profondément transformé le bâtiment : les ouvertures ont été remaniées, les verrières ont disparu, les terrasses sud ont été couvertes, une entrée a été greffée sur l'élévation nord, une annexe vient rompre le rythme de façade au nord-est. Les intérieurs ont été entièrement modifiés : ne subsistent qu'une partie de la balustrade d'escalier à l'étage.

Le site comprend outre le bâtiment principal d’autres espaces : l'aile nord-ouest est composée de deux bâtiments à étage dans l'alignement l'un de l'autre. La façade est marquée par une galerie formant terrasse. L'accès à l'étage s'effectue par un imposant escalier droit. Cette aile abritait la lingerie au rez-de-chaussée et des chambres à l'étage. Au nord du site se trouve un long bâtiment rectangulaire en rez-de-chaussée, ouvert par une série de fenêtres soulignées par une bande peinte en bleu. Il abritait les cuisines et réfectoires. Accolé sur le pignon est se trouve le fronton daté 1935. A l'angle nord-est, le lazaret est un bâtiment à étage de plan rectangulaire en béton, largement ouvert de baies vitrées. Sa façade sud est dotée d'une terrasse. L'accès à l'étage s'effectuait par un escalier à retour sur l'élévation est. Malgré l'état de ruine du bâtiment, on observe encore le système de double-vitrage qui permettait d'ajuster l'aération du bâtiment.

Une piscine, aménagée dans les années 1970, est aujourd'hui ensablée au sud du site.

L'ensemble est en mauvais état, ruiné. Les bâtiments soumis aux intempéries et au vandalisme sont voués à la destruction. Le site a été squatté et est devenu une friche immobilière livrée à l'urbex et aux graffitis, avant sa déconstruction programmée.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : béton

Toits
  1. béton en couverture
Étages

1 étage carré

Couvertures
  1. Type de couverture : terrasse

État de conservation
  1. menacé

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Landes , Labenne

Milieu d'implantation: en écart

Lieu-dit/quartier: Labenne-Océan

Cadastre: 2024 C 3671

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